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04/05/2006 | SUISSE | N°4C.31/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 mai 2006, 4C.31/2006


{T 0/2}
4C.31/2006 /fzc

Arrêt du 4 mai 2006
Ire Cour civile

MM. et Mmes les Juges Corboz, président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Favre
et Kiss.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

X. ________ S.A.,
défenderesse et recourante, représentée
par Me Jacques Schroeter, avocat,

contre

Y.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Xavier Wenger, avocat.

responsabilité des administrateurs; non-paiement des cotisations sociales;
action récursoire

(recours en réforme contre le jugement de la Ire Cour civile du

Tribunal
cantonal valaisan du 5 décembre 2005).

Faits:

A.
A.a Plusieurs médecins se sont regroupés en vue de développer l...

{T 0/2}
4C.31/2006 /fzc

Arrêt du 4 mai 2006
Ire Cour civile

MM. et Mmes les Juges Corboz, président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Favre
et Kiss.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

X. ________ S.A.,
défenderesse et recourante, représentée
par Me Jacques Schroeter, avocat,

contre

Y.________,
demandeur et intimé, représenté par Me Xavier Wenger, avocat.

responsabilité des administrateurs; non-paiement des cotisations sociales;
action récursoire

(recours en réforme contre le jugement de la Ire Cour civile du Tribunal
cantonal valaisan du 5 décembre 2005).

Faits:

A.
A.a Plusieurs médecins se sont regroupés en vue de développer la chirurgie
cardio-vasculaire, en créant un centre à Sion. Pour concrétiser ce projet,
ils ont utilisé la Société AB.________S.A., créée le 16 octobre 1990, dont
ils ont modifié la raison sociale le 28mars 1991, celle-ci devenant
l'Institut A.________ S.A. (ci-après A.________).

L'organisation de A.________ a été mise sur pied par la Fiduciaire
A.X.________ S.A., devenue par la suite X.________ S.A. (ci-après
X.________). C.________, juriste de formation et administrateur délégué de
X.________, s'est occupé des aspects administratifs et juridiques du projet.

C. ________ était membre du conseil d'administration de A.________, qui était
présidé par le professeur Y.________. D.________, employée de X.________,
était administratrice déléguée de A.________. Le capital initial de
l'institut, qui s'élevait à 100'000 fr., était détenu par C.________ (en
réalité par X.________).

La fonction d'organe de contrôle de A.________ était exercée par E.________,
devenue par la suite F.________ S.A., dont C.________ était également l'un
des administrateurs.

A.b X.________ a joué un rôle central dans la gestion de A.________, qui a
largement dépassé la simple tenue des comptes. Elle a mis en place les
structures administratives de l'institut et s'est assurée de pouvoir en
contrôler le fonctionnement en plaçant au conseil d'administration
C.________, son propre administrateur délégué, ainsi que D.________, qui,
tout en étant administratrice de A.________, était rétribuée par X.________.
Enfin, la comptabilité de A.________ était tenue par un autre employé de
X.________, qui participait également à des séances du conseil
d'administration ou à des assemblées générales.

Au fil des mois, X.________ a effectué un large éventail de prestations pour
A.________, s'occupant de tout le domaine extra-médical. Elle a suivi de près
l'évolution financière de la société, gérant en particulier les salaires et
dressant les décomptes AVS. Elle a mis en évidence les problèmes financiers
de l'institut et a contribué activement à la recherche de solutions en vue de
son redressement, en proposant des mesures d'assainissement.

A.c Les cotisations AVS/AI/APG dues par A.________ étaient encaissées sur la
base d'acomptes mensuels forfaitaires, calculés par la société elle-même, en
fonction des salaires effectivement versés. A la fin de chaque année, la
société devait déterminer le total exact des cotisations et s'acquitter du
solde éventuel. A.________ a payé parfois avec du retard et après sommations
ou poursuites, les acomptes des cotisations 1991 et 1992. En revanche, elle
n'a pas payé le solde de cotisations 1991 et 1992 s'élevant respectivement à
133'985,35 fr. et à 276'841,40 fr., ainsi que les cotisations 1993 s'élevant
à 73'853 fr. Elle n'a en particulier pas veillé au paiement des cotisations
sociales lors de l'obtention d'un prêt bancaire de 1'200'000 fr. en février
1992, lors de l'augmentation du capital social de 400'000 fr. en juillet 1992
ni lors de l'obtention de prêts d'actionnaires à hauteur de 300'000 fr. en
août 1992, alors que l'arriéré était connu des administrateurs. Ces montants
ont été affectés à d'autres charges pour que l'activité de A.________ puisse
se poursuivre. Il n'a toutefois pas été allégué ni établi que la société
avait payé d'autres dettes en comptant sérieusement sur un redressement à
court terme. Il n'a pas non plus été démontré que les perspectives de
redressement pouvaient apparaître comme sérieuses.

