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15/05/2006 | SUISSE | N°6P.48/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 mai 2006, 6P.48/2006


{T 0/2}6P.48/20066S.98/2006 /svc Arrêt du 15 mai 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Zünd.Greffier: M. Oulevey. X. ________,recourante, représentée par Mes Patrice Le Houelleur et Eric Hess, avocats, contre Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Chambre pénale de la Cour de justice du cantonde Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3. 6P.48/2006Art. 9 et 32 Cst., 6 § 2 CEDH (procédure pénale); arbitraire, droit d'êtreentendu, principe "in dubio pro reo", 6S.98/2006Abus de confiance, recours de droit public (6

P.48/2006) et pourvoi en nullité (6S.98/2006)contre l'arrêt de l...

{T 0/2}6P.48/20066S.98/2006 /svc Arrêt du 15 mai 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Zünd.Greffier: M. Oulevey. X. ________,recourante, représentée par Mes Patrice Le Houelleur et Eric Hess, avocats, contre Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Chambre pénale de la Cour de justice du cantonde Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3. 6P.48/2006Art. 9 et 32 Cst., 6 § 2 CEDH (procédure pénale); arbitraire, droit d'êtreentendu, principe "in dubio pro reo", 6S.98/2006Abus de confiance, recours de droit public (6P.48/2006) et pourvoi en nullité (6S.98/2006)contre l'arrêt de la Chambre pénale de la Cour de justice du canton de Genèvedu 23 janvier 2006. Faits: A.X. ________ est la fille de AA.________ et BA.________, qui sont notammenttitulaires, auprès de la Banque Y.________ SA à Z.________, des comptes"R.________" et "S.________". Elle disposait, sur ce dernier, d'uneprocuration individuelle pour des retraits jusqu'à 30'000 fr. par mois. Lesdeux comptes étaient gérés par T.________, lequel s'occupait aussi du compte"U.________" des époux KB.________ et LB.________.A partir de 2001, X.________ a opéré divers prélèvements par caisse au débitdu compte "S.________", en dépassant la limite mensuelle de 30'000 francs.Pour ce faire, elle s'adressait directement à T.________. A plusieursreprises, elle a indiqué à celui-ci qu'elle ne souhaitait pas que son pèrefût informé des retraits avant qu'elle ne lui en ait parlé.Au printemps 2002, AA.________ a annoncé qu'il passerait à la banque le 24avril. La veille de son arrivée, pour lui cacher le débit du compte"S.________", T.________ a transféré la somme de 1'520'000fr. du compte"R.________" au compte "S.________", non sans avoir préalablement imprimé,pour le compte R.________, un bien-trouvé au 22avril, afin que AA.________ne remarque pas la manoeuvre.Plus tard, AA.________ a annoncé qu'il ferait un nouveau passage à la banquele 6 août 2002. Cette fois, T.________ a débité le compte "U.________" desépoux B.________ de deux montants de 1'535'000 et 520'000 fr., dont il acrédité les comptes "R.________" et "S.________".La banque a déposé plainte pénale le 31 juillet 2003 contre T.________ etX.________. T.________ a été condamné par ordonnance de condamnation du 29septembre 2004 à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et à 10'000 fr.d'amende pour abus de confiance aggravé; il n'a pas fait opposition.AA.________ a remboursé l'intégralité des montants débités du compte"U.________". B.Par arrêt du 23 janvier 2006, confirmant sur appel un jugement rendu le 6juin 2005 par le Tribunal de police, la Chambre pénale de la Cour de justicedu canton de Genève a reconnu X.________ coupable d'instigation à abus deconfiance (art. 24 et 138 CP) et l'a condamnée à deux mois d'emprisonnement,peine assortie du sursis à l'exécution avec un délai d'épreuve de trois ans.Elle a considéré qu'en demandant à T.________ de ne pas informer son père del'état réel du compte "S.________", X.________ avait explicitement suggéré àce gestionnaire de prendre l'argent sur un autre compte afin de renflouer lecompte "S.________" et qu'elle ne pouvait pas ne pas avoir envisagé que, pourrespecter ses instructions de silence, T.________ devrait commettre uneaction de l'ordre de celle qu'il a commise. C.Contre cet arrêt, dont elle demande l'annulation, X.________ interjette unrecours de droit public et un pourvoi en nullité.Invité à se déterminer sur le recours de droit public, le Procureur généraldu canton de Genève a conclu à son rejet. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Conformément à l'art. 275 al. 5 PPF, lorsqu'une décision fait à la foisl'objet d'un recours de droit public et d'un pourvoi en nullité, il convienten principe d'examiner d'abord le recours de droit public. Rien en l'espècene justifie de déroger à cette règle. I. Recours de droit public 2.La recourante se plaint d'une violation de son droit d'être traitée sansarbitraire par les organes étatiques, droit garanti par l'art. 9 Cst., plusprécisément d'appréciation arbitraire des preuves. 