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12/05/2006 | SUISSE | N°6A.23/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 mai 2006, 6A.23/2006


{T 0/2}6A.23/2006 /rod Arrêt du 12 mai 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Zünd.Greffier: M. Oulevey. X. ________,recourant, représenté par Me Claude Aberlé, avocat, contre Tribunal administratif du canton de Genève,case postale 1956, 1211 Genève 1. Retrait du permis de conduire pour une durée indéterminée, recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif ducanton de Genève du 31 janvier 2006. Faits: A.X. ________, né en 1956, courtier en assurances, est titulaire du permis deconduire depuis 1978. Il a fait l'objet, le

13 décembre 2001, d'un retrait deson permis pour quatre mois, ...

{T 0/2}6A.23/2006 /rod Arrêt du 12 mai 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Kolly et Zünd.Greffier: M. Oulevey. X. ________,recourant, représenté par Me Claude Aberlé, avocat, contre Tribunal administratif du canton de Genève,case postale 1956, 1211 Genève 1. Retrait du permis de conduire pour une durée indéterminée, recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif ducanton de Genève du 31 janvier 2006. Faits: A.X. ________, né en 1956, courtier en assurances, est titulaire du permis deconduire depuis 1978. Il a fait l'objet, le 13 décembre 2001, d'un retrait deson permis pour quatre mois, pour conduite en état d'ébriété. Le 4 janvier 2005, il a été interpellé par la police alors qu'il conduisaitsa voiture en état d'ébriété. L'analyse de sang a révélé une alcoolémie de1,7 pour-mille. Son permis a été saisi sur-le-champ. B.Concevant des doutes sur l'aptitude de l'intéressé à la conduite de véhiculesà moteur, le Service des automobiles et de la navigation du canton de Genèvelui a retiré préventivement son permis de conduire et lui a ordonné de sesoumettre à une expertise. Dans leur rapport du 6 septembre 2005, les experts désignés ont conclu àl'inaptitude du recourant à la conduite de véhicules à moteur. Sans seprononcer sur une éventuelle dépendance de l'intéressé à l'alcool, il nel'ont pas formellement exclue. L'expertisé avait reconnu de fréquents abusd'alcool, dus à son mode de vie, ce qui était corroboré par les analysesmédicales pratiquées. Celles-ci avaient mis en évidence "une valeurpathologique de l'indicateur le plus spécifique de la consommation abusived'alcool (CDT)". Incapable de dissocier alcool et conduite, X.________présentait, selon les experts, un risque de récidive inacceptable. Par décision du 20 septembre 2005, le service des automobiles a, enapplication de l'art. 16 LCR, retiré pour une durée indéterminée son permisde conduire à X.________ et lui a interdit au surplus de conduire lesvéhicules des catégories spéciales F, G et M, ainsi que ceux pour lesquels unpermis de conduire n'est pas nécessaire. La restitution du permis devaitintervenir sur la base d'un rapport d'expertise favorable. C.X.________ a recouru contre cette décision, en concluant préalablement à uncomplément d'expertise et, au fond, à la restitution de son permis deconduire. Par arrêt du 31 janvier 2006, le Tribunal administratif du canton de Genève aécarté la requête d'expertise complémentaire et rejeté le recours. D.Contre cet arrêt, dont il conclut à l'annulation avec renvoi de la cause auservice des automobiles, X.________ interjette un recours de droitadministratif au Tribunal fédéral. Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recours de droit administratif au Tribunal fédéral est ouvert contre unedécision de dernière instance cantonale statuant sur le retrait d'un permisde conduire (art. 24 al. 2 LCR), en particulier sur un retrait de sécurité(cf. ATF 129 II 82). Il peut être formé pour violation du droit fédéral (art.104 let. a OJ), lequel englobe notamment les droits constitutionnels (ATF 124II 517 consid. 1 p. 519). Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les moyens desparties, mais il ne peut aller au-delà de leurs conclusions (art. 114 al. 1OJ). Lorsque, comme en l'espèce, la décision attaquée émane d'une autoritéjudiciaire, il est en revanche lié par les constatations de fait de cetteautorité, sauf si elles sont manifestement inexactes ou incomplètes ou sielles ont été établies au mépris de règles essentielles de la procédure (art.104 let. b et 105 al. 2 OJ). 