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12/05/2006 | SUISSE | N°6P.59/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 mai 2006, 6P.59/2006


{T 0/2}6P.59/20066S.114/2006 /svc Arrêt du 12 mai 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Zünd.Greffière: Mme Kistler. X. ________, recourant,représenté par Me Freddy Rumo, avocat, contre Ministère public du canton de Neuchâtel,rue du Pommier 3, case postale 2672, 2001 Neuchâtel 1,Cour de cassation pénale du Tribunal cantonaldu canton de Neuchâtel, case postale 3174,2001 Neuchâtel 1. Procédure pénale, arbitraire (art. 9 Cst. et 6 § 2 CEDH); lésions corporellespar négligence (art. 125 CP), recours de droit public et pourvoi en nullité contre l

'arrêt du 2 février2006 de la Cour de cassation pénale du Tribunal...

{T 0/2}6P.59/20066S.114/2006 /svc Arrêt du 12 mai 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Zünd.Greffière: Mme Kistler. X. ________, recourant,représenté par Me Freddy Rumo, avocat, contre Ministère public du canton de Neuchâtel,rue du Pommier 3, case postale 2672, 2001 Neuchâtel 1,Cour de cassation pénale du Tribunal cantonaldu canton de Neuchâtel, case postale 3174,2001 Neuchâtel 1. Procédure pénale, arbitraire (art. 9 Cst. et 6 § 2 CEDH); lésions corporellespar négligence (art. 125 CP), recours de droit public et pourvoi en nullité contre l'arrêt du 2 février2006 de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton deNeuchâtel. Faits: A.En juillet 2004, un accident s'est produit sur la route Biaufond-LaChaux-de-Fonds, au lieu-dit La Rasse, où la chaussée, relativement étroite,décrit, dans le sens La Chaux-de-Fonds-Biaufond, un virage assez marqué versla droite, avec une visibilité restreinte en raison d'une paroi rocheuse àl'intérieur du virage. X.________ circulait dans la direction de Biaufond, auvolant de l'autobus postal reliant les deux localités précitées. Il a empiétéd'environ un demi mètre sur la voie nord de la chaussée, ce qu'il ne pouvaitéviter de faire compte tenu de la configuration des lieux et des dimensionsde son véhicule. Il a klaxonné à l'entrée des tunnels situés une centaine demètres avant la courbe, mais non juste avant de s'engager dans le virage, endépit de la mauvaise visibilité.Le motocycliste Y.________, qui circulait en sens inverse, au guidon d'unemoto de grosse cylindrée, a été surpris par l'arrivée de l'autobus, quiempiétait sur sa voie. Il a freiné, laissant une trace de freinage rectiligned'une dizaine de mètres, et est sorti de la route pour aller heurter unrocher qui la borde à cet endroit. Il a été sérieusement blessé. B.Par jugement du 21 décembre 2004, le Tribunal de police du district de LaChaux-de-Fonds a condamné X.________, pour lésions corporelles parnégligence, à une amende de 400 francs.Statuant le 2 février 2006, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonaldu canton de Neuchâtel a rejeté le pourvoi en cassation formé par X.________. C.Contre cet arrêt cantonal, X.________ dépose un recours de droit public et unpourvoi en nullité devant le Tribunal fédéral. Dans le recours de droitpublic, il critique l'établissement des faits, qu'il qualifie d'arbitraire.Dans le pourvoi, il s'en prend, pour l'essentiel, au rapport de causalité. Ilfait valoir que la faute du motocycliste, qui n'aurait pas tenu sa droite, arompu le lien de causalité. Dans les deux recours, il conclut à l'annulationde l'arrêt attaqué. Le Tribunal fédéral considère en droit: I. Recours de droit public 1.1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre unedécision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens(art. 84 al. 1 let. a OJ). Il n'est en revanche pas ouvert pour se plaindred'une violation du droit fédéral, qui peut donner lieu à un pourvoi ennullité (art. 269 al. 1 PPF); un tel grief ne peut donc pas être invoqué dansle cadre d'un recours de droit public, qui est subsidiaire (art. 84 al. 2 OJ;art. 269 al. 2 PPF). 1.2 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir,sous peine d'irrecevabilité (cf. ATF 123 II 552 consid. 