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17/05/2006 | SUISSE | N°7B.56/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 mai 2006, 7B.56/2006


{T 0/2}7B.56/2006 /frs Arrêt du 17 mai 2006Chambre des poursuites et des faillites Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente,Meyer et Marazzi.Greffier: M. Braconi. Banque X.________,recourante, représentée par Me Alexandre Reil, avocat, contre Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud, enqualité d'autorité supérieure de surveillance, route du Signal 8, 1014Lausanne. gérance légale; encaissement des loyers, recours LP contre l'arrêt de la Cour des poursuiteset faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud,en qualité d'autorité supérieure de surveillance

, du10 mars 2006. Faits: A.L'immeuble n° 425 du registre fon...

{T 0/2}7B.56/2006 /frs Arrêt du 17 mai 2006Chambre des poursuites et des faillites Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente,Meyer et Marazzi.Greffier: M. Braconi. Banque X.________,recourante, représentée par Me Alexandre Reil, avocat, contre Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud, enqualité d'autorité supérieure de surveillance, route du Signal 8, 1014Lausanne. gérance légale; encaissement des loyers, recours LP contre l'arrêt de la Cour des poursuiteset faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud,en qualité d'autorité supérieure de surveillance, du10 mars 2006. Faits: A.L'immeuble n° 425 du registre foncier de la commune de A.________, estpropriété de Y.________ SA, dont B.________ est l'actionnaire unique. Parcontrat de bail du 18 décembre 1990, annoté au registre foncier et prolongépar avenant du 6 mars 1996, il est loué à B.________ pour la période du 1erjanvier 1991 au 31 décembre 2006 pour un loyer de 144'000 fr. par année. Unecédule hypothécaire au porteur de 6'500'000 fr. grevant cet immeuble enpremier rang a été nantie en faveur de la Banque X.________ pour un prêt àterme fixe de 8'000'000 fr. octroyé à B.________. B.B.aLe 12 octobre 1998, la Banque X.________ a requis sur la base de cettecédule une poursuite en réalisation de gage immobilier à l'encontre deY.________ SA pour un montant de 6'500'000 fr. avec intérêts à 10% l'an dèsle 6 juillet 1998. La poursuivie a fait opposition au commandement de payerqui lui a été notifié par l'Office des poursuites et faillites del'arrondissement de Nyon-Rolle. La mainlevée provisoire a été accordée tantpour la créance que pour le droit de gage à concurrence de 6'500'000 fr. avecintérêts à 5% l'an dès le 7 juillet 1998. B.b Le 12 octobre 1998, la Banque X.________ a aussi requis la gérance légalede l'immeuble. Par avis du 19 octobre 1998, l'office a avisé Y.________ SAqu'il encaisserait désormais les loyers; celle-ci s'étant opposée à cettemesure pour le motif que le loyer payé par B.________ lui était versé encompensation d'une créance dont ce dernier était titulaire à son égard,l'office a imparti à la poursuivante un délai de 10 jours pour ouvrir action. B.c Le 25 novembre 1998, la Banque X.________ a déposé une action enreconnaissance du droit de gage devant la Cour civile du Tribunal cantonalvaudois. De son côté, Y.________ SA a ouvert action en libération de dettedevant la même juridiction le 29 juin 1999. L'office a maintenu la gérance légale et chargé C.________ SA del'encaissement des loyers; par avis du 30 novembre 1998, il a invitéB.________ à s'acquitter des loyers en mains de la régie. Invoquant lacompensation, le prénommé s'y est refusé. B.d Par jugement du 29 septembre 2004, après jonction des causes, la Courcivile a rejeté l'action en libération de dette et accueilli l'action enreconnaissance du droit de gage en ce sens que ce droit comprend dès le 19octobre 1998 les loyers dus par les locataires. C.A la suite de cette décision, la Banque X.________ a demandé que la gérancelégale soit rétablie. Après divers échanges de correspondance et l'obtentionde nouveaux renseignements, l'office a, par avis du 11 juillet 2005, invitéla société D.________ SA - avec laquelle B.________ avait signé le 11 février2000 un bail de sous-location pour une durée initiale de cinq ans, du 1erjuin 2000 au 31 mai 2005 - à s'acquitter en ses mains des loyers à échoir dusà B.________; copie de cet avis a été adressée à ce dernier et à Y.________SA. Contre cet avis, B.________ a déposé plainte auprès du Président du Tribunald'arrondissement de la Côte, en qualité d'autorité inférieure desurveillance. Par prononcé du 26 septembre 2005, cette autorité a rejeté laplainte, en considérant que, vu le jugement de la Cour civile du 29 septembre2004, le droit de gage comprenait dès le 19 octobre 1998 les loyers dus parles locataires, donc également ceux dont la société sous-locataire étaitredevable, et que les loyers que celle-ci avait versés directement à lapropriétaire étaient dès lors soumis à la mainmise de l'office. Statuant le 10 mars 2006 sur le recours de B.