2.2.1Aux termes de l'art. 16d al. 1 let. b LCR, qui met en oeuvre les principesposés aux art. 14 al. 2 let. c et 16 al. 1 LCR, le permis d'élève conducteurou le permis de conduire est retiré pour une durée indéterminée à la personnequi souffre d'une forme de dépendance la rendant inapte à la conduite. Ilrésulte notamment de l'art. 17 al. 3 LCR qu'après un tel retrait, le permisne pourra être restitué à son titulaire, passé l'éventuel délai d'épreuveprévu par la loi ou imparti par l'autorité, qu'à certaines conditions. Enrègle générale, l'automobiliste devra apporter la preuve de sa guérison parune abstinence contrôlée d'une année au moins. Le retrait de sécurité porteainsi une atteinte grave à sa personnalité. C'est pourquoi, en vertu d'unejurisprudence développée avant l'entrée en vigueur de la novelle du 14décembre 2001 mais qui reste valable sous le nouveau droit, l'autoritécompétente doit, avant de décider d'un tel retrait, éclaircir d'office etdans chaque cas la situation de la personne concernée. En particulier, elledoit dans tous les cas examiner d'office ses habitudes de consommationd'alcool ou d'autres drogues. L'étendue des examens officiels nécessaires,notamment l'opportunité d'une expertise médicale, est fonction desparticularités du cas d'espèce et dépend en principe de l'appréciation del'autorité de retrait (ATF 129 II 82 consid. 2.2 p. 84 s. et les références). Le retrait de sécurité fondé sur l'art. 16d al. 1 let. b LCR suppose unedépendance. L'existence d'une dépendance à l'alcool est admise si la personneconcernée consomme régulièrement des quantités exagérées d'alcool, de natureà diminuer sa capacité à conduire des véhicules automobiles, et se révèleincapable de se libérer ou de contrôler cette habitude par sa propre volonté.La dépendance doit être telle que l'intéressé présente plus que tout autreautomobiliste le risque de se mettre au volant dans un état ne lui permettantplus d'assurer la sécurité de la circulation. La notion de dépendance au sensdes art. 14 al. 2 let. c et 16d al. 1 let. b LCR ne recoupe donc pas lanotion médicale de dépendance à l'alcool. La notion juridique permet déjàd'écarter du trafic des personnes qui, par une consommation abusive d'alcool,se mettent concrètement en danger de devenir dépendantes au sens médical (ATF129 II 82 consid. 4.1 p. 86 s. et les références). La mise en évidence d'une consommation d'alcool nuisible pour la santérequiert une analyse sanguine où sont mesurés les marqueurs d'abus d'alcool.Parmi ceux-ci, figure la transferrine carboxy-déficiente (ci-après CDT), quisert à prouver un abus chronique d'alcool, plus précisément une consommationde plus de soixante grammes pur par jour sur les quatorze derniers joursenviron (ATF 129 II 82 consid. 6.2.1 p. 89 s.). Cependant, une valeurpathologique de la CDT ne permet pas à elle seule de conclure à l'existenced'une dépendance à l'alcool. Elle doit par conséquent être appréciée avecréserve, surtout si la valeur des autres marqueurs reste normale et sil'expert a nié l'existence d'une dépendance à l'alcool au sens médical. Dansune telle hypothèse, les examens requis pour mettre en évidence l'alcoolismerevêtent une importance particulière. En font partie l'analyse approfondiedes données personnelles - notamment des rapports du médecin de famille, del'employeur, des proches, etc. - l'examen détaillé des courses effectuées enétat d'ébriété, une anamnèse de l'alcoolisme - soit la recherche ducomportement de consommation (consommateur d'habitude ou occasionnel) del'intéressé et de son impression subjective à ce propos - de même qu'unexamen médical complet où l'on prêtera une attention particulière auxchangements de la peau dus à l'alcool (ATF 129 II 82 consid. 6.2.2 p. 90 ss). 2.2 En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise versé au dossier que seuleétait anormale la valeur du marqueur CDT (10,1% pour une valeur de référencede 2,6% au maximum). Mais les experts n'ont pas fondé leurs conclusions surce seul élément. Ils ont demandé des renseignements au médecin traitant durecourant, qui leur a transmis des informations faisant état d'une absence deconsultation depuis plus d'une année et demie, mais aussi d'une anamnèsed'abus d'alcool fréquents dans un contexte socio-professionnel incitateur.Ils ont encore demandé au recourant lui-même de répondre à un questionnairevisant à identifier son mode de consommation d'alcool. Les réponses donnéescorrespondaient aux critères d'une consommation nocive, à la limite de