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09/05/2006 | SUISSE | N°4C.54/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 mai 2006, 4C.54/2006


{T 0/2}4C.54/2006 /ech Arrêt du 9 mai 2006Ire Cour civile MM. les Juges Corboz, Président, Nyffeler et Favre.Greffière: Mme Crittin. Groupe A.________ SA,défenderesse et recourante, représentée par Me Marie-Flore Dessimoz, contre la Compagnie d'Assurances B.________,demanderesse et intimée, représentée par Me François Bellanger. contrat d'architecte, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justicedu canton de Genève du 16 décembre 2005. Faits: A.A.a La Compagnie d'Assurances B.________, par le biais de sa filialeC.________ Compagnie d'Assurances sur l

a vie, s'est, en 1997, intéressée àl'acquisition de d'un imme...

{T 0/2}4C.54/2006 /ech Arrêt du 9 mai 2006Ire Cour civile MM. les Juges Corboz, Président, Nyffeler et Favre.Greffière: Mme Crittin. Groupe A.________ SA,défenderesse et recourante, représentée par Me Marie-Flore Dessimoz, contre la Compagnie d'Assurances B.________,demanderesse et intimée, représentée par Me François Bellanger. contrat d'architecte, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justicedu canton de Genève du 16 décembre 2005. Faits: A.A.a La Compagnie d'Assurances B.________, par le biais de sa filialeC.________ Compagnie d'Assurances sur la vie, s'est, en 1997, intéressée àl'acquisition de d'un immeuble, à Genève. A cet effet, diverses sociétés ontété mandatées afin d'examiner les moyens de rentabiliser le bâtiment aprèsson acquisition et sa rénovation. Le 17 décembre 1997, un rapportd'évaluation a été établi par X.________, architecte. De même, le 2 février1998, la Compagnie d'Assurances B.________, agissant par l'intermédiaire deY.________, architecte de formation, a établi une "estimation sommaire descoûts d'assainissement et d'aménagement du bâtiment", selon laquelle le coûttotal des travaux de rénovation était de 1'865'000 francs. Le 3 juin 1998, C.________ Compagnie d'Assurances sur la vie a acquisl'immeuble susmentionné pour le montant de 5'100'000 francs. Le 13 octobre1999, dans le cadre du transfert global du patrimoine immobilier de cettecompagnie d'assurances, l'immeuble a été vendu à D.________ AG, avec lamention "travaux achevés". La vente était conditionnée à l'exécution complètedes travaux de rénovation qui étaient alors en cours. A.b La Compagnie d'Assurances B.________ a mandaté Groupe A.________ SA(ci-après: Groupe A.________) pour les études d'architecture, les étudestechniques et les éventuelles études de structure. Groupe A.________ a, poursa part, mandaté Z.________, architecte indépendant, pour suivre les travaux. Sur demande de la Compagnie d'Assurances B.________, Groupe A.________ aprocédé, le 7 juillet 1998, à sa propre estimation des travaux à effectuer.Le 23 juillet 1998, Y.________ a toutefois fait savoir que la Compagnied'Assurances B.________ entendait respecter le budget du 2 février 1998,lequel incluait les honoraires, et qu'il "[faudrait] donc faire avec". Lors de la réunion du 21 octobre 1998, Y.________ a indiqué que le budgetglobal était fixé à 1'769'500 fr. TTC, certains travaux de démolition ayantdéjà été déduits du montant initial, et que les honoraires de GroupeA.________ devraient entrer dans ce budget. Il était prévu que les travauxsoient achevés à la fin du mois de décembre 1999.En décembre 1998, C.________ Compagnie d'Assurances sur la vie et GroupeA.________ ont conclu un "contrat relatif aux prestations de l'architecte etdes ingénieurs civils et CVSE". Le contrat fait notamment référence, en sonpoint 3.1, sous la rubrique "Montant donnant droit aux honoraires" au"montant des travaux et des travaux préparatoires selon estimation de laCompagnie d'Assurances B.________ du 2 février 1998". Une demande de crédit complémentaire de 497'000 fr. en vue de la réalisationdes travaux de renforcement des planchers, faite le 24 septembre 1999, a étéacceptée le 3 novembre 1999, le coût des travaux étant estimé en définitive à2'262'362 francs. Entre les mois de mars et juin 2000, des travaux supplémentaires ont étécommandés. La Compagnie d'Assurances B.