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03/05/2006 | SUISSE | N°C.350/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 mai 2006, C.350/05


Cause {T 7}C 350/05 Arrêt du 3 mai 2006Ire Chambre Mmes et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Ferrari, Ursprung, Widmer etFrésard. Greffière : Mme Moser-Szeless Secrétariat d'Etat à l'économie, Marché du travail et assurance-chômage,TCRV, Effingerstrasse 31, 3003 Berne, recourant, contre A.________, intimé, Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 1er décembre 2005) Faits: A.A. ________, ressortissant suisse né en 1956, travaillait comme chauffeur etmanutentionnaire au service de la Société X.________ depuis le 3 décembre1990. L'employeur a résilié les

rapports de travail pour le 31 octobre 2003,au motif que le sal...

Cause {T 7}C 350/05 Arrêt du 3 mai 2006Ire Chambre Mmes et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Ferrari, Ursprung, Widmer etFrésard. Greffière : Mme Moser-Szeless Secrétariat d'Etat à l'économie, Marché du travail et assurance-chômage,TCRV, Effingerstrasse 31, 3003 Berne, recourant, contre A.________, intimé, Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 1er décembre 2005) Faits: A.A. ________, ressortissant suisse né en 1956, travaillait comme chauffeur etmanutentionnaire au service de la Société X.________ depuis le 3 décembre1990. L'employeur a résilié les rapports de travail pour le 31 octobre 2003,au motif que le salarié avait refusé une proposition d'un nouveau contrat detravail. A. ________ a alors quitté la Suisse le 27 décembre 2003 pour s'établir enGuinée-Bissau, où il avait l'intention d'exercer une activité indépendante.Lors de son départ, il a obtenu le versement en espèces de sa prestation desortie de la prévoyance professionnelle. Il est revenu en Suisse en décembre2004. Il s'est annoncé à l'assurance-chômage le 3 janvier 2005. Par décision du 29 mars 2005, la Caisse cantonale vaudoise de chômage(ci-après : la caisse) a nié le droit à l'indemnité de chômage prétendue, aumotif que durant le délai-cadre de cotisation (3 janvier 2003 au 2 janvier2005), il justifiait d'une activité soumise à cotisation (au service deX.________) de 9 mois et 29,4 jours seulement. Par écriture du 11 avril 2005, l'intéressé a formé opposition. Il a faitvaloir qu'en quittant la Suisse, en décembre 2003, il avait exercé uneactivité indépendante en Guinée-Bissau. Cette activité avait débuté en 2004.Il avait alors exploité une entreprise de location de camions ainsi que debus utilisés pour les transports publics. Il a expliqué qu'en octobre 2004,en raison de conflits armés qui s'étaient déroulés en Guinée-Bissau, cesvéhicules avaient été réquisitionnés par l'armée locale. A la fin du conflit,les véhicules restitués étaient inutilisables et il était impossible detrouver des pièces de rechange. Il avait alors pris la décision de mettre finà son activité indépendante à l'étranger pour revenir en Suisse. Le 26 août 2005, la caisse a rejeté l'opposition. Elle a considéré quel'activité indépendante de l'assuré, dès lors qu'elle avait été exercée àl'étranger, ne pouvait pas justifier une prolongation du délai-cadre decotisation. B.A.________ a recouru contre cette décision. Statuant le 1er décembre 2005, leTribunal administratif du canton de Vaud a admis le recours. Il a annulé ladécision sur opposition attaquée et renvoyé la cause à la caisse pour qu'ellecomplète l'instruction au sens des considérants. C.Le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco) interjette un recours de droitadministratif dans lequel il conclut à l'annulation du jugement cantonal etdemande au tribunal de dire qu'une prolongation du délai-cadre de cotisationne peut pas être accordée à l'assuré. A. ________ n'a pas répondu au recours. Quant à la caisse de chômage etl'Office régional de placement de l'ouest lausannois, ils s'en remettent àjustice. Considérant en droit: 1.1.1 L'assuré a droit à l'indemnité de chômage si, entre autres conditions, ilremplit les conditions relatives à la période de cotisation (art. 8 al. 1let. e LACI). Selon l'art. 13 al. 1 LACI (dans sa version en vigueur depuisle 1er juillet 2003), celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à ceteffet (art. 9 al. 3 LACI), a exercé durant douze mois au moins une activitésoumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période decotisation. Cette disposition se rapporte à l'obligation de cotiser etimplique donc, par principe, l'exercice d'une activité soumise à cotisationen Suisse (ATF 131 V 224 consid. 2.1 et l'arrêt cité). 1.2 En l'espèce, il est constant qu'au moment où il s'est annoncé àl'assurance-chômage, le 3 janvier 2005, l'intimé ne pouvait pas se prévaloird'une activité soumise à cotisation d'au moins une année au cours des deuxannées précédentes. 