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12/05/2006 | SUISSE | N°4C.74/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 mai 2006, 4C.74/2006


{T 0/2}4C.74/2006/fzc Arrêt du 12 mai 2006Ire Cour civile MM. les Juges Corboz, président, Nyffeler et Favre.Greffier: M. Carruzzo. X. ________,défenderesse et recourante, représentée parMe François Roullet, avocat, contre Y.________ AG,demanderesse et intimée, représentée par Me Pierre Banna, avocat. contrat de bail à loyer; demeure du locataire; résiliation, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux etloyers du canton de Genève du16 janvier 2006. Faits: A.A.a Le 18 juin 1998, la société Z.________ AG et X.________ ont conclu uncontrat de bail

à loyer portant sur un appartement de 5,5 pièces au premierétag...

{T 0/2}4C.74/2006/fzc Arrêt du 12 mai 2006Ire Cour civile MM. les Juges Corboz, président, Nyffeler et Favre.Greffier: M. Carruzzo. X. ________,défenderesse et recourante, représentée parMe François Roullet, avocat, contre Y.________ AG,demanderesse et intimée, représentée par Me Pierre Banna, avocat. contrat de bail à loyer; demeure du locataire; résiliation, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux etloyers du canton de Genève du16 janvier 2006. Faits: A.A.a Le 18 juin 1998, la société Z.________ AG et X.________ ont conclu uncontrat de bail à loyer portant sur un appartement de 5,5 pièces au premierétage d'un immeuble sis à Chêne-Bougeries. Le bail a débuté le 1er octobre1998 et s'est renouvelé tacitement de six mois en six mois. Le loyer mensuela été fixé à 1'635 fr. sans les charges. La société Y.________ AG a ensuite succédé à la bailleresse dans la relationcontractuelle. A.b La locataire s'est acquittée de son loyer au moyen d'un ordre de paiementsur son compte personnel auprès de la banque A.________ à partir d'une datequi n'a pas été précisée. Le 13 octobre 2004, la bailleresse a fait adresser à la locataire une mise endemeure, lui impartissant un délai de 30 jours pour verser un montant de3'378 fr. correspondant aux loyers des mois de septembre et octobre 2004,sous peine de voir son bail résilié. Le montant réclamé n'ayant pas été payé dans le délai imparti, Y.________ AGa résilié le bail, avec effet au 31 janvier 2005, par un avis, notifié le 30novembre 2004 à la locataire, qui se référait à la mise en demeure du 13octobre 2004. Le 10 décembre 2004, X.________ a adressé à la représentante de labailleresse un fax libellé en ces termes (sic): "Suite à votre avis de résiliation du bail. Donc c'est sûre que je refuseabsolument votre avis. J'ai juste du retard dans le paiement du loyer oùj'habite déjà depuis 1998 et je vous ai expliqué que j'avais donné un ordrepermanent à ma banque et je n'ai pas surveillé ils n'ont pas payé je vousassure ma bonne foi que je suis employée de la banque depuis plus de 13 anset j'ai en ce moment une situation financière assez grave aux poursuites,d'impôts. C'est vrai vous m'avez déjà avertie mais comme j'étais sûre que labanque avait payé et je n'ai pas surveillé, je vais faire mon possible pourvous régler le retard dès que possible ou en plusieurs parties dès la findécembre. Croyez en ma sincérité je vais faire mon possible pour vous réglermais je ne peux absolument pas quitter l'appartement car mon fils va au cyclede la gradelle."Par courrier du 14 décembre 2004, Me François Roullet s'est constitué pour ladéfense des intérêts de X.________ et a informé la Commission de conciliationque sa mandante contestait la validité de la résiliation, sans autremotivation. Les loyers en souffrance ont été payés par la locataire le 22 décembre 2004par le débit de son compte auprès de la banque B.________. B.B.aLe 10 février 2005, Y.________ AG (ci-après: la demanderesse) a saisi laCommission de conciliation d'une requête en évacuation pour défaut depaiement du loyer. La tentative de conciliation n'a pas abouti et la cause aété portée devant le Tribunal des baux et loyers en date du 11 avril 2005. De son côté, X.