________ a rappelé à ces différentesoccasions que leur coût devait s'inscrire dans le budget total à dispositionpour le chantier. Par pli du 8 mai 2000, Groupe A.________ a fait savoir que la dépenseprobable admise serait de 2'145'645 fr.15, soit de 116'716 fr.85 inférieure àcelle prévisible de 2'262'362 francs. Groupe A.________ précisait même que ledisponible en question pouvait servir à financer les différents travaux quirestaient à effectuer dans les étages, dont la mise en place d'installationsde sécurité, comme le plafond coupe-feu et la détection incendie. Les derniers travaux ont été achevés et réceptionnés le 17 juillet 2000. Après avoir présenté un rapport financier provisoire, Groupe A.________ a, le28 janvier 2001, établi un décompte final, selon lequel le coût final destravaux s'élevait à 2'766'209 fr.20, honoraires de la défenderesse compris, àhauteur de 378'339 fr.80.A.c Le 25 février 2003, C.________ Compagnie d'Assurances sur la vie,représentée par Y.________ et W.________, a cédé à la Compagnie d'AssurancesB.________ ses droits et créances à l'encontre de Groupe A.________, enrelation avec le contrat conclu en décembre 1998. A.d Des contrats de location portant sur l'immeuble concerné par les travauxde rénovation ont été passés entre D.________ AG et F.________ SA, le 6janvier 2000, et entre D.________ AG et E.________ SA, le 8 mai 2000. B.B.aLe 18 juillet 2003, la Compagnie d'Assurances B.________ (ci-après: lademanderesse) a saisi le Tribunal de première instance du canton de Genèved'une demande en paiement de 585'318 fr.20, avec intérêt à 6% l'an dès le 15septembre 2000, dirigée contre Groupe A.________ (ci-après: la défenderesse).La défenderesse a conclu, à la forme, à l'irrecevabilité de la demande pourdéfaut de qualité pour agir de la partie adverse et, au fond, au déboutementde celle-ci de toutes ses conclusions. B.b Par jugement du 19 mai 2005, le Tribunal a rejeté la demande, avec suitede dépens, et débouté les parties de toutes autres conclusions. B.c La demanderesse ayant appelé du jugement, la Cour de justice du canton deGenève s'est prononcée le 16 décembre 2005. Elle a annulé le jugement depremière instance et, statuant à nouveaux, a condamné la défenderesse, d'unepart, à verser à la Compagnie d'Assurances B.________ la somme de 405'833fr., avec intérêt à 5% l'an dès le 15 septembre 2000 et, d'autre part, àassumer les trois-quarts des dépens. L'autorité cantonale a considéré que la demanderesse disposait de lalégitimation active pour faire valoir les droits découlant du contrat, liésaux travaux de rénovation de l'immeuble uniquement, mais non pas pour laprétention relative aux pertes de loyer alléguées et pour les frais d'avocatavant procès. S'agissant de la question du budget devisé, la Cour de justice a retenu, sefondant sur les actes de la cause, dont en particulier sur les déclarationsdes parties et la déposition du témoin Z.________, que l'architecte devaitreconnaître que le maître de l'ouvrage avait un budget limité à dispositionet que la limite des coûts fixée ne devait pas être dépassée. Le budgetarrêté en définitive s'élevait à 2'262'362 fr. - y compris les honoraires dela défenderesse et les coûts des travaux supplémentaires, dont lerenforcement des planchers -, alors que le montant total des travauxatteignait 2'766'209 fr.20. Sur ce point, l'autorité cantonale a considéréque la défenderesse a fautivement violé son obligation de vérifier que lebudget alloué n'était pas dépassé. Le dommage subi, correspondant à ladifférence entre la limite maximale des coûts fixés (2'262'362 fr., dont àdéduire 280'325 fr. d'honoraires) et le coût final des travaux (2'766'209fr., dont à déduire 378'339 fr. d'honoraires), a été arrêté à 405'833 francs. En ce qui concerne le retard intervenu dans l'exécution des travaux, lajuridiction cantonale a posé qu'il n'était pas imputable à la défenderesse,dès lors que la nécessité de procéder à des travaux supplémentaires - dont lerenforcement des planchers - est