4d p. 558), un exposésuccinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés etpréciser en quoi consiste la violation. Saisi d'un recours de droit public,le Tribunal fédéral n'examine ainsi que les griefs expressément soulevés, etexposés de façon claire et détaillée, le principe jura novit curia étantinapplicable (ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31).Dès lors, le justiciable qui exerce un recours de droit public pourarbitraire ne peut pas se borner à critiquer la décision attaquée comme il leferait en procédure d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une librecognition. Il ne peut, en particulier, se contenter d'opposer son opinion àcelle de l'autorité cantonale, mais il doit démontrer, par une argumentationprécise, que cette décision repose sur une application de la loi ou uneappréciation des preuves manifestement insoutenables (ATF 130 I 258 consid.1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120; 128 I 295 consid. 7a p. 312;125 I 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités). 2.Dans un acte de recours peu clair et touffu, qui s'apparente à uneplaidoirie, le recourant critique l'établissement des faits, qu'il qualified'arbitraire (art. 9 cst.).2.1 Dans un premier moyen, le recourant reproche à la cour cantonale d'êtretombée dans l'arbitraire en ne retenant pas qu'il avait actionné sonavertisseur acoustique dans les tunnels précédant le virage où l'accident aeu lieu. Il soutient que l'avertisseur acoustique à trois tons, réservé auxroutes de montagne, a une puissance telle qu'il devait nécessairement êtreentendu par le motocycliste lorsqu'il a été actionné dans les tunnels.Ce grief n'est pas pertinent. En effet, les art. 40 LCR et 29 al. 2 OCR, dontla violation est reprochée au recourant, imposent au conducteur de donner dessignaux acoustiques juste avant de s'engager dans le virage dépourvu devisibilité. Le fait que le recourant a ou non actionné son avertisseur dansles tunnels, situés 100 mètres avant le virage, est donc sans importance. Laconclusion - du reste non contestée par le recourant - que le recourant n'apas klaxonné avant de s'engager dans le virage n'a ainsi rien d'arbitraire.Infondé, le grief soulevé doit être écarté. 2.2 Le recourant fait valoir que la cour cantonale a versé dans l'arbitraireen retenant que l'absence de signal sonore aurait provoqué la surprise dumotocycliste, qui aurait perdu la maîtrise de son véhicule. Il soutient, aucontraire, qu'en klaxonnant dans la courbe, il aurait encore plus surpris lemotard.Par son argumentation, le recourant ne démontre pas le caractère arbitrairede la conclusion de la cour cantonale, mais se borne à présenter sa propreversion des faits. Insuffisant motivé, le grief soulevé est irrecevable.Au demeurant, il y a lieu de souligner que la manière de voir du recourantn'est guère convaincante, dans la mesure où on peine à imaginer qu'un motardpuisse être plus surpris par un signal sonore, qui laisse un certain tempspour réagir, que par l'arrivée d'un autobus, qui empiète sur sa partie deroute. En outre, contrairement à ce que semble croire le recourant,l'avertisseur ne doit pas être actionné dans le virage, mais bienimmédiatement avant. 2.3 Le recourant se plaint d'arbitraire, reprochant à la cour cantonale de nepas avoir retenu que le motocycliste n'avait pas tenu correctement sa droite.Elle aurait également omis de tenir compte du temps de réaction du motardavant de freiner et aurait de la sorte occulté la faute de ce dernier,exagérant, du coup, la faute imputée au recourant.Dans la mesure où le recourant s'en prend au comportement du motocycliste,ses griefs ne sont pas pertinents. La circonstance exceptionnelle à l'originede l'accident consiste dans le franchissement de la ligne de sécurité parl'autobus et le défaut de toute mesure de précaution visant à diminuer cedanger. Il est sans pertinence de savoir si le motocycliste a commis unefaute et, dans l'affirmative, de déterminer si celle-ci est grave ou légère,car le droit pénal ne connaît pas la compensation des fautes. La seulequestion qui se pose est de savoir si le comportement du motocycliste,consistant à ne pas tenir sa droite, constitue une circonstanceextraordinaire, propre à rompre le lien de causalité. Or, comme on le verradans le pourvoi, un tel comportement n'a rien d'exceptionnel. 