La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/05/2006 | SUISSE | N°B.107/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 mai 2006, B.107/05


{T 7}
B 107/05

Arrêt du 2 mai 2006
Ire Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Ferrari, Ursprung, Frésard et
Seiler. Greffier : M. Wagner

S.________, recourant, représenté par Me Philippe Nordmann, avocat, place
Pépinet 4, 1003 Lausanne,

contre

Caisse de pensions des CFF, intimée, représentée par Me Alain Pfulg, Avocat,
Genfergasse 3, 3001 Bern

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 29 juin 2005)

Faits:

A.
S. ________, né en 1960, célibataire, travaillait d

epuis 1990 comme employé
d'exploitation au service des Chemins de fer fédéraux suisses (CFF). Il a été
admis avec effet au 1er fév...

{T 7}
B 107/05

Arrêt du 2 mai 2006
Ire Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Ferrari, Ursprung, Frésard et
Seiler. Greffier : M. Wagner

S.________, recourant, représenté par Me Philippe Nordmann, avocat, place
Pépinet 4, 1003 Lausanne,

contre

Caisse de pensions des CFF, intimée, représentée par Me Alain Pfulg, Avocat,
Genfergasse 3, 3001 Bern

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 29 juin 2005)

Faits:

A.
S. ________, né en 1960, célibataire, travaillait depuis 1990 comme employé
d'exploitation au service des Chemins de fer fédéraux suisses (CFF). Il a été
admis avec effet au 1er février 1990 à la Caisse de pensions et de secours
des Chemins de fer fédéraux suisses devenue, à partir du 1er janvier 1999, la
Caisse de pensions des CFF (ci-après: la caisse de pensions).
En 1997, son médecin traitant l'a adressé au Centre hospitalier Z.________ en
raison de l'apparition d'un oedème du mollet droit lié à des symptômes tels
que sentiments de tension et douleurs à la mobilisation. Lors des
investigations, un anévrisme artériel poplité droit a été découvert et exclu
chirurgicalement par la confection d'un pontage, afin d'éliminer les risques
de rupture spontanée et d'embolisation artério-artérielle. Une année plus
tard, le premier pontage s'étant fermé, un deuxième pontage, synthétique
cette fois, a dû être confectionné. En 1999, ce dernier pontage a dû être
prolongé, en raison de l'apparition d'une dilatation anévrismale de son
anastomose distale. On a craint l'éventualité d'une amputation si les
complications se multipliaient, mais la situation s'est stabilisée par la
suite. Les diverses récidives ont été attribuées à des activités
professionnelles inadaptées.

S. ________ a été totalement incapable de travailler à partir du 5mai 1998.
Avec l'autorisation de son médecin traitant, le docteur J.________, il a
repris le travail le 18 novembre 1998 à 50 pour cent. Son employeur lui a
attribué un travail léger de comptage. Très vite, l'intéressé a ressenti de
violentes douleurs et sa jambe droite a présenté une enflure conséquente. Les
19, 20 et 23 novembre 1998, des travaux très légers lui ont été confiés, tels
que le timbrage de catalogues et la mise en place de prospectus. Les douleurs
n'ont pas diminué et le docteur J.________ a prescrit un nouvel arrêt de
travail à partir du 24 novembre 1998. Tant le médecin traitant que le service
médical des CFF ont émis un pronostic pessimiste quant à l'évolution du cas
et ils ont exprimé l'avis qu'il n'existait plus de possibilité de
réadaptation de l'intéressé au sein de l'entreprise des CFF.
Le 12 avril 2000, les CFF ont informé l'employé qu'il serait mis au bénéfice
d'une pension d'invalidité complète à partir du 31 mai 2000. Les rapports de
travail ont été résiliés à la même date.
En plus d'une pension d'invalidité, la caisse de pensions a versé à son
affilié un supplément fixe correspondant à 75 pour cent de la rente AVS
simple maximale.

B.
Auparavant, le 11 septembre 1998, S.________ avait présenté une demande de
prestations de l'assurance-invalidité sous la forme d'un reclassement dans
une nouvelle profession et d'une rente. Par décision du 27 mars 2002,
l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud a refusé de lui
accorder une rente. L'office a considéré que dans des activités adaptées
(activités relativement statiques), en position assise ou debout, le
requérant serait en mesure d'exercer, moyennant une période de formation, des
activités d'opérateur sur machines-outils, de montage et de contrôle en
milieu industriel ou de tri du courrier à la poste. Dans de telles activités,
il serait à même de réaliser un revenu annuel de 58'768 fr. Comparé à un
revenu sans invalidité de 66'926 fr. par an, il en résultait un degré
d'invalidité de 12,18 pour cent, insuffisant pour ouvrir droit à une rente.
S.________ a communiqué une copie de cette décision à la caisse de pensions,
laquelle s'est procuré le dossier de l'assurance-invalidité le concernant.

