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04/05/2006 | SUISSE | N°4C.427/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 mai 2006, 4C.427/2005


{T 0/2}4C.427/2005 /ech Arrêt du 4 mai 2006Ire Cour civile MM. et Mmes les Juges Corboz, président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Kisset Zappelli, juge suppléant.Greffière: Mme Aubry Girardin. X. ________ S.A.,défenderesse et recourante, représentée par Me Jacques Barillon, contre Banque Y.________,demanderesse et intimée, représentée par Me Jacques Haldy. contrat de compte courant (recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonalvaudois du 10 novembre 2005). Faits: A.La société X.________ S.A. (ci-après : X.________) a pour but statutaire le"commerce

de tout produit, notamment électronique". Ses deux administr...

{T 0/2}4C.427/2005 /ech Arrêt du 4 mai 2006Ire Cour civile MM. et Mmes les Juges Corboz, président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Kisset Zappelli, juge suppléant.Greffière: Mme Aubry Girardin. X. ________ S.A.,défenderesse et recourante, représentée par Me Jacques Barillon, contre Banque Y.________,demanderesse et intimée, représentée par Me Jacques Haldy. contrat de compte courant (recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonalvaudois du 10 novembre 2005). Faits: A.La société X.________ S.A. (ci-après : X.________) a pour but statutaire le"commerce de tout produit, notamment électronique". Ses deux administrateurssont A.________ et B.________. Le 8 mai 2002, X.________ a ouvert auprès de la Banque Y.________ (ci-après :la Banque) un compte à vue en Euros. En raison de difficultés rencontrées dans le recouvrement de ses créances aumoyen de cartes de crédit présentées par sa clientèle africaine, X.________ aouvert, le 28 juin 2002, auprès de la succursale de ... de la Banque, uncompte à vue en dollars américains. Sur la demande d'ouverture de ce compte,signée par A.________ et B.________, il est précisé :"Le(s) titulaire(s) accepte(nt) expressément les CONDITIONS GENERALES(édition 1996), en particulier l'application du droit suisse et le for àLAUSANNE.Les CONDITIONS GENERALES ainsi que les éventuels règlements et annexessusmentionnés, dont le(s) soussigné(s) reconnaît(ssent) avoir reçu unexemplaire, font partie intégrante du contrat conclu avec la banque parl'ouverture des prestations demandées." Les conditions générales de la Banque, dans leur édition de 1996, prévoientnotamment, à leur article 10, que :"La Banque peut débiter le compte du client des effets de change, chèques etautres papiers, crédités ou escomptés, s'ils n'ont pas été payés. Jusqu'àl'acquittement d'un solde de compte éventuel, la banque conserve contre toutobligé en vertu du papier les créances en paiement du montant total del'effet, du chèque et des accessoires, qu'il s'agisse de créances de droit dechange, de droit du chèque ou d'autres prétentions.Si, pour les effets de change ou des chèques sur des pays étrangers, unrecours est exercé contre la Banque dans les délais de prescriptionapplicables dans ces pays, le dommage qui pourrait en résulter sera à lacharge du titulaire du compte qui a remis ces effets à la Banque. (...)". Entre le 28 juin et le 15 juillet 2002, X.________ a remis à l'encaissementseize chèques auprès de la Banque, que celle-ci a crédités "sous réserve debonne fin" pour un montant total de 747'346.85 USD, le premier chèque étantcrédité valeur au 5 juillet, les derniers, valeur au 22 juillet 2002. Le 10 juillet 2002, la Banque Z.________ de New York a informé la Banquequ'elle lui retournait le premier chèque, de 48'896 USD, faute de provision.Le service du portefeuille de la Banque en a informé la succursale de ... parun avis de retour du 16 juillet 2002. Les 15 et 16 juillet 2002, X.________ a prélevé sur son compte à vue desmontants totalisant 742'404.13 USD. Le 19 juillet 2002, la Banque a débité le compte de X.________ d'un montantde 49'911.78 USD. Par la suite, il s'est avéré que tous les autres chèques remis à la Banquepar X.________ étaient soit volés, soit sans provision ou avaient faitl'objet d'une fraude, de sorte qu'ils ont été extournés par la Banque,valeurs au 22, 23, 30 juillet et 5 août 2002. Le solde débiteur du compte en dollars de X.________ au 30 septembre 2002s'élevait à 757'751.55 USD. Bien que contestant être débitrice de ce montant,X.________ a admis que le solde précité était exact. Le 15 octobre 2002, la Banque a mis X.