________, la Cour des poursuiteset faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud, autorité supérieure desurveillance, a admis le recours et réformé la décision attaquée en ce sensque la plainte est admise et que l'avis de l'office du 11 juillet 2005 estannulé. D.La Banque X.________ forme un recours à la Chambre des poursuites et desfaillites du Tribunal fédéral, concluant à la réforme de cet arrêt dans lesens du rejet de la plainte et du maintien de l'avis de l'office. B. ________ propose le rejet du recours. La Chambre considère en droit: 1.En vertu de l'art. 19 al. 1 LP, toute décision de l'autorité cantonalesupérieure de surveillance peut être déférée au Tribunal fédéral dans les dixjours dès sa notification pour violation du droit fédéral ou de traitésinternationaux conclus par la Confédération, ainsi que pour abus ou excès dupouvoir d'appréciation. Interjeté en temps utile contre une décision de l'autorité supérieure desurveillance en matière d'avis aux locataires et fermiers au sens des art.152 al. 2 LP et 91 al. 1 ORFI, le présent recours est recevable. 2.2.1D'après l'autorité supérieure de surveillance, par son jugement au fond -définitif et exécutoire - sur l'action en reconnaissance du droit de gageouverte par la créancière gagiste contre le propriétaire (art. 93 al. 2ORFI), la Cour civile a jugé que le droit de gage comprend les loyers dus parle locataire, tout en admettant que l'immobilisation de ces loyers laisseintacte la faculté du locataire de compenser sa dette avec une créance qu'ildétient contre le propriétaire de l'immeuble, en sorte qu'il peut opposer cemoyen à l'office. Estimant devoir trancher la question de savoir si le droitde gage s'étend également aux sous-loyers dus par le sous-locataire aulocataire, elle a considéré que les créances de sous-location ne constituentpas des fruits civils et que les sous-loyers échappent ainsi au droit degage, même si le locataire principal encaisse le sous-loyer et ne s'acquittepas de ses propres obligations; en effet, il s'agit là d'un droit de gagemobilier du créancier gagiste immobilier sur les créances envers lelocataire, qui ne peut dès lors concerner les créances à l'égard dusous-locataire. Examinant ensuite les critiques de la créancière gagiste et de l'office,l'autorité supérieure a retenu que le jugement de la Cour civile ne traitepas la question des sous-loyers; en particulier, il n'est pas indiqué que lasociété Z.________ SA aurait versé la somme de 90'000 fr. commesous-locataire. En outre, à supposer qu'il règle le problème, ce jugementn'est pas opposable à B.________, qui n'était pas partie au procès. Quant àl'arrêt 7B.129/2001, il n'est d'aucun secours, car il ne vise pas lessous-loyers, mais les loyers. Et il importe peu, en l'espèce, que lessous-loyers soient versés sur un compte de la propriétaire, en vertu d'unmandat d'encaissement conféré à celle-ci par le sous-bailleur et locataireprincipal, puisque cette instruction de paiement ne génère aucun droit propreen faveur du propriétaire sur les loyers versés. La situation dusous-bailleur n'est pas assimilable à celle du tiers ayant obtenu lajouissance de l'immeuble par un acte du propriétaire tombant sous le coup del'art. 806 al. 3 CC. Enfin, aucun élément du dossier ne permet d'admettre lemoyen tiré du principe de la transparence. 2.2 A ces motifs, la recourante oppose quatre griefs:Tout d'abord, la gérance doit être instaurée dès que l'immeuble produit desloyers et il n'est pas décisif que ceux-ci soient dus directement aupropriétaire ou à un tiers au bénéfice d'un quelconque droit d'usage; or, enl'occurrence, la sous-locataire s'acquitte des loyers en mains dupropriétaire. Ensuite, B.________ commet un abus de droit (art. 2 al. 2 CC)en se prévalant de la dualité juridique entre lui-même et la sociétépropriétaire pour prétendre prélever personnellement des loyers; il doit êtreconsidéré comme le propriétaire et la société D.________ SA comme lalocataire. En outre, l'art. 806 al. 3 CC accorde un droit de préférence auxcréanciers gagistes contre les actes du propriétaire; or, le contrat desous-location a été conclu pour soustraire les revenus locatifs auxcréanciers poursuivants et il ne leur est donc pas opposable. Enfin, ledispositif du jugement de la Cour civile reconnaît l'extension du droit degage aux loyers et la motivation de cette décision ne peut pas êtreinterprétée contre son dispositif. De son côté, l'intimé expose qu'il est injuste que le locataire, qui n'est nipropriétaire de l'immeuble ni débiteur de la dette, voie sa situationaggravée en ce sens qu'il ne pourrait plus compenser les loyers avec sacréance d'actionnaire. De plus, il y a un risque que tant le loyer que lesous-loyer doivent être versés à l'office. Les conditions d'un abus de droitne sont pas davantage réunies, dès lors que l'immeuble a été tout d'abordloué pendant quatre ans, les actions de Y.