C.
Le 29 juillet 2002, la caisse de pensions a informé S.________ qu'elle
supprimait avec effet au 1er août 2002 le supplément fixe qu'il percevait
jusqu'alors. Elle lui a réclamé, en outre, la restitution du supplément,
perçu selon elle indûment, pour la période du 1er juin 2000 au 31 juillet
2002, par 45'857 fr. 50 (26 x 1'763 fr. 75). L'affilié était en outre
redevable d'un intérêt de 4,25 pour cent pour la même période, soit 2'429 fr.
10. Au total, le montant à restituer s'élevait à 48'286 fr. 60 (45'857 fr. 50
+ 2'429 fr. 10). La caisse de pensions motivait cette mesure par le fait que
l'assuré avait déclaré, lors d'un entretien avec un responsable de la
division de réadaptation de l'officeAI, ne plus pouvoir reprendre d'activité
professionnelle, même adaptée. Elle invoquait l'art. 40 de son règlement,
selon lequel elle était en droit de réduire ou de refuser le paiement du
supplément fixe si le bénéficiaire d'une pension d'invalidité s'opposait aux
mesures de réadaptation de l'AI.

D.
Le 10 février 2003, S.________ a ouvert action en concluant au paiement par
la caisse de pensions du supplément fixe dès et y compris le 1er août 2002,
avec intérêts à 5 pour cent l'an pour chacune des échéances, à hauteur de
1'763 fr. 75 par mois. Il demandait en outre au tribunal de dire qu'il ne
devait pas restituer le montant de 48'286 fr. 60.
La caisse de pensions a conclu au rejet de la demande et,
reconventionnellement, au paiement des suppléments fixes perçus du 1er juin
2000 au 31 juillet 2002, par 45'857 fr. 50.
Statuant le 29 juin 2005, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a
rejeté la demande de S.________ et il a condamné celui-ci à restituer à la
caisse de pensions la somme de 45'857 fr. 50. Il a donné acte au demandeur de
la renonciation de la défenderesse à la perception d'intérêts moratoires.

E.
S.________ interjette un recours de droit administratif en concluant à la
réforme du jugement cantonal en ce sens qu'il a droit au maintien du paiement
du supplément fixe (ou rente complémentaire d'invalidité) et qu'il ne doit
pas le montant de 45'857 fr. 50. Subsidiairement, il demande au tribunal de
dire qu'il n'est pas tenu de rembourser ce montant. Subsidiairement encore,
il conclut à l'annulation du jugement attaqué.
La caisse de pensions conclut au rejet du recours. Quant à l'Office fédéral
des assurances sociales, il renonce à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Dans le passé, la prévoyance du personnel des CFF était réglée par des
statuts adoptés par le Conseil d'administration des CFF et approuvés par
l'Assemblée fédérale. La dernière version des statuts mise en vigueur selon
cette procédure a été adoptée par le Conseil d'administration des CFF le 18
août 1994 et approuvée par l'Assemblée fédérale le 15 décembre 1994 (RO 1995
561). Ces statuts faisaient partie du droit public de la Confédération, au
même titre que les statuts de la Caisse fédérale de pensions (ATF 109 Ib 85
consid.3).
Par la suite, la caisse de pensions a été transformée en une fondation de
droit privé. Les statuts ont été remplacés par le règlement de la Caisse de
pensions des CFF (CP CFF), adopté par le Conseil de fondation et entré en
vigueur le 1er janvier 1999 (ci-après: règlement 1999). Un nouveau règlement,
abrogeant le précédent, a été adopté par le Conseil de fondation le 29 juin
2000; il est entré en vigueur le 1er janvier 2001 (ci-après: règlement 2001).