apparue en cours de chantier, plusprécisément durant la phase de démolition, et que les termes fixés pour leurexécution n'ont pas pu être respectés, compte tenu des aléas propres auxchantiers de rénovation. De même, la Cour de justice a nié toute violationdes obligations contractuelles de la défenderesse en lien avec les procéduresde soumission. C.La défenderesse interjette un recours en réforme contre ce dernier prononcé.Elle requiert la réforme du jugement attaqué en tant qu'il la condamne àverser à la demanderesse la somme de 405'833 fr., avec intérêt à 5% l'an dèsle 15 septembre 2000, tout en sollicitant le Tribunal fédéral de rejeter lademande en paiement de l'adverse partie. La demanderesse propose le rejet du recours, sous suite de frais et dépens. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 Interjeté par la défenderesse, qui a succombé dans ses conclusions, etdirigé contre une décision finale rendue en dernière instance cantonale parun tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont lavaleur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le présentrecours est en principe recevable puisqu'il a été déposé en temps utile (art.54 OJ en lien avec l'art. 34 al. 1 let. c OJ) et dans les formes requises(art. 55 OJ). Demeure réservé l'examen de la recevabilité des moyens qui ysont soulevés. 1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire sonraisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décisionattaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aientété violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur uneinadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter lesconstatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu comptede faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2; 127 III 248 consid. 2c). Hormis cesexceptions que le recourant doit invoquer expressément, il ne peut êtreprésenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyensde preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Dans la mesure où les parties présentent certains faits qui ne figurent pasdans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une desexceptions qui viennent d'être rappelées, il n'en sera pas tenu compte. 1.3 Quant aux motifs énoncés dans un recours en réforme, ils doivent indiquersuccinctement quelles sont les règles de droit fédéral violées par ladécision attaquée et en quoi consiste cette violation (art. 55 al. 1 let. cOJ). Le recourant ne peut pas se borner à citer les dispositions légales quiauraient été violées ni se livrer seulement à des développements juridiquesabstraits ou à des critiques toutes générales de la décision attaquée. Ildoit formuler ses critiques de manière détaillée afin que la juridictionfédérale de réforme puisse comprendre en quoi il considère le jugementattaqué comme contraire au droit fédéral (ATF 121 III 397 consid. 2a; 116 II745 consid. 3). 2.En l'état, il n'est pas contesté que les règles propres au mandat (art. 394ss CO) sont applicables aux faits litigieux. Lors même que le "contratrelatif aux prestations de l'architecte et des ingénieurs civils et CVSE",passé entre C.________ Compagnie d'Assurances sur la vie et la défenderesseen décembre 1998, prévoit l'application des normes SIA 102, 103 et 108, cesnormes renvoient au régime général en matière de responsabilitécontractuelle. Par conséquent, les dispositions du code des obligations sontapplicables. 2.1 La défenderesse reproche tout d'abord à la Cour de justice d'avoir faitune application erronée de l'art. 398 al. 2 CO, en lien avec laresponsabilité contractuelle de l'architecte en cas de dépassement du coûtdes travaux.Après avoir relevé que le contrat des parties qualifiait expressément lebudget de construction "d'estimation", que, lors de la signature du contraten décembre 1998, ni le programme, ni le descriptif des travaux, n'avaientété établis, que des travaux supplémentaires avaient été réservés, que laquestion des coûts avait été clairement débattue par les architectes et que,le 3 novembre 1999, une demande de crédit complémentaire avait été