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02/05/2006 | SUISSE | N°4P.63/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 mai 2006, 4P.63/2006


{T 0/2}4P.63/2006 /ech Arrêt du 2 mai 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, président, Klett et Favre.Greffière: Mme Aubry Girardin. X. ________ S.A.,recourante, représentée par Me François Bohnetet par Me Philippe Schweizer, contre A.________,intimé, représenté par Me Alexandre Zen-Ruffinen, Tribunal cantonal neuchâtelois, Cour de cassation civile, case postale 3174,2001 Neuchâtel 1. arbitraire; procédure civile; contrat de travail (recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation civile duTribunal cantonal neuchâteloisdu 2 février 2006). Faits: A.A par

tir du 1er janvier 2004, A.________ a travaillé pour l'entrepr...

{T 0/2}4P.63/2006 /ech Arrêt du 2 mai 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, président, Klett et Favre.Greffière: Mme Aubry Girardin. X. ________ S.A.,recourante, représentée par Me François Bohnetet par Me Philippe Schweizer, contre A.________,intimé, représenté par Me Alexandre Zen-Ruffinen, Tribunal cantonal neuchâtelois, Cour de cassation civile, case postale 3174,2001 Neuchâtel 1. arbitraire; procédure civile; contrat de travail (recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation civile duTribunal cantonal neuchâteloisdu 2 février 2006). Faits: A.A partir du 1er janvier 2004, A.________ a travaillé pour l'entreprise deX.________ S.A. Par lettre du 25 juin 2004, il a donné son congé, avec effetau 31 août 2004. Le 12 juillet 2004, soit durant le délai de résiliation, A.________ a eu unentretien avec le directeur de X.________ S.A. A la fin de leur entrevue,l'employé a traité le directeur de "pauvre type", au moment de quitter lapièce. Par lettre recommandée du même jour, le directeur de la société a résilié lecontrat de travail de A.________ avec effet immédiat. B.Le 27 septembre 2004, A.________ a ouvert action contre X.________ S.A.auprès des autorités judiciaires neuchâteloises, demandant que cette sociétésoit condamnée à lui payer 24'343,40 fr. dont 14'000 fr. net avec intérêt à 5% dès le 12 juillet 2004. L'employé soutenait que les conditions d'unerésiliation avec effet immédiat pour justes motifs n'étaient pas réalisées. X. ________ S.A. a conclu au rejet de la demande, mais elle a immédiatementpayé la somme de 319,30 fr. à titre de solde d'heures supplémentaires. Par jugement du 31 janvier 2005, le Tribunal des prud'hommes du district deNeuchâtel a donné acte aux parties du paiement du solde d'heuressupplémentaires, ainsi que du paiement des jours de vacances, et il a rejetétoutes autres ou plus amples conclusions. Les premiers juges ont retenu ensubstance que A.________ avait eu un entretien avec son employeur le 12juillet 2004, à l'issue duquel il avait traité celui-ci de "pauvre type", sespropos ayant été entendus par les employés présents. Refusant de s'excuser,l'employé avait quitté les lieux. Le lendemain, il avait envoyé un courrierdans lequel il exprimait clairement son absence d'envie de travailler. Sur labase de ces éléments de fait, le Tribunal des prud'hommes a considéré quel'injure proférée en public constituait un juste motif de résiliation. Atitre subsidiaire, il a retenu que l'employeur avait averti l'employé qu'àdéfaut d'excuses, il serait licencié, de sorte que le refus de A.________ des'excuser constituait une répétition de l'injure.Statuant sur recours de A.________, la Cour de cassation civile du Tribunalcantonal a, par arrêt du 2 février 2006, cassé le jugement du 31 janvier 2005sauf s'agissant du paiement des heures supplémentaires et des vacances. Seprononçant sur le fond, elle a condamné X.________ S.A. à payer à son ancienemployé 5'645,15 fr. brut à titre de salaire jusqu'à la fin du mois d'août2004 et 2'000 fr. net à titre d'indemnité pour licenciement immédiatinjustifié, les deux montants portant intérêt à 5 % l'an dès le 12 juillet2004. Les juges ont estimé en substance que A.