2.
2.1Selon l'art. 38 al. 1 du règlement 1999 - applicable au moment où le
recourant a été mis au bénéfice d'une pension d'invalidité - l'affilié qui,
de l'avis du service médical, est devenu incapable d'exercer ses fonctions ou
d'autres fonctions pouvant raisonnablement être exigées de lui (invalidité) a
droit à une pension d'invalidité si ses rapports de service ou de travail
sont résiliés de ce chef par l'employeur. La pension d'invalidité s'élève à
60 pour cent du gain assuré au moment où les rapports de service ou de
travail ont été résiliés ou modifiés pour cause d'invalidité; lorsque
l'assuré n'aurait pas eu 40 ans d'assurance à 65 ans révolus, la pension
d'invalidité est réduite selon des taux actuariels publiés par la caisse de
pensions (art. 39 du règlement 1999).
Sous le titre «Supplément fixe», l'art. 40 du règlement 1999 a la teneur
suivante:
1 A droit au supplément fixe le bénéficiaire d'une pension d'invalidité
au sens du présent règlement, qui n'a pas droit à une rente complète
d'invalidité ni à une indemnité journalière selon la LAI. Le supplément fixe
s'élève:
a. pour l'assuré non marié, à 75 pour cent de la rente AVS simple
maximale, lorsqu'il n'a pas droit à une rente AVS ou à une rente AI entière;
b. pour l'assuré marié:
1. à 97,5 pour cent de la rente AVS simple maximale, lorsque ni l'assuré
ni son conjoint n'ont droit à une rente AVS ou AI;
2. à 37,5 pour cent de la rente AVS simple maximale, lorsque le conjoint
a droit à une rente AVS ou à une rente AI entière; lorsque la rente AVS et AI
du conjoint est inférieure à 75 pour cent de la rente AVS simple maximale de
vieillesse, le supplément fixe peut être relevé jusqu'à ce que les deux
prestations fassent ensemble 112,5 pour cent de la rente AVS simple maximale;
3. à 22,5 pour cent de la rente AVS simple maximale lorsque l'assuré a
droit à une rente AVS ou à une rente AI entière, sans supplément pour le
conjoint;
4. à 15,0 pour cent lorsque l'assuré a droit à une rente AVS avec
supplément pour le conjoint.

2 Si l'assuré ou son conjoint touche une demi-rente ou un quart de
rente AI, le droit au supplément fixe est réduit en proportion.

3 Le supplément fixe est réduit lorsque l'affilié:
a. n'aurait pas atteint 40 années d'assurance à 65 ans révolus; la
réduction s'élève à un quarantième pour chaque année d'assurance qui fait
défaut;
b. est occupé à temps partiel.

4 Le supplément fixe peut être réduit ou refusé si le bénéficiaire
d'une pension d'invalidité s'oppose aux mesures de réadaptation prévues à
l'article 31 de la LAI, si lui-même ne fait pas valoir ses droits aux
prestations prévues par la LAI, ou si son conjoint n'invoque pas ses droits
aux rentes AI ou AVS.

2.2 Le règlement 2001 ne prévoit plus de supplément fixe, mais une pension
complémentaire d'invalidité dont les conditions d'obtention et les modalités
de calcul sont fixées à l'art. 23. Cette disposition a la teneur suivante:
1 Les affiliés invalides ont droit à une pension complémentaire
d'invalidité dans la mesure où ils ne sont pas au bénéfice d'une rente
complète de l'AI. Le début du droit dépend de la pension d'invalidité de la
Caisse de pensions. Le droit à la pension cesse avec le décès de l'assuré ou
lorsqu'il atteint l'âge ordinaire de l'AVS.
2 Le montant de la pension complémentaire d'invalidité correspond par
année d'assurance imputable et future à 2 1/4 % de la rente de vieillesse
complète maximale de l'AVS, au maximum toutefois à 90 % de la rente de
vieillesse maximale complète de l'AVS. Pour les bénéficiaires d'une rente
partielle de l'AI, la pension complémentaire d'invalidité est réduite par le
pourcentage de la rente partielle de l'AI. Pour les collaborateurs à temps
partiel la pension complémentaire d'invalidité est pondérée avec le degré
d'occupation.
3 En cas d'invalidité partielle, le montant calculé en application de
l'alinéa 2 est pondéré avec le degré d'invalidité.