acceptée,portant ainsi à 2'262'362 fr. le budget des travaux, la défenderesse arrive àla conclusion qu'elle n'avait pas à reconnaître que la partie adverse avaitun budget limité à disposition, ni que l'enveloppe globale fixée pour lestravaux constituait une limite maximale qui ne pouvait être dépassée, même sien cours de chantier d'éventuels travaux supplémentaires s'avéraientnécessaires. La défenderesse nie par ailleurs une quelconque violation de son devoir dediligence, en contestant toute responsabilité en lien avec un contrôleinsuffisant des coûts. Elle soutient notamment que la demanderesse,représentée par un professionnel de la construction, était pleinementconsciente des risques financiers liés aux modifications du projet. Elleajoute que la situation financière présentée le 8 mai 2000 sur la base dutableau de contrôle des coûts établi par la demanderesse ne montrait pas dedépassement à ce moment-là, tout en soulignant la nécessité des dépensesliées aux travaux réalisés sur le chantier. 2.22.2.1Le mandataire doit en principe suivre les instructions de son mandant(art. 397 CO). Il est responsable d'une bonne et fidèle exécution de samission (art. 398 al. 2 CO). D'une manière générale, sa responsabilité estsoumise aux mêmes règles que celle du travailleur dans les rapports detravail (art. 398 al. 1 CO). En conséquence, le mandataire doit exécuter avecsoin la mission qui lui est confiée et sauvegarder fidèlement les intérêtslégitimes du mandant (cf. art. 321a al. 1 CO). Il appartient au maître del'ouvrage de prouver les faits dont on peut déduire objectivement uneviolation du devoir de diligence (cf. art. 8 CC). De manière générale, le mandataire doit tenir son mandant régulièrement aucourant du développement du contrat et lui signaler toute circonstanceimportante, notamment lorsqu'elle pourrait avoir une influence sur lesinstructions données. De même, il lui incombe de rendre le mandant attentifaux risques que comporte le service ou l'exécution du mandat (Pierre Tercier,Les contrats spéciaux, 3e éd., Zurich 2003, n. 4690, p. 676 s.) et, dansl'hypothèse d'un contrat d'architecte, ce devoir d'information porte sur tousles faits qui peuvent avoir une importance sur le déroulement des travaux(Tercier, op. cit., n. 4858, p. 700). Dans le cadre d'une exécution correcte du mandat qui lui est confié,l'architecte doit notamment vérifier que les coûts de constructioncorrespondent à l'évaluation faite, surtout lorsque les travaux ont commencé;en cas de doute à ce sujet, il doit s'en ouvrir au maître de l'ouvrage (ATF119 II 249 consid. 3b; 108 II 197 consid. 2a; Rainer Schumacher, Die Haftungdes Architekten aus Vertrag, in: Peter Gauch/Pierre Tercier, Le droit del'architecte, 3e éd., Fribourg 1995, 113 ss, n. 747, p. 237). En effet, uncomportement passif de l'architecte est de nature à aggraver le problème descoûts et à amener le maître de l'ouvrage à recourir à des dispositionsdommageables, du moment que les risques portant sur les coûts ne sont laplupart du temps pas reconnaissables pour le mandant sans une informationidoine de son architecte (Schumacher, op. cit., n. 748, p. 237 s.).2.2.2 Tout d'abord, force est de constater que l'argumentation - confuse - dela défenderesse ne respecte pas les réquisits légaux (art. 55 al. 1 let. cOJ), en ce sens qu'elle n'explique pas en quoi le raisonnement de la courcantonale violerait le droit fédéral, en particulier
l'art. 398 al. 2 CO. Ensuite, la constatation de la juridiction cantonale, selon laquelle lademanderesse avait un budget limité à disposition et que la limite des coûtsfixée à 2'262'362 fr., y compris les honoraires de la défenderesse et le coûtdes travaux supplémentaires, ne devait pas être dépassée, relève des faitsrésultant de l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée cetteautorité et ne peut donc pas être remise en cause en instance de réforme. S'agissant de la violation du devoir de diligence, il a été posé en fait quela défenderesse n'a pas correctement vérifié que les travaux adjugésrestaient dans le budget alloué ni informé la demanderesse, le