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02/05/2006 | SUISSE | N°4C.27/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 mai 2006, 4C.27/2006


{T 0/2}4C.27/2006 /ech Arrêt du 2 mai 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, président, Klett et Favre.Greffière: Mme Cornaz. A. ________,demandeur et recourant, représenté par Me LucJacopin, contre B.________,défendeur et intimé, représenté par Me ChantalKuntzer-Krebs. contrat de bail à ferme agricole; dommages,recours en réforme contre le jugement de la IIe Cour civile du Tribunalcantonal neuchâtelois du8 décembre 2005. Faits: A.B. ________ et C.________ sont chacun propriétaire de parcelles adjacentes.Aux termes de deux baux conclus oralement, celles-ci ont été aff

ermées àA.________, qui les a exploitées ensemble jusqu'au 15 n...

{T 0/2}4C.27/2006 /ech Arrêt du 2 mai 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, président, Klett et Favre.Greffière: Mme Cornaz. A. ________,demandeur et recourant, représenté par Me LucJacopin, contre B.________,défendeur et intimé, représenté par Me ChantalKuntzer-Krebs. contrat de bail à ferme agricole; dommages,recours en réforme contre le jugement de la IIe Cour civile du Tribunalcantonal neuchâtelois du8 décembre 2005. Faits: A.B. ________ et C.________ sont chacun propriétaire de parcelles adjacentes.Aux termes de deux baux conclus oralement, celles-ci ont été affermées àA.________, qui les a exploitées ensemble jusqu'au 15 novembre 1991. A cettedate, C.________ a repris l'exploitation de sa propre parcelle, A.________continuant de cultiver la propriété de B.________. Au mois de novembre 2001, lors d'un balisage correct et visible de laparcelle, A.________ s'est aperçu que C.________, en cultivant sa propreparcelle, avait empiété sur une bande de terre de 56,4 ares, au nord de laparcelle que B.________ lui avait affermée et pour laquelle il avait toujourspayé le fermage convenu. B.Le 24 janvier 2003, A.________ a saisi la IIe Cour civile du Tribunalcantonal neuchâtelois. Invoquant un manque à gagner causé par cetempiétement, il a conclu principalement à ce que B.________ et C.________ -subsidiairement seul ce dernier - soient condamnés solidairement à lui payerla somme de 25'000 fr. avec intérêt à 5 % l'an depuis le 15 novembre 1991.C.________ a conclu au rejet de la demande, de même que B.________, qui a enoutre pris des conclusions reconventionnelles tendant à ce que A.________soit condamné à lui payer la somme de 2'000 fr. plus intérêt à 5 % sur 200fr. dès le 1er janvier 1999, sur 400 fr. dès le 1er janvier 2000, sur 600 fr.dès le 1er janvier 2001, sur le tout dès le 1er janvier 2002. En cours d'instance, un membre de la Chambre neuchâteloise d'agriculture etde viticulture a été désigné comme expert. Dans son rapport, il a préciséqu'il avait été en mesure de reconstituer le tournus ordinaire de la parcelleincriminée. Il a indiqué que les marges retenues provenaient des documentsofficiels de la "Forschung Anstalt Tänikon" (FAT) qui faisaient office deréférence au niveau suisse dans la détermination des revenus agricoles. Deplus, vu que ces chiffres étaient basés sur des exploitations réelles, ilétait de facto tenu compte du facteur année (météo, marché, etc.). Lesrendements retenus se situaient en dessus de la moyenne suisse vu les trèsbonnes aptitudes pédo-climatiques de la zone étudiée. Pour la valeur desrécoltes, l'expert s'était basé sur un prix sans les différentes primes deculture ou autres paiements directs. Les différentes charges spécifiquesselon la FAT (semences, traitements, fumure) avaient été déduites, ce quidonnait la marge comparable sans primes. Pour être valables, ces margesavaient été réduites du montant usuel pour la récolte des diverses céréaleset sarclées: c'était la marge brute sans contribution. Les tarifs appliquéscorrespondaient à ceux recommandés par l'association suisse des entrepreneursagricoles (ASETA). Les calculs effectués donnaient une marge brute sanscontribution, pour dix années de culture, de 39'847 fr. 50 pour un hectare,soit 22'474 fr. pour la surface incriminée de 0,546 hectare. La perteannuelle moyenne pour cette période de dix ans était ainsi de 2'247 fr. 40. Par jugement du 8 décembre 2005, la IIe Cour civile du Tribunal cantonalneuchâtelois a condamné B.________ à payer à A.________ le montant de 6'200fr. après compensation avec intérêt à 5 % l'an dès le 24 janvier 2003, arrêtéles frais de justice à 2'710 fr. 80 et les a mis pour un quart à la charge deB.________ et pour trois quarts à celle de A.________, condamné B.________ àpayer à A.________ 700 fr. à titre de dépens réduits et condamné celui-ci àpayer à C.________ 2'800 fr. à titre de dépens. Elle a considéré que lasurface effectivement exploitée par A.