2.3 L'art. 50 du règlement 2001 contient une réglementation transitoire selon
laquelle l'entrée en vigueur de ce règlement n'a aucune incidence sur les
pensions en cours (al. 1). Cependant, en dérogation à cette règle, le
règlement 2001 est applicable aux pensions transitoires (art. 16) et aux
pensions complémentaires d'invalidité (art.23). Toutefois, le montant en
francs de la pension servie au 31décembre 2000 est garanti dans tous les
cas, des déductions à la suite d'une surindemnisation restent réservées (al.
2).
Il résulte de cette réglementation transitoire que les anciens suppléments
fixes sont transformés en pensions complémentaires et qu'ils sont calculés
selon le nouveau règlement.
Il y a lieu d'examiner la question du règlement applicable ratione temporis.
Le texte de l'art. 50 al. 2 deuxième phrase du règlement 2001 parle de
«pension» et non de supplément. Mais il prévoit que le montant en francs
servi jusqu'au 31 décembre 2000 est garanti dans tous les cas. Dès lors, on
peut penser qu'il s'agit aussi du supplément fixe, qui est mentionné dans la
première phrase, au même alinéa, et que l'assuré continue à bénéficier du
montant exprimé en francs du supplément, si celui-ci est supérieur à la
pension complémentaire d'invalidité, ce qui est le cas en l'espèce. C'est du
reste ainsi que la caisse intimée interprète la disposition transitoire en
cause, puisqu'elle a continué à verser au recourant sans changement le
supplément fixe de 1'763 fr. 75 après le 1er janvier 2001.
La question est donc de savoir si l'assuré avait droit à un supplément fixe
au regard du règlement de 1999. Dans l'affirmative, il continue à avoir droit
sans changement au montant correspondant au supplément fixe, après l'entrée
en vigueur du règlement 2001.

3.
3.1Les premiers juges et l'intimée interprètent l'art. 40 du règlement 1999
en ce sens que le supplément fixe est nécessairement lié au versement d'une
rente de l'assurance-invalidité (un quart de rente au moins). Si l'affilié ne
touche pas de rente de l'assurance-invalidité, il n'a pas droit au supplément
fixe, car il est censé disposer d'une capacité résiduelle de gain suffisante
pour exclure le versement d'un supplément. Dans le cas particulier, l'assuré
s'est vu refuser le droit à une rente de l'assurance-invalidité, décision
contre laquelle il n'a pas recouru. Dès lors, toujours selon la juridiction
cantonale et l'intimée, le supplément fixe a été versé à tort. La
défenderesse était en droit non seulement de le supprimer, mais également de
réclamer la restitution des montants déjà versés à ce titre.

3.2 Cette interprétation ne résiste pas à l'examen.

3.2.1 S'agissant, comme en l'espèce, d'une contestation qui relève de la
prévoyance professionnelle plus étendue et qui oppose un affilié à une
institution de prévoyance de droit privé, les employés assurés sont liés à
l'institution par un contrat innommé
(sui generis) dit de prévoyance. Le
règlement de prévoyance est le contenu préformé de ce contrat, savoir ses
conditions générales, auxquelles l'assuré se soumet expressément ou par actes
concluants. Il doit ainsi être interprété selon les règles générales sur
l'interprétation des contrats. Il y a lieu de rechercher, tout d'abord, la
réelle et commune intention des parties (art. 18 al. 1 CO), ce qui, en
matière de prévoyance professionnelle, vaut surtout pour les conventions
contractuelles particulières (ATF 129V147 consid. 3.1). Lorsque cette
intention ne peut être établie, il faut tenter de découvrir la volonté
présumée des parties en interprétant leurs déclarations selon le sens que le
destinataire de celles-ci pouvait et devait raisonnablement leur donner selon
les règles de la bonne foi (principe de la confiance). L'interprétation en
application de ce principe, dite objective ou normative, consiste à établir
le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune des parties pouvait
et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Pour
ce faire, il convient de partir du texte du contrat (ou du règlement) avant
de l'examiner dans son contexte; dans ce dernier cas, toutes les
circonstances ayant précédé ou accompagné sa conclusion doivent être prises
en considération (ATF 122III 108 consid. 5a, 424 consid. 3a, 121 III 123
consid. 4b/aa, 119II451 consid. 3a).

3.2.2 En l'espèce, il convient de constater, tout d'abord, que le texte de
l'art.40 du règlement 1999 envisage explicitement l'éventualité où l'assuré
a droit à un supplément fixe, nonobstant le fait qu'il ne bénéficie pas d'une
rente de l'assurance-invalidité (al. 1 let. b ch. 1). L'analyse purement
textuelle ne va donc pas dans le sens de l'interprétation retenue par les
premiers juges. En outre, l'alinéa 4 de la même disposition prévoit la
possibilité d'une réduction ou d'une suppression du supplément fixe si le
bénéficiaire d'une pension d'invalidité ne fait pas valoir un droit à une
rente de l'assurance-invalidité. Cette disposition n'aurait pas de raison
d'être si l'on suivait l'opinion des premiers juges: par principe, l'assuré
qui ne s'annonce pas à l'assurance-invalidité n'a pas droit à une rente (voir
l'ancien art.46 LAI et l'art. 29 al. 1 LPGA).

