La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/05/2006 | SUISSE | N°4C.184/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 mai 2006, 4C.184/2005


{T 0/2}4C.184/2005 /ech Arrêt du 4 mai 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Favre et Kiss.Greffier: M. Ramelet. X. ________ SA,défenderesse et recourante, représentée par Me Soli Pardo, contre Y.________ SA,demanderesse et intimée. contrat mixte; fixation du dommage, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justicedu canton de Genève du 15 avril 2005. Faits: A.A.a X.________ SA (la défenderesse) est une société active dans la décorationd'intérieur et la vente de mobilier de style anglais, qui exploite un magasinà Genève. En 199

7, X.________ SA a vendu des meubles à Y.________ SA (la demand...

{T 0/2}4C.184/2005 /ech Arrêt du 4 mai 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Favre et Kiss.Greffier: M. Ramelet. X. ________ SA,défenderesse et recourante, représentée par Me Soli Pardo, contre Y.________ SA,demanderesse et intimée. contrat mixte; fixation du dommage, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justicedu canton de Genève du 15 avril 2005. Faits: A.A.a X.________ SA (la défenderesse) est une société active dans la décorationd'intérieur et la vente de mobilier de style anglais, qui exploite un magasinà Genève. En 1997, X.________ SA a vendu des meubles à Y.________ SA (la demanderesse).En 2001, Y.________ SA a chargé la défenderesse de revendre certains desmeubles qu'elle lui avait achetés, en les exposant dans le magasin de cettedernière. A cette occasion, les parties ont signé les 5 et 12 juillet 2001une convention intitulée "Bon de mise en dépôt de meubles d'occasion". Cetaccord contenait une liste d'une quarantaine de meubles, datée du 29 juin2001, comportant, en regard de chacun d'entre eux, un numéro, une brèvedescription, une appréciation de l'état sous la forme des qualificatifs"bon", "moyen" ou "mauvais" ainsi qu'une indication de "valeur" correspondantà 60 % de la valeur à neuf (art. 64 al. 2 OJ). Il était stipulé queX.________ SA percevrait une commission de 25% du prix de vente. Il a étéconstaté que si un acheteur potentiel devait proposer un prix inférieur àcelui de la "valeur" indiquée dans la convention, la vente devait obtenirl'accord préalable de Y.________ SA. Selon la convention, le temps de gardemaximum des meubles était de six mois; il était expressément stipulé que"passé ce délai, la marchandise sera mise en décharge". L'initiative de lareprise des meubles incombait à Y.________ SA. X. ________ SA a adressé à Y.________ SA les 4 juillet, 2 décembre et 14décembre 2001 des propositions d'achat de meubles. La demanderesse a refuséles deux premières aux motifs que les prix offerts étaient trop bas. Le 14décembre 2001, onze meubles, représentant une valeur d'environ 20'000 fr.selon la liste susmentionnée, ont en revanche été vendus pour un prix totalde 8'000 fr. A.b La défenderesse et la demanderesse sont convenues le 14 décembre 2001 dereconduire le contrat pour le mobilier qui n'avait pas été vendu à cettedate. Un nouveau "Bon de mise en dépôt de meubles d'occasion pour le mobilierrestant au 14 décembre 2001" a été signé les 14 et 17 décembre 2001. Lecontrat limitait également à six mois la durée du temps de garde et prévoyaittoujours que, "passé ce délai, la marchandise sera mise en décharge".L'accord comprenait une liste de meubles, calquée sur celle de la conventioninitiale, qui était libellée de la sorte:"EtiquetteDescriptionEtatValeurNo 4Retour de bureau avec tiroirsMoyen2'868 fr.No 6Meuble dossiers + coffre spécialMoyen3'540 fr.Nos 11-13DeskMoyen4'215 fr.No 14Side returnMoyen1'188 fr.No 17Meuble dossierMoyen2'670 fr.No 18Regency luxe 2 places plisséBon1'794 fr.Nos 19-23Table de conférenceBon4'740 fr.No 24Verre de protectionBon717 fr.Nos 25-306 chaises EstillBon2'376 fr.No 31Encoignure BritishBon1'437 fr.Nos 32-34Bureau 158 cmBon4'215 fr.No 35Fauteuil tournant SwannBon2'340 fr.Nos 37-39Bureau 137 cmMauvais2'994 fr.No 40Retour de bureauMauvais2'274 fr.". La rubrique "Etat" susmentionnée a été remplie par X.________ SA d'après lesdonnées figurant dans le premier accord, alors que la rubrique "Valeur" a étéfixée d'entente entre les parties. A.c Les 12 mars et 15 août 2002, X.