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03/05/2006 | SUISSE | N°I.512/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 mai 2006, I.512/05


Cause {T 7}I 512/05 Arrêt du 3 mai 2006IIIe Chambre MM. les Juges Ferrari, Président, Lustenberger et Seiler. Greffier : M.Pellegrini E.________, recourant, contre Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenueGénéral-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 6 juin 2005) Faits: A.A.a Alors qu'il travaillait en qualité de monteur de fenêtre et de façademétallique, E.________, né en 1957, est tombé d'une échelle d'une hauteurd'environ 3,5 mètres le 16 mars 1992. Cette chute a entraîné une fracture duscaphoïde

carpien gauche et une contusion occipitale (cf. rapport du docte...

Cause {T 7}I 512/05 Arrêt du 3 mai 2006IIIe Chambre MM. les Juges Ferrari, Président, Lustenberger et Seiler. Greffier : M.Pellegrini E.________, recourant, contre Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenueGénéral-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 6 juin 2005) Faits: A.A.a Alors qu'il travaillait en qualité de monteur de fenêtre et de façademétallique, E.________, né en 1957, est tombé d'une échelle d'une hauteurd'environ 3,5 mètres le 16 mars 1992. Cette chute a entraîné une fracture duscaphoïde carpien gauche et une contusion occipitale (cf. rapport du docteurL.________ du 13 janvier 1993). La CNA a pris en charge le cas et a estimé,qu'à partir du 1er novembre 1994, l'assuré était totalement apte au travail. L'intéressé avait déposé, le 7 décembre 1992, une demande de prestationsauprès de l'office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud(ci-après: l'office AI). Dans le cadre de l'instruction, l'assuré s'estsoumis à une évaluation professionnelle auprès du Centre d'intégrationprofessionnelle à Genève (COPAI) du 21 mars au 15 avril 1994. Selon lesmaîtres de réadaptation, il pouvait reprendre une activité à plein tempsaprès une mesure de réentraînement au travail d'une durée de six mois(rapport des maîtres de réadaptation du 20 avril 1994 et lettre du directeurdu COPAI du 12 mai 1994). Ainsi, il a effectué des stages mis en oeuvre parla fondation des X.________. De l'avis des conseillers professionnels,l'assuré présentait des limitations fonctionnelles ne lui permettant pas deréintégrer l'économie (rapports du conseiller de la fondation des X.________du 2 août 1995 et du conseiller de la division de réadaptationprofessionnelle de l'office AI du 14 août 1995). Se fondant sur un taux d'invalidité de 86%, l'office AI a, par décisions du 8décembre 1995, alloué à l'assuré une rente entière d'invalidité, assortie derentes complémentaires pour ses enfants et son épouse avec effet au 1er mars1993. A.b En 1997, l'office AI a entrepris une procédure de révision et a confié unmandat d'expertise à la Policlinique Médicale Universitaire Z._______,fonctionnant en tant que Centre d'observation médical de l'AI (COMAI). Lesexperts ont posé le diagnostic de syndrome douloureux somatoforme persistantsous forme de cervico-lombalgies, status après fracture du scaphoïde carpiengauche le 16 mars 1992 et d'hypothyroïdie auto-immune substituée. Ils ontnotamment souligné que l'état de santé de l'assuré ne s'était pas modifiédepuis la décision d'octroi de rente entière de 1995, si bien qu'ilsconcluaient au maintien du statu quo (rapport des docteurs D.________,P.________ et G.________ du 30 mars 2001, comprenant une consultationpsychiatrique de la doctoresse C.________. Par décision du 26 juin 2002, l'office AI a supprimé le droit à la rented'invalidité de l'assuré à compter du 1er septembre 2002. Il s'est fondé pourcela notamment sur les avis médicaux des docteurs F.________ et V.________ duService médical régional AI (SMR), selon lesquels l'assuré ne présentaitaucune affection susceptible de l'empêcher de travailler (rapports des 31 maiet 14 septembre 2001). B.E.________ a déféré cette décision au Tribunal des assurances du canton deVaud. Une expertise judiciaire a été ordonnée et confiée au CentreMultidisciplinaire de la Douleur Y.________, fonctionnant en tant que COMAI.Attestant un trouble somatoforme douloureux, les experts ont estimé quel'assuré ne présentait pas de lésions organiques ou de troublespsychologiques l'empêchant de reprendre une activité professionnelle à 100%(rapport des docteurs R.