3.2.3 Dans un contexte plus général, l'art. 40 du règlement doit être mis en
relation avec l'art. 38, qui reconnaît le droit à une pension d'invalidité à
l'affilié qui n'est plus capable d'exercer ses fonctions ou d'autres
fonctions raisonnablement exigibles et dont les rapports de service sont
résiliés pour cette raison. La notion d'invalidité est ici sensiblement plus
large que la notion d'invalidité selon la LAI. Il s'agit de l'incapacité
d'exercer son activité habituelle (invalidité dite «professionnelle») ou de
l'incapacité d'exercer une fonction au sein de l'entreprise. A la différence
de l'assurance-invalidité, on ne prend pas en compte l'activité
raisonnablement exigible de l'assuré en se référant à l'ensemble du marché du
travail entrant en ligne de compte pour l'intéressé. Dans des situations de
ce genre, il peut donc arriver que l'affilié soit mis au bénéfice d'une
pension d'invalidité selon le règlement de la caisse de pensions, mais non
d'une rente de l'assurance-invalidité (ATF 115 V 218 s. consid. 4b). Or,
visiblement, l'art. 40 du règlement trouve sa justification dans ces
différences de notions en visant à compenser la perte que pourrait subir
l'affilié du fait qu'il ne bénéficie pas d'une rente de
l'assurance-invalidité ou qui ne reçoit de cette assurance qu'une demi-rente
ou un quart de rente (selon le système d'échelonnement des rentes qui
prévalait avant l'entrée en vigueur de la 4ème révision de l'AI).

3.2.4 On est conforté dans cette interprétation si l'on se réfère aux travaux
préparatoires des anciens statuts de la Caisse de pensions et de secours des
CFF (supra consid. 1). Le statut de 1987 (art.29; RO1987 II 1266), puis
celui de 1994 (art. 40; RO 1995 I 576) contenaient sur le point ici en
discussion une réglementation identique à celle de l'art. 40 du règlement
1999. A ce propos, le Conseil fédéral notait, dans son message du 2 mars 1987
à l'appui de l'ordonnance concernant la Caisse fédérale d'assurance et des
statuts de la Caisse de pensions et de secours des CFF, qu'à l'instar du
régime actuel, l'assuré a droit au supplément fixe s'il ne touche pas de
rente ou d'indemnités journalières en vertu de la LAI. En vue d'assurer une
meilleure transparence, les suppléments fixes étaient désormais exprimés en
pour cent de la rente AVS de vieillesse simple maximale. Toujours selon le
Conseil fédéral, si l'assuré ou son conjoint a droit à une demi-rente ou à un
quart de rente AI, le supplément fixe est réduit en proportion (FF 1987 II
537). Le versement d'une rente de l'assurance-invalidité n'était donc pas une
condition d'obtention du supplément fixe, bien que le Conseil fédéral eût
constaté à cette même occasion que la plupart des affiliés invalides étaient
également réputés invalides selon la LAI (ibidem).
Sans doute les principes d'interprétation du règlement de 1999 (de droit
privé) diffèrent-ils de ceux qui étaient applicables sous le régime des
statuts: ceux-ci devaient s'interpréter selon les règles valables pour les
dispositions des institutions de prévoyance de droit public et qui sont les
mêmes que celles habituellement applicables à l'interprétation de la loi (cf.
RSAS 1998 p. 464 consid. 3b). Le préambule du règlement 1999 mentionne
toutefois que, d'un point de vue matériel, ce règlement n'apporte pas de
modifications par rapport au précédent statut : les modifications, par
rapport à la situation antérieure, concernent principalement les nouvelles
compétences consécutives à la transformation de la caisse de pensions en une
fondation de droit privé. Rien n'empêche donc de se référer, pour
l'interprétation du règlement de 1999, à l'intention des auteurs du statut de
1987.

3.2.5 En conclusion, le refus de l'assurance-invalidité d'accorder une rente
au recourant ne suffit pas, à lui seul, à justifier la suppression (assortie
d'une demande de restitution) du supplément fixe dont il bénéficiait.

4.
4.1L'intimée reproche également au recourant une violation de son obligation
de diminuer le dommage. Elle fait valoir que l'assuré a déclaré, le 23 août
2000, dans la procédure ouverte par l'assurance-invalidité, qu'il était dans
l'impossibilité totale de reprendre une activité professionnelle ou même
occupationnelle. Elle invoque les art. 40 al. 4 du règlement 1999 et 12 du
règlement 2001.