________ (ci-après: la défenderesse) a contesté le congéextraordinaire par requête du 9 mai 2005. Les deux procédures ont été jointes. Lors de l'audience de comparution du 13juin 2005, la défenderesse a sollicité des enquêtes. La demanderesse s'y estopposée et a précisé que la locataire n'avait plus d'arriérés. L'affaire aété gardée à juger à l'issue de cette audience. Par jugement du 24 juin 2005, le Tribunal des baux et loyers a rejeté larequête en évacuation. Admettant que le congé litigieux remplissait lesconditions de l'art. 257d al. 1 CO, il a cependant considéré que, dans le casparticulier, la bailleresse abusait de son droit en persistant à vouloirmaintenir la résiliation du bail d'une personne qui n'avait pas versé sonloyer en raison d'une absence momentanée de liquidités dont elle ne s'étaitpas rendu compte, alors qu'il n'existait a priori pas de risque, étant donnéles circonstances, que le loyer demeurât impayé à l'avenir. B.b Saisie par la demanderesse, la Chambre d'appel en matière de baux etloyers du canton de Genève, statuant par arrêt du 16 janvier 2006, a annuléle jugement de première instance et condamné la défenderesse à évacuerimmédiatement l'appartement en cause. Les juges d'appel ont estimé, en résumé, que les conditions d'application del'art. 257d CO étaient réalisées en l'espèce. Selon eux, la bailleressen'avait pas abusé de son droit de résiliation dès lors que le loyer impayé semontait à 1'689 fr. - dans l'hypothèse la plus favorable à la locataire - etque la défenderesse avait attendu plus de deux mois avant de verser cettesomme. La Chambre d'appel a encore souligné le manque de vigilance de lalocataire en rapport avec la question de l'ordre de paiement donné à sabanque. Elle a exposé, en outre, en quoi les circonstances du précédent citépar le Tribunal des baux et loyers n'étaient pas comparables avec celles dela présente cause. Rappelant, par ailleurs, que des motifs humanitaires n'ontpas à être pris en considération pour déterminer si le comportement d'unbailleur est abusif ou non, la cour cantonale a constaté, pour terminer, quela défenderesse n'avait pas repris, dans son mémoire de réponse à l'appel,son argumentation selon laquelle le congé serait également abusif au motifque la bailleresse n'entendait en réalité que récupérer les locaux afin demajorer le loyer, cet allégué n'étant du reste "pas documenté". C.La défenderesse interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elleconclut, principalement, à l'annulation du congé incriminé et,subsidiairement, au renvoi de la cause à la cour cantonale afin qu'ellecomplète, au besoin, son dossier et statue à nouveau. Au terme de sa réponse, la demanderesse propose le rejet du recours. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 Emanant de la partie qui a succombé dans ses conclusions et dirigé contreune décision finale rendue en dernière instance cantonale par un tribunalsupérieur (art. 48 a. 1 OJ) sur une contestation civile dont la valeurlitigieuse dépasse largement le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ; cf. ATF 119II 147 consid. 1; 111 II 384 consid. 1), le recours en réforme est enprincipe recevable, puisqu'il a été interjeté en temps utile (art. 54 al. 1OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). 1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire sonraisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, àmoins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient étéviolées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant sur uneinadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter lesconstatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu comptede faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a). Au surplus, la juridiction de réforme ne peut aller au-delà des conclusionsdes parties, mais elle n'est pas liée par les motifs invoqués dans lesécritures (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation juridique retenue par lacour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4 ). 2.A teneur de l'art. 257d al. 1 CO, lorsque, après réception de la chose, lelocataire a du retard pour s'acquitter d'un terme ou de frais accessoireséchus, le bailleur peut lui fixer par écrit un délai de paiement et luisignifier qu'à défaut de paiement dans ce délai il résiliera le bail. Ledélai doit être d'au moins trente jours pour les baux d'habitations. L'art.257d al. 2 CO dispose que, faute de paiement dans le délai fixé, les bauxd'habitations peuvent être résiliés moyennant un délai de congé minimum detrente jours pour la fin d'un mois. Dans son acte de recours, la défenderesse admet expressément que lesconditions d'application de l'art. 257d CO étaient remplies au moment où lecongé litigieux lui a été notifié. Tel était effectivement le cas sur le vudes explications convaincantes de la Chambre d'appel, de sorte qu'il n'y apas lieu d'examiner cette question plus avant. 