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09/05/2006 | SUISSE | N°2A.646/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 mai 2006, 2A.646/2005


2A.646/2005/CFD/elo{T 0/2} Arrêt du 9 mai 2006IIe Cour de droit public MM. et Mme les Juges Merkli, Président,Wurzburger et Yersin.Greffière: Mme Charif Feller. A. X.________ et Y.________, recourants,tous les deux représentés par Me Karin Baertschi, avocate, contre Département fédéral de justice et police, 3003 Berne. refus d'autorisation d'entrée et d'approbation à l'octroi d'une autorisationde séjour (regroupement familial), recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral dejustice et police du 4 octobre 2005. Faits: A.A. X.________, ressortissante sÃ

©négalaise, est entrée en Suisse le 4 août1993 pour y travaille...

2A.646/2005/CFD/elo{T 0/2} Arrêt du 9 mai 2006IIe Cour de droit public MM. et Mme les Juges Merkli, Président,Wurzburger et Yersin.Greffière: Mme Charif Feller. A. X.________ et Y.________, recourants,tous les deux représentés par Me Karin Baertschi, avocate, contre Département fédéral de justice et police, 3003 Berne. refus d'autorisation d'entrée et d'approbation à l'octroi d'une autorisationde séjour (regroupement familial), recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral dejustice et police du 4 octobre 2005. Faits: A.A. X.________, ressortissante sénégalaise, est entrée en Suisse le 4 août1993 pour y travailler en tant qu'employée de maison pour diplomates. Sonfils Y.________, né le 13 septembre 1985 et issu d'un premier mariage, estresté chez sa soeur, à Dakar. Le 29 août 1998, la recourante a épouséB.X.________, ressortissant italien au bénéfice d'un permis d'établissement.Le 25 juillet 2000, elle a formulé auprès de l'Office cantonal de lapopulation du canton de Genève (ci-après: l'Office cantonal) une demande deregroupement familial en faveur de son fils, âgé alors de presque quinze ans.A la demande de l'Office cantonal, la recourante a produit deux attestationsdu père, datant respectivement du 22 juin 2000 et du 23 mai 2001, autorisantY.________ à rejoindre sa mère en Suisse, ainsi qu'un jugement du Tribunaldépartemental de Dakar, du 21 mars 2001, indiquant que la puissancepaternelle était déléguée à la mère. Sur requête de l'Office cantonal du 24août 2001, les autorités sénégalaises ont signalé, le 11 juin 2002, quel'acte de naissance comportait plusieurs éléments de fraudes avérées. B.Le 26 juin 2002, l'Office cantonal a refusé de délivrer une autorisationd'entrée et de séjour en faveur de Y.________. A.X.________ a recouru contrecette décision auprès de la Commission cantonale de recours de police desétrangers (ci-après: la Commission cantonale). Se basant sur l'accord du 21juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communautéeuropéenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation despersonnes (ALCP; RS 0.142.112.681), entré en vigueur le 1er juin 2002,l'Office cantonal a informé la Commission cantonale, le 28 octobre 2002,qu'il était disposé à octroyer à Y.________ une autorisation de séjour dèsque la filiation de celui-ci serait établie avec certitude. De nouveauxdocuments ont été produits, le 2 mai 2003, puis transmis pour vérification,le 22 juillet 2003, à l'ambassade suisse à Dakar, laquelle a confirmél'authenticité de l'acte de naissance, le 6 mai 2004. Le 11 mai 2004,l'Office cantonal s'est déclaré disposé à délivrer à Y.________ uneautorisation de séjour par regroupement familial et a transmis le dossier àl'Office fédéral de l'immigration, de l'intégration et de l'émigration(actuellement: Office fédéral des migrations; ci-après: l'Office fédéral)pour approbation. Par décision du 14 septembre 2004, l'Office fédéral a refusé d'octroyer uneautorisation d'entrée à Y.