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16/05/2006 | SUISSE | N°H.68/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 mai 2006, H.68/05


Cause {T 7}H 68/05 Arrêt du 16 mai 2006IVe Chambre Mme et MM. les Juges Widmer, Schön et Frésard. Greffière : Mme Fretz S.________, recourant, représenté par Me Marc Lironi, avocat, boulevardGeorges-Favon 19, 1204 Genève, contre Caisse de compensation Gastrosocial, Heinerich Wirri-Strasse 3, 5001 Aarau,intimée Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 8 mars 2005) Faits: A.Fondée en décembre 1997, la société X.________ SA (ci-après: la société)avait pour but l'exploitation de restaurants et de cabarets. S.________ enétait l'administrateur unique, titulaire

de la signature individuelle, tandisque la gestion était assuré...

Cause {T 7}H 68/05 Arrêt du 16 mai 2006IVe Chambre Mme et MM. les Juges Widmer, Schön et Frésard. Greffière : Mme Fretz S.________, recourant, représenté par Me Marc Lironi, avocat, boulevardGeorges-Favon 19, 1204 Genève, contre Caisse de compensation Gastrosocial, Heinerich Wirri-Strasse 3, 5001 Aarau,intimée Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève (Jugement du 8 mars 2005) Faits: A.Fondée en décembre 1997, la société X.________ SA (ci-après: la société)avait pour but l'exploitation de restaurants et de cabarets. S.________ enétait l'administrateur unique, titulaire de la signature individuelle, tandisque la gestion était assurée par V.________, actionnaire. La société a étéaffiliée en tant qu'employeur auprès de la Caisse de compensation AVSGastrosuisse Aarau (ci-après: la caisse) du 15 octobre 1997 au 13 juin 1999. La faillite de la société a été prononcée le 18 janvier 2000. Par décision du 8 septembre 2000, la caisse a réclamé à S.________ laréparation du dommage encouru par elle dans la faillite de la sociétéX.________ SA, à concurrence d'un montant de 58'842 francs 40, lequelcorrespondait aux cotisations AVS-AI-APG-AC et les cotisations d'allocationsfamiliales restées impayées sur les salaires versés par la société pour lesannées 1998 et 1999 (y compris les frais de sommation, de poursuite et lesintérêts). B.S.________ ayant formé opposition, la caisse a porté le cas devant laCommission cantonale de recours en matière d'AVS-AI-APG (aujourd'hui:Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève). Elle a conclu à la levéede l'opposition et à la confirmation de la décision en réparation du dommagedu 8 septembre 2000, en demandant que l'administrateur S.________ soitcondamné au paiement d'un montant de 58'842 fr. 40. Par jugement du 8 mars 2005, le Tribunal des assurances a admis entièrementles conclusions de la caisse. C.S.________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugementdont il demande l'annulation, sous suite de dépens, en concluant au rejet dela demande de la caisse. L'intimée conclut implicitement au rejet du recours tandis que l'Officefédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer. Par lettre du 3 janvier 2006, l'intimée a informé le Tribunal fédéral desassurances que son dommage se montait à 36'633 francs 45, suite au versementd'un dividende de 22'208 francs 95 en date du 23 décembre 2005. Considérant en droit: 1.Le recours de droit administratif n'est pas recevable dans la mesure où lelitige a trait à la réparation du dommage consécutif au non-paiement decotisations au régime des allocations familiales de droit cantonal (cf. ATF124 V 146 consid. 1 et la jurisprudence citée). 2.Le litige porte sur la responsabilité du recourant pour le préjudice invoquépar l'intimée, au sens de l'art. 52 LAVS (dans sa teneur en vigueur jusqu'au31 décembre 2002, applicable en l'espèce [ATF 129 V 4 consid. 1.2] ) et de lajurisprudence y relative (ATF 126 V 237 consid. 2a, 123 V 170 consid. 2a, 122V 66 consid. 4a et les références), par la perte des cotisations paritairesafférentes aux années 1998 et 1999. La juridiction cantonale a exposécorrectement les règles légales et jurisprudentielles applicables en matièrede responsabilité de l'employeur et de connaissance du dommage, au sens desart. 52 aLAVS et 82 aRAVS, de sorte qu'il suffit de renvoyer à sesconsidérants. 3.La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus deprestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner àexaminer si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris parl'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faitspertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ouincomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles deprocédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2OJ). 