________ en demeure de lui rembourser,jusqu'au 25 octobre 2002, le montant de 757'751.55 USD, plus intérêt à 10.62%dès le 1er octobre 2002. X.________ s'y est refusée. B.Le 18 juillet 2002, dès le retour des premiers chèques impayés, la Banque adéposé plainte pénale contre inconnu, subsidiairement contre X.________. Laveille, soit le 17 juillet 2002, le juge d'instruction de La Côte avaitordonné le séquestre du compte de chèque postal exploité pour X.________ parses administrateurs B.________ et A.________. Par ordonnance du 30 septembre 2003, le juge d'instruction a prononcé unnon-lieu à l'égard des administrateurs de X.________, mis les frais à lacharge de l'État et levé le séquestre, dès l'entrée en force de sonordonnance. Par arrêt du 11 novembre 2003, le Tribunal d'accusation du cantonde Vaud a rejeté le recours de la Banque et confirmé l'ordonnance du 30septembre 2003, retenant en substance qu'il n'était pas établi que B.________et A.________ aient eu l'intention d'escroquer la Banque et que celle-ciavait agi avec légèreté en créditant le compte de X.________, sans avoirauparavant procédé à des vérifications. C.Par demande déposée le 23 janvier 2003 auprès de la Cour civile du Tribunalcantonal vaudois, la Banque a conclu à la condamnation de X.________ à luipayer 757'751.55 USD, avec intérêts à 10.62% l'an dès le 1er octobre 2002. Tout en concluant au rejet de la demande, X.________ a requis, à titrereconventionnel, la condamnation de la Banque à lui verser le montant de500'000 fr. avec intérêt à 5% dès le 1er janvier 2003. En cours de procédure,X.________ a réduit ses prétentions à 360'791.52 fr., montant composé despertes sur marchandises bradées, du préjudice résultant de l'arrêt brutal desactivités de la société durant plusieurs mois, des intérêts sur les sommesmises sous séquestre, de la location d'un local pour entreposer lamarchandise commandée et d'une indemnité pour tort moral de 50'000 fr. Par jugement du 10 novembre 2005, la Cour civile a condamné X.________ SA àpayer à la Banque la somme de 757'751.55 USD avec intérêt à 5% l'an dès le 26octobre 2002. La cour cantonale a estimé en substance que la Banque pouvaitse prévaloir de l'article 10 de ses conditions générales et qu'elle était endroit de débiter le montant des chèques qu'elle avait crédités sous réservede bonne fin, dès lors que ceux-ci lui avaient été retournés impayés par lesbanques tirées. La demande reconventionnelle a été rejetée au motif que, bienque la Banque ait violé son devoir de diligence en créditant les chèques saufbonne fin sur le compte de X.________ à tout le moins après avoir déposéplainte pénale à l'encontre de ses administrateurs et en attendant troplongtemps avant de prévenir X.________ du retour des chèques impayés, cettedernière n'avait pas prouvé avoir subi un dommage ni un tort moral enrelation de causalité adéquate avec la violation du contrat commise par laBanque. D.X.________ (la défenderesse) interjette un recours en réforme contre lejugement du 10 novembre 2005. Se plaignant de la violation des articles 1,100 al. 2 et 42 al. 2 CO, elle conclut à l'annulation de la décision attaquéeet à la condamnation de la Banque à lui payer 360'791.52 fr. avec intérêt à5% dès le 1er janvier 2003. A titre subsidiaire, elle demande le renvoi de lacause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens desconsidérants.La Banque (la demanderesse) propose le rejet du recours. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 Interjeté, en temps utile et dans les formes requises (art. 32 al. 2, 54et 55 OJ), par la défenderesse qui a été déboutée de ses conclusions, lerecours est dirigé contre une décision finale rendue en dernière instancecantonale sur une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse leseuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Il est donc recevable en la forme. 1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral conduit sonraisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décisionattaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aientété violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur uneinadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter lesconstatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu comptede faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Dans la mesure où lapartie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dansla décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une desexceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenircompte (ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Il ne peut êtreprésenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyensde preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'estdonc pas ouvert pour se plaindre de l'appréciation des preuves et desconstatations de fait qui en découlent (ATF 130 III 102 consid. 