________ et d'approuver l'octroi de l'autorisationde séjour. Par décision du 4 octobre 2005, le Département fédéral de justice et police(ci-après: le Département fédéral) a rejeté le recours formé par A.X.________et son fils Y.________ contre la décision précitée de l'Office fédéral. C.Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.X.________ et sonfils Y.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler la décision duDépartement fédéral et de renvoyer la cause à l'Office fédéral pour nouvelledécision dans le sens des considérants. Le Département fédéral conclut principalement à l'irrecevabilité du recours,subsidiairement à son rejet dans la mesure où il est recevable. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursqui lui sont soumis (ATF 131 I 57 consid. 1 p. 59). Selon l'art. 100 al. 1 let. b OJ, le recours de droit administratif n'est pasrecevable en matière de police des étrangers contre le refus, la restrictionet l'interdiction d'entrée (ch. 1) ainsi que contre l'octroi ou le refusd'autorisations auxquelles le droit fédéral ne confère pas un droit (ch. 3).D'après l'art. 4 LSEE, les autorités compétentes statuent librement, dans lecadre des prescriptions légales et des traités avec l'étranger, sur l'octroiou le refus d'autorisations de séjour ou d'établissement. En principe,l'étranger n'a pas de droit à l'octroi d'une autori- sation de séjour. Ainsi,le recours de droit administratif est irrecevable, à moins que ne puisse êtreinvoquée une disposition particulière du droit fédéral ou d'un traité,accordant le droit à la délivrance d'une telle autorisation (ATF 131 II 339consid. 1 p. 342). 2.2.1Partie intégrante de l'ALCP (art. 15), l'annexe I ALCP règle le détail dudroit mentionné à l'art. 7 lettre d ALCP en prévoyant que, quelle que soitleur nationalité, les membres de la famille d'un ressortissant d'une partiecontractante ayant un droit de séjour ont le droit de s'installer avec lui(art. 3 al. 1 annexe I ALCP); sont considérés comme membres de la famille duressortissant de la partie contractante son conjoint et leurs descendants demoins de vingt et un ans ou à charge (art. 3 al. 2 let. a annexe I ALCP). Cedroit au regroupement familial est calqué sur la réglementation prévue auxart. 10 et 11 du Règlement (CEE) No 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968,relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de laCommunauté (JO No L 257, p. 2), si bien qu'on doit l'interpréter en tenantcompte de la jurisprudence antérieure au 21 juin 1999 qui a été rendue en lamatière par la Cour de justice des Communautés européennes (ATF 130 II 113consid. 5.2 p. 119). 2.2 La demande de regroupement familial litigieuse a été présentée parA.X.________, de nationalité sénégalaise, en faveur de son fils Y.________.Elle a épousé un citoyen italien, soit un ressortissant d'un Etat partie àl'ALCP, qui bénéficie d'une autorisation d'établissement en Suisse. Celui-cipeut donc se prévaloir du droit de séjour qui découle de l'ALCP, et lesmembres de sa famille ont en principe le droit de s'installer avec lui.Toutefois, il n'a pas adopté Y.________ qui n'est dès lors pas un enfantcommun des époux. En outre, le texte de l'art. 3 al. 2 let. a annexe I ALCPn'établit pas si les descendants d'un seul conjoint, à savoir de celui qui nepeut pas invoquer l'ALCP parce qu'il n'est pas ressortissant d'un Etat partieà cet accord, sont inclus dans cette disposition. 2.3 Quoi qu'il en soit, cette question peut demeurer indécise, dès lors ques'inspirant d'une jurisprudence de la Cour de justice des Communautéseuropéennes (arrêt du 23 septembre 2003 dans l'affaire C-109/01, Secretary ofState contre Akrich, reproduit in: EuGRZ 2003 p. 607 ss, pt 57), le Tribunalfédéral a précisé que l'art. 3 annexe I ALCP n'était pas applicable lorsque,au moment de la demande de regroupement familial, le membre de la familleconcerné du ressortissant communautaire n'avait pas la nationalité d'un Etatmembre de la Communauté européenne ou ne résidait pas déjà légalement dans unEtat membre (ATF 130 II 1 consid. 