________ contestait avec raisonl'existence de justes motifs de résiliation immédiate, car le dossierrenfermait beaucoup d'incertitudes. Il n'était en particulier pas possible deretenir le caractère public de l'insulte. Au demeurant, le fait de traiter ledirecteur de "pauvre type" n'était pas suffisant pour entraîner la perte durapport de confiance et rien ne permettait de considérer que la situationétait devenue objectivement insupportable, ni que la continuation desrapports de travail jusqu'à fin août 2004 était inconcevable. La Cour decassation civile a en outre estimé que le refus de présenter des excuses neconstituait pas forcément une circonstance aggravante dont il fallait tenircompte, car on ignorait dans quel contexte la demande d'excuses avait étéprésentée. Enfin, elle a relevé que l'insulte apparaissait comme un événementisolé, la lettre d'avertissement reçue un mois plus tôt par A.________portant sur d'autres griefs. C.Contre l'arrêt du 2 février 2006, X.________ S.A. interjette un recours dedroit public au Tribunal fédéral. Invoquant l'arbitraire dans l'applicationdu droit cantonal, ainsi que dans la constatation des faits, elle conclut àl'annulation de l'arrêt attaqué, avec suite de dépens. A. ________ propose de rejeter le recours, dans la mesure de sa recevabilité,sous suite de dépens. La Cour de cassation civile a, pour sa part, renoncé à présenter desobservations, se référant à son arrêt. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décisioncantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84al. 1 let. a OJ). L'arrêt rendu par la Cour de cassation civile, qui est final, n'estsusceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal dansla mesure où la recourante invoque la violation directe d'un droitconstitutionnel, de sorte que la règle de la subsidiarité du recours de droitpublic est respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ; ATF 128 II 259 consid.1.1). En revanche, si la recourante soulève une question relevant del'application du droit fédéral, le grief n'est pas recevable, parce qu'ilpouvait faire l'objet d'un recours en réforme (art. 43 al. 1 et 84 al. 2 OJ;cf. ATF 129 I 173 consid. 1.1). Contrairement à l'avis exprimé par larecourante, ce n'est pas parce que l'intimé n'a pris que des conclusions enrenvoi devant la Cour de cassation civile, qu'il faut en déduire que lesdroits encore contestés devant la dernière juridiction cantonale, qui sontdéterminants pour établir la valeur litigieuse au sens de l'art. 46 OJ (cf.Poudret, COJ II, Berne 1990, N 1.5 p. 239), n'atteignaient pas la limite de8'000 fr. Comme toute conclusion, les conclusions en renvoi doivent êtreinterprétées (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4C.242/2005 du 9 novembre 2005consid. 1.2). Or, en concluant au renvoi de la cause devant le Tribunal desprud'hommes sans autre précision, l'employé licencié a implicitement maintenuses prétentions initiales en paiement pour licenciement immédiat injustifié,qui dépassaient la limite de 8'000 fr. 2.Invoquant l'art. 9 Cst., la recourante se plaint d'arbitraire dansl'application de l'art. 426 du Code de procédure civile neuchâtelois du 30septembre 1991 (RSNE 251.1; ci-après CPCN), ainsi que dans l'établissementdes faits. 2.1 Selon la jurisprudence, l'arbitraire prohibé par l'art. 9 Cst. ne résultepas du seul fait qu'une autre solution que celle retenue par l'autoritécantonale pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable;le Tribunal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que lorsque celle-ciest manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claireavec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principejuridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante lesentiment de la justice et de l'équité (ATF 129 I 8 consid. 2.1; 128 I 81consid. 2, 273 consid. 