2.2 in fine,136 consid. 1.4; 129 III 618 consid. 3). 2.Dans son premier moyen, la défenderesse invoque une violation de l'art. 1 CO,reprochant en substance à la cour cantonale d'avoir admis que l'art. 10 desconditions générales, en particulier la clause permettant à la Banque decréditer un compte sous réserve de bonne fin, faisait partie du contrat liantles parties. Selon la défenderesse, il résulte de l'expérience de la vie etde la prudence élémentaire qu'un client d'une banque ne souhaite pas voir soncompte crédité aveuglément, surtout si la solvabilité de ses propres clientsest sujette à caution. La Banque aurait donc dû la prévenir de ce risque etattirer spécialement son attention sur l'éventualité que les montants verséssur son compte soient extournés en cas de non-paiement des chèques par labanque tirée. N'ayant pas respecté ce devoir d'information, la demanderessene saurait se prévaloir de l'art. 10 de ses conditions générales. 2.1 Aux termes de l'art. 1er CO, "le contrat est parfait lorsque les partiesont, réciproquement et de manière concordante, manifesté leur volonté. Cettemanifestation peut être expresse ou tacite". Selon la jurisprudence, celuiqui signe un texte comportant une référence expresse à des conditionsgénérales est lié, au sens de l'art. 1er CO, au même titre que celui quiappose sa signature sur le texte même des conditions générales. Il importepeu à cet égard qu'il ait réellement lu les conditions générales en question(arrêt du Tribunal fédéral 5P.96/1996 du 29 mai 1996, in SJ 1996 p. 623,consid. 3a; ATF 109 II 452 consid. 4; 108 II 416 consid. 1b p. 418). Lavalidité des conditions générales d'affaires préformées est toutefois limitéepar la règle dite de l'inhabituel ou de l'insolite (Ungewöhnlichkeitsregel).En vertu de cette règle, sont soustraites à l'adhésion censée donnéeglobalement à des conditions générales toutes les clauses inhabituelles, surl'existence desquelles l'attention de la partie la plus faible ou la moinsexpérimentée en affaires n'a pas été spécialement attirée. La partie quiincorpore des conditions générales dans le contrat doit s'attendre, d'aprèsle principe de la confiance, à ce que son partenaire contractuelinexpérimenté n'adhère pas à certaines clauses insolites (ATF 119 II 443consid. 1a p. 446 et les références citées). Pour déterminer si une clauseest insolite, il faut se placer du point de vue de celui qui y consent, aumoment de la conclusion du contrat. La réponse est individuelle, une clauseusuelle dans une branche de l'économie pouvant être insolite pour qui n'estpas de la branche. Eu égard au principe de la confiance, il convient de sefonder sur les conceptions personnelles du contractant dans la mesure oùelles sont reconnaissables pour l'autre partie. Il ne suffit pas que lecontractant soit inexpérimenté dans la branche économique en question. Ilfaut en plus de ce critère subjectif que, par son objet, la clause considéréesoit étrangère à l'affaire, c'est-à-dire qu'elle en modifie de manièreessentielle la nature ou sorte notablement du cadre légal d'un type decontrat (ATF 109 II 452 consid. 5b p. 458 et les références citées). Plus uneclause porte atteinte aux intérêts juridiques du contractant, plus il sejustifie de la considérer comme insolite (ATF 119 II 443 consid. 1a p. 446;109 II 452 consid. 4 in fine; confirmé in arrêts du Tribunal fédéral5C.271/2004 du 12 juillet 2005, consid. 2, et 4C.538/1996 du 5 août 1997, inPraxis 1998 n° 9 p. 53, consid. 1b). 2.2 Selon l'art. 10 des conditions générales (éd. 1996), la Banque peutdébiter le compte du client des effets de change, chèques et autres papiers,crédités ou escomptés, s'ils n'ont pas été payés. En d'autres termes,l'encaissement des chèques est prévu "sauf bonne fin", ce qui signifie que labanque crédite le montant du chèque à son client lors de sa remise et peutlui permettre de disposer de cette somme, mais, si le chèque n'est pas payé,elle débite la somme (Lombardini, Droit bancaire suisse, Zurich 2002, N 31 p.270). Le crédit est donc soumis à une condition résolutoire (art. 154 al. 1CO; arrêt du Tribunal fédéral 4C.303/2000 du 5 janvier 2001, consid. 