A plusieurs reprises, X.________ a indiqué aux administrateurs l'existence de
la dette de cotisations sociales et elle leur a mentionné qu'il était
nécessaire de la payer, mais sans les rendre expressément attentifs aux
conséquences d'un non-paiement, ni proposer des mesures strictes pour que la
société s'acquitte des cotisations sociales. Le premier avertissement sérieux
et explicite en ce sens a daté du 13 janvier 1993.

A.d Dès juin 1991, les administrateurs ont pris conscience des difficultés
financières de A.________ et ont su que l'avenir de la société n'était pas
assuré.

La faillite de A.________ a été prononcée le 30 mars 1993. Le découvert s'est
élevé à 7'993'008,90 fr. La Caisse Cantonale de Compensation (ci-après la
Caisse de compensation) a obtenu un acte de défaut de biens pour un total de
500'891 fr., dont 499'937,75 fr. représentaient le montant des cotisations
AVS/AI/APG prélevées sur les salaires versés aux employés de A.________ pour
la période allant de janvier 1991 à février 1993.

A.e La Caisse de compensation a introduit une procédure en justice à
l'encontre de Y.________, en sa qualité de président du conseil
d'administration de la société A.________ faillie, tendant au paiement des
cotisations sociales qu'elle n'avait pu récupérer.
Le 23 mars 1999, le Tribunal cantonal valaisan des assurances a condamné
Y.________ à verser à la Caisse de compensation le montant de 499'937,75 fr.
Par arrêt du 20 mars 2000, le Tribunal fédéral des assurances a rejeté le
recours formé par Y.________ à l'encontre de ce jugement et mis les frais à
sa charge.

La Caisse de compensation a autorisé le président du conseil d'administration
à s'acquitter du montant qu'il lui devait en plusieurs versements, dont le
dernier est intervenu le 29 janvier 2004.

B.
Le 14 juillet 2000, Y.________ a ouvert une action en justice auprès du
Tribunal cantonal valaisan à l'encontre de X.________, de l'organe de
contrôle de A.________ et de C.________, en concluant à ce que ceux-ci lui
versent la somme de 499'937,75 fr. correspondant au montant qu'il avait été
condamné à payer à la Caisse de compensation, ainsi que 12'000 fr.
représentant les frais de justice.

Par jugement du 5 décembre 2005, la Ire Cour civile du Tribunal cantonal
valaisan, estimant que X.________ portait une responsabilité prépondérante
dans le dommage subi par la Caisse de compensation, a condamné cette société
à verser à Y.________ 202'375,10fr., C.________ étant pour sa part condamné
à payer 50'937,80 fr., les deux montants portant intérêt à 5 % l'an dès le 29
janvier 2004.

C.
Contre le jugement du 5 décembre 2005, X.________ (la défenderesse)
interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à
l'admission du recours et à l'annulation de la décision entreprise dans le
sens d'une admission des conclusions tendant à sa libération totale. A titre
subsidiaire, elle requiert le renvoi de la cause à la cour cantonale pour
nouvelle décision dans le sens des considérants.

Y. ________ (le demandeur) propose le rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Interjeté par l'une des parties défenderesses qui a succombé dans ses
conclusions libératoires et dirigé contre un jugement final rendu en dernière
instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ; art. 23 CPC
valaisan) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse atteint le
seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme paraît en principe
recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art.54 al. 1 OJ) et dans
les formes requises (art. 55 OJ).

1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64
OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2; 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).
Hormis ces exceptions que le recourant doit invoquer expressément, il ne peut
être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de
moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).

La défenderesse semble perdre de vue ces principes, dès lors que, sous le
couvert de violations du droit, elle s'en prend à plusieurs reprises aux
faits retenus et discute l'appréciation des preuves à laquelle se sont livrés
les juges cantonaux, sans se prévaloir de l'une des exceptions lui permettant
de s'écarter des constatations cantonales. Une telle argumentation n'est pas
admissible. La Cour de céans examinera donc les violations du droit fédéral
invoquées à la seule lumière des faits mentionnés dans la décision
entreprise.

