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04/05/2006 | SUISSE | N°K.153/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 mai 2006, K.153/05


Cause {T 7}K 153/05 Arrêt du 4 mai 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffière :Mme Gehring I.________, recourant, représenté par Me Hubert Theurillat, avocat, rue P.Péquignat 12, 2900 Porrentruy, contre Santésuisse, les assureurs-maladie suisses, Römerstrasse 20, 4502 Soleure,intimée, représentée par Me Luke H. Gillon, avocat, boulevard de Pérolles 21,1701 Fribourg Tribunal arbitral en matière d'assurance-maladie (LAMal), Porrentruy (Jugement du 16 septembre 2005) Faits: A.I. ________ est titulaire depuis 1987 d'un diplôme de médecin

e de l'Académiemédicale de X.________. Après avoir travaillé c...

Cause {T 7}K 153/05 Arrêt du 4 mai 2006IIe Chambre Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffière :Mme Gehring I.________, recourant, représenté par Me Hubert Theurillat, avocat, rue P.Péquignat 12, 2900 Porrentruy, contre Santésuisse, les assureurs-maladie suisses, Römerstrasse 20, 4502 Soleure,intimée, représentée par Me Luke H. Gillon, avocat, boulevard de Pérolles 21,1701 Fribourg Tribunal arbitral en matière d'assurance-maladie (LAMal), Porrentruy (Jugement du 16 septembre 2005) Faits: A.I. ________ est titulaire depuis 1987 d'un diplôme de médecine de l'Académiemédicale de X.________. Après avoir travaillé comme médecin généralisteremplaçant dans divers cabinets médicaux, il a exercé une activité demédecin-assistant dans différents services hospitaliers jusqu'au 30 septembre2002. Le 1er octobre 2002, il s'est installé à titre indépendant à Y.________et a demandé à Santésuisse, Les assureurs-maladie suisses (ci-après :Santésuisse), l'octroi d'un code au registre des comptes créanciers (ci-après: RCC). Le 23 juin 2003, Santésuisse a informé I.________ de son refus de luidélivrer un code RCC du fait qu'il ne remplissait pas l'une des conditionslégales pour être admis à pratiquer à charge de l'assurance obligatoire dessoins. B.Le 19 avril 2005, I.________ a ouvert action contre Santésuisse devant leTribunal arbitral en matière d'assurance-maladie de la République et Cantondu Jura; à titre provisoire et principal, il a conclu à son admission àpratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins et, partant, à ceque Santésuisse lui octroie un code RCC. La défenderesse a conclu àl'irrecevabilité de la demande, motif pris que le différend qui l'opposait audemandeur ne constituait pas un litige entre un assureur et un fournisseur deprestations. Par jugement du 16 septembre 2005, le Tribunal arbitral a rejeté la demande. C.I.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dontil demande l'annulation, en concluant, sous suite de frais et dépens, à ceque la qualité pour défendre soit reconnue à Santésuisse et à ce que ledossier soit renvoyé au Tribunal arbitral afin qu'il statue sur le fond de lademande du 19 avril 2005. Santésuisse et l'Office fédéral de la santé publique concluent au rejet durecours. Considérant en droit: 1.Le litige a trait à la qualité de fournisseur de prestations admis àpratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins, déniée aurecourant par l'intimée.La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus deprestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner àexaminer si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris parl'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faitspertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ouincomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles deprocédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2OJ). 2.Selon l'art. 89 al. 1 LAMal, les litiges entre assureurs et fournisseurs deprestations sont jugés par un tribunal arbitral. Le tribunal arbitralcompétent est celui dont le tarif est appliqué ou du canton dans lequel lefournisseur de prestations est installé à titre permanent (art. 89 al. 2LAMal). Ni la LAMal ni ses dispositions d'exécution ne définissent plus précisémentce qu'il faut entendre par litiges entre assureurs et fournisseurs deprestations. Comme sous le régime de la LAMA (art. 25 al. 1 LAMA), la notionde litige doit être entendue dans un sens large. Il est nécessaire,cependant, que soient en cause des rapports juridiques qui résultent de laLAMal ou qui ont été établis en vertu de celle-ci (ATF 131 V 193 consid. 2,114 V 323 consid. 3b, 112 V 310 consid. 3b). Il doit s'agir, notamment, d'unlitige concernant la position particulière de l'assureur ou du fournisseur deprestations dans le cadre de la LAMal (ATF 123 V 285 consid. 