________, rhumatologue et A.________, psychiatre, du14 novembre 2003). Par jugement du 6 juin 2005, la juridiction cantonale a rejeté le recoursformé par l'assuré. C.Ce dernier interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dontil requiert l'annulation en concluant au maintien de la rente d'invalidité.Il demande aussi à être dispensé des frais de justice. L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral desassurances sociales n'a pas présenté de déterminations. Considérant en droit: 1.La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6octobre 2000 (LPGA), entrée en vigueur le 1er janvier 2003, de même que lesdispositions de la novelle du 21 mars 2003 modifiant la LAI (4ème révision),entrée en vigueur le 1er janvier 2004, ne sont pas applicables au présentlitige, dès lors que le juge des assurances sociales n'a pas à prendre enconsidération les modifications du droit ou de l'état de fait postérieures àla date déterminante de la décision litigieuse du 26 juin 2002 (ATF 130 V 445et les références). 2.Le litige porte sur la suppression de la rente par décision du 26 juin 2002de l'office intimé. 3.Selon l'art. 41 LAI, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, sil'invalidité d'un bénéficiaire de rente se modifie de manière à influencer ledroit à la rente, celle-ci est, pour l'avenir, augmentée, réduite ousupprimée. Tout changement important des circonstances, propre à influencerle degré d'invalidité, donc le droit à la rente, peut donner lieu à unerévision de celle-ci. Le point de savoir si un tel changement s'est produitdoit être tranché en comparant les faits tels qu'ils se présentaient aumoment de la décision initiale de rente et les circonstances régnant àl'époque de la décision litigieuse (ATF 125 V 369 consid. 2 et la référence;voir également ATF 112 V 372 consid. 2b et 390 consid. 1b). Si les conditions prévues à l'art. 41 LAI font défaut, l'administration peuten tout temps revenir sur une décision formellement passée en force de chosejugée et sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée sousl'angle matériel, à condition qu'elle soit sans nul doute erronée et que sarectification revête une importance notable. Pour juger s'il est admissible de reconsidérer une décision, pour le motifqu'elle est sans nul doute erronée, il faut se fonder sur la situationjuridique existant au moment où la décision a été rendue, compte tenu de lapratique en vigueur à l'époque (ATF 119 V 479 consid. 1b/cc et lesréférences). Par le biais de la reconsidération, on corrigera une applicationinitiale erronée du droit, de même qu'une constatation erronée résultant del'appréciation des faits (ATF 117 V 17 consid. 2c, 115 V 314 consid. 4a/cc).Une décision est sans nul doute erronée non seulement lorsqu'elle a été prisesur la base de règles de droit non correctes ou inappropriées, mais aussilorsque des dispositions importantes n'ont pas été appliquées ou l'ont été demanière inappropriée (DTA 1996/97 no 28 p. 158 consid. 3c). Au regard de lasécurité juridique, une décision administrative entrée en force ne doitpouvoir être modifiée par le biais de la reconsidération que si elle serévèle manifestement erronée. Cette exigence permet d'éviter que lareconsidération ne devienne un instrument autorisant sans autre un nouvelexamen des conditions à la base des prestations de longue durée. En particulier, les organes d'application ne sauraient procéder en tout tempsà une nouvelle appréciation de la situation après un examen plus approfondides faits. Ainsi, une inexactitude manifeste ne saurait être admise lorsquel'octroi de la prestation dépend de conditions matérielles dont l'examensuppose un pouvoir d'appréciation, quant à certains de leurs aspects ou deleurs éléments, et que la décision paraît admissible compte tenu de lasituation de fait et de droit (arrêt P. du 13 août 2003, I 790/01, consid.1). 4.4.1Se fondant sur les expertises établies par la Policlinique MédicaleUniversitaire Z.________ (rapport du 30 mars 2001) et par le CentreMultidisciplinaire de la Douleur Y.