________ SA a transmis à Y.________ SAdeux propositions d'achat de meubles; cette dernière les a refusées, car elleestimait que les prix proposés n'étaient pas assez élevés. Dès le mois de mai 2002, Y.________ SA a vainement tenté d'obtenir deX.________ SA des nouvelles quant aux meubles que la première avait confiés àla seconde. Le 15 juillet 2002, la demanderesse a adressé à la défenderessela liste des meubles "rest(ant) en dépôt" et celle des "meubles vendus". Parpli du 4 décembre 2002, X.________ SA, d'une part, a confirmé à Y.________ SAl'exactitude des deux listes, tout en précisant que les meubles étaient dansses dépôts à disposition de cette dernière; rappelant que plusieurs clientss'étaient montrés intéressés par les meubles, la défenderesse, d'autre part,a fait état de "3 années à facturer" pendant lesquelles les meubles avaientété déposés. Y. ________ SA a contesté devoir payer une rémunération pour trois années dedépôt. Les parties sont finalement tombées d'accord que seuls six mois dedépôt restaient impayés. Le 19 février 2003, X.________ SA a envoyé unefacture à la demanderesse. Portant la désignation "Entreposage meubles debureau Période:du 29 juin 2001 au 31 janvier 2003", la note faisait étatd'une facturation courant du 31 juillet 2002 au 31 janvier 2003, soit 6 moisau prix unitaire de 157 fr.50, d'où un total de 945 fr., taxes non comprises(art. 64 al. 2 OJ).Le 6 mars 2003, la demanderesse a emporté les meubles nos 4, 17, 18, 32-34 et40 avec l'aide d'une entreprise de transport, laquelle a facturé ses services322 fr. 80. Les autres meubles, soit les meubles nos 6, 11-13, 14, 19-23, 24,25-30, 31, 35, et 37-39, n'ont pas été retrouvés. Après avoir envoyé à la défenderesse plusieurs requêtes restées sans réponsequant au sort desdits meubles, Y.________ SA, par courrier recommandé du 11mars 2003, a mis en demeure X.________ SA de lui restituer le mobilierqu'elle n'avait pas pu récupérer ou, à défaut, de lui verser la somme de23'547 fr. correspondant au prix de vente qui était proposé dans l'accord dedécembre 2001 pour l'ensemble de ces meubles. X. ________ SA n'a pas réagi. B.B.aLe 24 juin 2003, Y.________ SA a introduit devant le Tribunal de premièreinstance de Genève une action contre X.________ SA tendant principalement àla revendication des meubles demeurés invendus, subsidiairement aux paiementsde 23'547 fr. correspondant à la valeur desdits meubles et de 322 fr. 80 pourles frais de transport inutilement encourus. Par jugement du 2 octobre 2003, le Tribunal de première instance a prononcéle défaut contre la défenderesse et fait droit aux conclusions de lademanderesse. X. ________ SA a formé opposition en temps utile contre ce jugement, dontelle a requis l'annulation. Sur le fond, elle a conclu à libération. Ladéfenderesse a prétendu qu'elle n'était pas tenue de restituer le mobilierinvendu, puisque que l'accord conclu par les parties permettait la mise endécharge de la marchandise après l'écoulement du délai de garde de six mois.Par jugement du 2 septembre 2004, le Tribunal de première instance, aprèsavoir déclaré recevable l'opposition formée par la défenderesse (chiffre 1),a rétracté le jugement du 2 octobre 2003 (chiffre 2), puis, statuant ànouveau par voie de procédure ordinaire, a condamné X.________ SA à restituerà Y.________ SA les meubles nos 6, 11-13, 14, 19-23, 24, 25-30, 31, 35 et37-39 ou, à défaut, à en verser la contre-valeur totale, par 16'535 fr.(chiffre 3).Le premier juge a considéré que les parties étaient liées par un contratmixte, combinant des éléments ressortissant au contrat de commission et aucontrat de dépôt. Il a retenu que la défenderesse avait renoncé par acteconcluant à se prévaloir de la clause l'autorisant à mettre les meubles à ladécharge sitôt écoulé le délai semestriel prévu par la convention de décembre2001, de sorte qu'elle restait tenue de les restituer à la demanderesse. Ence qui concernait le montant du dommage à réparer au cas où le mobilier nepourrait pas être récupéré, le Tribunal de première instance a admis que lesprix proposés étaient trop élevés puisque les meubles n'avaient pas trouvépreneur. Le mobilier, dont certaines pièces étaient en mauvais état, s'étaiten outre déprécié au fil du temps. A partir des valeurs indicativesmentionnées dans la convention précitée, censées représenter le 60 % du prixà neuf, le premier juge a déterminé la valeur à neuf des meubles invendus,soit 36'750 fr., qu'elle a réduite de 55 % pour tenir compte de ladépréciation (au taux de 10 % l'an) survenue entre 1997 et décembre 2002,d'où un préjudice ascendant à 16'535 fr. après arrondissement aux 5 francsinférieurs. Le Tribunal a encore considéré que les frais de transportsupportés par la demanderesse ne se trouvaient pas dans une relation de causeà effet avec les manquements de la défenderesse. B.b X.