________ était inférieure à celle de laparcelle objet du contrat de bail à ferme, ce qui constituait un défaut dontrépondait B.________. N'ayant pas démontré qu'il n'avait pas commis de faute,celui-ci devait à A.________ des dommages-intérêts. Il résultait du dossierque celui-ci exploitait 14,5 hectares au total (12 hectares en propriété etle reste en location) et que le bénéfice net de toute son exploitationagricole avait toujours été bien inférieure au montant de 25'000 fr. auquelil prétendait (déclaration d'impôt pour les années 1994 à 2001, danslesquelles A.________ avait déclaré un bénéfice d'exploitation net oscillantentre 16'110 fr. [en 2001] et 24'628 fr. [en 1998], mais se situant le plussouvent aux alentours de 19'000 fr. [en 2000, 1999 et 1996]). Pour unesurface de 56,4 ares, un manque à gagner de 25'000 fr. par an était doncmanifestement exagéré. Même si ce chiffre était proche de celui auquelarrivait l'expert, il ne pouvait être retenu, vu ce qui précédait. Parailleurs, le juge civil chargé d'évaluer un dommage n'était pas lié par lesdispositions relatives aux indemnités dues par l'Etat en cas de dommagescausés aux cultures par le gibier ou la grêle. En prenant en considération unrevenu net moyen de 19'000 fr. pour 14,5 hectares (soit 145'000 m2), lemanque à gagner pour 56,4 ares (soit 5'640 m2) pouvait être raisonnablementfixé à 739 fr. 10 par an (cette surface correspondant à 3,89% del'exploitation agricole), arrondis à 740 fr., soit 7'400 fr. pour dix ans.Cela étant, la responsabilité délictuelle de C.________ n'avait pas étéétablie. Enfin, la demande reconventionnelle était fondée à concurrence de1'200 fr., représentant le fermage pour l'année 2001. C.Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté dans la mesure desa recevabilité par arrêt séparé de ce jour, A.________ (le demandeur)interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Il conclutprincipalement à l'annulation du jugement entrepris (ch. 1), à lacondamnation de B.________ à lui payer la somme de 25'000 fr. avec intérêt à5 % l'an dès le 24 janvier 2003 (ch. 2), tous frais de justice de première etseconde instance (ch. 3), une indemnité de dépens de 2'800 fr. ainsi qu'uneindemnité de dépens de deuxième instance (ch. 4), enfin à sa proprecondamnation à payer à C.________ une indemnité de dépens de 2'800 fr. (ch.5). Il conclut subsidiairement à l'annulation du jugement entrepris (ch. 1),à la condamnation de B.________ à tous les frais et dépens de l'instance derecours (ch. 2) et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouveaujugement dans le sens des considérants correspondant à ses conclusionsprincipales et plus spécialement ch. 2, ch. 3 limitée aux frais de justice depremière instance, ch. 4 limitée à l'indemnité de dépens de première instancede 2'800 fr. et ch. 5 (ch. 3). Bernard Ficher (le défendeur) propose le rejet du recours dans la mesure desa recevabilité, avec suite de frais et dépens. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursqui lui sont soumis (ATF 131 III 667 consid. 1 p. 668; 131 V 202 consid. 1). 1.1 Sous réserve de quelques points, le contenu des deux écritures dudemandeur est rigoureusement identique.Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral a qualifié d'abusif le procédéconsistant à déposer deux recours, dans des écritures certes distinctes, maisen mélangeant les griefs propres à une voie avec ceux propres à l'autre (ATF116 II 92 consid. 1; 115 II 396 consid. 2a). Il ne faut pas pour autant endéduire que deux recours sont irrecevables du seul fait qu'ils ont la mêmemotivation. Il ne sera pas entré en matière si les moyens tirés de laviolation du droit fédéral et ceux tirés de la violation de droitconstitutionnel sont exposés pêle-mêle. Tel est le cas lorsque les argumentsavancés à l'appui des deux recours apparaissent enchevêtrés les uns auxautres, peu compréhensibles ni logiquement ordonnés (arrêt 4P.227/2004 du 20janvier 2005, consid. 2 et l'arrêt cité). En présence de deux recours dont lamotivation est similaire, il convient ainsi d'examiner si, pour chaque actede recours, les moyens invoqués sont recevables dans le cadre de cette voiede droit et satisfont aux exigences de motivation qui y sont propres. Si laréponse est affirmative, le recours est recevable, quand bien même lerecourant reprend textuellement le même grief dans une autre écriture (ATF118 IV 293 consid. 2a). Le cas d'espèce semble à la limite de l'irrecevabilité au vu de lajurisprudence susmentionnée. Il n'est toutefois pas nécessaire de trancher laquestion, dès lors que, comme on le verra, les griefs invoqués sontmanifestement dépourvus de fondement. 