4.2 Ainsi qu'on l'a vu, l'art. 40 al. 4 du règlement 1999 prévoit que le
supplément fixe peut être réduit ou refusé si le bénéficiaire d'une pension
d'invalidité s'oppose aux mesures de réadaptation «prévues à l'art. 31 de la
LAI» ou si lui-même ne fait pas valoir ses droits aux prestations prévues
par la LAI.

Quant à l'art. 12 du règlement 2001, il prévoit, sous le titre «Faute de
l'ayant droit», ce qui suit:
1. Si l'AVS/AI réduit, retire ou refuse les prestations parce que le
décès ou l'invalidité a été provoqué(e) par une faute grave de l'ayant droit
ou si l'affilié s'oppose à une mesure de réadaptation de l'AI, la caisse de
pensions peut réduire ses prestations dans une mesure appropriée, au maximum
toutefois dans la mesure décidée par l'AVS/AI.

2. La Caisse de pensions peut également réduire ses prestations si les
ayants droit ne font pas valoir leur droit à des prestations de l'AI ou de
l'AVS.
En relation avec l'assurance-invalidité, ces dispositions visent en fait deux
éventualités bien distinctes :
a) Ou bien l'assurance-invalidité refuse ou réduit une rente parce que
l'assuré s'est opposé à une mesure de réadaptation. Cela ressort de l'art. 40
al. 4 du règlement 1999, qui fait référence à l'ancien art. 31 LAI (refus ou
retrait de la rente si l'assuré se soustrait à une mesure de réadaptation) et
de l'art. 12 al. 1 in fine du règlement 2001, qui autorise une réduction dans
une mesure appropriée, au maximum dans la mesure décidée par l'AI.
En l'espèce, cette première éventualité n'entre pas en considération, car
l'assurance-invalidité n'a pas refusé ou réduit ses prestations en raison de
l'opposition à une mesure de réadaptation.
b) Ou bien l'assuré n'a pas fait valoir ses droits à l'égard de l'AI. Il en
résulte soit une suppression du supplément fixe (art. 40 al. 4) soit une
réduction des prestations en général (art. 12 al. 2).

4.3 Cette seconde éventualité (let. b) peut donc seule entrer en ligne de
compte en l'espèce. La question est donc de savoir si l'assuré a renoncé à
faire valoir un droit à une mesure de réadaptation.
En s'annonçant à l'assurance-invalidité, un assuré sauvegarde tous ses droits
à des prestations d'assurance, même s'il n'en précise pas la nature exacte
(cf. ATF 111 V 264 consid. 3b, 103 V 70, 101 V 112, 100 V 117 consid.1b). Une
renonciation à faire valoir un droit à des mesures de réadaptation implique
donc que l'intéressé se soit opposé sans raison valable à telle mesure ou du
moins que son attitude négative en rendait d'emblée illusoire l'organisation.
Cela suppose aussi que les possibilités objectives de réadaptation aient été
examinées et envisagées concrètement par l'office de l'assurance-invalidité.
On ne saurait guère reprocher à un assuré de s'être abstenu de faire valoir
un droit purement hypothétique ou virtuel à la réadaptation.