4.Le recourant conteste tout d'abord sa responsabilité à raison d'unenégligence grave. En substance, il soutient qu'il a tenté à plusieursreprises d'intervenir auprès de V.________, en exigeant de ce dernier qu'ildésintéresse les créanciers sociaux. Toutefois, il estime avoir été trompépar celui-ci, qu'il accuse d'avoir commis des actes pénalementrépréhensibles, lesquels auraient empêché le recourant d'agir. Le recourantallègue d'autre part avoir confié à son mandataire, T.________, la charge denégocier avec la caisse le règlement et la mise à jour des dettes de lasociété auprès de cette dernière. Celui-ci n'a pas rempli sa mission, croyantà tort que la caisse était une créancière privilégiée dans la faillite. Cefaisant, il a commis une faute extrêmement grave selon le recourant, de sortequ'on ne saurait reprocher à ce dernier d'avoir fait preuve de négligence. 4.1 L'art. 716a al. 1 CO énumère les attributions intransmissibles etinaliénables des membres du conseil d'administration. En font partiel'exercice de la haute surveillance sur les personnes chargées de la gestion,pour s'assurer notamment qu'elles observent la loi, les règlements et lesinstructions données (ch. 5). Dans l'exercice de cette haute surveillance,l'administrateur répond de la cura in custodiendo (Adrian Kammerer, Dieunübertragbaren und unentziehbaren Kompetenzen des Verwaltungsrates, thèseZurich 1997, p. 226). C'est ainsi qu'il a non seulement le devoir d'assisteraux séances du conseil d'administration, mais également l'obligation de sefaire renseigner périodiquement sur la marche des affaires (Kammerer, op.cit., p. 186). Il est tenu de prendre les mesures appropriées lorsqu'il aconnaissance ou aurait dû avoir connaissance d'irrégularités commises dans lagestion de la société (Böckli, Schweizer Aktienrecht, 3ème éd.,Zurich/Bâle/Genève 2004, p. 1535, 1555, n° 313, 377;Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel, Schweizerisches Aktienrecht, Berne 1996, § 30n° 49). 4.2 Il ressort des constatations des premiers juges que le recourant s'estinquiété du non-paiement par la société des charges sociales. Il a en effetconvoqué le 26 avril 1999 une assemblée extraordinaire de la société avecnotamment à l'ordre du jour la question de la remise de la comptabilité au 31mars 1999, y compris les déclarations AVS. Il avait été convenu, à cetteoccasion, que les créances sociales seraient payées en mai 1999. Le recourantavait même demandé à ce que le produit de la vente du fonds de commerce serveà payer les dettes envers la caisse. Malgré ces démarches, il n'apparaît pasque le recourant se soit soucié du paiement effectif des cotisationsd'assurances sociales, ni même qu'il se soit renseigné à ce sujet auprès dela caisse. A cet égard, le recourant ne saurait s'exculper en invoquant avoirété empêché d'agir par V.________. La juridiction cantonale a en effetrappelé que selon la jurisprudence, le fait qu'un tiers intervienne dans lagestion au point d'empêcher l'intéressé de remplir ses obligations ne sauraitexcuser celui-ci. Dans un tel cas, l'administrateur est tenu de démissionner.Or, non seulement le recourant ne l'a pas fait, mais il s'est fermementopposé à la révocation de son mandat d'administrateur, obtenant desactionnaires qu'il soit confirmé dans ses pouvoirs.Au demeurant, même s'il devait s'avérer que V.________ a commis des actespénalement répréhensibles, trompant ainsi le recourant, cela ne changeraitrien à sa responsabilité car ce dernier devait exercer son devoir desurveillance et de contrôle indépendamment des circonstances concrètes ducas, ce qu'il n'a pas fait. Ce faisant, il a commis une faute grave, d'autantplus qu'étant l'unique administrateur de la société, son devoir desurveillance était soumis à des exigences élevées (cf. arrêt L. du 8 octobre2002, H 149/02, résumé in PJA 2003, p. 1460 et les références citées). 5.Dans un second moyen, le recourant soutient que la gravité de la faute deV.________, d'une part, et celle de T.