moment venu,que celui-ci était dépassé. Alors que le 10 février 1999 déjà, ladéfenderesse relevait que le budget de construction était faible et que le 3septembre suivant, le budget consolidé laissait apparaître un dépassement de10% environ par rapport au budget initial, il résulte de l'arrêt attaqué quela défenderesse n'a pas avisé la partie adverse que la limite fixée nepouvait, en définitive, pas être respectée. Bien plus, le 8 mai 2000, soitmoins de trois mois avant la fin des travaux, la défenderesse faisait étatd'un disponible de 116'716 fr.85, à l'usage de quelques travaux à venir,omettant de tenir compte, à tout le moins à titre approximatif, de certainstravaux dans l'examen du respect du budget alloué. En effet, à cette date,non seulement tous les travaux n'étaient pas adjugés, mais en sus ceux quil'avaient été ne correspondaient à aucun contrat ou avenant, dont lasignature est venue à chef plus tard. Comme moyens de défense, la défenderesse soutient en substance que lademanderesse était pleinement consciente des risques financiers liés auxmodifications du projet, qu'il lui appartenait d'être attentive à undépassement de budget, voire même que la situation financière présentée le 8mai 2000 ne montrait pas de dépassement à ce moment-là, ce qui n'est àl'évidence pas à même d'établir le respect des obligations contractuelles dela défenderesse sous l'angle de la bonne et fidèle exécution du mandat et,partant, de démontrer a contrario une violation du droit fédéral. Par ailleurs, il est significatif de relever que, bien que la défenderesseaffirme que "lorsque des difficultés sont apparues en cours de chantier, lademanderesse en a été systématiquement avisée", elle ne remet pas en cause, àjuste titre, l'appréciation de la cour cantonale selon laquelle il n'est pasétabli qu'elle aurait indiqué au maître de l'ouvrage que la limite fixéepourrait être dépassée. Elle tente au contraire de s'exonérer en affirmantque la demanderesse, représentée par un professionnel de la construction,était pleinement consciente des risques financiers liés aux modifications duprojet. Or, il a été retenu que, même si la demanderesse était représentéepar un architecte, elle ne pouvait se rendre compte que le budget n'était passuffisant et risquait d'être dépassé, dès lors qu'elle n'a pas été renseignéesur l'état - pourtant requis à de nombreuses reprises - de la situationfinancière du chantier, considérée comme peu claire. En outre, contrairementà ce que soutient la défenderesse, les travaux de renforcement des planchersont fait l'objet d'un crédit complémentaire englobé dans le budget final, le3 novembre 1999 déjà, et non pas seulement une fois lesdits travaux terminés.Quoi qu'il en soit, le fait que la défenderesse ait, malgré les difficultésrencontrées, poursuivi l'exécution du mandat est particulièrement révélateurd'un défaut de diligence, ce d'autant plus qu'il ne ressort pas du dossierque la demanderesse ait délibérément choisi de maintenir ses instructionsmalgré l'existence - non établie en l'état - d'un avis contraire de la partde l'architecte. A cet égard, la défenderesse ne peut être suivie lorsqu'ellejustifie le maintien des travaux par la vente de l'immeuble en cours derénovation avec la mention "travaux achevés", dès lors qu'elle n'était enaucun cas liée par le contrat de vente en question. Sur le vu de ces éléments, l'inexécution contractuelle a été démontrée àsatisfaction, peu importe que les travaux réalisés sur le chantierconstituaient ou non une dépense nécessaire, ce qu'allègue encore ladéfenderesse au terme de son argumentation, lors même que ce fait n'a pas étéretenu par l'instance cantonale. Par conséquent, c'est à bon droit que la Cour de justice a retenu que ladéfenderesse a violé son obligation de vérifier que le budget alloué n'étaitpas dépassé et, par conséquent, enfreint fautivement les instructions dumaître de l'ouvrage. 