1.3 Par ailleurs, il n'est à juste titre pas contesté que l'intimé ne peut seprévaloir d'un motif de libération de la période de cotisation au sens del'art. 14 al. 3 LACI. 2.Sous le titre «Délais-cadres pour les assurés qui entreprennent une activitéindépendante sans l'aide de l'assurance-chômage», l'art. 9a LACI, introduitlors de la troisième révision de la LACI, en vigueur depuis le 1er juillet2003, a la teneur suivante:«1Le délai-cadre d'indemnisation de l'assuré qui a entrepris une activitéindépendante sans toucher les prestations visées aux art. 71a à 71d estprolongé de deux ans aux conditions suivantes:a. un délai-cadre d'indemnisation courait au moment où l'assuré aentrepris l'activité indépendante; b. l'assuré ne peut pas justifier d'une période de cotisation suffisante au moment où il cesse cette activité et du fait de celle-ci.2 Le délai-cadre de cotisation de l'assuré qui a entrepris une activitéindépendante sans toucher de prestations est prolongé de la durée del'activité indépendante, mais de deux ans au maximum. 3 L'assuré ne peut toucher au total plus que le nombre maximum d'indemnitésjournalières fixé à l'art. 27.»Cette disposition permet aux assurés qui se sont lancés dans une activitéindépendante sans demander d'indemnités journalières au titre des art. 71a ssLACI de bénéficier, sous certaines conditions, d'une prolongation de deux ansau maximum du délai-cadre d'indemnisation ou du délai-cadre de cotisation. Le premier alinéa vise le cas où le délai-cadre d'indemnisation court aumoment où l'assuré débute son activité indépendante. Dans cette éventualité,le délai-cadre expire pendant l'exercice de cette activité (messageconcernant la révision de la loi sur l'assurance-chômage du 28 février 2001,FF 2001 2156; Boris Rubin, Assurance-chômage, droit fédéral, survol desmesures de crise cantonales, procédure, Delémont 2005, p. 95). Quant au deuxième alinéa, il vise la situation où une prolongation dudélai-cadre d'indemnisation n'entre pas en ligne de compte (aucun délai-cadred'indemnisation n'étant ouvert). Le délai-cadre est prolongé de la durée del'activité indépendante, mais de deux ans au maximum. De cette manière, lesdroits acquis avant l'exercice de l'activité indépendante sont préservés. Lebut de cette disposition est d'éviter que l'assuré qui a exercé une activitéindépendante soit pénalisé pour cette raison dans son droit à l'indemnité(message cité, ibidem ; Rubin, op. cit., p. 96). 3.La question est de savoir si l'intimé peut se prévaloir de l'art. 9a al. 2LACI, bien qu'il ait exercé une activité lucrative indépendante à l'étranger. 3.1 Les premiers juges invoquent, par analogie, l'art. 14 al. 3 LACI. Seloncette disposition, les Suisses de retour de l'étranger après un séjour deplus d'un an dans un pays non membre de la Communauté européenne ou del'Association européenne de libre échange (AELE), sont libérés des conditionsrelatives à la période de cotisation pendant une année, à condition qu'ilsjustifient de l'exercice d'une activité salariée à l'étranger. Les premiersjuges rappellent que le but de cette disposition est de protéger lespersonnes qui, en raison de l'exercice d'une activité professionnelle àl'étranger durant plus d'un an, ont été empêchées d'acquérir une période decotisation suffisante. Selon eux, la situation de l'intimé est comparable. Eneffet, ce dernier ne peut justifier d'une activité totalisant au moins douzemois de cotisation, car il a exercé une activité professionnelle indépendanteen Guinée-Bissau pendant un an dans les limites du délai-cadre. Il existedonc un lien de causalité entre le défaut d'exercice d'une activité soumise àcotisation et l'exercice d'une activité indépendante. Toujours selon lajuridiction cantonale, il serait contraire à la systématique de la loi et aubut de l'art. 9a al. 2 LACI de considérer qu'une telle activité exercée àl'étranger ne donne pas droit à la prolongation du délai-cadre de cotisation. 3.2 Le seco, pour sa part, se réfère à ses directives qui prévoient,relativement à l'art. 9a LACI, que l'assuré qui a exercé son activitéindépendante à l'étranger n'a pas droit à la prolongation du délai-cadred'indemnisation ou du délai-cadre de cotisation (directives relatives à larévision 2003 de la LACI et de l'OACI, point 1, p. 2 [Bulletin MT/AC 2003/3du 15 septembre 2003]). Il fait valoir que, dans le cas d'une activitésalariée exercée à l'étranger (art. 14 al. 3 LACI), il est demandé la preuvede l'exercice d'une activité correspondant à une activité soumise àcotisation au sens de l'art. 13 al. 1 LACI. Cette preuve consiste en généralen l'attestation de l'employeur et la démonstration que les cotisationssociales prévues par la législation du pays concerné ont été versées, ou dumoins déduites du salaire de l'intéressé. En revanche, toujours selon leseco, la preuve de l'existence d'une activité indépendante dépendexclusivement de l'inscription de l'assuré à une caisse de compensation AVSen tant qu'indépendant. Il n'existe pas dans le monde un système d'assurancessociales pour indépendants équivalent à celui existant en Suisse et utilisantdes critères semblables en matière de définition de l'activité indépendante.Il n'est dès lors pas possible, sauf au prix d'efforts disproportionnés, deprendre en considération une activité indépendante à l'étranger. 