2.1). Pour qu'une décision soit annulée pour caused'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable,il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF131 I 217 consid. 2.1; 129 I 8 consid. 2.1 et les arrêts cités). En matière d'application du droit cantonal, l'arbitraire et la violation dela loi ne sauraient être confondus; une violation de la loi doit êtremanifeste et reconnue d'emblée pour être considérée comme arbitraire. LeTribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcteque l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; ildoit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable.Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution paraît égalementconcevable, voire même préférable (ATF 131 I 217 consid. 2.1; 128 II 259consid. 5 p. 281). Il appartient au recourant d'expliquer de manière suffisamment précise enquoi consisterait l'arbitraire (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 113consid. 2.1). Le Tribunal fédéral base son arrêt sur les faits constatés dansla décision attaquée, à moins que le recourant ne démontre que la courcantonale a retenu ou omis certaines circonstances déterminantes de manièreinsoutenable (ATF 118 Ia 20 consid. 5a). 2.2 La recourante se plaint en premier lieu d'une application arbitraire del'art. 426 al. 2 CPCN, reprochant à la Cour de cassation d'avoir statué aufond d'office. Faisant un parallèle avec le pouvoir de renvoi du Tribunalfédéral saisi d'un recours en réforme, elle estime que les juges cantonaux nepouvaient renoncer à transmettre la cause à l'instance inférieure et seprononcer sur le fond, dès lors qu'ils avaient constaté que le dossier quileur était soumis comportait beaucoup d'incertitudes. En procédant de lasorte, les juges ont, d'après la recourante, adopté un raisonnementincohérent qui conduit à un résultat insoutenable, car il revient à nier lecaractère justifié du licenciement immédiat admis par les premiers juges,alors que les faits pertinents concernant le caractère public de l'injure etles circonstances d'une éventuelle demande d'excuse demeurent incertains. 2.2.1 L'art. 426 CPCN décrit les pouvoirs de la Cour de cassation civile.L'alinéa 2 de cette disposition prévoit que la Cour, saisie d'un recours encassation, peut, soit renvoyer la cause devant le même juge, ou devant unautre juge qu'elle désigne, soit d'office ou sur demande, statuer au fond.L'effet de ce renvoi est analogue à celui prévu par l'art. 66 OJ concernantle recours en réforme, ce qui signifie que l'autorité à laquelle la cause estrenvoyée est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants dedroit de l'arrêt de la Cour de cassation civile (Bohnet, CPCN commenté, 2eédition Bâle 2005, N 2 ad art. 426 al. 2 CPCN). Toutefois, alors que l'art.64 al. 1 OJ indique que le Tribunal fédéral renvoie l'affaire s'il y a lieude compléter les constatations de l'autorité cantonale, le CPCN ne précisepas les cas dans lesquels la Cour de cassation civile est tenue de renvoyerla cause à l'autorité inférieure, pas plus qu'il ne mentionne les situationspermettant aux juges de cassation de statuer au fond. Il peut sans douteparaître surprenant qu'une autorité de cassation choisisse de trancher aufond, tout en soulignant que le dossier renferme beaucoup d'incertitudes etil n'est pas exclu que, dans un tel cas, le renvoi eût aussi été concevable,voire même préférable. Toutefois, la solution adoptée dans l'arrêt attaqué,compte tenu du fait que le CPCN ne soumet la faculté de la Cour de cassationcivile de statuer d'office à aucune condition, ne peut pour autant êtrequalifiée d'arbitraire. 2.2.2 La recourante soutient que la position de la cour cantonale consistantà statuer sur le fond aboutit à un résultat choquant, car elle revient àqualifier d'injustifié le licenciement immédiat de l'intimé, alors que lesfaits pertinents demeurent incertains, puisque l'on ne sait pas si l'employélicencié a traité le directeur de la société de "pauvre type" publiquement ounon, ni si des excuses ont été demandées et refusées. Une telle critiquerevient en définitive à contester la façon dont l'art. 337 CO a été appliqué.Certes, les circonstances qui ont motivé le licenciement relèvent du fait(ATF 131 III 535 consid. 