3.A l'appui de son recours en réforme, la défenderesse reproche à la Chambred'appel de n'avoir pas annulé le congé incriminé, alors qu'il contrevenaitaux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO). 3.1 La disposition citée est applicable, à titre exceptionnel, lorsque larésiliation du bail a pour cause la demeure du locataire (David Lachat,Commentaire romand, n. 10 ad art. 257d CO). Le droit du bailleur de résilierle bail s'oppose alors à celui du locataire d'être protégé contre unerésiliation abusive. Le juge ne peut annuler le congé litigieux que sicelui-ci est inadmissible au regard de la jurisprudence relative à l'abus dedroit et à la bonne foi; il faut des circonstances particulières pour que lecongé soit annulé (ATF 120 II 31 consid. 4a p. 33). Tel sera le cas, parexemple, quand le bailleur, lors de la fixation du délai comminatoire,réclame au locataire une somme largement supérieure à celle en souffrance,sans être certain du montant effectivement dû (ATF 120 II 31 consid. 4b p. 33s.). Le congé sera également tenu pour contraire aux règles de la bonne foisi le montant impayé est insignifiant (ATF 120 II 31 consid. 4b p. 33), sil'arriéré a été réglé très peu de temps après l'expiration du délaicomminatoire, alors que le locataire s'était jusqu'ici toujours acquitté àtemps du loyer, ou si le bailleur résilie le contrat longtemps aprèsl'expiration de ce délai (Lachat, ibid.; Pierre Wessner, L'obligation dulocataire de payer le loyer et les frais accessoires, in 9e Séminaire sur ledroit du bail, Neuchâtel 1996, p. 24). C'est au destinataire du congé de démontrer que celui-ci contrevient auxrègles de la bonne foi, en particulier que le motif invoqué par le bailleurn'est qu'un prétexte (ATF 120 II 105 consid. 3c; Lachat, op. cit., n. 9 adart. 271 CO). Le caractère abusif ou non de la résiliation s'apprécie aumoment où l'auteur du congé manifeste sa volonté de mettre un terme aucontrat (arrêt 4C.176/2004 du 8 septembre 2004, consid. 2.1). Le motif pour lequel un congé est donné relève des constatations de fait (ATF115 II 484 consid. 2b p. 486; 113 II 460 consid. 3b p. 462). 3.23.2.1En soi, il n'y a rien d'abusif à résilier le bail d'un locataire qui nepaie plus son loyer (arrêt 4C.35/2004 du 27 avril 2004, consid. 3.2.2). Dansla présente espèce, il n'y a pas d'éléments comparables à ceux que ladoctrine et la jurisprudence susmentionnées évoquent comme exemples desituations où le congé donné à un locataire en demeure peut contrevenir auxrègles de la bonne foi. La somme due - 1'689 fr. dans l'hypothèse la plusfavorable à la défenderesse - n'avait rien d'insignifiant. Elle a été payéele 22 décembre 2004 seulement, alors que l'avis comminatoire avait étéadressé à la locataire le 13 octobre 2004 déjà. Il n'est pas établi que ladéfenderesse ait entrepris des démarches auprès de la bailleresse ou de sarégie avant d'avoir reçu l'avis de résiliation du bail. De plus, ainsi que lerelève avec pertinence la cour cantonale, le nouvel ordre de paiement donnépar la locataire à sa banque ne constitue pas une garantie du paiementponctuel du loyer si le compte bancaire qui est débité à cet effet n'est passuffisamment provisionné. Quant à la demanderesse, elle a donné le congé peude temps après l'expiration du délai comminatoire. La Chambre d'appel a, par ailleurs, relevé - à juste titre - les différencesexistant entre les circonstances du précédent invoqué par la défenderesse,soit l'ACJ/482/2003, et celles de la présente cause. L'arrêt en question,rendu par une cour cantonale, n'a du reste pas fait l'objet d'un recours etil ne saurait, quoi qu'il en soit, prévaloir contre la jurisprudencefédérale. Sa conformité avec cette dernière serait, au demeurant, sujette àcaution à supposer, comme le soutient la défenderesse, qu'il posât leprincipe selon lequel le bailleur commettrait un abus de droit, s'ilrésiliait le bail pour un autre motif que celui "de se prémunir contre defuturs défauts de paiement de loyer". Cela reviendrait, en effet, à ajouterune condition supplémentaire à l'art. 257d CO. Il a déjà été jugé, à cetégard, que, lorsque le retard dans le paiement du loyer a constitué lavéritable cause du congé, peu importe que le bailleur ait eu l'intention dese séparer du locataire pour telle ou telle raison (arrêt 4C.35/2004 du 27avril 2004, consid. 