2a). Lesbanques procèdent habituellement de la sorte (cf. Lombardini, N 31 p. 270),ce que la jurisprudence admet, à condition qu'il y ait un accord des partiesà ce sujet (arrêt du 5 janvier 2001 précité, consid. 2a et c). 2.3 En l'occurrence, il est établi que la défenderesse a reçu un exemplairedes conditions générales de la Banque lors de l'ouverture du compte, quifaisaient partie intégrante du contrat de compte courant signé par lesadministrateurs. En vertu des règles générales sur la conclusion descontrats, la défenderesse est donc en principe liée par l'ensemble de cesconditions, quand bien même elle ne les aurait pas lues, à moins que la règlede l'insolite ne trouve application. Il convient donc d'examiner, eu égard auprincipe de la confiance, si la clause figurant à l'art. 10 des conditionsgénérales présentait un caractère inhabituel ou insolite empêchant qu'ellepuisse être considérée comme faisant partie de l'accord des parties. Comme l'a retenu la cour cantonale, l'art. 10 des conditions généralesprévoyait clairement une clause de bonne fin, clause par ailleurs usuelledans la pratique bancaire. Les juges cantonaux ont également constaté enfait, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral en instance de réforme (art.63 al. 2 OJ), que la défenderesse était active dans le milieu des affairescommerciales internationales, de sorte qu'elle ne pouvait être considéréecomme une personne inexpérimentée dans le domaine bancaire. De plus, ellesavait que l'encaissement des chèques ne pouvait être effectué sauf bonnefin, puisque ses administrateurs s'étaient renseignés à plusieurs reprisespour savoir si les montants crédités pouvaient être débités si les chèquesn'étaient pas payés. En pareilles circonstances, la clause de bonne finfigurant à l'art. 10 des conditions générales ne saurait être qualifiéed'insolite ou d'inhabituelle. Dès lors que le contrat conclu entre lesparties a valablement incorporé ladite clause, la défenderesse était liée,sans que la Banque n'ait été tenue d'attirer spécialement son attention à cesujet. Le reproche de violation de l'art. 1er CO est donc infondé. 3.Dans son deuxième moyen, la défenderesse soutient que la cour cantonale acontrevenu à l'art. 100 al. 2 CO. Elle lui reproche en substance
d'avoirconsidéré que la clause de bonne fin n'avait pas pour effet d'opérer untransfert des risques à la charge du client et, partant, de ne pas avoir tenucette clause pour nulle en application de l'art. 100 al. 2 CO. 3.1 Selon l'art. 100 al. 2 CO, le juge peut, en vertu de son pouvoird'appréciation, tenir pour nulle une clause qui libérerait à l'avance ledébiteur de toute responsabilité en cas de faute légère, (...) si laresponsabilité résulte de l'exercice d'une industrie concédée par l'autorité.Cette disposition, qui régit les conventions exclusives de responsabilité,s'applique par analogie aux clauses dites de transfert, qui modifient larépartition des risques indépendamment de tout manquement à une obligationcontractuelle (Thévenoz, Commentaire romand, N 8 ad art. 100 CO). En fontparties les clauses, figurant dans les conditions générales des banques, quiont pour effet de faire supporter au client le risque assumé en principe parla banque (arrêt du Tribunal fédéral 4C.357/2000 du 8 mai 2001, in SJ 2001 Ip. 583, consid. 3; ATF 112 II 450 consid. 3a p. 454). L'application de l'art.100 al. 2 CO au cas d'espèce est donc subordonnée à la condition que lademanderesse ait supporté un risque qu'elle a reporté sur la défenderesse parle biais de l'art. 10 des conditions générales. 3.2 Il découle du jugement entrepris que la défenderesse, active dans lafourniture de produits électroniques, a rencontré des difficultés pourrecouvrer les créances de ses clients africains qui présentaient des cartesde crédit . Elle a alors choisi de se faire payer par chèques et a ouvert uncompte en dollars américains auprès de la demanderesse, la Banque étantchargée d'encaisser des chèques remis par les clients de la défenderesse, enpaiement des produits fournis par cette dernière. L'encaissement d'un chèqueconfié par un client à une banque relève du mandat (Engel, Contrats de droitsuisse, 2e éd. Berne 2000, p. 503). La demanderesse, en tant que mandataire,devait ainsi exécuter les instructions du