________ SA n'ayant été acquisesque par la suite. L'art. 806 al. 3 CC ne trouve pas application, n'étant paslui-même propriétaire de l'immeuble. Enfin, le jugement de la Cour civile nelui est pas opposable; de toute façon, on ne peut l'interpréter de manièreextensive en ce sens qu'il concernerait les sous-loyers. 3.3.1Dans la poursuite en réalisation de gage immobilier, si le créanciergagiste poursuivant exige que le gage comprenne les loyers et fermages (cf.art. 806 CC), l'office avise de la poursuite les locataires et les fermiers,et les invite à payer en ses mains les loyers et fermages qui viendront àéchéance (art. 152 al. 2 LP et 91 al. 1 ORFI). En même temps qu'il notifiecet avis, l'office informe le propriétaire qu'il lui est interdit depercevoir ces loyers et fermages ou d'en disposer (art. 92 al. 1 ORFI). Lagérance légale de l'immeuble et l'immobilisation des loyers et fermages selonces dispositions ont le caractère de mesures conservatoires urgentes jusqu'àce que le créancier gagiste requière la réalisation de l'immeuble (Gilliéron,Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite,n. 34 ad art. 152 LP); à compter de la réquisition de vente, l'office despoursuites pourvoit en effet à la gérance de l'immeuble de la manière prévue,en matière de poursuite par voie de saisie, dès la date de la saisie (art.101 ORFI; Gilliéron, op. cit., n. 36 ad art. 152 LP). Si le propriétaire dugage soutient que les loyers et fermages ne sont pas compris dans le gage(art. 92 al. 2 ORFI), l'office doit fixer au créancier un délai de 10 jourspour ouvrir action en reconnaissance du droit de gage contesté sur les loyerset fermages (art. 93 al. 2 ORFI). Si un tiers soutient que les loyers et fermages ne doivent pas être pris enconsidération dans la poursuite en réalisation du gage, l'office est tenu desuivre la procédure des art. 106 ss LP (Känzig/Bernheim, in: BaslerKommentar, n. 32 ad art. 152 LP; Jacques Reymond, Le nouveau droit de lapoursuite, in: Les gages immobiliers, Constitution volontaire et réalisationforcée, Bâle/Genève/Munich 1999, p. 211). De même, lorsque, comme ici, untiers - qui se prévaut de sa qualité de locataire et non de propriétaire dugage - conteste l'extension du droit de gage sur des montants qu'il qualifiede «sous-loyers», l'office doit prendre sous sa garde les créanceslitigieuses en avisant les débiteurs de s'en acquitter en ses mains (art. 152al. 2 LP et 91 al. 1 ORFI) et procéder conformément aux art. 106 ss LP. Ilincombe au juge civil de connaître des questions de fond. La mesureconservatoire prise à l'égard des loyers et fermages demeure, quant à elle,en force pendant la durée du procès civil (art. 93 al. 4 ORFI). Il n'appartient donc ni à l'office, ni aux autorités de surveillance en casde plainte, de se prononcer sur l'extension du droit de gage immobilier auxloyers et fermages ou aux sous-loyers et sous-fermages, d'examinerl'applicabilité du principe de la transparence (cf. ATF 121 III 319 consid.5a/aa p. 321) et, partant, de qualifier les sous-loyers de loyers parce quele locataire et le propriétaire du gage ne seraient qu'une seule et mêmepersonne, de prendre position sur la compensation objectée par le locataireou encore de vérifier le bien-fondé des droits invoqués par un tiers sur lesloyers ou les sous-loyers. Tous ces aspects de droit matériel sont de lacompétence du juge civil (ATF 115 III 18 consid. 3b p. 21; 113 III 2 consid.2b p. 3). 3.2 En l'espèce, en se prononçant sur la non-extension du droit de gage auxsous-loyers ainsi que sur d'autres questions de fond - par exemplel'application ou non du principe de la transparence - l'autorité supérieurede surveillance a excédé ses prérogatives. Il convient ainsi d'annuler sadécision, de confirmer la mesure de l'office et d'inviter ce dernier àprocéder conformément aux art. 106 ss LP. 4.Conformément aux art. 20a al. 1 LP, 61 al. 2 let. a et 62 al. 2 OELP, laprésente décision est rendue sans frais ni dépens. Par ces motifs, la Chambre prononce: 1.Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. 2.L'avis aux sous-locataires au sujet du paiement des loyers adressé àD.________ SA par l'Office des poursuites et faillites de l'arrondissement deNyon et de Rolle le 11 juillet 2005 est confirmé. 3.L'Office des poursuites est invité à suivre la procédure des art. 106 ss LP. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, à l'Office despoursuites et faillites de l'arrondissement de Nyon - Rolle et à la Cour despoursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud, en qualitéd'autorité supérieure de surveillance. Lausanne, le 17 mai 2006 Au nom de la Chambre des poursuites et des faillitesdu Tribunal fédéral suisse La présidente: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 7B.56/2006
Date de la décision : 17/05/2006
Chambre des poursuites et des faillites

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-17;7b.56.2006 ?
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