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04/05/2006 | SUISSE | N°4C.34/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 mai 2006, 4C.34/2006


{T 0/2}4C.34/2006 /ech Arrêt du 4 mai 2006Ire Cour civile MM. les Juges Corboz, Président, Nyffeler et Favre.Greffier: M. Ramelet. X. ________ SA,défenderesse et recourante, représentée par Me Benoît Sansonnens, contre A.________,demandeur et intimé, représenté par Me Bruno Kaufmann. contrat de travail, licenciement abusif, recours en réforme contre l'arrêt de la IIe Courd'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du20 décembre 2005. Faits: A.Le 11 décembre 2000, la société X.________ SA (la défenderesse) a engagéA.________ (le demandeur) comme manoeuvre à plein temps.

Par un avenant aucontrat du 2 mars 2001, les parties contractant...

{T 0/2}4C.34/2006 /ech Arrêt du 4 mai 2006Ire Cour civile MM. les Juges Corboz, Président, Nyffeler et Favre.Greffier: M. Ramelet. X. ________ SA,défenderesse et recourante, représentée par Me Benoît Sansonnens, contre A.________,demandeur et intimé, représenté par Me Bruno Kaufmann. contrat de travail, licenciement abusif, recours en réforme contre l'arrêt de la IIe Courd'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du20 décembre 2005. Faits: A.Le 11 décembre 2000, la société X.________ SA (la défenderesse) a engagéA.________ (le demandeur) comme manoeuvre à plein temps. Par un avenant aucontrat du 2 mars 2001, les parties contractantes sont convenues que ledemandeur travaillerait désormais à 80 % et que la défenderesse prendrait encharge les frais d'obtention du permis poids lourd et remorque deFreiburghaus à raison de 25 % par année de travail accomplie. En 2003, lesalaire mensuel brut du demandeur se montait à 3'800 fr. Au début juillet 2003, A.________ a réclamé à la défenderesse desclarifications concernant le décompte des heures de travail qu'il avaiteffectuées. Le travailleur a consulté un délégué syndical, qui l'a confortédans l'idée que ses réclamations étaient fondées. Par courrier du 15 juillet 2003, X.________ SA, manifestant avoir été irritéedu fait que le demandeur ait parlé de cette affaire à un syndicaliste etrappelant les avantages dont le travailleur bénéficiait (travail à 80 %,couverture des frais d'obtention du permis poids lourd), a notamment déclaréà ce dernier que plus aucun congé ne lui serait octroyé avant qu'il ne soit"positif avec le décompte de (ses) heures", qu'il devait compenser ses heuresde travail en retard et ses congés jusqu'à la fin septembre et que ledécompte qu'il avait produit était "totalement fallacieux". Du 25 juillet au 11 août 2003, le demandeur a pris des vacances à l'étrangeravec le consentement de la défenderesse. Par lettre du 30 juillet 2003, X.________ SA a résilié le contrat de travailqui la liait au demandeur pour le 30 septembre 2003. Ce courrier avait lateneur suivante:"Faisant suite aux différends qui vous opposent à notre direction dont voustrouverez quelques exemples ci-après,1. Réclamation concernant le dédommagement de votre permis poids lourd. 2. Réclamation concernant vos compensations d'heures lors de votre servicemilitaire 2002. 3. Réclamation concernant vos compensations d'heures lors de votre périodemaladie 2002. 4. Refus de rattraper vos heures de retard, etc.Nous nous voyons contraints de vous signifier votre congé pour le 30.09.2003.Nous serons contraints, à cette date, d'effectuer une retenue sur votresalaire, si vous ne vous mettez pas à jour avec les heures que vous devezeffectuer durant l'année. Les heures manquantes de 2001 et 2002 sontégalement à rattraper jusqu'à cette date".Du 12 août au 8 septembre 2003, le demandeur a été incapable de travaillerpour cause de maladie. Le 15 septembre 2003, la défenderesse a précisé au travailleur que la date deson licenciement était reportée au 31 octobre 2003, vu ses quatre semainesd'absence en raison d'une maladie. B.B.aLe 7 avril 2004, A.________ a ouvert action contre X.________ SA devant laChambre des prud'hommes de l'arrondissement de la Sarine. Il a réclamé à ladéfenderesse 3'800 fr. pour le salaire du mois de novembre 2003, 889 fr.55 àtitre de 13e salaire et droit aux vacances pour le mois précité, 1'054 fr.25au titre de remboursement d'un montant perçu en trop sur les frais de permispoids lourd et 7'600 fr., soit deux mois de salaire, comme indemnité pourlicenciement abusif, le tout avec intérêts à 5 % l'an dès le 30 novembre2003. Le demandeur a fait valoir que du moment que la lettre de congé avait étéenvoyée pendant ses vacances, il n'était censé en avoir eu connaissance qu'àson retour, soit le 11 août 2003, ce qui avait pour effet de repousser leterme du délai de congé au 30 novembre 2003, compte tenu qu'il avait ététotalement incapable de travailler entre le 12 août et le 8 septembre 2003. La défenderesse a passé-expédient sur la conclusion en remboursement de 1'054fr.25, alléguant qu'elle avait commis une erreur dans son décompte. Pour lereste, elle a conclu à libération. Par jugement du 20 septembre 2004, la Chambre des prud'hommes a pris acte dupassé-expédient de la défenderesse et condamné celle-ci à