________, d'autre part, était tellequ'elle reléguait sa propre faute au second plan. 5.1 Selon la jurisprudence, pour déterminer si la relation de causalité entrel'acte de l'auteur et le résultat dommageable est adéquate, il y a lieu de sedemander non pas si le fait imputé à l'auteur aurait éventuellement pu causerà lui seul le résultat, mais si les autres circonstances qui ont concouru àla réalisation du résultat ne présentent pas, par rapport au fait del'auteur, un caractère trop exceptionnel. Ce n'est donc que s'il esthautement improbable, d'après le cours ordinaire des choses et l'expériencede la vie, que le second événement qui a concouru à la survenance du résultatse produise par suite de l'acte de l'auteur et de ses conséquences, que lerapport de causalité adéquate pourrait être nié (cf. arrêt G. du 30 mai 2001,4C.6/2001). 5.2 En l'espèce, il convient de se demander si l'existence du lien decausalité adéquate entre le comportement illicite du recourant et le dommagesubi par la caisse a véritablement été rompu par le comportement fautif queV.________ et T.________ ont adopté dans la gestion de la société. Au regard des principes posés ci-dessus en matière de rupture du lien decausalité adéquate, on peut le nier, étant donné que les circonstancesinvoquées n'avaient rien de si exceptionnel et imprévisible au point dereléguer à l'arrière-plan la violation de son devoir de surveillance par lerecourant. On doit plutôt admettre que c'est en priorité la violation, par lerecourant, de son devoir de surveillance qui a entraîné des conséquencesdommageables pour l'intimée. Il apparaît que c'est donc bien la faute durecourant qui est la cause primaire de la perte des cotisations subie par lacaisse. La causalité n'a par conséquent pas été interrompue par le fait queni V.________ ni T.________ n'ont payé les cotisations sociales (cf. aussiarrêt T. du 21 janvier 2004, H 267/02 consid. 6.2). 6.En ce qui concerne le montant du dommage, la caisse a informé le Tribunalfédéral des assurances, le 3 janvier 2006, qu'un dividende de 22'208 fr. 95lui a été versé en date du 23 décembre 2005 dans la faillite de la société,de sorte que le solde en sa faveur s'élevait à 36'633 fr. 45. Eu égard aufait que la créance en réparation du dommage concerne partiellement descotisations aux allocations familiales, le montant dont la caisse entenddemander la réparation en vertu du droit fédéral n'équivaut pas à 36'633 fr.45 (supra consid. 1). Il n'appartient cependant pas au Tribunal fédéral desassurances, qui n'est pas en mesure d'établir le décompte des cotisations dedroit fédéral encores dues, de statuer définitivement sur la créance de lacaisse. La cause sera donc renvoyée à la caisse pour qu'elle fixe le montantexact du dommage dont la réparation peut être demandée en vertu de l'art. 52LAVS et statue à nouveau sur ce point. Dans cette mesure, le recours serapartiellement admis. 7.Le recourant, qui n'obtient que très partiellement gain de cause dans lamesure où sa responsabilité doit être retenue dans son principe, peutprétendre une indemnité de dépens réduite à charge de l'intimée (art. 159 al.1 OJ).Dès lors qu'elle ne porte pas sur l'octroi ou le refus de prestationsd'assurance, la procédure est onéreuse (art. 134 OJ a contrario). Vu le sortdu litige, les frais de justice sont mis pour trois quart à charge durecourant et pour un quart à charge de l'intimée. Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Dans la mesure où il est recevable, le recours est partiellement admis. Lejugement du Tribunal des assurances sociales du canton de Genève, du 8 mars2005, est annulé dans la mesure où il fixe à 58'842 fr. 40 le montant dudommage à la charge de S.________. 2.La cause est renvoyée à la Caisse de compensation GastroSocial pour qu'ellefixe, par une nouvelle décision, le montant du dommage, conformément auconsidérant 6. 3.Les frais de justice, consistant en un émolument de 4'000 fr. sont mis, pourtrois quart (3'000 fr.) à la charge de S.________ et, pour un quart (1'000fr.) à la charge de la Caisse de compensation GastroSocial. Les frais à lacharge du recourant sont compensés avec l'avance de frais de 4'000 fr. qu'ila versée; la différence, d'un montant de 1'000 fr., lui est restituée. 4.La Caisse de compensation GastroSocial versera à S.________ la somme de 800fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instancefédérale. 5.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal desassurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales. Lucerne, le 16 mai 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances La Juge présidant la IVe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.68/05
Date de la décision : 16/05/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-16;h.68.05 ?
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