4.L'interprétation des premiers juges se heurte au but et à la systématique dela loi. 4.1 Tout d'abord, la délimitation entre travailleurs salariés et indépendantsest en principe définie dans l'assurance-chômage en fonction du statut decotisant selon le droit de l'AVS. Sous réserve de décisions manifestementerronées, les décisions de l'AVS en ce domaine ont un effet contraignant dansl'assurance-chômage (ATF 126 V 213 consid. 2a, 119 V 158 consid. 3a et lesarrêts cités; cf. aussi ATF 117 V 4 consid. 4b; Rubin, op. cit., pp. 73 et87). Lorsque la loi parle d'une activité indépendante, sans autre précisioncomme ici, on doit admettre qu'elle fait référence au statut de cotisantdéfini par la LAVS, ce qui implique un assujettissement à cette loi. Or,cette condition n'est pas remplie s'agissant d'une personne qui, comme enl'espèce, a exercé une activité lucrative à l'étranger. Pour cette raisondéjà, une activité indépendante à l'étranger ne peut être assimilée à uneactivité indépendante au sens de l'art. 9a LACI. 4.2 D'autre part, comme on l'a vu, l'art. 9a LACI a pour but d'éviter quel'assuré soit pénalisé dans son droit à l'indemnité du fait de l'exercice deson activité indépendante. Plus généralement, il vise aussi, dans unecertaine mesure tout au moins, à mettre sur un pied d'égalité les chômeursqui entreprennent une activité indépendante sans l'aide de l'assurance etceux qui se lancent dans une activité du même type avec le soutien del'assurance et qui perçoivent les indemnités journalières visées aux art. 71aà 71d LACI. Ainsi, conformément à l'art. 71d LACI, quand l'assuré entreprendune activité indépendante à l'issue de la phase d'élaboration du projet, ledélai-cadre pour l'octroi ultérieur d'éventuelles indemnités journalières estétendu à quatre ans (al. 2). L'art. 9a al. 1 LACI fait en quelque sortependant à cette disposition. Or, les indemnités accordées en application desart. 71a à 71d LACI ne sont versées que si l'assuré est domicilié en Suisse(cf. art. 8 let. c LACI), ce qui implique que l'activité indépendante y soitégalement exercée. Il n'y a pas lieu de traiter différemment les deuxsituations par une interprétation plus large, sous l'angle territorial, de lanotion d'activité indépendante contenue à l'art. 9a LACI. De manièregénérale, l'assurance-chômage ne vise pas à inciter les assurés à exercer uneactivité indépendante à l'étranger, ni même à en favoriser indirectementl'exercice. 4.3 Enfin, comme on l'a également vu, l'obligation de cotiser pour satisfaireà l'exigence de la période minimale de cotisation d'une année impliquel'exercice d'une activité salariée en Suisse. Par conséquent, le travailleursalarié qui abandonne son activité en Suisse pour exercer une activitédépendante à l'étranger ne bénéficie pas d'une prolongation de la périoded'indemnisation ou de cotisation. De ce point de vue, il serait paradoxalqu'une personne ayant exercé une activité indépendante à l'étranger puissebénéficier d'une prolongation d'un délai-cadre alors qu'un salarié dans lamême situation - et pour lequel l'assurance-chômage a été conçue en priorité- ne pourrait pas prétendre une telle prolongation. 4.4 L'argumentation des premiers juges tirée de l'art. 14 al. 3 LACI nejustifie pas une autre solution. Cette disposition vise le cas particulier dela libération de la période de cotisation. Elle est applicable aux seulssalariés. On ne saurait la transposer hors de son contexte pour l'appliquer àdes situations sans rapport aucun avec la libération de la période decotisation et qui, de surcroît, concernent une catégorie de personnes qui,précisément, est exclue de son champ d'application. 4.5 Il faut certes réserver des situations où la prise en considération despériodes d'activité indépendante à l'étranger pourrait éventuellementdécouler de règles - non applicables en l'espèce - de droit international, enparticulier de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'unepart, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur lalibre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681) ou d'un règlementcommunautaire auquel cet accord fait référence. En l'espèce, on est en dehorsd'une telle éventualité. 5.Il suit de là que le recours est bien fondé. Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis et le jugement du Tribunal administratif du canton deVaud du 1er décembre 2005 est annulé. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif ducanton de Vaud, à la Caisse publique cantonale vaudoise de chômage et àl'Office régional de placement de l'ouest lausannois. Lucerne, le 3 mai 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances La Présidente de la Ire Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.350/05
Date de la décision : 03/05/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-03;c.350.05 ?
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