________ (rapport du 14 novembre 2003),les premiers juges ont considéré que les décisions du 8 décembre 1995, parlesquelles l'office AI a alloué une rente entière d'invalidité, étaientmanifestement erronées, partant que sa suppression à compter du 1er septembre2002 était justifiée. Pour sa part, le recourant soutient que son état de santé ne s'est pasmodifié et que les conditions d'une révision ne sont pas données. 4.2 C'est en effet à bon droit que le recourant soutient que les conditionsd'application de l'art. 41 aLAI ne sont pas réunies dès lors qu'au vu de ladocumentation médicale recueillie durant la procédure de révision survenue en1997 (voir notamment les rapports d'expertise mentionnés ci-dessus), l'étatde fait ne s'est pas sensiblement modifié. Reste à examiner si l'administration était en droit, comme elle l'a fait, dereconsidérer ses décisions de 1995 au motif qu'elles étaient manifestementerronées. A cet égard, il y a lieu de préciser que, contrairement àl'instance cantonale, on ne saurait faire abstraction des éléments qui ontconduit l'administration à allouer une rente entière au recourant comme sil'on devait statuer pour la première fois sur les droits de l'assuré etmodifier sa situation juridique à la lumière exclusivement des donnéesmédicales recueillies à l'occasion de la procédure de révision ouverte en1997. En effet, de jurisprudence constante, une appréciation médicaledifférente ultérieure ne suffit pas pour faire apparaître comme manifestementerronées les décisions initiales (arrêt R. du 12 octobre 2005, (I 8/04),consid. 3.3). Aussi, convient-il d'examiner si, sur la base des éléments à l'origine desdécisions initiales du 8 décembre 1995, l'office AI était alors en droitd'allouer une rente entière d'invalidité. 5.5.1Les décisions du 8 décembre 1995 et le prononcé concernant l'invalidité du13 septembre 1995 ne mentionnent pas les documents sur lesquels s'est fondél'office AI pour allouer une rente entière. On peut néanmoins déduire del'ensemble des pièces du dossier, qu'il a essentiellement tenu compte desavis des conseillers en formation de la fondation des X.________ (rapport du2 août 1995) et de sa division de réadaptation professionnelle (rapport duconseiller Baudin du 14 août 1995). Selon le conseiller professionnel de la fondation des X.________ oùl'intéressé a effectué des stages en vue d'un réentraînement au travail, cedernier n'était pas en mesure de réintégrer l'économie en raison de salenteur dans l'exécution des tâches et de ses limitations physiologiques. Enparticulier, il avait observé que le bruit, pourtant moindre dans l'atelierde menuiserie, était un facteur important de gêne et de perturbations, alorsmême que le recourant travaillait avec des tampons auriculaires. Souffrant defortes migraines, l'intéressé avait dû quitter à plusieurs reprises son postede travail. En revanche, il s'était peu plaint de son bras gauche qui étaittoutefois maintenu par une attelle. De l'avis de ce conseiller, la maîtriseapproximative de la langue française orale et écrite rendait peu probable uneformation permettant un reclassement dans des secteurs d'activité moinsbruyants (magasinier, travail de bureau, informatique) qui ne correspondaientau demeurant pas à ses compétences, davantage manuelles qu'intellectuelles(rapport du 2 août 1995). Reprenant à son compte les observations de son collègue, le conseillerB.________ avait fixé le revenu de personne invalide à 700 francs par mois,correspondant au revenu réalisé dans un atelier protégé, et celui de valide à5'040 francs, en se fondant sur le revenu journalier moyen pour le calcul del'indemnité journalière de l'AI. Selon ces éléments, la perte de gain étaitsupérieure aux deux tiers. 5.2 Pourtant, le dossier contenait aussi un rapport des maîtres deréadaptation du COPAI, qui estimaient que le recourant était apte à reprendreune activité professionnelle à plein temps après une mesure de réentraînementau travail de six mois. Ce point de vue était d'ailleurs partagé par lesmédecins appelés à se prononcer sur son cas. En particulier, les docteursH.________ et S.________, du service médical de la clinique de réadaptationde la CNA estimaient que la fracture du scaphoïde carpien, désormaisconsolidée, n'empêchait pas le recourant de reprendre son ancienne professionde monteur de façade métallique. Toutefois, en raison des douleurs du membresupérieur et de la perte de force inhérente, seule des activitésindustrielles légères étaient exigibles après un réentraînement au travaildans un centre de l'AI (cf. rapport de sortie du 26 novembre 1992 et rapportmédical du 1er décembre 1992). Ce genre d'activité était également qualifiéd'adapté par le docteur L.