3.2.2 in fine). La défenderesse invoque, en outre, les graves conséquences qu'entraîneraitpour elle et pour son fils l'obligation de quitter l'appartement qu'ilsoccupent, eu égard, notamment, à la pénurie de logements qui sévit à Genève.Des considérations de cet ordre ne sont toutefois pas propres à démontrer lecaractère abusif de la démarche de la bailleresse. De fait, les dispositionsde droit fédéral touchant le bail ne prennent pas en compte des motifshumanitaires, si bien que le juge chargé de les appliquer ne peut pas nonplus le faire (arrêt 4C.413/1996 du 27 février 1997, consid. 2b, publié in SJ1997 p. 538 ss). Seule l'autorité d'exécution peut retenir de tels motifs, sile droit cantonal le prévoit, ce qui est d'ailleurs le cas à Genève (art. 474A al. 2 LPC gen.; cf. ATF 117 Ia 336). 3.2.2 Selon la défenderesse, le congé litigieux serait abusif car il auraitété dicté exclusivement par la volonté de la demanderesse d'obtenir un loyersupérieur d'un autre locataire. 3.2.2.1 Est abusif le congé purement chicanier dont le motif n'estmanifestement qu'un prétexte (ATF 120 II 31 consid. 4a p. 32). En revanche,le congé donné par le bailleur en vue d'obtenir d'un nouveau locataire unloyer plus élevé, mais non abusif, ne saurait, en règle générale, constituerun abus de droit (ATF 120 II 105 consid. 3b confirmé par l'arrêt 4C.267/2002du 18 novembre 2002, consid. 2.2, publié in SJ 2003 I p. 261 ss). Au regard de cette jurisprudence, la pertinence du grief examiné apparaîtdéjà sujette à caution. En effet, sous l'angle de l'abus de droit, il estdifficilement concevable de sanctionner le bailleur qui résilie le bail enconformité avec l'art. 257d CO (congé extraordinaire) au seul motif qu'ilentend saisir cette occasion pour adapter le loyer de la chose louée, alorsque l'on admet qu'un congé ordinaire peut être donné valablement pour le mêmemotif. La disposition citée deviendrait lettre morte si, comme le voudrait ladéfenderesse, le locataire en demeure de payer son loyer pouvait en écarterl'application en se contentant de prêter (et d'établir) une telle intentionau bailleur, à charge pour ce dernier de produire toutes les piècespertinentes afin de prouver que le nouveau loyer ne lui procurerait pas unrendement excessif. Cela reviendrait à greffer sur la procédure d'expulsion,dont la liquidation doit être rapide (cf. l'art. 274g al. 1 CO), uneprocédure en majoration (potentielle) de loyer qui ne ferait que retarder ladécision à rendre au sujet du congé
litigieux. Il en résulterait une grandeinsécurité juridique. Ce serait, en outre, sous-estimer les difficultés qu'ily aurait, pour le locataire en demeure, à démontrer qu'au moment de lanotification de l'avis de résiliation, le bailleur entendait uniquementprofiter de la situation pour se séparer de lui et obtenir d'un autrelocataire un loyer plus élevé. Aussi bien, face aux dénégations del'intéressé, il n'est pas sûr que la simple augmentation subséquente du loyerde la chose louée impliquerait sans conteste que le bailleur avait donné lecongé au locataire en place dans le seul but d'y procéder. Plutôt que detenter de rechercher, a posteriori, quelle était l'intention du bailleur aumoment de la notification du congé, mieux vaut s'en tenir, en définitive,pour juger d'un éventuel abus du droit de résiliation, aux circonstancesobjectives évoquées, à titre d'exemples, par la jurisprudence et la doctrineprécitées (cf. consid. 3.1), tout en réservant les situations exceptionnellesoù l'existence d'un congé-prétexte sauterait aux yeux.Dans le cas particulier, la Chambre d'appel n'a constaté aucun fait quipermettrait d'étayer la thèse de la défenderesse d'un congé donné uniquementen vue de relouer la chose à des conditions plus favorables pour labailleresse. Aussi une violation de l'art. 271 al. 1 CO n'entre-t-elle pas enligne de compte en l'espèce. 3.2.2.2 La défenderesse, il est vrai, se plaint, dans ce contexte, de laviolation du principe jura novit curia. Pour les causes qui peuvent faire l'objet d'un recours en réforme, leprincipe de l'application du droit d'office relève du droit fédéral (ATF 116II 594 consid. 3b p. 596 s.; Fabienne Hohl, Procédure civile, tome I, n.865). Le moyen tiré de la violation du principe jura novit curia peut doncêtre soulevé dans une cause où le recours en réforme est ouvert, par exemplesi la juridiction cantonale a refusé d'entrer en matière sur uneargumentation juridique nouvelle (Jean-François Poudret, COJ, n. 1.3.2. 9 adart. 