________ SA a appelé de ce jugement, concluant au déboutement de lademanderesse. Elle a fait valoir qu'elle était libre dès le 14 juin 2002, àsavoir après l'échéance du délai de six mois stipulé par la convention du 14décembre 2001, de mettre les meubles en décharge. Elle a soutenu que lacirconstance qu'après ce terme, elle ait encore adressé des propositionsd'achat à son adverse partie n'impliquait pas une modification tacite del'accord. De toute manière, Y.________ SA n'aurait pas prouvé son dommage. Pour sa part, la demanderesse a formé un appel incident contre le mêmejugement. Elle a requis que la défenderesse soit condamnée à lui verser23'547 fr. représentant la contre-valeur des meubles non restitués et 215 fr.50 pour les deux tiers des frais de transport qu'elle a encourus. Elle aprétendu que la valeur des meubles en dépôt n'avait pas diminué. Par arrêt du 15 avril 2005, la Chambre civile de la Cour de justice du cantonde Genève a confirmé le jugement entrepris sous réserve de son chiffre 3;statuant à nouveau sur ce point, elle a décidé ce quisuit : "Condamne X.________ SA à restituer à Y.________ SA les meubles suivants et,à défaut, à lui en verser la contre-valeur: - 1 meuble dossier avec coffre spécial, art. no 6, valeur 3'540 fr.- 1 desk, art. nos 11, 12, 13, valeur 4'215 fr.- 1 side return, art. no 14, valeur 1'188 fr.- 1 table de conférence, art. nos 19, 20, 21, 22, 23, valeur 4'740 fr.- 1 verre de protection, art. no 24, valeur 717 fr.- 6 chaises Estill, art. nos 25, 26, 27, 28, 29, 30, valeur 2'376 fr.- 1 encoignure British, art. no 31, valeur 1'437 fr.- 1 fauteuil tournant Swann, art. no 35, valeur 2'340 fr.- 1 bureau 137 cm, art. nos 37, 38, 39, valeur 2'994 fr. ". Les motifs de cette décision seront exposés ci-après dans la mesure utile. C.La défenderesse exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral contrel'arrêt cantonal. Elle conclut principalement à ce que cet arrêt soit annuléen tant qu'il a déterminé les montants mis à sa charge en cas denon-restitution des meubles désignés dans le dispositif de cette décision.Cela fait, elle sollicite que la demanderesse soit déboutée de toutes sesconclusions en paiement si les meubles ainsi décrits n'étaient pas restitués. La recourante requérait préalablement qu'il soit sursis à l'instruction durecours en réforme jusqu'à droit connu sur la demande en révision qu'elleavait formée en instance cantonale contre le même arrêt Interpellée le 23 décembre 2005 par le Président de la Ie Cour civile quant àl'état d'avancement de cette procédure, la Cour de justice a fait savoir que,par arrêt du 18 novembre 2005, elle avait rejeté la demande en révision. L'intimée propose le rejet du recours en réforme dans la mesure de sarecevabilité et la confirmation de l'arrêt critiqué. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions libératoireset dirigé contre un arrêt final rendu en dernière instance cantonale par untribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont lavaleur litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recours enréforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile(art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ). Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al.1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'undroit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation dudroit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire sonraisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décisionattaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aientété violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur uneinadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter lesconstatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu comptede faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Dans la mesure où unepartie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dansla décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une desexceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenircompte (ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Il ne peut êtreprésenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyensde preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas ouvertpour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de faitqui en découlent (ATF 130 III 102 consid. 2.2 in fine, 136 consid. 1.4; 129III 618 consid. 3). 1.2 Le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties,qui ne peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1 let. b OJ), mais iln'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni parl'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ;ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 22 consid. 2e/cc in fine). Le Tribunalfédéral peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux invoquéspar le recourant; il peut aussi rejeter un recours en opérant unesubstitution de motifs, c'est-à-dire en adoptant une autre argumentationjuridique que celle retenue par la cour cantonale (ATF 130 III 136 consid.1.4 in fine). 2.Dans l'arrêt entrepris, la cour cantonale a considéré que les conclusionsprises par la demanderesse sur appel incident, tendant uniquement au paiementpar la défenderesse d'une somme d'argent et non à la restitution des meubles,étaient irrecevables en tant que telles, faute d'avoir été soumises aupremier juge. Toutefois, la Cour de justice, eu égard en particulier aumémoire d'appel incident de la demanderesse, a admis que la question de laquotité du préjudice pouvait être examinée. L'autorité cantonale, à l'instar du premier juge, a retenu que les partiesavaient conclu le 14 décembre 2001 un contrat mixte, qui combinait desprestations relevant du contrat de commission et du contrat de dépôt.Considérant que Y.________ SA s'était régulièrement inquiétée du sort de sesmeubles, que X.________ SA avait encore fait une proposition d'achat à lademanderesse après l'échéance du délai de garde initialement prévu et que ladéfenderesse avait facturé des frais de dépôt pour la période du 31 juillet2002 au 31 janvier 2003, la cour cantonale a jugé que la convention, aprèsson échéance, avait été tacitement prolongée pour une durée indéterminée.Elle en a déduit que la défenderesse restait donc tenue par l'obligation deremettre, à la demande
de sa partie adverse, les meubles déposés ou alors, sile mobilier n'était pas retrouvé, de réparer le dommage causé. A propos de la fixation du préjudice, les magistrats genevois ont déclaré quele premier juge ne s'était pas substitué à un expert pour déterminer lavaleur des meubles, ainsi que l'affirmait la défenderesse, mais qu'il avaitarrêté le dommage en équité, conformément à l'art. 42 al. 2 CO. Niant tout àla fois que les meubles se soient dépréciés après leur mise en dépôt auprèsde la défenderesse et que le mobilier ait été proposé à la vente à un prixtrop élevé, les juges cantonaux ont admis que les valeurs indiquées dans laconvention du 14 décembre 2001 devaient être retenues comme éléments dudommage subi par la demanderesse à supposer que les meubles ne puissent luiêtre restitués, ce qui les a conduits à retenir à titre de préjudice non16'535 fr. comme le Tribunal de première instance, mais 23'547 fr. Cesmagistrats ont en revanche confirmé que les frais de transport engagés par lademanderesse n'étaient pas en relation de causalité avec la violation desobligations contractuelles imputées à la défenderesse. 