2.4 Le recourant fait valoir que la cour cantonale aurait mal apprécié lesfaits en ne retenant pas la rupture d'un éventuel lien de causalité, due àla faute concomitante et prépondérante du motocycliste.La question du lien de causalité adéquate et de la rupture de ce lien, quirelève de l'application du droit pénal fédéral, doit être soulevée dans unpourvoi. Le grief soulevé est donc irrecevable dans un recours de droitpublic. 3.Dans la mesure où il est recevable, le recours de droit public doit êtrerejeté.Succombant, le recourant doit être condamné aux frais (art. 156 al. 1 OJ).II. Pourvoi en nullité 4.Selon l'art. 125 al. 1 CP, celui qui, par négligence, aura fait subir à unepersonne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé sera, surplainte, puni de l'emprisonnement ou de l'amende. La réalisation de cetteinfraction suppose la réunion de trois conditions: l'existence de lésionscorporelles, une négligence et un lien de causalité entre la négligence etles lésions. 4.1 La première condition est réalisée en l'espèce, puisque le motocyclisteest sorti de la route pour aller heurter un rocher qui la borde et qu'il aété sérieusement blessé. 4.2 Pour qu'il y ait lésions corporelles par négligence, il faut que l'auteurait, d'une part, violé les règles de prudence que les circonstances luiimposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible et que,d'autre part, il n'ait pas déployé l'attention et les efforts que l'onpouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir (ATF 122 IV 17 consid.2b p. 19 s.). Pour déterminer plus précisément les devoirs imposés par laprudence, on peut se référer à des normes édictées par l'ordre juridique pourassurer la sécurité et éviter des accidents (ATF 122 IV 17 consid. 2b/aa p.20). S'agissant en l'espèce d'un accident de la route, il convient de seréférer aux règles de la circulation routière (ATF 122 IV 133 consid. 2a p.135).L'art. 40 al. 1 LCR prévoit que le conducteur avertira les autres usagers dela route si la sécurité de la circulation l'exige. En particulier, il donnerades signaux acoustiques sur les routes étroites à l'extérieur des localités,avant de s'engager dans un virage serré et dépourvu de visibilité (art. 29al. 2 in fine OCR).En l'espèce, le recourant a empiété d'environ un demi mètre sur la voie nordde la chaussée. Le franchissement de la ligne de sécurité en tant que tel nepeut cependant être imputé à faute au recourant (cf. art. 34 al. 2 LCR), dèslors que celui-ci était obligé d'empiéter sur la voie opposée compte tenu dela configuration des lieux et des dimensions de son véhicule. Comme un telempiétement dans une courbe sans visibilité présentait un danger, lerecourant devait user de son avertisseur sonore avant de s'engager dans levirage pour avertir de son arrivée les usagers venant en sens inverse. Or, ila été retenu - et le recourant ne le conteste pas - qu'il n'a pas pris cetteprécaution. Il est à cet égard sans importance que le recourant ait ou nonusé de son avertisseur dans les tunnels précédant le virage, puisque ceux-ciétaient éloignés d'une centaine de mètres. En franchissant la ligne desécurité, dans un virage sans visibilité, sans actionner son avertisseur, lerecourant a violé les art. 40 al. 1 LCR et 29 al. 2 in fine OCR. Cetteviolation du devoir de prudence doit être considérée comme fautive, étantdonné que rien n'empêchait au recourant de se conformer à ses devoirs. 4.3 Il faut ensuite examiner si cette négligence est en relation de causalitéavec les lésions subies par la victime. 4.3.1 Un comportement est la cause naturelle d'un résultat s'il en constituel'une des conditions sine qua non; la constatation du rapport de causaliténaturelle relève du fait, ce qui la soustrait au contrôle de la Cour decassation; il y a toutefois violation du droit fédéral si l'autoritécantonale méconnaît le concept même de la causalité naturelle (ATF 122 IV 17consid. 