5; GebhardEugster, Krankenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht[SBVR], Soziale Sicherheit, p. 233, ch. 413; Maurer, Das neueKrankenversicherungsrecht, p. 172; RAMA 2004 n° KV 286 p. 291 consid. 4; voiraussi, à propos de l'ancien droit, ATF 121 V 314 consid. 2b, 112 V 310consid. 3b). 3.Selon les premiers juges, le litige qui oppose le recourant à l'intiméeconcerne l'admission du premier à pratiquer à la charge de l'assuranceobligatoire des soins. Des rapports juridiques fondés sur la LAMal setrouvent en cause et la compétence du Tribunal arbitral pour en connaîtreétait donnée. En revanche, Santésuisse n'avait pas qualité pour défendre à laprocédure, dans la mesure où elle n'a pas la compétence de prendre desdécisions sur l'admission d'un fournisseur de prestations à pratiquer àcharge de l'assurance obligatoire des soins; cette compétence appartient àtitre individuel et exclusif aux seuls assureurs. Faute pour l'intiméed'avoir la qualité pour défendre, question relevant du fondement matériel del'action dont le Tribunal arbitral était saisi, la demande devait êtrerejetée. 4.Dans un récent arrêt qui touchait à la compétence d'un tribunal arbitral pourconnaître du litige opposant un fournisseur de prestations à l'intimée àpropos de l'attribution par celle-ci d'un code RCC, le Tribunal fédéral desassurances a examiné de manière approfondie le rôle joué par Santésuisse dansl'admission d'un fournisseur de prestations à pratiquer à charge del'assurance obligatoire des soins (arrêt K. du 27 mars 2006 [K 139/04]destiné à la publication au Recueil officiel, ATF 132 V xxx consid. 4). 4.1 La loi fédérale sur l'assurance-maladie définit les conditionsmatérielles que les fournisseurs de prestations doivent remplir pour êtreadmis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins (art. 35et ss LAMal). La loi ne prévoit cependant pas de procédure formelled'admission et il appartient aux assureurs de vérifier que le fournisseur deprestations remplit effectivement les conditions légales pour pratiquer à lacharge de l'assurance obligatoire des soins. Le fournisseur, auquel unassureur refuse de prendre en charge une prestation au motif qu'il ne remplitpas les conditions légales pour pratiquer à charge de l'assurance obligatoiredes soins, peut porter son différend devant le tribunal arbitral au sens del'art. 89 LAMal (cf. consid. 1.1 non publié de l'arrêt U. du 18 mars 2005 [K97/03] in RAMA 2005 n° KV 328 p. 186 ss). 4.2 En tant qu'organisation faîtière des assureurs-maladie suisses,Santésuisse gère à Lucerne (« Département : admission »; aujourd'hui «ressort RCC ») le registre des comptes créanciers (RCC), un dispositifinconnu de la loi fédérale sur l'assurance-maladie. Sur requête et moyennantl'acquittement d'une taxe unique, Santésuisse attribue au fournisseur deprestations intéressé un code RCC, pour autant que celui-ci remplisse lesconditions pour être admis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoiredes soins (loi, ordonnance, jurisprudence, pratique administrative,recommandations des autorités de surveillance) et qu'il ait adhéré à laconvention tarifaire propre à son activité. Selon Santésuisse, le registre des comptes créanciers est un service proposépar les assureurs aux fournisseurs de prestations sur une base contractuelle;le contrat est cependant passé entre Santésuisse et chaque fournisseurintéressé (www.santésuisse.ch/ fr/kli_showall.html : « Quand l'AOS [admissionà pratiquer à charge de l'assurance obligatoire des soins] doit-elle payer ?», article du 14 mai 2003). Le service vise à simplifier les décomptesadministratifs et le trafic des paiements. La plupart des conventionstarifaires prévoyant que le fournisseur de prestations doit indiquer sur sesfactures son code RCC, les fournisseurs adhérant à la convention sont parconséquent obligés de posséder un code RCC. De facto, l'indication d'un codeRCC permet aux assureurs de voir s'il s'agit d'un fournisseur de prestationsreconnu. Le code créancier est ainsi un label de qualité qui permet aufournisseur de prestations de pratiquer à la charge des assureurs-maladie. 4.3 Au vu de ces éléments, l'attribution d'un code RCC ne peut à première vueêtre assimilée à une décision d'admission au sens juridique (cf. arrêt T. du6 octobre 2005 [K 119/04] consid. 