4.3.1 Le dossier de l'assurance-invalidité révèle que le recourant a présenté
une demande de prestations sous la forme d'un reclassement et d'une rente.
Dans un rapport intermédiaire du 21 septembre 2000, N.________, chargé de la
réadaptation auprès l'office de l'assurance-invalidité, relate avoir reçu
l'assuré le 23 août 2000; à cette occasion, celui-ci aurait déclaré être dans
l'impossibilité totale de reprendre une activité professionnelle ou même
occupationnelle. Par la suite, l'office de l'assurance-invalidité a pris
connaissance d'un rapport du 15 mars 2001 établi par le docteur H.________ de
la Division d'hypertension et de médecine vasculaire du Centre hospitalier
Z.________. Selon ce médecin, l'origine des symptômes n'est pas claire. Il
peut s'agir d'un syndrome de loge, avec hypertension dans les loges
musculaires à la marche, ou d'une claudication veineuse. Le médecin propose
des mesures de pressions dans les loges musculaires. Afin de prévenir
l'apparition de complications de l'insuffisance veineuse tels que des
ulcères, il préconise le port d'une contention élastique, quotidiennement et
probablement à vie. L'anti-coagulation doit être maintenue, tant qu'il n'y a
pas de contre-indication majeure. S'agissant de la capacité de travail du
patient, le médecin note que celui-ci ne devrait aucunement être gêné par des
symptômes dans toute activité professionnelle n'impliquant pas de déplacement
à pied ni de montée d'escaliers ou d'échelle importants et répétés. Toute
activité relativement statique, en position assise ou debout, devrait donc
convenir.
L'office de l'assurance-invalidité a alors décidé de soumettre le dossier à
son service médical, attendu que le médecin traitant de l'intéressé
concluait, pour sa part, à une incapacité de travail complète dans toute
activité pour des raisons principalement organiques. Aussi bien le cas a-t-il
été soumis au docteur M.________, médecin du SMR. Dans un rapport du 17
juillet 2001, celui-ci a posé le diagnostic de status après interventions
multiples pour anévrismes artériels récidivants du membre inférieur droit. Au
titre de «diagnostic associé non du ressort de l'AI», mais susceptible
d'influer sur la capacité de travail ou la réadaptation, il a signalé un état
d'anxiété avec évolution vers des troubles somatoformes. Il a conclu que
l'assuré devait avoir une pleine capacité de travail dans une activité telle
que décrite par le docteur H.________. Selon lui, il était inutile de
convoquer à nouveau l'intéressé pour une tentative de reclassement, compte
tenu de l'attitude de celui-ci relatée dans le rapport du 21 septembre 2000.
Le 23 juillet 2001, faisant référence à une note interne d'un employé de
l'office, le docteur M.________ a précisé qu'une expertise psychiatrique
n'était pas nécessaire, car le dossier ne contenait pas d'indices d'une
pathologie psychiatrique autre qu'un état dépressif réactionnel,
compréhensible chez une personne dont la vie a été momentanément bouleversée
par des problèmes de santé graves et potentiellement menaçants.
Dans un nouveau rapport, du 21 septembre 2001, N.________ a considéré que des
mesures de réadaptation professionnelle n'étaient pas indiquées, compte tenu
de la position clairement exprimée par l'assuré lors de l'entretien du 23
août 2000. L'intervention du service de réadaptation ne se justifiait plus et
il convenait de procéder à l'évaluation du préjudice économique. Aussi bien
l'office AI a-t-il communiqué à l'assuré un projet de décision, daté du 30
janvier 2002, par lequel il l'informait de son intention de refuser de lui
accorder une rente. L'assuré a répondu, le 6 février 2002, en invoquant une
aggravation de son état de santé et en indiquant qu'il n'était pas en mesure
d'exercer une quelconque activité, même légère. Il concluait à un réexamen de
sa situation. Le 21 février 2002, l'office de l'assurance-invalidité lui a
signifié que son courrier n'apportait aucun élément probant susceptible de
modifier le projet de décision du 30janvier 2002. Aussi bien l'office de
l'assurance-invalidité a-t-il notifié à l'assuré sa décision de refus du 27
mars 2002.

4.3.2 Il ressort de ces éléments que les possibilités de réadaptation du
recourant n'ont pas été vraiment élucidées par l'office de
l'assurance-invalidité. Celui-ci s'est retranché derrière une déclaration
prêtée à l'assuré en août 2000 pour renoncer à toute mesure d'instruction à
ce sujet. Ainsi, un stage d'évaluation dans un COPAI n'a pas été envisagé.
L'office n'a pas non plus jugé utile d'organiser un séjour dans un COMAI,
pourtant suggéré par le service médical des CFF afin de déterminer une
éventuelle capacité de gain de l'assuré. L'aspect psychique du cas - qui, au
dire du médecin du SMR était susceptible de faire obstacle à une mesure de
réadaptation - n'a pas davantage été éclairci.