3.Dans un autre grief, la défenderesse fait valoir que la cour cantonale aviolé le droit fédéral, en particulier l'art. 42 CO, en ayant simplementconsidéré que le dommage correspondait à la plus-value objective du bâtiment,sans avoir examiné si les coûts supplémentaires que le maître voulaits'épargner pouvaient objectivement être évités. Elle nie toute violation ducontrat et, dans l'hypothèse où une telle violation devait être retenue, elleconteste l'existence d'un rapport de causalité naturelle entre le contrôleinsuffisant du budget reproché, voire les autres violations alléguées ducontrat, et le prétendu dommage. 3.1 Le dommage juridiquement reconnu réside dans la diminution involontairede la fortune nette; il correspond à la différence entre le montant actuel dupatrimoine du lésé et le montant qu'aurait ce même patrimoine si l'événementdommageable ne s'était pas produit (ATF 127 III 73 consid. 4a; 126 III 388consid. 11a et les arrêts cités). Le dommage peut se présenter sous la formed'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'unenon-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif (cf. ATF 122 IV279 consid. 2a; 121 IV 104 consid. 2c). Dire s'il y a eu un dommage et quelle en est la quotité est une question defait qui lie le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (ATF 127 III73 consid. 3c; 126 III 388 consid. 8a; 123 III 241 consid. 3a). C'est enrevanche une question de droit de dire si la notion juridique de dommage aété méconnue (ATF 130 III 145 consid. 6.2 et les arrêts cités). 3.23.2.1La juridiction cantonale a arrêté que le dommage subi par lademanderesse ne résulte pas de la mauvaise estimation du coût des travaux,mais de la violation des instructions de la demanderesse. Elle a donc poséque le dommage consiste en la différence entre, d'une part, la limitemaximale des coûts fixée par la demanderesse et, d'autre part, le coût finaldes travaux, tout en précisant qu'il n'est pas contesté que la demanderesse apayé aux entreprises qui sont intervenues sur le chantier l'intégralité desmontants réclamés et que le montant des honoraires facturés par ladéfenderesse a été perçu. L'autorité cantonale ne s'est aucunement référée - lors du calcul du dommage- a une éventuelle différence entre la valeur objective du bâtiment et sonutilité subjective. Elle a souverainement constaté l'absence de plus-value dubâtiment, le dépassement de la limite maximale fixée étant rattaché au seuldéfaut de vérification des coûts par la défenderesse. 3.2.2 Une fois encore, le grief soulevé par la défenderesse est irrecevable,en ce sens qu'il se fonde sur des faits qui n'ont pas été retenus parl'instance cantonale et n'indique pas en quoi consiste la violation du droitfédéral. La critique de la défenderesse équivaut, en définitive, en une séried'affirmations dépourvues de véritable argumentation. Au demeurant, le raisonnement de la cour cantonale ne prête pas le flanc à lacritique. En effet, lorsqu'une limite des coûts a été fixée par le maître del'ouvrage et que l'architecte remarque ou devait remarquer que cette limitene pourra être tenue, il doit immédiatement interrompre les travaux, informerle maître de l'ouvrage et obtenir des clarifications, afin que des mesurespuissent être prises qui permettent le maintien des coûts. S'il ne remplitpas ces devoirs de manière diligente et qu'il cause un dépassement des coûts,il doit indemniser le maître pour le dommage ainsi subi, lequel correspondaux coûts supplémentaires que le maître voulait s'épargner avec sesinstructions (arrêt 4C.424/2004 du 15 mars 2005, consid. 3.3; WalterFellmann, Haftung für falsche Lostenschätzung, in: Alfred Koller, Recht derArchitekten und Ingenieure, St-Gall 2002, 211 ss, p. 219; Schumacher, op.cit., n. 737, p. 233). La cour cantonale a précisément pris en considération ces éléments dans lecalcul du dommage, puisqu'elle a comparé le coût final des travaux au budgetalloué, le tout déduction faite des honoraires, dont le versement n'a enaucun cas été contesté devant la dernière instance cantonale. Celle-ci adonc, à juste titre, pris en compte dans le cas d'espèce le surcoût destravaux tels que susmentionnés et non pas, comme le prétend à tort ladéfenderesse, "la plus-value objective du bâtiment", dont