1.2 Interjeté par le demandeur, qui a été partiellement débouté de sesconclusions condamnatoires, et dirigé contre un jugement final rendu endernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ), surune contestation civile dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme soumis à l'examen du Tribunal fédéralest en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile compte tenudes féries (art. 34 al. 1 let. c et 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises(art. 55 OJ). 1.3 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43al. 1 OJ). En revanche, il ne permet pas de se plaindre de la violationdirecte d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ), nide la violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c p. 252). Saisid'un tel recours, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique surla base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que desdispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il faillerectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63al. 2 OJ) ou compléter les constatations de l'autorité cantonale parce quecelle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués etclairement établis (art. 64 OJ). Dans la mesure où une partie recouranteprésente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décisionattaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions quiviennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 130III 102 consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4). Il ne peut être présenté degriefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuvenouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est pas ouvertpour remettre en cause l'appréciation des preuves et les constatations defait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4; 129 III 618 consid. 3). 2.Le demandeur reproche à la cour cantonale d'avoir méconnu la notion juridiquedu dommage. 2.1 Dire s'il y a eu dommage et quelle en est la quotité est une question defait qui lie le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme. C'est enrevanche une question de droit de dire si la notion juridique de dommage aété méconnue (ATF 130 III 145 consid. 6.2; 129 III 18 consid. 2.4 p. 23, 135consid. 4.2.1 p. 153). Le dommage juridiquement reconnu réside dans la diminution involontaire de lafortune nette; il correspond à la différence entre le montant actuel dupatrimoine du lésé et le montant qu'aurait ce même patrimoine si l'événementdommageable ne s'était pas produit. Le dommage peut se présenter sous laforme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'unenon-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif (ATF 129 III 18consid. 2.4 p. 23, 331 consid. 2.1 p. 332; 128 III 22 consid. 2e/aa, 180consid. 2d p. 184). 2.2 Reprenant une motivation presque entièrement similaire à celle présentéedans son recours de droit public, le demandeur reproche en substance à lacour cantonale d'avoir erré en partant du montant du bénéfice net, en ledivisant par la surface exploitée et en multipliant le résultat par lasurface non exploitée, puisque le bénéfice net varierait plus queproportionnellement au chiffre d'affaires. 2.3 En l'espèce, le demandeur avait droit à la différence entre le montant deson patrimoine avec et sans le dommage, soit le manque à gagner résultant dufait qu'il n'avait pas pu cultiver une surface de 56,4 ares objet du contratde bail à ferme. Or, le procédé suivi par la cour cantonale est conforme à ceprincipe. Celle-ci n'a donc pas méconnu la notion juridique de dommage. Commele défendeur le relève à juste titre, le demandeur avait d'ailleursmentionné, dans son recours de droit public, que "la cour civile a doncretenu à juste titre que Monsieur A.________ avait droit à une indemnisation.Cette dernière respecte la notion juridique du dommage déterminée par lajurisprudence reprise dans l'ATF 127 III 543 ci-après mais se trompe dans laquotité de ce dernier". Pour le surplus, en tant que la motivation dudemandeur consiste en une critique ayant trait à l'existence et à la quotitédu dommage, elle est irrecevable dans le cadre de son recours en réforme. Ilen va de même dans la mesure où elle repose sur des éléments qui neressortent pas de l'état de fait arrêté souverainement par la cour cantonale. 2.4 Il s'ensuit que l'arrêt attaqué ne consacre aucune violation du droitfédéral, de sorte que le recours doit être rejeté dans la mesure de sarecevabilité. 3.Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la chargedu demandeur, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du demandeur. 3.Le demandeur versera au défendeur une indemnité de 2'500 fr. à titre dedépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laIIe Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois. Lausanne, le 2 mai 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.27/2006
Date de la décision : 02/05/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-02;4c.27.2006 ?
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