verser au demandeur3'800 fr. brut plus intérêts à 5 % l'an dès le 1er décembre 2003 pour lesalaire de novembre 2003, 764 fr.70 brut, avec le même intérêt moratoire, àtitre de part au 13e salaire et de vacances pour le mois en question et 7'600fr., avec intérêts à 5 % l'an dès le 30 avril 2004, comme indemnité pourcongé abusif.Les premiers juges ont admis que le demandeur avait pris connaissance de lalettre de résiliation le 11 août 2003, soit au terme de ses vacances. Enraison de l'empêchement de travailler dont il avait été victime du 12 août au8 septembre 2003, le délai de congé de deux mois était venu à échéance le 30novembre 2003. La Chambre des prud'hommes a encore constaté que ladéfenderesse avait résilié le contrat de travail du demandeur parce qu'ilavait élevé, de bonne foi, des réclamations concernant le décompte de sesheures de travail. A cela s'ajoutait que la défenderesse avait reconnu enprocédure que les prétentions du travailleur afférentes à son permis poidslourd, dont elle avait fait un motif de congé, étaient parfaitementlégitimes. Pour les premiers juges, le congé était ainsi abusif au sens del'art. 336 al. 1 let. d CO, ce qui justifiait l'allocation d'une indemnitéascendant à deux salaires mensuels bruts. B.b Saisie d'un appel de la défenderesse, la IIe Cour d'appel du Tribunalcantonal de l'Etat de Fribourg, par arrêt du 20 décembre 2005, l'a rejetédans la mesure de sa recevabilité et a confirmé le jugement de premièreinstance. En substance, la cour cantonale a retenu, à l'instar de la Chambre desprud'hommes, que la réception de la lettre de congé par le demandeur étaitintervenue le 11 août 2003, date de la fin de ses vacances. A propos du congédéclaré abusif par les premiers juges, la Cour d'appel a admis que ladéfenderesse avait laissé intacte l'argumentation développée par ceux-ci surcette question, de sorte que le recours de la défenderesse était irrecevableà ce sujet. C.Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté par arrêt de cejour, la recourante exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral contrel'arrêt cantonal. Elle conclut à ce qu'il soit pris acte de sonpassé-expédient à hauteur de 1'054 fr.25 plus intérêts à 5 % l'an dès le 30novembre 2003 et, pour le surplus, requiert que le demandeur soit entièrementdébouté. L'intimé propose que le recours soit déclaré irrecevable, subsidiairementqu'il soit rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions libératoires etdirigé contre un arrêt final rendu en dernière instance cantonale par untribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont lavaleur litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recours enréforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile(art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ). Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al.1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'undroit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation dudroit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire sonraisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décisionattaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aientété violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur uneinadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter lesconstatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu comptede faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Dans la mesure où unepartie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dansla décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une desexceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenircompte (ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Il ne peut êtreprésenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyensde preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas ouvertpour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de faitqui en découlent (ATF 130 III 102 consid. 2.2 in fine, 136 consid. 1.4; 129III 618 consid. 3). Le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties, quine peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1 let. b OJ), mais il n'estpas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni parl'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ;ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 22 consid. 2e/cc in fine). 2.2.1Dans son premier moyen, la recourante se plaint d'une violation de l'art.8 CC. Elle prétend qu'il incombait à l'intimé d'établir, qu'étant àl'étranger le 31 juillet 2003, la lettre de congé n'était pas dans sa sphèred'influence le jour en question, puisqu'il s'agissait d'un fait destructeurqu'il avait invoqué. Par surabondance, la défenderesse soutient qu'apporterla preuve qu'une personne n'est pas partie en vacances consiste à prouver unfait négatif, ce qui est quasiment impossible; c'était donc au demandeur àétablir cette circonstance. 2.2 Pour toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral (cf. ATF 125III 78 consid. 3b), l'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve (ATF 122 III219 consid. 