3.6 p. 9 ss). Tel est le cas en l'espèce,si bien que l'éventuel droit de Y.________ à une autorisation de séjour doiten premier lieu s'examiner à la lumière des dispositions du droit interne. 3.Aux termes de l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE, les enfants célibataires demoins de dix-huit ans ont le droit d'être inclus dans l'autorisationd'établissement de leurs parents aussi longtemps qu'ils vivent auprès d'eux. En l'espèce, la demande de regroupement familial en faveur de Y.________ aété déposée le 25 juillet 2000. A cette date, celui-ci avait moins dedix-huit ans et sa mère A.X.________ ne disposait que d'une autorisation deséjour. Toutefois, elle a bénéficié d'une autorisation d'établissement dès le28 juillet 2003, alors que son fils était toujours âgé de moins de dix-huitans et que la procédure concernant le regroupement familial était encorependante. Dès lors et contrairement à ce qu'a retenu le Département fédéral,la relation de Y.________ avec sa mère pouvait fonder un droit auregroupement familial et le recours de droit administratif est recevable souscet angle. Point n'est donc besoin d'examiner si l'on peut déduire un droit auregroupement familial selon l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE de la relationde Y.________ avec l'époux italien de sa mère, soit de la relation entrebeaux-enfants et beaux-parents (cf. à ce sujet arrêts 2A.345/2003 du 31 mars2004, consid. 4.1 et 2A.425/2003 du 5 mars 2004, consid. 4.1.4). 4.4.1Le but du regroupement familial au sens de l'art. 17 al. 2 3ème phraseLSEE est de permettre aux enfants et aux parents de vivre les uns avec lesautres. Lorsque les parents sont séparés ou divorcés et que l'un d'entre euxa rejoint la Suisse, tandis que l'autre est demeuré à l'étranger, la venue deleur enfant en Suisse ne peut conduire à regrouper l'ensemble de la famille.Par conséquent et contrairement à ce que soutient la recourante, un droitinconditionnel à cette venue ne correspond pas à la ratio legis de cettedisposition qui doit alors être appliquée de manière plus restrictive (ATF129 II 11 consid. 3.1.1 et 3.1.2, 249 consid. 2.1 et les arrêts citées). Lorsqu'un parent a vécu de nombreuses années séparé de son enfant laissé à lacharge de l'autre parent, de grands-parents ou d'autres membres de safamille, on doit soupçonner que le but visé par la requête de regroupementfamilial n'est pas d'assurer la vie familiale commune, mais bien d'assurer àl'enfant de meilleures conditions de vie en Suisse ou l'obtention de manièresimple d'une autorisation d'établissement en vue d'entamer l'exercice d'uneactivité professionnelle. Aussi, pour pouvoir se prévaloir du droit de faire venir ultérieurement sonenfant, le parent installé en Suisse doit avoir maintenu avec lui unerelation familiale prépondérante en dépit de la séparation. De plus, deschangements sérieux de circonstances, par exemple une modification despossibilités de prise en charge éducative, doivent rendre nécessaire la venuede l'enfant (ATF 129 II 11 consid. 3.1.3, 249 consid. 2.1). A cet égard, ilsied notamment de tenir compte du mode et de l'intensité de l'intégration del'enfant dans son pays d'origine en les comparant avec les possibilitésd'intégration en Suisse, dès lors que le déplacement pourra constituer pourl'enfant un véritable déracinement ou comporter des difficultés prévisiblesd'intégration, augmentant avec l'âge (ATF 129 II 11 consid. 3.3.2).L'importance et la preuve des motifs visant à justifier le regroupementfamilial ultérieur d'un enfant de parents séparés ou divorcés doivent êtresoumises à des exigences élevées (cf. ATF 129 II 249 consid. 2.1).4.2 En l'espèce, Y.