2.1 Selon la jurisprudence, l'arbitraire prohibé par l'art. 9 Cst. ne résultepas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération oumême qu'elle serait préférable. Une décision n'est annulée pour caused'arbitraire que lorsqu'elle est manifestement insoutenable, qu'elle setrouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle violegravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elleheurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il nesuffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore quela décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1p. 9 et les arrêts cités).Lorsque, comme en l'espèce, la partie recourante s'en prend à l'appréciationdes preuves et à l'établissement des faits, la décision n'est arbitraire quesi le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen depreuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyenimportant propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la basedes éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 129précité, ibid.).2.2 Il est incontesté que la recourante a dit à plusieurs reprises augestionnaire qu'elle ne souhaitait pas que son père fût informé des retraitsqu'elle avait effectués avant qu'elle ne lui en ait parlé. De ce seul fait,la cour cantonale a déduit que la recourante avait explicitement suggéré augestionnaire de prélever de l'argent sur un autre compte pour dissimuler lesretraits injustifiés. Pourtant, il est manifeste qu'il existait d'autresmoyens de cacher l'état réel de ses comptes au père de la recourante,certains de ces moyens revêtant un caractère délictueux, d'autres non. Ainsi,comme il l'avait fait lors du premier passage du père à la banque, legestionnaire aurait pu -semble-t-il-, s'il restait assez d'argent sur lescomptes, reconstituer momentanément le solde du compte "S.________", telqu'il devait apparaître, par un virement à partir de l'autre compte du pèrede la recourante, auquel il aurait ensuite présenté des bien-trouvés établisà un jour d'écart, dans l'espoir qu'il ne remarque pas la différence de datesentre les deux documents. Le gestionnaire aurait aussi pu prétexter d'unepanne informatique le jour où le père est passé à la banque, ou trouverquelque excuse pour ne pas le recevoir avant que la recourante ait trouvé lecourage de lui parler, ou encore falsifier les extraits du compte. Endéduisant du fait que la recourante a déclaré souhaiter que son père ne fûtpas informé des retraits injustifiés opérés sur le compte "S.________" lefait qu'elle aurait nécessairement envisagé que le gestionnaire prélèveraitde l'argent sur le compte d'un tiers, la cour cantonale a tiré desconclusions de fait insoutenables et, partant, arbitraires des preuvesfigurant au dossier.Que le gestionnaire n'ait tiré aucun profit personnel du détournement ainsicommis n'imposait pas davantage de conclure que la recourante avait donnél'instruction de prélever de l'argent sur le compte d'un tiers. Il se peuttout aussi bien que le gestionnaire ait cru comprendre que la recourante luiavait donné une telle instruction alors que celle-ci n'entendait pas, enréalité, aller aussi loin dans les moyens à mettre en oeuvre pour dissimulerles prélèvements injustifiés à son père. Il se peut même que le gestionnaireait décidé de son propre chef d'aller plus loin, pour dissimuler ses propresagissements à son client.Partant, la cour cantonale a, sur un point décisif, apprécié les preuves demanière arbitraire. Le recours de droit public doit dès lors être admis, sansqu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés. 2.3 Lorsque, comme en l'espèce, il admet un recours dirigé contre unedécision de la Confédération, d'un canton ou d'une commune dont les intérêtspécuniaires ne sont pas en jeu, le Tribunal fédéral doit rendre son arrêtsans frais (art. 156 al. 2 OJ). Le canton de Genève, qui succombe, versera àla recourante une indemnité à titre de dépens pour son recours de droitpublic (art. 159 al. 2 OJ).II. Pourvoi en nullité 3.Vu l'admission du recours de droit public, le pourvoi en nullité, qui portesur l'application du droit matériel aux faits arbitrairement constatés par lacour cantonale, n'a plus d'objet. La cause doit dès lors être rayée du rôle,sans frais.Comme la recourante a exercé deux recours, en prenant le risque que l'und'eux perde son objet ensuite de l'admission de l'autre, elle assume lesconséquences de la non entrée en matière sur son pourvoi. Il n'y a dès lorspas lieu de lui allouer une indemnité. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours de droit public est admis et l'arrêt entrepris annulé. 2.Le pourvoi en nullité est sans objet et la cause le concernant rayée du rôle. 3.Il n'est pas perçu de frais de justice. 4.Le canton de Genève versera à la recourante, pour son recours de droitpublic, une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens. 5.Il n'est pas alloué d'indemnité à la recourante pour son pourvoi en nullité. 6.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, auProcureur général et à la Chambre pénale de la Cour de justice du canton deGenève. Lausanne, le 15 mai 2006 Au nom de la Cour de cassation pénaledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6P.48/2006
Date de la décision : 15/05/2006
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-15;6p.48.2006 ?
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