2.
Le président du conseil d'administration condamné à verser à la caisse
cantonale un montant correspondant aux cotisations AVS/AI/APG dont la société
faillie ne s'était pas acquittée a introduit une action récursoire à
l'encontre de plusieurs organes, dont la défenderesse. Seule cette dernière a
recouru en réforme contre le jugement cantonal la condamnant à verser
202'375,10 fr. au demandeur. Le litige porté devant la Cour de céans n'oppose
donc plus que ces deux parties et se limite au bien-fondé de la prétention
récursoire à l'encontre de la défenderesse uniquement.

3.
La cour cantonale a considéré en substance que la défenderesse, bien qu'elle
n'ait pas formellement revêtu la qualité d'organe de la société faillie,
pouvait, en raison du rôle central qu'elle avait joué dans la gestion de
cette société, être qualifiée d'organe de fait. Sa responsabilité pour le
dommage subi par la Caisse de compensation était prépondérante. D'une part,
elle avait placé deux de ses employés au conseil d'administration de
A.________, alors que cet organe était resté passif, laissant la société en
grandes difficultés financières poursuivre ses activités, sans se soucier
sérieusement du paiement des cotisations sociales. D'autre part, la
défenderesse, qui jouait un rôle prépondérant dans la gestion de l'institut,
était tenue de rendre expressément attentifs les administrateurs formels aux
conséquences d'un non-paiement des cotisations sociales et de proposer des
mesures strictes pour que la société s'en acquitte, ce qu'elle n'avait pas
fait, même lorsque l'institut avait reçu des apports de fonds en 1992. Le
premier avertissement sérieux de la défenderesse, qui datait du 13 janvier
1993, était tardif. Sur la base de ces éléments, les juges ont évalué à 40 %
la part du dommage subi par la Caisse de compensation qui devait être
supportée par cette partie.

4.
La défenderesse soutient que ce raisonnement viole l'article 52 LAVS, ainsi
que les articles 148 et 759 CO. Elle reproche principalement à la cour
cantonale d'avoir adopté une conception erronée d'organe de fait. Elle
soutient également qu'elle ne pouvait être tenue pour responsable du dommage
subi par la Caisse de compensation, car le jugement entrepris a retenu à tort
une violation des devoirs lui incombant et ne s'est pas prononcé sur
l'existence d'un lien de causalité entre les manquements dont elle se serait
rendue coupable et le non-paiement des cotisations sociales.

4.1 Les manquements reprochés à la défenderesse se sont déroulés entre 1991
et 1993, soit durant une période régie à la fois par l'ancien et par le
nouveau droit de la société anonyme, entré en vigueur le 1erjuillet 1992. En
principe, les deux droits devraient donc s'appliquer (cf. ATF 128 III 180
consid. 2b; 122 III 488 consid. 3a p. 490). Il n'y a toutefois pas lieu
d'examiner plus avant la question, dès lors que, s'agissant d'un recours
entre différents responsables, soit des rapports internes, l'art. 759 al. 3
CO reprend pour l'essentiel le contenu de l'ancien droit, à savoir l'art. 759
al. 2 aCO (ATF 122 III 324 consid. 7b p. 326). Ces dispositions n'ont qu'une
faible portée normative (Corboz, La responsabilité des organes en droit des
sociétés, Bâle 2005, n. 29 ad art. 759 CO), car elles ne font que rappeler le
principe découlant déjà des art. 148 ss CO, selon lequel la loi reconnaît à
celui qui a indemnisé la victime un droit de recours contre les autres
responsables (cf. Tercier, La solidarité et les actions récursoires entre les
responsables d'un dommage selon le nouveau droit de la société anonyme, in La
responsabilité des administrateurs, Zurich 1994, p. 63 ss, 80).

4.2 L'action récursoire suppose la réunion de plusieurs conditions. Il faut
que le demandeur soit responsable, qu'il ait dédommagé la victime, que les
personnes qu'il recherche encourent elles-mêmes une responsabilité à l'égard
du lésé et, enfin, que le demandeur dispose d'un droit de recours en vertu
des règles sur les rapports internes (Bugnon, L'action récursoire en matière
de concours de responsabilités civiles, thèse Fribourg 1982, p. 13 ss; cf.
Tercier, op. cit., p. 81).

