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12/05/2006 | SUISSE | N°6S.108/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 mai 2006, 6S.108/2006


{T 0/2}6S.108/2006 /viz Arrêt du 12 mai 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Karlen.Greffier: M. Oulevey. A. ________,recourant, représenté par Me Claude Jeannerat, avocat, contre B.________,intimé, représenté par Me André Gossin, avocat,Procureur général du canton de Berne,case postale, 3001 Berne. Légitime défense (lésions corporelles simples avec un objet dangereux), pourvoi en nullité contre le jugement de la 2ème Chambre pénale de la Coursuprême du canton de Berne du8 septembre 2005. Faits: A.Le 14 juillet 2002, à Moutier, B.________,

ressortissant d'Ex-Yougoslavied'origine macédonienne, a fermé sa ...

{T 0/2}6S.108/2006 /viz Arrêt du 12 mai 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Karlen.Greffier: M. Oulevey. A. ________,recourant, représenté par Me Claude Jeannerat, avocat, contre B.________,intimé, représenté par Me André Gossin, avocat,Procureur général du canton de Berne,case postale, 3001 Berne. Légitime défense (lésions corporelles simples avec un objet dangereux), pourvoi en nullité contre le jugement de la 2ème Chambre pénale de la Coursuprême du canton de Berne du8 septembre 2005. Faits: A.Le 14 juillet 2002, à Moutier, B.________, ressortissant d'Ex-Yougoslavied'origine macédonienne, a fermé sa discothèque à 3h30, puis s'est rendu avecses videurs et son barman dans une autre discothèque de la ville, pour yprendre une consommation. Environ une heure plus tard, alors qu'il setrouvait au bar, adossé à la barrière qui y fait face, un verre dans la maindroite et un cigare dans la main gauche, il a été approché par A.________. Cedernier, également ressortissant d'Ex-Yougoslavie mais d'origine albanaise,passablement alcoolisé et à la réputation de bagarreur, lui a demandépourquoi il lui interdisait l'entrée de sa discothèque. Une discussion vives'en est suivie. A.________ a alors mis sa main gauche sur le visage deB.________, entravant sa vue et sa perception des événements. Sur quoi,B.________, croyant que A.________ allait le frapper, lui a donné au visageun violent coup de la main droite, dans laquelle il tenait le verre, quis'est cassé en blessant A.________. Ce dernier est tombé sous l'effet du coupmais s'est rapidement relevé. Il a quitté l'établissement, accompagné de sesamis, pour se rendre à l'hôpital.Les médecins ont constaté qu'il présentait une plaie profonde du côté gauchedu cou et quatre plaies, dont une profonde, au visage, mais qu'il n'y avaitpas de lésion de la trachée. Il n'a jamais été en danger de mort imminent. Laguérison primaire des plaies n'a pas posé de problème, mais celles-ci ontlaissé des cicatrices gênantes, qui ont nécessité des opérations esthétiques.La victime a en outre souffert d'un stress post-traumatique, avecdéveloppement de problèmes musculaires et psychologiques, et elle a subi unelongue physiothérapie et une incapacité totale puis partielle de travailjusqu'au 13 juillet 2003. B.Par jugement du 14 juillet 2004, le Président 1 de l'arrondissementjudiciaire I Courtelary-Moutier-La Neuveville a acquitté B.________, qu'il anotamment libéré du chef de prévention de lésions corporelles, éventuellementlésions corporelles graves. Statuant sur appel de A.________, la 2ème Chambrepénale de la Cour suprême du canton de Berne a, par jugement du 8 décembre2004, confirmé l'acquittement de B.________. Elle a considéré que les faitsreprochés à l'accusé étaient constitutifs de lésions corporelles simples avecun objet dangereux (art. 123 ch. 2 CP), commises par dol éventuel, mais quecelui-ci avait agi en état de légitime défense putative, dont il n'avait pasexcédé les bornes. Au demeurant, l'eût-il fait, qu'il y aurait lieud'admettre que cet excès provenait d'un état excusable d'excitation ou desaisissement causé par l'attaque.Le 12 mai 2005, la Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral a admis unpourvoi en nullité interjeté par A.________, annulé l'arrêt cantonal etrenvoyé la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision (6S.29/2005).Sur le fond, elle a d'abord jugé que B.________ avait excédé les bornes de lalégitime défense, puis elle a retenu que l'autorité cantonale avait admissans justification suffisante que cet excès était dû à un état excusable desaisissement causé par l'attaque (au sens de l'art. 33 al. 2 phr. 2 CP). C.La 2ème Chambre pénale de la Cour suprême cantonale a statué sur renvoi le 8septembre 2005. Retenant derechef un état de saisissement excusable, elle aconfirmé à nouveau l'acquittement de B.________. D.A.________ se pourvoit à nouveau en nullité. Il se plaint d'une violation del'art. 33 al. 2 phr. 2 CP.Le Ministère public conclut au rejet du pourvoi.L'intimé B.________ en fait de même, en requérant en outre l'assistancejudiciaire. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.