l'existence a éténiée, de manière à lier l'instance de réforme. En effet, contrairement à ce que soutient la défenderesse, il ressort desfaits de la cause que le dépassement de la limite maximale fixée est rattachéau seul comportement de la défenderesse, qui n'a pas vérifié que les travauxadjugés restaient dans le budget alloué et non pas à l'incidence négative durenforcement des planchers sur les autres travaux, aux difficultés apparuesen cours de chantier, aux exigences supplémentaires formulées durant lestravaux, ainsi qu'aux mesures pour terminer les travaux dans les délais. Audemeurant, il n'est pas établi que les travaux en question étaientnécessaires à l'exécution du projet. Par ailleurs, il faut observer que lestravaux de renforcement des planchers, qui n'étaient certes pas prévusinitialement dans le contrat liant les parties, ont fait l'objet d'un créditcomplémentaire de 497'000 fr., englobé dans le budget final dès le 3 novembre1999. Quant aux travaux supplémentaires commandés en cours de chantier, lajuridiction cantonale a arrêté que la demanderesse a, à chaque fois, préciséque les travaux en question devaient entrer dans le budget. Dans la mesure où la défenderesse reproche à l'autorité cantonale de n'avoirpas "examiné si les coûts supplémentaires que le Maître voulait s'épargnerpouvaient objectivement être évités", en ayant "simplement considéré que ledommage correspondait à la plus-value objective du bâtiment", sa critique estirrecevable, dès lors qu'aucune plus-value objective du bâtiment n'a étéretenue. Par ailleurs, la critique est dénuée de toute consistance, puisqu'ilest sans pertinence en l'état de déterminer si les travaux étaientobjectivement réalisables dans la limite fixée par la demanderesse. En effet,il faut relever que lors même qu'il appartenait à la défenderesse de partagerses doutes sur la question avec la demanderesse - ce qui n'a nullement étéretenu en fait -, la défenderesse a accepté d'exécuter le mandat dans lalimite des coûts fixée, dont il a été arrêté qu'elle ne devait pas êtredépassée. De surcroît, en cours d'exécution des travaux, aucun avertissementadéquat n'a été formulé, sans que la demanderesse ne soit à même d'évaluerpar elle-même la situation financière du chantier. Ainsi, la Cour de justicen'avait pas à examiner si les coûts supplémentaires pouvaient être évités.Par conséquent, la notion juridique du dommage n'a pas été méconnue et legrief de la défenderesse tombe à faux. 3.3 En ce qui concerne la critique relative au lien de causalité naturelle,elle ne peut qu'être déclarée irrecevable, dès lors qu'elle relève des faits,qui ne peuvent être critiqués en instance de réforme. 4.Dans son dernier grief, la défenderesse argue d'une violation de l'art. 8 CC.Elle revient tout d'abord sur la notion de plus-value subjective, surlaquelle la cour cantonale ne s'est pas prononcée, "puisque son appréciationjuridique du dommage a été différente". A son sens, la valeur subjective del'immeuble pour la demanderesse est équivalente ou presque à sa plus-valueobjective, puisque toutes les dépenses engagées se sont révélées nécessairestant pour réhabiliter l'immeuble que pour satisfaire les besoins de sesutilisateurs, la demanderesse s'y étant engagée en vendant l'immeuble. Ellefait également état d'un fait accessoire, mais - à ses dires - déterminant,dont la cour cantonale n'a pas tenu compte et qu'il conviendrait de prendreen considération en application de l'art. 64 OJ, à savoir le crédit deconstruction dont disposait en réalité la demanderesse pour les travaux de2'551'000 fr., soit de 10% supérieur au budget qui aurait constitué la limitemaximale des coûts. Elle revient aussi sur le calcul du dommage, enparticulier sur le montant des honoraires portés en déduction du budget fixé,en affirmant qu'il ressort des constatations de fait que, sous réserve desacomptes de 182'222 fr.65 versés en cours de chantier, la demanderesse n'ajamais soldé ses honoraires. Enfin, elle conteste le calcul de l'intérêtmoratoire, qui ne peut être alloué dès le 15 septembre 2000. 