2c/aa p. 23, 121 IV 207 consid. 2a p. 212). Lorsque la causaliténaturelle est retenue, il faut encore se demander si le rapport de causalitépeut être qualifié d'adéquat, c'est-à-dire si le comportement était propre,d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, à entraînerun résultat du genre de celui qui s'est produit; il s'agit là d'une questionde droit que la Cour de cassation revoit librement (ATF 122 IV 17 consid.2c/bb p. 23, 121 IV 207 consid. 2a p. 212 s.).En l'espèce, la cour cantonale n'a pas méconnu la notion de causaliténaturelle. Elle a retenu que le franchissement de la ligne de sécurité, lié àl'absence de tout avertissement, était la cause de la chute du motocyclisteet, partant, de ses blessures. Il est en outre dans l'ordre des choses quel'arrivée d'un autobus, qui franchit la ligne de sécurité, sans aucunavertissement, surprenne l'usager qui vient en sens inverse, de sorte que lanégligence du recourant se trouve dans un rapport de causalité adéquate avecles blessures subies par le motocycliste. 4.3.2 La causalité adéquate peut être exclue, l'enchaînement des faitsperdant sa portée juridique, si une autre cause concomitante, par exemple uneforce naturelle, le comportement de la victime ou d'un tiers, constitue unecirconstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire, quel'on ne pouvait pas s'y attendre. L'imprévisibilité d'un acte concurrent nesuffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il fautencore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause laplus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant àl'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener etnotamment le comportement de l'auteur (ATF 122 IV 17 consid. 2c/bb p. 23).Selon le recourant, c'est le motocycliste qui aurait provoqué l'accident; lecomportement fautif de ce dernier, consistant à ne pas tenir sa droite,aurait rompu le lien de causalité. La circonstance à l'origine de l'accidentconsiste sans conteste dans le franchissement de la ligne de sécurité parl'autobus, en l'absence de tout signal sonore. Selon les constatationscantonales, l'intimé ne circulait certes pas à l'extrême droite de la routeau moment où il a aperçu l'autobus. La question n'est toutefois pas de savoirsi l'intimé a commis une faute (cf. art. 34 al. 1 LCR) et, dansl'affirmative, de savoir si celle-ci est plus lourde, égale ou plus légèreque celle du recourant, dès lors qu'il n'y a pas de compensation des fautesen droit pénal (ATF 122 IV 17 consid. 2c/bb p. 24), mais uniquement dedéterminer si ce comportement pouvait être prévu. Le comportement dumotocycliste n'avait cependant rien d'extraordinaire. Il est en effethabituel qu'un motard ne circule pas à l'extrême droite de la route, dans unvirage marqué à gauche, d'autant plus lorsque, comme en l'espèce, le borddroit de la chaussée n'est pas tracé de manière très nette. Il n'est pas nonplus exceptionnel qu'un motocycliste soit surpris par la présence d'unautobus sur une partie de sa voie et qu'il perde en conséquence la maîtrisede son véhicule. L'enchaînement des faits ne peut donc pas être considérécomme extraordinaire et imprévisible, de sorte que la condamnation durecourant pour lésions corporelles par négligence ne viole pas le droitfédéral. 5.Au vu de ce qui précède, le pourvoi doit être rejeté.Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais (art. 278 al. 1 PPF). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours de droit public
est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Le pourvoi en nullité est rejeté. 3.Un émolument judiciaire de 4'000 francs est mis à la charge du recourant. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, auMinistère public et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal ducanton de Neuchâtel. Lausanne, le 12 mai 2006 Au nom de la Cour de cassation pénaledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6P.59/2006
Date de la décision : 12/05/2006
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-12;6p.59.2006 ?
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