4.3; 130 III 699 consid. 4.1 p. 702). Toutefois, lepoint de savoir si, sur la base des éléments tenus ou non pour établis, lejuge a, à juste titre, admis l'existence de justes motifs de licenciementimmédiat est une question de droit fédéral (cf. ATF 127 III 153 consid. 2a).Comme la voie du recours en réforme était en l'occurrence ouverte (cf. supraconsid. 1), la critique n'est pas recevable dans la présente procédure. 2.3 La recourante reproche en second lieu à la Cour de cassation civiled'avoir constaté de manière insoutenable que l'insulte proférée par l'employéà l'encontre du directeur, le 12 juillet 2004, constituait un élément isolé,la lettre d'avertissement reçue un mois plus tôt portant sur d'autres griefs. Il ressort des extraits de la lettre d'avertissement en cause du 11 juin 2004qui sont reproduits par la recourante, que l'employeur avait reproché àl'intimé son comportement fluctuant et souvent négatif, son manqued'implication et d'initiative dans les tâches confiées, ainsi qu'une rapiditéde travail insuffisante et une inexécution de directives. L'employé avait étéavisé qu'à défaut d'une amélioration immédiate de son activité sur plusieurspoints, un terme serait mis aux relations de travail. Rien, dans cettelettre, ne laisse toutefois apparaître que l'intimé aurait par le passéproféré des injures à l'encontre de son employeur ou d'autres collègues, niqu'il aurait été enjoint de cesser un tel comportement en juin 2004 déjà. Enaffirmant que l'injure proférée le 12 juillet 2004 était un événement isoléet que la lettre d'avertissement portait sur d'autres griefs, les juges nesont donc manifestement pas tombés dans l'arbitraire. Les critiques de la recourante paraissent procéder d'une mauvaise lecture del'arrêt attaqué. L'employeur reproche à la Cour de cassation civile d'avoirdissocié les griefs formulés dans la lettre d'avertissement du 11 juin 2004et l'entretien du 12 juillet 2004 qui en était le prolongement. Ce faisant,la recourante perd de vue que les juges ne se sont pas prononcés sur lesrelations entre ces deux événements, mais n'ont examiné que l'injure. Ainsi,en se référant à un "événement isolé", ils n'ont pas laissé entendre qu'avantle 12 juillet 2004 la conduite de l'intimé aurait été irréprochable, maisseulement que cet employé n'avait pas proféré d'injure dans le cadre del'entreprise auparavant, ce que la lettre d'avertissement du 11 juin 2004 necontredit nullement. Le fait que l'employeur ait convoqué l'intimé àl'entretien du 12 juillet 2004 pour le rappeler au respect de ses devoirscontractuels, comme l'affirme la recourante, ne signifie pas pour autantqu'avant ce jour, l'employeur ait eu à reprocher à l'intimé une conduiteinjurieuse. Dans ces circonstances, le recours ne peut qu'être rejeté dans la mesure desa recevabilité. 3.Aucun frais ne sera perçu (art. 156 al. 1 OJ), puisque la valeur litigieuse,établie selon la prétention à l'ouverture de l'action, ne dépasse pas leseuil de 30'000 fr. (art. 343 al. 2 et 3 CO). Cela ne dispense pas larecourante, qui succombe, d'être condamnée aux dépens (art. 159 al. 1 CO; ATF115 II 30 consid. 5c p. 42). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Il n'est pas perçu de frais. 3.La recourante versera à l'intimé une indemnité de 2'500 fr. à titre dedépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laCour de cassation civile du Tribunal cantonal neuchâtelois. Lausanne, le 2 mai 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.63/2006
Date de la décision : 02/05/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-02;4p.63.2006 ?
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