________ (rapport du 13 janvier 1993). Or les informations recueillies au cours d'un stage d'observation, pourutiles qu'elles soient, ne sauraient supplanter l'avis dûment motivé d'unmédecin à qui il appartient, au premier chef, de porter un jugement surl'état de santé de l'assuré et d'indiquer dans quelle mesure et pour quellesactivités celui-ci est capable de travailler, le cas échéant quels travauxont peut encore raisonnablement exiger de lui (ATF 125 V 261 consid. 4, 115 V134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158 consid. 1). Au demeurant, lecaractère probant de celles-ci était d'autant plus faible qu'elles étaient encontradiction avec les conclusions de l'évaluation faite au COPAI. Dès lors, une appréciation correcte des pièces médicales dont elle ne pouvaitfaire abstraction ainsi que du dossier devait conduire l'administration àretenir que le recourant était apte à exercer à plein temps une activitéadaptée à son handicap avant de procéder à une comparaison des revenusconformément aux règles alors applicables. 5.3 Dans ces circonstances, la comparaison des revenus en tenant compte de lasituation existant en 1993, moment de la naissance possible du droit à larente (ATF 129 V 223 consid. 4.2, 128 V 174-175 consid. 4a) aboutit auxrésultats suivants. Le gain annuel de personne valide doit être arrêté, sur la base desindications figurant dans le questionnaire de l'employeur du 14 janvier 1993,à 57'732 fr. 60 après adaptation à l'évolution des salaires (salaire annuelde 54'053 fr. 40 réalisé en 1991; adaptation de + 4,1% en 1992 et de + 2,6%en 1993 dans le secteur du bâtiment et génie civil selon la table B4.4 de LaVie économique 12/95, p. 15). Pour déterminer le revenu de personne invalide, il convient de se référer ausalaire moyen de l'ensemble des branches économiques (cf. arrêt A. du 17octobre 1995, (U 178/94), consid. 4c) en application des statistiquessalariales ressortant de l'enquête de l'Office fédéral de l'industrie, desarts et métiers et du travail (OFIAMT) sur les salaires et traitements versésen octobre 1993. Ce revenu statistique tenait compte d'un large éventaild'activités légères existant sur le marché du travail de l'époque qui étaientpar conséquent adaptées au handicap du recourant. En retenant la catégorie 3,plus favorable à l'assuré, on obtient un salaire d'invalide de 4'557 fr. (cf.annuaire statistique de la suisse, 1994, p. 110, T 3.11c), soit 56'105 fr. 80après adaptation à l'évolution des salaires pour l'année 1993 (+ 2,6%). Pour tenir compte du fait que l'intéressé n'était plus apte à exécuter, commeauparavant, des
travaux lourds et que, même pour des travaux légers, sespossibilités de réaliser un gain se situant dans la moyenne étaient forcémentdiminuées, la jurisprudence procédait alors à des réductions oscillant entre25 % (arrêts non publiés W. du 26 août 1988, U 57/87, et R. du 28 juillet 93,I 249/92), 30 % (arrêt non publié A. du 2 septembre 1993, I 332/92) et 33 1/3% (arrêt non publié O. du 17 janvier 1994, U 80/93). Même en appliquant la réduction la plus importante envisagée à l'époque pourcertains cas exceptionnels, soit 33 1/3%, le taux d'invalidité se seraitélevé à 35,21% (37'405 fr. 72 / 57'732 fr. 60). En retenant un taux d'invalidité de 86%, les décisions initiales du 8décembre 1995 étaient manifestement erronées. Comme leur rectification revêtune importance notable dès lors que le droit à la rente aurait dû être nié,toutes les conditions permettant de procéder à une reconsidération sontréalisées. 6.Du moment qu'elle porte sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurance(art 134 OJ), la procédure est gratuite. La requête visant à être dispensé depayer les frais de justice formulée par le recourant est ainsi sans objet. Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances ducanton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales. Lucerne, le 3 mai 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.512/05
Date de la décision : 03/05/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-03;i.512.05 ?
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