À teneur de l'art. 33 al. 2 phr. 2 CP, celui qui repousse une attaque enexcédant les bornes de la légitime défense n'encourra aucune peine si cetexcès provient d'un état excusable d'excitation ou de saisissement causé parl'attaque. L'auteur de l'excès n'encourt donc pas de peine dans la mesureseulement où l'attaque sans droit est la seule cause ou la causeprépondérante de l'excitation ou du saisissement de celui qui se défend, àcondition encore que la nature et les circonstances de l'attaque rendentexcusable cette excitation ou ce saisissement. Comme dans le cas du meurtrepar passion, c'est l'état d'excitation ou de saisissement qui doit êtreexcusable, non pas l'acte par lequel l'attaque est repoussée. La loi neprécise pas plus avant le degré d'émotion nécessaire; il ne doit pasforcément atteindre celui d'une émotion violente au sens de l'art. 113 CP,mais doit revêtir une certaine importance. Il appartient au juge d'apprécierde cas en cas si l'excitation ou le saisissement étaient suffisammentmarquants pour que l'auteur de la mesure de défense n'encoure aucune peine etde déterminer si la nature et les circonstances de l'attaque rendaientexcusable un tel degré d'émotion. Il sera d'autant plus exigeant que lariposte aura été plus nocive ou dangereuse. Mais il n'est pas nécessaire quela réaction ne paraisse pas fautive; il suffit qu'une peine ne s'impose pas.Malgré la formulation absolue de la loi, un certain pouvoir d'appréciationest laissé au juge (ATF 102 IV 1 consid. 3b p. 7; arrêt du 14 avril 1987, inSJ 1988 p. 121).Déterminer dans quel état se trouvait la personne attaquée est une questionde fait. Dire si cet état constaté est constitutif d'un état excusable desaisissement est par contre une question de droit que le Tribunal fédéralrevoit librement dans le cadre d'un pourvoi. 2.En l'espèce, l'autorité cantonale accorde un poids déterminant au fait quel'intimé a eu peur du recourant lorsque celui-ci lui a mis la main sur levisage. Mais peur ne signifie pas nécessairement état de saisissement au sensde l'art. 33 al. 3 CP. Certes, être pris à partie et molesté par un bagarreurivre et accompagné de comparses engendrera chez nombre de personnes un telétat émotionnel, d'autant plus si la configuration des lieux ne permet pas des'échapper. Mais la question à trancher en l'espèce est de savoir si l'intimése trouvait dans un tel état; à cet effet, il y a lieu d'examiner toutes lescirconstances du cas d'espèce, ce qui n'a pas été fait.L'autorité cantonale relève que l'intimé n'est pas une personneparticulièrement peureuse; mais elle ne discute pas ce que cela signifie pourla question à juger. Elle retient en outre que l'intimé dirige unediscothèque ouverte jusque tard dans la nuit, genre d'activité où il estnotoire qu'on a parfois affaire à des clients ivres et querelleurs; l'intimédevait donc être habitué à des situations semblables à celle à laquelle il aété confronté dans le cas d'espèce. En outre, au moment des faits, lerecourant était accompagné de ses videurs et de son barman; ce fait pouvaitle rassurer. L'autorité cantonale ne discute pas ces éléments spécifiques.L'autorité cantonale a nié toute importance à la constatation que l'intiméest resté au bar après les faits et donnait une apparence de tranquillité.Même si elle relève avec raison que c'est l'état émotionnel au moment desfaits qui est seul déterminant, il n'en demeure pas moins que l'état et lecomportement de l'intimé postérieurs aux faits peuvent constituer un indicepour juger de son état émotionnel au moment des faits, car d'ordinaire, on nese remet pas en quelques instants d'un état de saisissement.L'état de fait retenu ne permet dès lors pas de juger si c'est à bon escientqu'un état de saisissement au sens de l'art. 33 al. 2 CP a été retenu parl'autorité cantonale. Il convient dès lors d'admettre le pourvoi et d'annulerl'arrêt attaqué en application de l'art. 277 PPF. 3.Les indications de l'intimé laissant apparaître qu'il est dans le besoin, sarequête d'assistance judiciaire sera admise. Il ne sera dès lors pas astreintà payer les frais de justice et une indemnité sera versée à son défenseur(art. 152 OJ).La caisse du Tribunal fédéral indemnisera le recourant, qui obtient gain decause (art. 278 PPF). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le pourvoi est admis en application de l'art. 277 PPF. Le jugement attaquéest annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale. 2.La demande d'assistance judiciaire de l'intimé est admise. 3.Il n'est pas perçu de frais. 4.Une indemnité de 2'000 fr. est versée au recourant par la caisse du Tribunalfédéral. 5.Une indemnité de 1'000 fr. est versée au défenseur de l'intimé par la caissedu Tribunal fédéral. 6.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, auProcureur général et à la 2ème Chambre pénale de la Cour suprême du canton deBerne. Lausanne, le 12 mai 2006 Au nom de la Cour de cassation pénaledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.108/2006
Date de la décision : 12/05/2006
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-12;6s.108.2006 ?
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