En l'espèce, la responsabilité de l'ancien président du conseil
d'administration de l'institut pour le préjudice causé à la Caisse de
compensation en raison du non-paiement des cotisations sociales est établie
et du reste non contestée. Il a également été constaté que celui-ci avait
entièrement dédommagé l'assurance lésée. Comme les membres du conseil
d'administration répondent solidairement du versement des cotisations
d'assurances sociales (ATF 119 V 401 consid. 4c p. 407; 114 V 213 consid. 3
p. 214), le demandeur disposait d'un droit de recours interne au sens de
l'art. 759 al. 3 CO (art. 759 al. 2 aCO) à l'encontre des autres
administrateurs.

Seul reste donc litigieux le point de savoir si la défenderesse peut
elle-même être tenue pour responsable du dommage subi par la Caisse de
compensation, ce qu'elle conteste.

4.3 La responsabilité de l'employeur qui ne verse pas les cotisations
AVS/AI/APG découle de l'art. 52 LAVS. Cette disposition a été modifiée, le
1er janvier 2003, dans le cadre de la mise en oeuvre de
la LPGA. Le cas
d'espèce reste cependant régi par l'ancien droit, compte tenu du principe
selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les
faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 466 consid. 1;
arrêt du TFA H 234/02 du 16 avril 2003, in REAS 2003 p. 251, consid. 4). Il
faut toutefois préciser que le nouveau droit n'a fait que reprendre
textuellement, à l'art. 52 al. 1 LAVS, le principe de la responsabilité de
l'employeur figurant à l'art. 52 aLAVS, la seule différence portant sur la
désignation de la caisse de compensation, désormais appelée assurance.

4.4 Selon l'art. 52 aLAVS, l'employeur qui, intentionnellement ou par
négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à
la caisse de compensation est tenu à réparation. Il ressort de l'art. 14 al.
1 LAVS, dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, en relation
avec les articles 34 ss RAVS, que l'employeur doit déduire, lors de chaque
paie, la cotisation du salarié et verser celle-ci à la caisse de compensation
en même temps que sa propre cotisation; il doit également remettre
périodiquement aux caisses les pièces comptables nécessaires au calcul des
cotisations. L'obligation de l'employeur de percevoir les cotisations et de
régler les comptes est une tâche de droit public prescrite par la loi (cf.
ATF 108 V 189 consid.2a p. 193). L'employeur qui néglige de l'accomplir peut
en conséquence être tenu de réparer le dommage ainsi occasionné sur la base
de l'art. 52 aLAVS (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 195/95 du 5
mars 1996, in SVR 1996 AHV no 98 p. 299, consid. 2b; ATF 118 V 193 consid.
2a).

4.5 La jurisprudence considère que, si l'employeur est une personne morale,
la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont
agi en son nom (ATF 123 V 12 consid. 5b p. 15; 122 V 65 consid. 4a; 114 V 219
consid. 3b; confirmés in ATF 129 V 11 consid. 3 et in arrêt du TFA H 221/04
du 2 février 2006 consid. 3.1; critique: Wyss, Fallen unter den Begriff des
Arbeitgebers nach Art. 52 AHVG zu Recht auch Organe einer juristischen
Person?, RSAS 2004 p. 82). Dans le cas d'une société anonyme, la notion
d'organe responsable selon l'art. 52 LAVS est en principe identique à celle
qui ressort de l'art. 754 al. 1 CO (arrêt du 16 avril 2003 précité, in REAS
2003 p. 251, consid. 7.3). La responsabilité incombe donc non seulement aux
membres du conseil d'administration, mais aussi aux organes de fait (cf. ATF
126 V 237 consid. 4 p. 239 s.), c'est-à-dire à toutes les personnes qui
s'occupent de la gestion ou de la liquidation de la société, à savoir celles
qui prennent en fait les décisions normalement réservées aux organes ou qui
pourvoient à la gestion, concourant ainsi à la formation de la volonté
sociale d'une manière déterminante (ATF 128 III 29 consid. 3a, 92 consid.
3a). Dans cette dernière éventualité, il faut cependant que la personne en
question ait eu la possibilité de causer un dommage ou de l'empêcher, en
d'autres termes qu'elle ait exercé effectivement une influence sur la marche
des affaires de la société (ATF 128 III 29 consid. 3a; arrêt du 16 avril 2003
précité, in REAS 2003 p. 251, consid. 7.3).