3.La recourante affirme liminairement ne plus remettre en cause le dispositifde l'arrêt déféré en tant qu'il l'a condamnée à restituer à l'intimée lesmeubles litigieux et déclare donc ne faire porter son recours que sur lafixation du dommage pour non-restitution dudit mobilier.Dans son premier moyen, la recourante prétend que les juges cantonaux ont àtort fait application de l'art. 42 al. 2 CO pour déterminer le préjudice quepourrait subir la demanderesse. A en croire la défenderesse, le montant dudommage allégué par l'intimée, qui correspond à la valeur des meublesdisparus, pouvait être aisément établi par expertise, mode de preuve dontl'administration pouvait être exigée de la demanderesse. Le dommage enquestion n'était pas impossible ou très difficile à établir. L'intimée ayantéchoué à apporter la preuve du préjudice en raison d'une carence qui lui estimputable, la Cour de justice, conformément à l'art. 42 al. 1 CO, aurait dûrejeter les conclusions de l'intimée en paiement de la contre-valeur desmeubles. A l'appui de son second moyen, qui pour partie n'est qu'une réplique dupremier, la recourante fait valoir que la cour cantonale a méconnu la notionjuridique du dommage. La défenderesse allègue qu'en retenant les montantsindiqués dans les conventions de juillet et décembre 2001, les magistratsgenevois se sont fondés sur une valeur convenue, et non sur la valeurobjective ou vénale des différents meubles, alors que seule celle-ci, àsupposer qu'elle ait été constatée, aurait pu déterminer le dommage. Ladéfenderesse souligne qu'en cas de disparition totale d'une chose, lepréjudice équivaut à la valeur de remplacement de cette chose. Or lesconventions précitées n'avaient pas pour fin de chiffrer un potentieldommage, poursuit la recourante, mais contenaient des valeurs purementsubjectives. 4.4.1Il convient d'emblée de prendre acte que la recourante admet désormaisqu'elle était tenue, par les conventions signées en juillet 2001 et décembre2001, de restituer à l'intimée l'ensemble des meubles que cette dernière luiavait confiés afin que, moyennant un droit de commission, ces objets fussentvendus à des tiers pour le compte de la demanderesse. Il n'y a pas lieu derevenir là-dessus (art. 55 al. 1 let. b et c OJ).Le présent litige est ainsi circonscrit à la question de la détermination dela réparation qui est due à la demanderesse pour le dommage que lui causeraitla défenderesse si cette dernière, dont la faute est présumée, violait sonobligation de restituer le mobilier (art. 97 al. 1 CO). 4.24.2.1Il résulte de l'art. 8 CC, dont l'art. 42 al. 1 CO - applicable enmatière de responsabilité contractuelle par le renvoi de l'art. 99 al. 3 CO -n'est qu'une reprise, que le lésé doit prouver le dommage. Il lui appartientd'établir non seulement l'existence mais encore le montant du préjudice (ATF122 III 219 consid. 3a p. 222). Il existe toutefois des situations où l'application stricte de cette règlefédérale de preuve est susceptible d'empêcher ou de paralyser l'applicationdu droit matériel. Le législateur a ainsi édicté l'art. 42 al. 2 CO, quiintroduit un allégement du fardeau de la preuve, en ce sens que le dommagepeut être déterminé équitablement par le juge, qu'il s'agisse de le chiffrerou de retenir son existence (cf. Franz Werro, Commentaire romand, n. 24 adart. 42 CO; François Chaix, La fixation du dommage par le juge (art. 42 al. 2CO), ch. 22 et 23, p. 46/47, in: Le préjudice, une notion en devenir, Journéede la responsabilité civile 2004, Genève 2005). Le juge ne peut recourir à l'art. 42 al. 2 CO que si le préjudice estabsolument impossible à chiffrer (atteinte à l'avenir économique de personnesexerçant une activité non rémunérée, défaut purement esthétique, etc.,), sila preuve de la quotité du dommage est impossible à apporter parce que leséléments de preuve n'ont pas été conservés par le lésé ou ont été détruitset, enfin, si l'administration de la preuve du dommage ne peutraisonnablement être exigée du demandeur en raison d'une disproportion entrele coût de celle-ci et le montant du dommage (ATF 105 II 87 consid. 3; RolandBrehm, Commentaire bernois, n. 47 s. ad art. 42 CO; Werro, op. cit., n. 26 adart. 42 CO; Chaix, op. cit., ch. 8 à 10, p. 42/43). En tant que normedérogeant au principe général répartissant le fardeau de la preuve, lesconditions d'application de l'art. 42 al. 2 CO doivent être appréciéesstrictement (Brehm, n. 50 ad art. 42 CO; Werro, op. cit., n. 26 ad art. 42CO). 