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03/05/2006 | SUISSE | N°5P.18/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 mai 2006, 5P.18/2006


{T 0/2}5P.18/2006 /frs Arrêt du 3 mai 2006IIe Cour civile M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Escher et Hohl.Greffière: Mme Mairot. X. ________ AG,recourante, représentée par Me Robert Fiechter, avocat, contre A.________,intimée, représentée par Me Cyril Aellen, avocat,1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,1211 Genève 3. art. 9 Cst. (mainlevée d'opposition), recours de droit public contre l'arrêt de la 1ère Section de la Cour dejustice du canton de Genève du 24 novembre 2005. Faits: A.A. ________ était domiciliée à B.________ (Genève)

jusqu'au 1er janvier 1990,date à laquelle elle a quitté la Suisse...

{T 0/2}5P.18/2006 /frs Arrêt du 3 mai 2006IIe Cour civile M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Escher et Hohl.Greffière: Mme Mairot. X. ________ AG,recourante, représentée par Me Robert Fiechter, avocat, contre A.________,intimée, représentée par Me Cyril Aellen, avocat,1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,1211 Genève 3. art. 9 Cst. (mainlevée d'opposition), recours de droit public contre l'arrêt de la 1ère Section de la Cour dejustice du canton de Genève du 24 novembre 2005. Faits: A.A. ________ était domiciliée à B.________ (Genève) jusqu'au 1er janvier 1990,date à laquelle elle a quitté la Suisse pour l'Égypte avec son mari. Elle aannoncé son départ à l'Office cantonal de la population sans toutefoispréciser sa nouvelle adresse. En juillet 1999, elle est revenue s'établir enSuisse. Le 3 décembre 2004, X.________ AG a fait notifier à A.________ uncommandement de payer notamment les sommes de 7'420 fr.30, avec intérêts à18% dès le 21 janvier 1990, et de 808 fr.50, avec intérêts à 5% dès le 25octobre 1990 (poursuite n° xxxx). La poursuivie a fait opposition. La poursuivante a requis la mainlevée définitive de l'opposition le 6 juillet2005. Elle se fondait sur un jugement du 25 octobre 1990, aux termes duquelle Tribunal de première instance du canton de Genève, statuant par défaut,condamnait A.________ à verser à X.________ AG les montants et intérêtsprécités. La débitrice s'est opposée à la requête en invoquant la nullité dece jugement, motif pris de la nullité de l'assignation y relative, ainsi quela prescription de la créance en poursuite. B.Par jugement du 7 septembre 2005, le Tribunal de première instance a prononcéla mainlevée définitive de l'opposition, estimant, d'une part, que l'accuséde réception produit par la créancière démontrait que l'assignation en causeavait été valablement remise à une personne adulte au domicile de ladébitrice le 12 septembre 1990 et, d'autre part, que la prescription n'étaitpas acquise car la créancière n'avait pas pu poursuivre la débitrice aussilongtemps que celle-ci résidait en Égypte. Par arrêt du 24 novembre 2005, la Cour de justice du canton de Genève aannulé le jugement de première instance et débouté la créancière de toutesses conclusions pour défaut de citation et de communication du jugement du 25octobre 1990 régulières. C.Agissant par la voie du recours de droit public au Tribunal fédéral pourarbitraire, X.________ AG conclut à l'annulation de cet arrêt.L'intimée propose le rejet du recours. L'autorité cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 Les décisions rendues en matière de mainlevée de l'opposition netranchent pas une contestation civile au sens des art. 44 et 46 OJ, de sortequ'elles ne sont pas susceptibles de recours en réforme (ATF 93 II 436consid. 2 p. 436/437). Les griefs invoqués ne pouvant être soumis par unautre moyen de droit au Tribunal fédéral, la condition de subsidiarité durecours de droit public est remplie (art. 84 al. 2 OJ; ATF 120 Ia 256 consid.1a p. 257). Déposé à temps contre une décision prise en dernière instancecantonale, le présent recours est également recevable sous l'angle des art.86 al. 1 et 89 al. 1 OJ. 1.2 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir,sous peine d'irrecevabilité (cf. ATF 123 II 552 consid. 4d p. 558), un exposésuccinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés,précisant en quoi consiste la violation. Dans un recours de droit public, leTribunal fédéral n'examine que les griefs expressément soulevés, et présentésde façon claire et détaillée, le principe iura novit curia étant inapplicable(ATF 130 I 26 consid. 3.1 p. 31). Le justiciable qui se plaint d'arbitraire(art. 9 Cst.) ne peut dès lors se contenter de critiquer la décision attaquéecomme il le ferait en instance d'appel, où la juridiction supérieure jouitd'une libre cognition; en particulier, il ne saurait se limiter à opposer sonopinion à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer par uneargumentation précise que cette décision se fonde sur une application de laloi ou une appréciation des preuves manifestement insoutenables (ATF 125 I492 consid. 1b p. 495). 