43 et n. 3.8 ad art. 63). L'adage jura novit curia signifie que le juge doit appliquer d'office ledroit aux faits constatés par lui, sans être lié par l'argumentation desparties (Hohl, op. cit., n. 877). Au considérant 4 de son arrêt, la Chambre d'appel note que la défenderessen'a pas repris, dans son mémoire de réponse à l'appel, son argumentationselon laquelle le congé litigieux serait également abusif parce que labailleresse ne chercherait, en réalité, qu'à récupérer l'appartement en causeen vue de majorer le loyer. Elle ajoute que l'allégué y relatif n'est, audemeurant, pas documenté. En d'autres termes, si la cour cantonale n'a pasexaminé d'office la question du congé-prétexte, c'est parce qu'elle a estiméque l'allégation correspondante, que la défenderesse n'avait pas reprise enappel, n'était de toute façon pas établie en fait. Ainsi, en n'appliquant pasd'office le droit à un fait non avéré, les juges cantonaux n'ont pas méconnule principe jura novit curia. Le grief tiré de la violation de ce principetombe, dès lors, à faux. 3.2.2.3 La défenderesse reproche, enfin, à la Chambre d'appel d'avoir violél'art. 8 CC, de même que l'art. 307 LPC gen., en ne lui offrant pas lapossibilité de prouver que la demanderesse avait résilié le bail afind'obtenir d'un nouveau locataire un loyer plus élevé, resp. en n'ordonnantpas elle-même des enquêtes sur ce point. Dans la mesure où il a trait à l'application du droit cantonal, le présentrecours est irrecevable (art. 55 al. 1 let. c in fine OJ). La référence faitepar la défenderesse à l'art. 65 OJ ne lui est d'aucun secours. Cettedisposition suppose, en effet, que la solution du recours dépende nonseulement du droit fédéral, mais aussi du droit cantonal (Poudret, op. cit.,n. 1.1 ad art. 65). Tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors que le sort durecours dépend uniquement de l'application du droit fédéral (art. 257d et 271al. 1 CO; art. 8 CC; principe jura novit curia). Que la procédure conduitedevant les juridictions genevoises ait été régie par le droit cantonal n'ychange rien. Ce cas de figure, tout à fait ordinaire, n'entre pas dans lesprévisions de l'art. 65 OJ. De l'art. 8 CC a été déduit, en particulier, un droit à la preuve (ATF 126III 315 consid. 4a), à la condition qu'il s'agisse d'établir un faitpertinent (ATF 126 III 315 consid. 4a; 123 III 35 consid. 2b p. 40), quin'est pas déjà prouvé (ATF 127 III 519 consid. 2a p. 522; 126 III 315 consid.4a), par une mesure probatoire adéquate (cf. ATF 90 II 224 consid. 4b) qui aété régulièrement offerte selon les règles de la loi de procédure applicable(ATF 126 III 315 consid. 4a; 122 III 219 consid. 3c p. 223). Le juge cantonalenfreint l'art. 8 CC s'il refuse toute administration de preuve sur des faitspertinents en droit. En l'occurrence, il est déjà douteux, pour les raisonssus-indiquées (cf. consid. 3.2.2.1), que le fait à prouver ait été pertinent.De surcroît, le fait en question n'avait été allégué que de façon lapidaireen première instance, la défenderesse se contentant d'affirmer que lademanderesse, coutumière de cette manière de procéder, avait agi exactementde la même manière à l'égard d'autres locataires de l'immeuble en question.L'intéressée n'avait d'ailleurs pas repris semblable argumentation en appel,ainsi que le constatent souverainement les juges cantonaux. On aurait puattendre de la défenderesse qu'elle alléguât, à tout le moins, avec chiffresà l'appui, le caractère - par hypothèse - avantageux de son loyer encomparaison avec le loyer que la demanderesse aurait pu réclamer alors pourle même appartement et, en outre, qu'elle indiquât les noms des ex-locatairesqui étaient censés avoir subi le même traitement qu'elle. Par conséquent, enprésence d'une allégation insuffisamment motivée et d'une offre de preuvelacunaire, qui visaient à étayer une thèse apparemment abandonnée en appel,la cour cantonale n'a pas violé l'art. 8 CC en n'administrant pas de preuvessur la question du motif supposé pour lequel la demanderesse avait résilié lebail de la défenderesse. 4.Dans ces conditions, le recours soumis à l'examen du Tribunal fédéral ne peutqu'être rejeté. La défenderesse, qui succombe, devra, dès lors, payer lesfrais de la présente procédure (art. 156 al. 1 OJ) et indemniser lademanderesse (art. 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 3.La recourante versera à l'intimée une indemnité de 2'500 fr. à titre dedépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève. Lausanne, le 12 mai 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.74/2006
Date de la décision : 12/05/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-12;4c.74.2006 ?
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