En l'espèce, il ressort du jugement entrepris, d'une manière qui ne peut être
remise en cause dans un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ), que la
défenderesse, par l'intermédiaire de deux de ses employés, était représentée
au conseil d'administration de la société et collaborait ainsi à ses
décisions. Elle tenait par ailleurs en main la conduite administrative et
financière de la société, gérant tout le domaine extra-médical. Le jugement
attaqué a constaté que la défenderesse exerçait dès lors un véritable pouvoir
de gestion propre à influencer de manière notable la volonté sociale. Sur la
base de ces éléments de fait, la cour cantonale n'a à l'évidence pas violé le
droit fédéral en qualifiant la défenderesse d'organe de fait de la société.

Dans une argumentation prolixe, la défenderesse cherche à démontrer l'inverse
en discutant nombre de constatations de fait et en remettant en cause
l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée la cour cantonale, comme
elle le ferait devant une juridiction d'appel. Il n'y a pas lieu d'entrer
plus avant sur ces critiques, qui ne sont pas admissibles dans le cadre d'un
recours en réforme (ATF 130 III 136 consid.1.4).
4.6 Pour que l'organe, formel ou de fait, soit tenu de réparer le dommage
causé à la caisse de compensation en raison du non-paiement des cotisations
sociales, encore faut-il que les conditions d'application de l'art. 52 aLAVS
(qui correspond à l'art. 52 al. 1 LAVS; cf. supra consid. 4.3) soient
réalisées, ce qui suppose que l'organe ait violé intentionnellement ou par
une négligence grave les devoirs lui incombant et qu'il existe un lien de
causalité adéquate entre le manquement qui lui est imputable et le préjudice
subi (cf. Nussbaumer, Die Haftung des Verwaltungsrates nach Art. 52 AHVG, PJA
9/1996 p.1071 ss, 1076 ss).

Celui qui appartient au conseil d'administration d'une société et qui ne
veille pas au versement des cotisations courantes et à l'acquittement des
cotisations arriérées est réputé manquer à ses devoirs (cf. arrêt du TFA H
96/03 du 30 novembre 2004, in SJ 2005 I p. 272, consid. 7.3.1). La négligence
grave mentionnée à l'art. 52 aLAVS est admise très largement par la
jurisprudence (cf. Wyss, op. cit., p. 1077 et 1079 s.). Selon la pratique, se
rend coupable d'une négligence grave l'employeur qui ne respecte pas la
diligence que l'on peut et doit en général attendre, en matière de gestion,
d'un employeur de la même catégorie. Dans le cas d'une société anonyme, il y
a en principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne
l'attention que la société doit accorder, en tant qu'employeur, au respect
des prescriptions de droit public sur le paiement des cotisations
d'assurances sociales. Les mêmes exigences s'imposent également lorsqu'il
s'agit d'apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l'employeur
(cf. arrêt précité du 5 mars 1996, in SVR 1996 AHV no 98 p. 299, consid. 2c).
Par exemple, les administrateurs d'une société qui se trouve dans une
situation financière désastreuse, qui parent au plus pressé, en réglant les
dettes les plus urgentes à l'exception des dettes de cotisations sociales,
dont l'existence et l'importance leur sont connues, sans qu'ils ne puissent
guère espérer, au regard de la gravité de la situation, que la société puisse
s'acquitter des cotisations en souffrance dans un délai raisonnable (cf. ATF
108 V 183 consid. 2 p.188 s.), commettent une négligence grave au sens de
l'art. 52 aLAVS (arrêt du 5 mars 1996 précité, in SVR 1996 AHV no 98 p. 299,
consid. 3; cf. ATF 108 V 189 consid. 4). Enfin, la jurisprudence estime qu'il
existe en règle générale un lien de causalité adéquate entre l'inaction de
l'organe et le non-paiement des cotisations, sous réserve du cas où
l'administrateur est entré en fonction alors que la société était déjà
surendettée (ATF 119 V 401 consid. 4c p. 407 s.), de sorte que celui-ci
répond solidairement de tout le dommage subi par l'assurance en cas de
faillite de la société (arrêt précité du 30 novembre 2004, in SJ 2005 I p.
272, consid. 7.3.1).