2.La recourante se plaint de constatation arbitraire de faits pertinents. Ellesoutient que l'autorité cantonale s'est manifestement trompée en admettantque l'intimée avait quitté Genève pour l'Égypte le 1er janvier 1990 et étaitrevenue s'établir en Suisse en juillet 1999. La Cour de justice aurait enoutre mal apprécié les faits en retenant que la créancière savait, dès le 7mai 1990, que la débitrice avait quitté son adresse à Genève pour une duréeindéterminée. Serait aussi arbitraire la constatation selon laquellel'assignation a été remise en mains d'une personne qui n'était alors pasofficiellement domiciliée à Genève. 2.1 D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle estmanifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principejuridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment dela justice et de l'équité (ATF 131 I 57 consid. 2 p. 61; 128 I 273 consid.2.1 p. 275 et les références citées). Il ne suffit pas qu'une autre solutionparaisse concevable, voire préférable (ATF 126 III 438 consid. 3 p. 440).Pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèlearbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF131 I 217 consid. 2.1 p. 219). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, ladécision n'est arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris lesens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, detenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ouencore si, sur la base des éléments recueillis, il a procédé à des déductionsinsoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). De plus, le grief pris d'uneconstatation arbitraire des faits ne peut être accueilli que s'il porte surdes faits pertinents et décisifs (ATF 122 I 53 consid. 5 p. 57). 2.2 La recourante prétend qu'il n'est pas établi que l'intimée aitdurablement quitté Genève le 1er janvier 1990, la pièce produite à cet égardne mentionnant que le nom de C.________; l'intimée aurait en outre admis,dans des notes de plaidoirie produites dans une précédente procédure demainlevée, être restée à Genève jusqu'en 1991. Par cette argumentation, larecourante ne démontre pas que l'autorité cantonale aurait fait preuved'arbitraire (art. 90 al. 1 let. b OJ). Sur le vu du patronyme de l'intimée,il n'était pas insoutenable de considérer que le dénommé C.________ était sonmari (cf. art. 160 al. 2 CC); dès lors, on ne voit pas non plus en quoi laCour de justice aurait admis, de manière insoutenable, que l'intimée avaitquitté la Suisse avec celui-ci. Contrairement à ce que prétend la recourante,les notes de plaidoirie auxquelles elle se réfère ne permettent pasd'affirmer que l'intimée serait restée à Genève jusqu'en 1991, ce documentindiquant au contraire qu'entre décembre 1989 et juillet 1999, l'intéressée aséjourné en Égypte avec son mari.Selon la recourante, les juges cantonaux auraient en outre mal apprécié lalettre de son avocat du 7 mai 1990, en retenant qu'elle savait dès cette dateque l'intimée avait quitté Genève pour une durée indéterminée. Dans cecourrier, le mandataire de la recourante "souligne que la débitrice [semble]avoir délaissé son domicile pour une durée indéterminée au début de laprésente année". Dans ces conditions, la constatation de l'autorité cantonalen'apparaît pas choquante.Au demeurant, ces faits ne sont pas décisifs pour l'issue du litige, comme ilsera exposé ci-après (cf. infra, consid. 3). Il en va de même de laconstatation selon laquelle la personne qui a accusé réception del'assignation n'était pas officiellement domiciliée à Genève. 3.La recourante reproche aux juges cantonaux d'avoir manifestement violé lesart. 80 et 81 LP. Elle soutient qu'ils ont considéré à tort l'assignationcomme nulle à la suite d'une mauvaise application de l'art. 14 LPC/GE. Cesmagistrats auraient également estimé faussement que la signification dujugement du 25 octobre 1990 n'était pas valable en raison de l'erreur deplume affectant l'adresse de l'intimée, et ce en dépit du certificat denon-opposition délivré par le tribunal concerné. 3.1 Le créancier qui est au bénéfice d'un jugement exécutoire peut requérirdu juge la mainlevée définitive de l'opposition (art. 80 al. 1 LP). Auxtermes de l'art. 81 al. 1 LP, lorsque la poursuite est fondée sur un jugementexécutoire rendu par une autorité de la Confédération ou du canton danslequel la poursuite a lieu, le juge ordonne la mainlevée définitive del'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a étééteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il nese prévale de la prescription. En sus des moyens libératoires de l'art. 81LP, le débiteur peut invoquer la nullité du titre exécutoire, qui ne seratoutefois admise que si le vice est particulièrement grave (ATF 129 I 361consid. 2.1 p. 363/364). Il en va notamment ainsi lorsqu'une partie n'a pasété entendue (D. Staehelin, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibungund Konkurs, Staehelin/Bauer/Staehelin, Bâle 1998, n. 14 ad art. 80). Parailleurs, le jugement n'est pas exécutoire s'il n'a pas été régulièrementnotifié (A. Schmidt, Commentaire romand, Poursuite et faillite, Bâle 2005, n.3 ad art. 80). 