client, en l'occurrence encaisserles chèques, avec diligence et fidélité (art. 398 al. 2 CO). Dans le cadre deces relations contractuelles, le risque que les chèques remis par lesacheteurs soient volés, faux ou non provisionnés devait être assumé par ladéfenderesse, en qualité de vendeuse, voire par la banque tirée (art. 1132CO), mais pas par la demanderesse, dont le rôle se limitait à l'encaissement.Il est par conséquent sans intérêt de savoir si, comme l'invoque ladéfenderesse, la Banque aurait été d'autant plus fautive qu'elle connaissaitle risque lié aux effets de change africains, ce qui n'a du reste pas étéconstaté. Comme la demanderesse ne devait pas assumer le risque lié au non-recouvrementdes chèques, la clause de bonne fin ne peut être qualifiée de clause detransfert. On ne peut donc faire grief à la cour cantonale de ne pas avoirappliqué par analogie l'art. 100 al. 2 CO. 4.Dans son troisième et dernier moyen, la défenderesse invoque une violation del'art 42 al. 2 CO. Elle affirme que le jugement attaqué aurait dû retenirl'existence d'un dommage découlant du fait qu'à la suite de la suspension del'envoi des produits consécutive au non-paiement des chèques, elle s'étaittrouvée avec un stock important de marchandises impayées, sujettes à promptedévaluation, qu'elle a dû brader. 4.1 La banque qui a crédité un compte à tort et procède à une extourne peutêtre tenue de réparer le dommage causé à son client en raison de labonification erronée (Guggenheim, Les contrats de la pratique bancairesuisse, 4e éd. Genève 2000, p. 508). L'encaissement de chèques étant soumisaux règles du mandat (cf. supra consid. 3.2), l'éventuelle responsabilité dela Banque repose sur l'art. 398 CO, ce qui suppose, entre autres conditions,que le mandant parvienne à prouver l'existence d'un préjudice (Werro,Commentaire romand, N 37 ad art. 398 CO). Dire s'il y a eu dommage et quelle en est la quotité est une question de faitqui lie le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (ATF 130 III 145consid. 6.2 et les arrêts cités). Selon la jurisprudence, l'estimation dudommage d'après l'art. 42 al. 2 CO repose également sur le pouvoird'apprécier les faits et ne peut donc être revue en instance de réforme.Seules constituent des questions de droit le point de savoir quel degré devraisemblance la survenance du dommage doit atteindre pour justifierl'application de l'art. 42 al. 2 CO et si les faits allégués, en la formeprescrite et en temps utile, permettent de statuer sur une prétention endommages-intérêts déduite en justice (ATF 131 III 360 consid. 5.1 p. 364 etles arrêts cités). 4.2 En l'espèce, la cour cantonale, tout en admettant que la demanderesseavait manqué à ses devoirs, a rejeté les prétentions en dommages-intérêtsformées par la défenderesse, au motif que cette dernière n'avait pas prouvéavoir subi un dommage, chiffré au total à 360'791.52 fr., à la suite desnégligences de la Banque. S'agissant du poste pertes sur marchandises dont ladéfenderesse se prévaut dans son recours en réforme, les juges ont estimé queles pièces fournies par celle-ci en cours de procédure ne permettaient pas dedémontrer que des marchandises auraient été bradées. Seule une expertiseaurait permis d'établir tant ce prétendu bradage que le dommage en résultant.Or, comme la défenderesse avait renoncé à l'expertise sur ce point, elledevait dès lors supporter les conséquences de l'échec de la preuve. Par ce raisonnement, la cour cantonale a procédé à une appréciation despreuves qui lie le Tribunal fédéral en instance de réforme, de sorte que ladéfenderesse ne peut, sous le couvert de l'art. 42 al. 2 CO, remettre encause le jugement attaqué sur ce point. Le grief est donc irrecevable. Dans ces circonstances, le recours ne peut qu'être rejeté, dans la mesure desa recevabilité. 5.La défenderesse, qui succombe, devra supporter les frais de la procédure etverser des dépens à la demanderesse (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 12'000 fr. est mis à la charge de la défenderesse. 3.La défenderesse versera à la demanderesse une indemnité de 14'000 fr. à titrede dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laCour civile du Tribunal cantonal vaudois. Lausanne, le 4 mai 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.427/2005
Date de la décision : 04/05/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-04;4c.427.2005 ?
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