En l'espèce, la défenderesse est intervenue dès la création de l'institut.
Elle a exercé, en tant qu'organe de fait, un rôle central dans la gestion de
la société. Elle a mis en place les structures administratives et s'est
assurée de pouvoir en contrôler le fonctionnement, en plaçant son propre
administrateur et une employée au conseil d'administration de A.________.
S'occupant de tout le domaine extra-médical, la défenderesse connaissait
précisément la situation comptable de la société et il lui appartenait en
particulier de vérifier que les cotisations sociales soient payées. Comme l'a
retenu pertinemment la cour cantonale, elle devait, dans ces circonstances,
proposer des mesures strictes pour que la société s'acquitte des cotisations
AVS/AI/APG. Le fait qu'entre 1991 et 1992, bien qu'elle eût identifié les
graves problèmes financiers de la société, la défenderesse se soit contentée
de mentionner l'existence de la dette de cotisations sociales et la nécessité
de la payer, fût-ce à plusieurs reprises, n'est pas suffisant. En outre, lors
des apports de fonds survenus en 1992, elle aurait dû faire en sorte que les
montants reçus servent en priorité à payer les cotisations sociales en
souffrance. En négligeant de procéder aux démarches nécessaires, sans qu'il
ait été allégué ni établi que la société avait payé d'autres dettes en
comptant sérieusement sur un redressement à court terme de la situation,
redressement dont il n'a en outre pas été démontré que les perspectives
pouvaient paraître sérieuses, la défenderesse a non seulement violé ses
obligations, mais s'est montrée gravement négligente au sens où l'entend la
jurisprudence en relation avec l'art. 52 aLAVS.
Quant au lien de causalité adéquate, il est vrai que, comme le relève la
défenderesse, la cour cantonale n'a pas explicitement examiné cette
condition. Il ressort toutefois clairement des faits constatés, qu'un tel
lien doit être tenu pour établi. En effet, la défenderesse a manqué à ses
devoirs par son inaction, n'émettant pas de propositions concrètes de
règlement des cotisations sociales en souffrance et ne faisant pas en sorte
que les fonds apportés courant 1992 servent en premier lieu à payer les
cotisations arriérées. Il s'agit donc d'une situation caractéristique dans
laquelle il convient d'admettre, en application de la règle générale dégagée
par la jurisprudence, un lien de causalité adéquate entre la passivité de
l'organe et le non-paiement des cotisations sociales.

Les conditions de la responsabilité de la défenderesse à l'égard de la Caisse
de compensation sont donc réalisées.

4.7 Dans ces circonstances, le jugement entrepris ne viole pas le droit
fédéral en admettant le bien-fondé de l'action récursoire formée par le
président du conseil d'administration, qui a lui-même intégralement indemnisé
la Caisse, à l'encontre de la défenderesse, en sa qualité d'organe de fait de
la société faillie.

Il n'y a pas lieu d'examiner l'étendue de la réparation mise à la charge de
la défenderesse, aucun grief n'étant formulé à cet égard (art. 55 al.1 let.
b et c OJ).

Le recours doit par conséquent être rejeté.

5.
Les frais et dépens seront mis à la charge de la défenderesse, qui succombe
(art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

6.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 6'000 fr. est mis à la charge de la défenderesse.

3.
La défenderesse versera au demandeur une indemnité de 7'000 fr. à titre de
dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Ire Cour civile du Tribunal cantonal valaisan.

Lausanne, le 4 mai 2006

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.31/2006
Date de la décision : 04/05/2006
1re cour civile

Analyses

Art. 52 al. 1 LAVS (art. 52 aLAVS); art. 148 et 759 al. 3 CO (art. 759 al.2 aCO); non-paiement des cotisations sociales; responsabilité del'administrateur de fait; action récursoire. Conditions auxquelles un administrateur condamné à verser à la caisse decompensation le montant des cotisations sociales non acquittées parl'employeur peut exercer une action récursoire (consid. 4.1 et 4.2). La responsabilité subsidiaire des organes d'une société anonyme pournon-paiement des cotisations sociales peut s'étendre aux organes de fait.Situation dans laquelle l'administrateur de fait a commis des manquementstombant sous le coup de l'art. 52 aLAVS (art. 52 al. 1 LAVS; consid.4.3-4.6).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-04;4c.31.2006 ?
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