3.2 Selon l'art. 14 al. 1 LPC/GE, la copie [de l'acte signifié] ou le pli quila contient est remis à la partie sommée ou citée en sa demeure ou àl'endroit où elle exerce habituellement sa profession. Si elle est absente,la copie peut être remise à une personne adulte de son ménage ou à unemployé. Cet alinéa correspond presque mot pour mot au texte de l'art. 64 al.1 LP, dont il est manifestement inspiré. Par l'emploi du mot "demeure", ilfaut entendre que l'acte de signification doit intervenir au lieu où lapartie citée a son domicile ou sa résidence, le cas échéant à l'endroit oùelle exerce sa profession (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire de laloi de procédure civile genevoise, n. 1 ad art. 14). S'agissant des personneshabilitées à recevoir l'acte en lieu et place du destinataire lui-mêmelorsque la signification est faite au domicile de l'intéressé, l'acte peutêtre remis à toute personne qui fait ménage commun avec le destinataire, sanségard au fait qu'elle soit liée ou non à lui par un rapport de parenté. Lasignification à un employé de maison ou à un concubin est ainsi valable. Uneréelle cohabitation est cependant nécessaire. La remise de l'acte à unepersonne qui se trouve occasionnellement dans les locaux (gardien chargé desurveiller la maison pendant les vacances du propriétaire, ex-époux présentfortuitement pour rendre un service, par exemple) n'est pas possible(Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit., n. 3 ad art. 14). En vertu del'art. 24 LPC/GE, est nulle toute signification faite en contravention auxarticles 10 à 20 et 23.Par ailleurs, l'art. 148 LPC/GE prévoit que le jugement complet est notifiéd'office et sans retard aux parties. Le défaillant peut, à certainesconditions, se faire relever du jugement par défaut prononcé contre lui enformant opposition dans les délais prévus aux art. 84, 85 et 86 LPC/GE.L'opposition cesse toutefois d'être recevable cinq ans après la significationdu jugement (art. 86 al. 3 LPC/GE). 3.3 En l'espèce, l'assignation du 11 septembre 1990 à une audienced'introduction et de comparution personnelle fixée au 25 octobre 1990 a éténotifiée à "A.________, ...." et a été réceptionnée à cette adresse, le 12septembre 1990, par la dénommée D.________, que l'intimée affirme ne pasconnaître. Contrairement à ce que prétend la recourante, du reste sanschercher à le démontrer (art. 90 al. 1 let. b OJ), la notification del'assignation faite à une personne adulte du ménage du destinataire suppose,pour être valable, l'existence d'une réelle cohabitation entre les intéressés(Bertossa/Gaillard/Guyet/ Schmidt, op. cit., n. 3 ad art. 14; cf., pourl'art. 64 al. 1 LP, l'arrêt paru aux ATF 117 II 5 consid. 1 p. 7, qui utiliseles termes de "communauté domestique"). Or cette condition n'est enl'occurrence nullement établie. Autant qu'il est recevable, le grief selonlequel la Cour de justice aurait arbitrairement appliqué l'art. 14 LPC/GE enconsidérant que la remise de l'assignation en mains de D.________ neconstituait pas une notification valable est donc infondé.Dans la mesure où la recourante prétend que l'autorité cantonale a estimé àtort que la notification du jugement du 25 octobre 1990 n'était pas valable,et ce malgré le certificat de non-opposition attestant indubitablement queledit jugement a été signifié à l'intimée, son grief est irrecevable dès lorsqu'elle n'indique pas précisément quelle règle de droit cantonal aurait été àcet égard arbitrairement violée (ATF 128 I 273 consid. 2.1 p. 275/276). Quantà l'affirmation selon laquelle l'intimée a nécessairement eu connaissance dujugement fondant la requête de mainlevée au plus tard dans le cadre de cetteprocédure, de sorte qu'elle aurait pu exercer son droit d'opposition à cemoment-là, elle se heurte au délai de péremption de cinq ans dès lasignification du jugement prévu par l'art. 86 al. 3 LPC/GE, le premiercommandement de payer ayant été notifié à la débitrice le 4 avril 2001, soitplus de dix ans après la reddition du jugement du 25 octobre 1990. Sur le vu de ce qui précède, l'autorité cantonale n'a pas fait preuved'arbitraire dans l'application des art. 80 et 81 LP en considérant que leditjugement ne constituait pas un titre de mainlevée valable. 4.En conclusion, le recours se révèle mal fondé et doit dès lors être rejeté,dans la mesure de sa recevabilité. La recourante supportera par conséquentles frais de la présente procédure (art. 156 al. 1 OJ) et versera en outredes dépens à l'intimée (art. 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 3.La recourante versera à l'intimée une indemnité de 2'000 fr. à titre dedépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 3 mai 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.18/2006
Date de la décision : 03/05/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-03;5p.18.2006 ?
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