5). La compétence de statuer sur la qualitéde fournisseur de prestations admis à pratiquer à la charge de l'assuranceobligatoire des soins appartient en dernier ressort aux assureurs, en tantqu'organes chargés de l'application de la loi fédérale surl'assurance-maladie. Toutefois, en confiant à Santésuisse le mandatd'attribuer un code RCC au seul fournisseur de prestations admis à pratiquerà charge de l'assurance obligatoire des soins, les assureurs membres de lafédération lui ont en fait délégué l'obligation que leur fait la loi decontrôler si un fournisseur de prestations remplit les conditions pourpratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Santésuisseexamine de manière approfondie, d'un point de vue matériel et juridique, sile fournisseur remplit les conditions légales; en présence d'un fournisseurde prestations au bénéfice d'un code RCC, l'assureur peut présumer quecelui-ci remplit les conditions légales et limiter son propre contrôle auxcas qui présenteraient une irrégularité manifeste. Santésuisse assume ainsiles obligations que la loi met à la charge des assureurs; faute de baselégale, elle ne devrait (en théorie) exercer cette prérogative quepartiellement. En d'autres termes, s'agissant de l'admission des fournisseursde prestations, Santésuisse exerce des fonctions spécifiques de droit public,en l'espèce celles prévues par le droit des assurances sociales. A cet égard,un code RCC n'est attribué que sur requête; le rejet de la demande ne revêtaucun caractère contractuel, au sens du libre exercice par Santésuisse d'uneautonomie de droit privé, mais correspond bien plutôt à un acte unilatéralrevêtant les caractéristiques d'un acte de puissance publique. En outre, lesconditions juridiques et matérielles nécessaires à l'obtention d'un code RCCressortissent toutes au droit public, plus précisément la loi fédérale surl'assurance-maladie. Enfin, l'attribution d'un code RCC sert principalementdes intérêts publics, soit ceux des acteurs du système de l'assuranceobligatoire des soins, qu'il s'agisse de l'assureur, en tant qu'organed'exécution prévu par le droit fédéral, de l'assuré ou du fournisseur deprestations. Ainsi, le dispositif mis en place concourt à un règlementtransparent, efficace et peu onéreux des trafics financiers entre lesdifférents protagonistes tout en assurant que les conditions matériellesfixées par la loi sont respectées. Dès lors, il y a lieu de considérer que larelation juridique nouée entre un fournisseur de prestations et Santésuisse,suite à la demande du premier de se voir attribuer un code RCC par laseconde, ressortit au droit public et que ce rapport de droit trouve sonfondement juridique dans la loi fédérale sur l'assurance-maladie. 5.En définitive, il ressort de l'arrêt évoqué ci-dessus que par son servicedes comptes créanciers et l'attribution d'un code RCC, Santésuisse statue enfait sur l'admission d'un fournisseur de prestations à pratiquer à la chargede l'assurance obligatoire des soins, au sens d'une décision préalableconstatant que celui-ci remplit les conditions fixées par la loi pourpratiquer à charge de l'assurance. En l'espèce, l'action ouverte devant le Tribunal arbitral par le recourantvisait à ce que Santésuisse l'admette à pratiquer à la charge de l'assuranceobligatoire des soins en tant que fournisseur de prestations et à ce quel'intimée communique la reconnaissance de ce statut à l'ensemble de sesmembres. Il y a dès lors lieu de considérer que Santésuisse dispose de laqualité pour défendre à une telle action. Il appartiendra ainsi à l'instancearbitrale cantonale d'examiner si le recourant remplit les conditions pourêtre admis à pratiquer à la charge de l'assurance obligatoire des soins. Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis et le jugement du Tribunal arbitral en matièred'assurance-maladie (LAMal) de la République et Canton du Jura du 16septembre 2005 est annulé. 2.La cause est renvoyée au Tribunal arbitral en matière d'assurance-maladie(LAMal) de la République et Canton du Jura afin qu'il statue sur le fond del'affaire. 3.Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge del'intimée. 4.L'avance de frais effectuée par le recourant, d'un montant de 500 fr., luiest restituée. 5.L'intimée versera au recourant la somme de 2'500 fr. (y compris la taxe à lavaleur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale. 6.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal arbitral en matièred'assurance-maladie (LAMal) de la République et Canton du Jura et à l'Officefédéral de la santé publique. Lucerne, le 4 mai 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances La Présidente de la IIe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : K.153/05
Date de la décision : 04/05/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-04;k.153.05 ?
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