ladépendance. Les experts ont pu remarquer, en outre, que le recourantconsommait des quantités excessives d'alcool alors même qu'il se trouvait enprocédure d'expertise, ce qui était révélateur, selon eux, d'une difficultédu recourant à réduire sa consommation malgré la survenue de conséquencesnocives. C'est sur la base de tous ces éléments - et compte tenu des deuxconduites en état d'ébriété commises par l'intéressé en 2001 et 2005 avec unealcoolémie avoisinant chaque fois 1,8 pour-mille - qu'ils ont conclu àl'incapacité du recourant à dissocier l'alcool de la conduite et, partant, àl'existence d'un risque de récidive inacceptable. Certes, les experts n'ont pas procédé à un examen médical complet, portantnotamment sur une éventuelle modification de la peau consécutive à uneconsommation excessive habituelle d'alcool. Mais il convient de rappeler quela question n'est pas de savoir si le recourant est alcoolique au sensmédical du terme, mais uniquement de savoir s'il est toujours capable deséparer suffisamment sa consommation d'alcool et la conduite d'un véhiculeautomobile. Pour répondre à cette dernière question, il n'était pasnécessaire de procéder à un examen médical approfondi, dès lors que lesrenseignements fournis par le médecin traitant et la recherche des habitudesde consommation du recourant mettaient tous en évidence une incapacité àdissocier l'alcool de la conduite. Vu leurs résultats concordants, lesinvestigations menées par les experts étaient dès lors suffisantes. 2.3 Le recourant fait valoir que les experts n'auraient pas tenu compte defaits importants. Il allègue en effet qu'il lui serait souvent arrivé,lorsqu'il avait toujours son permis, de renoncer à prendre son véhicule et derentrer en taxi après des repas plus arrosés. Il soutient aussi que le tauxélevé de CDT révélé par l'analyse de sang serait dû au fait que, ne prenantplus le volant depuis la saisie de son permis de conduire, il n'aurait plusfait attention à la fréquence de ses consommations d'alcool. Mais le recourant a déjà développé les mêmes arguments devant la courcantonale (cf. arrêt attaqué, ch. 8 let. a de l'état de fait p. 3), qui aconsidéré qu'il réfutait les conclusions des experts sans toutefois apporterle moindre élément concret qui permettrait de s'en écarter (arrêt attaqué,consid. 3c p. 5). La cour cantonale a ainsi tenu pour non établis, notamment,les prétendus retours du recourant en taxi lorsqu'il avait encore son permiset la prétendue hausse de sa consommation après la saisie de son permis.Cette appréciation lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 2 OJ). Contrairementà ce que fait valoir le recourant, il n'y a dès lors pas lieu de considérerque les conclusions des experts étaient, à cet égard, fondées sur desconstatations de faits erronées ou lacunaires. 2.4 En définitive, la cour cantonale a donc fondé le retrait de sécurité dupermis de conduire du recourant sur une expertise conforme aux exigences dela jurisprudence, qui concluait à l'inaptitude de l'intéressé à la conduitedes véhicules à moteur du troisième groupe. Les experts n'ont pasformellement constaté l'existence d'une dépendance du recourant à l'alcool,au sens médical du terme, mais ils ont noté que, pour des raisonsprofessionnelles notamment, le recourant présentait plus que tout autre lerisque de se mettre au volant dans un état ne lui permettant pas de garantirla sécurité de la circulation. La cour cantonale n'a dès lors pas violé ledroit fédéral en confirmant le retrait de sécurité du permis de conduire durecourant sur la base du rapport d'expertise versé au dossier. L'excellentpassé de conducteur dont se prévaut l'intéressé n'y change rien, puisque seulimporte, pour juger de la nécessité d'un tel retrait, le risque de récidive àl'avenir. Le recours doit par conséquent être rejeté. 3.Le recourant, qui succombe, supportera les frais de justice (art. 156 al. 1OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, auTribunal administratif du canton de Genève, au Service des automobiles et dela navigation du canton de Genève et à la Division de la circulation routièrede l'Office fédéral des routes. Lausanne, le 12 mai 2006 Au nom de la Cour de cassation pénaledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6A.23/2006
Date de la décision : 12/05/2006
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-12;6a.23.2006 ?
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