3c) - en l'absence de disposition spéciale contraire - etdétermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquencesde l'échec de la preuve (ATF 130 III 321 consid. 3.1 p. 323; 129 III 18consid. 2.6; 127 III 519 consid. 2a). Cette disposition ne prescrit cependantpas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées (ATF 127III 519 consid. 2a), pas plus qu'elle ne dicte au juge comment forger saconviction (ATF 128 III 22 consid. 2d p. .25; 127 III 248 consid. 3a, 519consid. 2a). 2.3 En l'espèce, l'appréciation des preuves a permis de retenir que ledemandeur a pris des vacances à l'étranger du 25 juillet au 11 août 2003 avecl'accord de la recourante. Lorsque l'appréciation des preuves convainc le juge qu'une allégation de faita été prouvée, la question de la répartition du fardeau de la preuve ne sepose plus et le grief de violation de l'art. 8 CC devient sans objet. Ces considérations font justice du grief. Pour être complet, on peut rappeler à la recourante que, selon lajurisprudence, l'employeur doit de bonne foi escompter que le travailleurs'absentera de son domicile lors de ses vacances, de sorte qu'il estgravement contraire au principe de la confiance d'admettre qu'un congésignifié au domicile du travailleur puisse déployer ses effets alors quecelui-ci est en vacances au su de son employeur (arrêt 4P.307/1999 du 5 avril2000 consid. 3, approuvé dans son résultat par Gabriel Aubert, ARV/DTA 2001,p. 31/32). 3.3.1A l'appui de son second moyen, la recourante se prévaut d'une nouvelleviolation de l'art. 8 CC en relation avec l'art. 336 CO. Elle fait valoir quele motif de licenciement, selon lequel le demandeur refusait de "rattraperles heures qu'il avait en retard", était à l'origine du congé. D'après ladéfenderesse, l'intimé n'a pas réussi à prouver que d'autres motifs auraientété les causes véritables de la résiliation de son contrat. La recourante estainsi d'avis qu'on ne saurait qualifier d'abusif le licenciement dutravailleur, comme l'ont fait les premiers juges. 3.2 L'art. 336 al. 1 let. d CO, qui a trait au congé de représailles, tendnotamment à empêcher que le licenciement soit utilisé pour punir letravailleur d'avoir fait valoir de bonne foi des prétentions auprès de sonemployeur, peu important qu'elles soient réellement fondées (arrêt 4C.237/2005 du 27 octobre 2005 consid. 2.2 et les nombreuses références). Les motifs de la résiliation relèvent du fait et, conséquemment, lient leTribunal fédéral en instance de réforme (ATF 130 III 699 consid. 4.1 p. 702in fine; consid. 3.2 non publié de l'ATF 131 III 535). De même, l'incidencerespective de divers motifs de résiliation, s'ils se trouvent en concours,est une question qui ressortit à la causalité naturelle et donc au fait; ils'ensuit qu'elle ne peut pas non plus être discutée dans le cadre d'unrecours en réforme (ATF 130 III 699 consid. 4.1 p. 702/703). 3.3 Lorsque la recourante allègue que le motif réel du congé résidait dans lerefus de l'intimé de "rattraper les heures qu'il avait en retard", elle s'enprend de manière irrecevable aux faits souverainement constatés parl'autorité cantonale, qui n'a aucunement renversé le fardeau de la preuve. In casu, il a été retenu que l'intimé, qui travaillait à 80 % depuis mars2001, a requis au début juillet 2003 des explications relatives à lacomptabilisation par la défenderesse des heures de travail exigées par soncontrat. Il a consulté son syndicat à ce propos, lequel a estimé que lesréclamations du travailleur étaient fondées. Dans ce contexte, il est indubitable que cette demande constituait uneprétention découlant du contrat de travail élevée de bonne foi, laquelle estd'ailleurs présumée (art. 3 al. 1 CC).Partant, c'est sans violer les art. 8 CC et 336 CO que la cour cantonale aconsidéré, à la suite de la Chambre des prud'hommes, qu'était un congé dereprésailles celui donné à l'intimé par la recourante le 30 juillet 2003après que celle-ci a catégoriquement refusé, par lettre du 15 juillet 2003,de discuter de ce problème. L'octroi d'une indemnité pour licenciement abusif, dont la quotité n'est pasdiscutée, est en tout point conforme au droit fédéral. Le moyen doit être rejeté en tant qu'il est recevable. 4.En définitive, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. La procédure fédérale est gratuite puisqu'elle a trait à un différendrésultant du contrat de travail dont la valeur litigieuse déterminante,calculée au moment du dépôt de la demande (ATF 115 II 30 consid. 5b p. 42),ne dépasse pas le plafond de 30 000 fr. fixé à l'art. 343 al. 2 CO. Cettedisposition ne dispense pas le plaideur qui succombe de verser à son adversepartie une indemnité à titre de dépens (ATF 115 II 30 consid. 5c p. 42). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 3.La recourante versera à l'intimé une indemnité de 2'500 fr. à titre dedépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laIIe Cour d'appel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg. Lausanne, le 4 mai 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.34/2006
Date de la décision : 04/05/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-04;4c.34.2006 ?
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