________ a vécu dans son pays d'origine depuis sanaissance et y a effectué toute sa scolarité. Au moment du départ de sa mèrepour la Suisse, en août 1993, l'enfant, âgé de huit ans, a été pris en chargepar sa tante maternelle qui l'a élevé. Même si la mère a participé aufinancement des études de son fils, qu'elle a eu depuis son arrivée en Suissedes contacts téléphoniques avec lui et qu'elle s'est rendue entre 1999 et2004 environ une fois par année dans son pays d'origine pour des duréescomprises entre deux et cinq semaines, ces circonstances ne sauraient suffirepour qualifier cette relation familiale de prépondérante au sens de lajurisprudence. En effet, rien dans le dossier ne permet de retenir que c'estla mère qui a assumé la responsabilité principale de l'éducation de son fils,comme le relève la décision attaquée. De plus, le fait que Y.________ soitson unique enfant n'apparaît pas comme déterminant, dans la mesure où ellen'a déposé la requête de regroupement familial que peu de temps avant qu'iln'atteigne l'âge de quinze ans et qu'elle n'avait jamais mentionné sonexistence auparavant, dans le cadre des procédures concernant son propreséjour en Suisse, alors même qu'elle y était tenue. Par ailleurs, la requête de délégation de la puissance paternelle a étéintroduite auprès du Tribunal départemental de Dakar, le 5 janvier 2001, soitquelque cinq mois après le dépôt de la demande de regroupement familial enSuisse. Ce n'est que le 21 mars 2001 que la puissance paternelle a étédéléguée à la mère par un jugement composé de formules préimprimées, quin'indique pas les raisons pour lesquelles le père ne pouvait plus assumer sesobligations à l'égard de son fils. Celui-ci était alors âgé de quinze ans etdemi et terminait sa scolarité avant de poursuivre une formation eninformatique, tel que cela ressort du dossier. Le fait que la tantematernelle de l'enfant soit aujourd'hui âgée et qu'elle souffre de diabète nesemble pas avoir influencé le cursus scolaire de Y.________ et n'est, dèslors, pas déterminant, ce d'autant plus que celui-ci est déjà adulte. A cetégard, la durée de la vérification de l'authenticité de l'acte de naissancene saurait en aucun cas être imputée aux autorités helvétiques. On ne peut dureste exclure qu'une telle vérification eût été superflue, si la mère avaitsignalé dès son arrivée en Suisse l'existence de son fils. Par conséquent, un changement de circonstances justifiant un regroupementfamilial tardif ne peut être décelé en l'espèce. Celui-ci vise avant tout àassurer à Y.________, qui doit être considéré comme parfaitement intégré dansson pays, un meilleur avenir professionnel en Suisse. 5.Le recours étant de toute manière recevable, il n'y a pas lieu de trancher laquestion de savoir si les recourants peuvent également se prévaloir de l'art.8 CEDH (ou 13 al. 1 Cst.). En effet, les restrictions dont l'art. 17 al. 23ème phrase LSEE fait l'objet lorsqu'il concerne des parents séparés oudivorcés s'appliquent par analogie (ATF 125 II 633 consid. 3a; voir aussiATF 129 II 249 consid. 2.4) à l'art. 8 CEDH (ou 13 al. 1 Cst.). 6.Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Succombant, lesrecourants doivent assumer les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ)solidairement entre eux (art. 156 al. 7 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer desdépens à l'autorité (art. 159 al. 2 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Un émolument de 1'500 fr. est mis à la charge des recourants, solidairemententre eux. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire des recourants, auDépartement fédéral de justice et police ainsi qu'à l'Office cantonal de lapopulation du canton de Genève. Lausanne, le 9 mai 2006 Au nom de la IIe Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.646/2005
Date de la décision : 09/05/2006
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-09;2a.646.2005 ?
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