4.2.2 En l'occurrence, il a été constaté définitivement (art. 63 al. 2 OJ)que la défenderesse n'a pas retrouvé les meubles 6, 11-13, 14, 19-23, 24,25-30, 31, 35 et 37-39 que la demanderesse avait déposés auprès de lapremière pour qu'ils soient vendus à des tiers. L'intimée n'a en particulierpas pu les récupérer le 6 mars 2003 après son passage dans les locaux de larecourante. On ignore où se trouvent ces meubles et, même, s'ils existentencore. Dans un tel contexte, où les éléments de preuve du dommage (i.e. lespièces de mobilier) ont disparu, la cour cantonale, à considérer lesprincipes susrappelés, n'a en rien violé le droit fédéral en fixantéquitablement le préjudice de la demanderesse en vertu du pouvoird'estimation que lui attribue l'art. 42 al. 2 CO. Et la recourante fait preuve d'une évidente mauvaise foi quand elle allègueque le dommage pouvait être déterminé par expertise, puisqu'il n'y aprécisément aucun objet matériel à soumettre à un expert. Le premier grief n'a aucun fondement. 4.34.3.1Le dommage juridiquement reconnu réside dans la diminution involontairede la fortune nette; il correspond à la différence entre le montant actuel dupatrimoine du lésé et le montant qu'aurait ce même patrimoine si l'événementdommageable ne s'était pas produit. Le dommage peut se présenter sous laforme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'unenon-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif (ATF 129 III 18consid. 2.4, 331 consid. 2; 128 III 22 consid. 2e/aa, 180 consid. 2d). Le calcul du dommage doit se faire selon la méthode subjective ou relative,laquelle se fonde sur le dommage concret et effectif subi (Werro, op. cit.,n. 7 ad art. 42 CO). Autrement dit, c'est l'intérêt concret et particulier dulésé à maintenir intact son patrimoine qui est pris en considération (AntonK. Schnyder, Commentaire bâlois, n. 2 ad art. 42 CO). L'estimation du dommage d'après l'art. 42 al. 2 CO repose sur le pouvoird'apprécier les faits; elle relève donc de la constatation des faits,laquelle ne peut être revue en instance de réforme (ATF 131 III 360 consid.5.1; 127 III 543 consid. 2b). L'estimation de la valeur effective d'une chose ressortit au fait. Mais lepoint de savoir si l'autorité cantonale s'est basée sur des principes decalcul admissibles pour déterminer la valeur d'un objet est une question dedroit (ATF 125 III 1 consid. 5a). En cas de perte de la chose déposée, le dommage correspond à la valeurobjective de celle-ci avec ses fruits au jour où la restitution est demandée;s'il convient d'y ajouter une éventuelle plus-value jusqu'au prononcé dujugement de dernière instance cantonale, il n'y a pas lieu en revanche deprendre en compte les moins-values (art. 475 al. 1 CO; ATF 109 II 474 consid.3; Thomas Koller, Commentaire bâlois, n. 17 ad art. 475 CO). On parle de dommage total notamment si la chose a disparu (ATF 127 III 365consid. 2a; Brehm, op. cit. n. 25 ad art. 42 CO). S'agissant de choses qui nesont pas sujettes à amortissement, à l'exemple d'un meuble ancien, leditdommage équivaut au moins au prix d'achat de l'objet (Brehm, op. cit., n. 26ad art. 42 CO; Werro, op. cit., n. 14 ad art. 42 CO). 4.3.2 Dans le cas présent, les magistrats genevois ont retenu que les valeursobjectives des meubles que la défenderesse n'a pas été à même de restituer àla demanderesse correspondaient à celles indiquées dans la convention concluepar les plaideurs le 14 décembre 2001. Il résulte de l'état de fait définitif que ces valeurs ont été arrêtées d'uncommun accord entre les parties et qu'elles correspondaient à 60 % de lavaleur à neuf de chaque pièce de mobilier.Partant, on ne voit pas que la Cour de justice ait méconnu dans l'arrêtentrepris la notion juridique du dommage. Le calcul concret du préjudiceauquel elle a procédé résiste à toute critique. Le second moyen est infondé en tant qu'il est recevable. 5.En définitive, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.Les frais de justice seront mis à la charge de la recourante. Il ne sera pasalloué de dépens à l'intimée, qui n'est pas représentée par un avocat et quin'a pas justifié avoir supporté de dépenses particulières (cf. ATF 125 II 518consid. 5b; 113 Ib 353 consid. 6b). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre civilede la Cour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 4 mai 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.184/2005
Date de la décision : 04/05/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-04;4c.184.2005 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award