4.3.3 A cela s'ajoute que les déclarations de l'assuré au sujet de son
impossibilité de reprendre une activité professionnelle
remontent à une
époque où il venait d'être mis au bénéfice d'une pension d'invalidité. A ce
moment, les médecins se montraient fort pessimistes quant à l'évolution
future du cas sous l'angle professionnel. C'est ainsi que sur le vu des
échecs de toute tentative de réadaptation au sein des CFF, le service médical
de l'entreprise a demandé à son «médecin attitré», le docteur B.________,
d'examiner une nouvelle fois le recourant (ce médecin avait déjà examiné
l'affilié en 1998). Dans un rapport détaillé du 9 mars 2000, le docteur
B.________ a conclu en ces termes:
«En juillet 1998, j'avais déjà de la peine à imaginer un poste de travail
correspondant aux limitations de S.________. Depuis, la situation est loin de
s'être améliorée et, comme le docteur J.________, je ne vois pas d'autre
solution que la mise à la retraite anticipée pour raisons médicales. Relevons
aussi qu'en mai 1999, l'employeur ne voyait pas non plus de possibilité
d'occupation dans le cadre des CFF. Les possibilités d'un recyclage dans le
cadre de l'AI me paraissent également des plus hypothétiques».
Dans une note du 10 avril 2000, le médecin-chef du service médical des CFF a
estimé, à l'instar du docteur B.________, qu'il n'y avait plus de capacité de
travail restante à attendre de l'intéressé, de sorte qu'il a proposé une mise
à la retraite anticipée totale de celui-ci.
On est donc fondé à considérer qu'à cette époque l'organisation d'un
reclassement n'était objectivement guère envisageable ou tout au moins
prématuré. Dans un tel contexte, les déclarations de l'assuré (en août 2000)
ne sauraient s'interpréter comme une opposition à des mesures de
réadaptation; elles reflétaient certainement la réalité de la situation
médicale d'alors. Il est possible que l'état de santé du recourant se soit
stabilisé par la suite. L'office AI n'a toutefois pas jugé nécessaire de
faire à nouveau le point de la situation avec l'assuré, au regard notamment
du rapport du docteur H.________. Finalement, l'office n'a proposé aucune
mesure de réadaptation à l'assuré.

4.4 Dans ces conditions, les dispositions réglementaires invoquées par
l'intimée ne trouvent pas application. Les possibilités concrètes de
réadaptation n'ont pas été élucidées. Médicalement, des mesures de
réadaptation n'étaient certainement pas indiquées en août 2000. On ne saurait
dès lors retenir que l'assuré a refusé de se soumettre à des mesures de
réadaptation raisonnablement exigibles ou qu'il a renoncé à faire valoir un
droit à de telles mesures.

5.
De ce qui précède, il résulte que le recours est bien fondé.

6.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Représenté
par un avocat, le recourant, qui obtient gain de cause, a droit à une
indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation
avec l'art. 135 OJ).
Les premiers juges ont rejeté les conclusions du recourant tendant à
l'allocation d'une indemnité de dépens compte tenu de la solution à laquelle
ils sont parvenus. Il n'y a pas lieu d'inviter l'autorité cantonale à statuer
à nouveau sur cette question, attendu qu'en matière de prévoyance
professionnelle, il n'existe pas de droit aux dépens découlant de la
législation fédérale pour la procédure de première instance (art. 73 LPP; ATF
126 V 145 consid. 1b). Mais le recourant, qui obtient gain de cause devant le
Tribunal fédéral des assurances, alors qu'il a succombé en procédure
cantonale, a la faculté de demander aux premiers juges de se prononcer sur
l'allocation d'une indemnité de dépens, au regard de l'issue définitive du
litige.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal des assurances du canton de
Vaud du 29 juin 2005 est annulé.

2.
La demande est admise en ce sens que la Caisse de pensions de X.________ est
tenue de verser au recourant au titre de supplément fixe (ou rente
complémentaire d'invalidité) un montant mensuel de 1'763 fr. 75 à partir du
1eraoût 2002, avec intérêts à 5 pour cent l'an à partir du 10février 2003.

3.
La demande reconventionnelle tendant au remboursement du montant de 45'857
fr. 50 est rejetée.

4.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

5.
L'intimée versera au recourant un montant de 2'500 fr. (y compris la taxe sur
la valeur ajoutée) à titre de dépens pour la procédure fédérale.

6.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud, à l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud
et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 2 mai 2006

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la Ire Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : B.107/05
Date de la décision : 02/05/2006
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 49 al. 2 LPP: Prévoyance plus étendue; droit à un supplément fixe (enplus d'une pension d'invalidité) prévu par le règlement de l'institution deprévoyance. Règlement applicable ratione temporis. Portée de la réglementationtransitoire prévue à l'art. 50 al. 2 du règlement 2001 de la Caisse depensions des CFF. (consid. 2) Examen du droit de l'assuré à un supplément fixe au regard de l'art. 40 durèglement 1999 de la Caisse de pensions des CFF. Interprétation de cettedisposition réglementaire. Le refus de l'assurance-invalidité d'accorder unerente à l'assuré ne suffit pas, à lui seul, à justifier la suppression(assortie d'une demande de restitution) du supplément fixe dont ilbénéficiait. On ne saurait non plus retenir que dans le cas particulier,l'assuré a refusé de se soumettre à des mesures de réadaptationraisonnablement exigibles ou qu'il a renoncé à faire valoir un droit à detelles mesures, circonstance qui eût justifié, selon le règlement, unesuppression du supplément fixe. (consid. 3 et 4)


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-02;b.107.05 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award