4.14.1.1L'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve pour toutes les prétentionsfondées sur le droit fédéral et détermine, sur cette base, laquelle desparties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 127 III519 consid. 2a; 126 III 189 consid. 2b, 315 consid. 4a). On en déduitégalement un droit à la preuve et à la contre-preuve (ATF 126 III 315 consid.4a), à la condition qu'il s'agisse d'établir un fait pertinent (ATF 126 III315 consid. 4a; 123 III 35 consid. 2b), qui n'est pas déjà prouvé (ATF 127III 519 consid. 2a; 126 III 315 consid. 4a), par une mesure probatoireadéquate (cf. ATF 90 II 224 consid. 4b) qui a été régulièrement offerte selonles règles de la loi de procédure applicable (ATF 126 III 315 consid. 4a; 122III 219 consid. 3c).En revanche, l'art. 8 CC ne dicte pas au juge la manière dont il doit forgersa conviction. Ainsi, lorsque l'appréciation des preuves convainc le jugequ'un fait est établi à satisfaction de droit ou réfuté, la question de larépartition du fardeau de la preuve ne se pose plus et le grief tiré de laviolation de l'art. 8 CC devient sans objet. Il s'agit alors d'une questionde pure appréciation des preuves; celle-ci ne peut être soumise au Tribunalfédéral que par la voie d'un recours de droit public pour arbitraire (ATF 129III 18 consid. 2.6; 127 III 519 consid. 2a). 4.1.2 L'art. 64 OJ ne confère pas aux parties la faculté de compléter adlibitum les faits constatés par l'autorité cantonale, en particulier ensoutenant qu'un complètement desdits faits conduirait à une solutionjuridique différente du litige. Pour que la norme précitée entre en jeu,l'arrêt attaqué doit ne pas contenir les constatations nécessaires àl'application du droit fédéral (Bernard Corboz, Le recours en réforme auTribunal fédéral, SJ 2000 II p. 1ss, 67; Max Guldener, SchweizerischesZivilprozessrecht, 3e éd., p. 552). Le complètement des faits est exclulorsqu'il est fait grief à la cour cantonale d'avoir constaté les faits demanière erronée, car c'est l'appréciation des preuves qui est alors mise encause, laquelle ne saurait être contrôlée en instance de réforme (arrêt4C.336/1993
du 23 février 1994, consid. 1). 4.2 S'agissant du premier volet du grief soulevé, il y a lieu de constaterque, lors même que la défenderesse ne démontre pas, de manière convaincante,dans quelle mesure l'art. 8 CC aurait été violé, elle s'en prend en réalité àl'appréciation des preuves de l'autorité cantonale, qui a nié, sans exprimerde doute, l'existence d'une quelconque plus-value subjective et qui, desurcroît, comme développé supra, ne s'est pas livrée à une appréciationjuridique erronée du dommage. En ce qui concerne le crédit de construction de 2'551'000 fr., il ne sauraitêtre présentement pris en considération, dès lors que les constatations defait de la cour cantonale sont suffisantes pour permettre à la Cour de céansde vérifier si les juges précédents ont appliqué correctement le droitfédéral. Il n'y a donc pas matière à les compléter. Quant à la critique relative au calcul du dommage et de l'intérêt moratoire,faite sans qu'aucune explication ne soit donnée en lien avec une éventuelleviolation de l'art. 8 CC, elle ne peut qu'être déclarée irrecevable, puisquel'estimation du dommage repose sur le pouvoir d'apprécier les faits et relèvedonc de la constatation des faits, laquelle ne peut être revue en instance deréforme. 5.En définitive, les moyens soulevés par la défenderesse ne peuvent qu'êtrerejetés, dans la mesure de leur recevabilité. 6.Compte tenu de l'issue du litige, la défenderesse acquittera l'émolumentjudiciaire et les dépens à allouer à la demanderesse (art. 156 al. 1 et 159al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 7'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 3.La recourante versera à l'intimée une indemnité de 8'000 fr. à titre dedépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 9 mai 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.54/2006
Date de la décision : 09/05/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-09;4c.54.2006 ?
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