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02/05/2006 | SUISSE | N°2A.60/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 mai 2006, 2A.60/2006


{T 0/2}2A.60/2006/DCE/fzc Arrêt du 2 mai 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Wurzburger, Juge présidant,Müller et Meylan, Juge suppléant.Greffier: M. Dubey. A. ________,B.________,C.________,D.________,recourants,tous les quatre agissant par X.________, représenté par Me Patrik Gruber,avocat, contre Service de la population et des migrants du canton de Fribourg, LesPortes-de-Fribourg,route d'Englisberg 11, 1763 Granges-Paccot,Tribunal administratif du canton de Fribourg, Ière Cour administrative, routeAndré-Piller 21,case postale, 1762 Givisiez. regroupement familial, recours de

droit administratif contre l'arrêt de la Ière Cour adm...

{T 0/2}2A.60/2006/DCE/fzc Arrêt du 2 mai 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Wurzburger, Juge présidant,Müller et Meylan, Juge suppléant.Greffier: M. Dubey. A. ________,B.________,C.________,D.________,recourants,tous les quatre agissant par X.________, représenté par Me Patrik Gruber,avocat, contre Service de la population et des migrants du canton de Fribourg, LesPortes-de-Fribourg,route d'Englisberg 11, 1763 Granges-Paccot,Tribunal administratif du canton de Fribourg, Ière Cour administrative, routeAndré-Piller 21,case postale, 1762 Givisiez. regroupement familial, recours de droit administratif contre l'arrêt de la Ière Cour administrativedu Tribunal administratif du canton de Fribourg du 20 décembre 2005. Faits: A.Ressortissant guinéen, X.________ est entré en Suisse dans le canton de Bâlele 26 septembre 1999. Le 1er octobre 1999, il y a épousé Y.________, denationalité suisse, qui avait travaillé comme pharmacienne en Guinée.Autorisé en 2002 à prendre domicile avec son épouse dans le canton deFribourg, il a obtenu la nationalité suisse le 10 décembre 2003. Le 30 juin 2004, issus d'un premier mariage de X.________, les enfantsA.________, né en 1985, B.________, née en 1988, C.________, né en 1991 etD.________, née en 1994, ont déposé une demande de regroupement familial.Après avoir donné aux époux X.________ la possibilité de se déterminer etprocédé à diverses mesures d'instruction, notamment sur les risquesd'excision encourus par les deux filles dans leur pays d'origine, le Servicede la population et des migrants du canton de Fribourg (ci-après: le Servicecantonal) a, par décision du 24 août 2005, rejeté la demande. B.Par arrêt du 20 décembre 2005, le Tribunal administratif du canton deFribourg a rejeté le recours déposé par X.________ au nom de ses enfantscontre la décision du 24 août 2005. Il a considéré en substance que, âgé deplus de dix-huit ans au moment du dépôt de sa demande, le fils aîné,A.________, ne pouvait se prévaloir ni de l'art. 17 al. 2 LSEE, ni de l'art.8 CEDH; quant aux trois autres enfants, leur centre de vie avait toujours étésitué dans leur pays d'origine, où ils avaient été élevés par leur mère,respectivement par leur tante, puis, désormais, par leur oncle, frère cadetde X.________; ce dispositif de garde librement choisi durant des années nepouvait être modifié sans raisons importantes; or, les intéressés n'avaientnullement démontré que des changements de circonstances rendraientnécessaires un regroupement familial; ils n'avaient pas davantage établi queseule la venue des deux filles en Suisse pourrait les préserver du risqued'excision. C.Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________,B.________, C.________ et D.________ demandent au Tribunal fédéral sous suitede frais et dépens d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif du 20 décembre2005 et de dire qu'un permis de séjour au titre du regroupement familial leurest octroyé. Le Tribunal administratif conclut au rejet du recours. Le Service cantonal seréfère à ses observations et aux considérants de l'arrêt déféré, sans prendrede conclusions expresses. L'Office fédéral des migrations propose le rejet durecours. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et avec plein pouvoir d'examen larecevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 131 Il 58 consid. 1 p. 60). 1.1 Selon l'art. 100 al. 1 lit. b ch. 3 OJ, le recours de droit administratifest irrecevable contre l'octroi ou le refus d'autorisations auxquelles ledroit fédéral ne confère pas un droit. Les autorités compétentes statuentlibrement, dans le cadre des prescriptions légales et des traités avecl'étranger, sur l'octroi de l'autorisation de séjour ou d'établissement (art.4 de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers: LSEE; RS142.20). En principe, l'étranger n'a pas de droit à l'octroi d'uneautorisation de séjour; le recours de droit administratif n'est donc pasrecevable, à moins que puisse être invoquée une disposition particulière dudroit fédéral ou d'un traité accordant le droit à la délivrance d'une telleautorisation. Selon l'art. 17 al. 2 LSEE, les enfants célibataires âgés de moins dedix-huit ans ont le droit d'être inclus dans l'autorisation d'établissementde leurs parents aussi longtemps qu'ils vivent avec ceux-ci. Cettedisposition est applicable par analogie lorsque le parent du droit deprésence duquel doit être déduit un droit au regroupement familial possède,comme en l'espèce, la nationalité suisse. Au moment de la demande deregroupement familial, seuls les trois cadets n'avaient pas atteint l'âge dedix-huit ans; or, selon la jurisprudence, c'est la date de dépôt de lademande qui est déterminante à cet égard (ATF 129 II 249 consid. 1.2. p. 252,et les arrêts cités). Le recours est donc recevable sous cet angle en ce quiconcerne les trois cadets. Un étranger peut, selon les circonstances, se prévaloir du droit au respectde sa vie privée et familiale garanti par l'art. 8 par. 1 de la Conventioneuropéenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentalesdu 4 novembre 1950 (CEDH; RS 0.101) pour s'opposer à l'éventuelle séparationde sa famille et obtenir ainsi une autorisation de séjour. Encore faut-il,pour pouvoir invoquer cette disposition, que la relation entre l'étranger etune personne de sa famille ayant le droit de s'établir en Suisse (en principenationalité suisse ou au bénéfice d'une autorisation d'établissement) soitétroite et effective (ATF 129 Il 215 consid. 4, p. 218-219). L'art. 13 Cst.,qui garantit lui aussi la protection de la vie privée et la vie de famille neconfère pas de droits plus étendus que l'art. 8 CEDH (ATF 126 II 377 consid.7 p. 394). II est constant que X.________ entretient avec ses enfants unerelation effectivement vécue. Les trois cadets sont actuellement encoremineurs. Ils sont donc habiles à se prévaloir également de cette disposition(ATF 129 Il 249 consid. 1.2 p. 252). Quant à l'aîné, il ne peut, à l'inverse, se prévaloir ni de l'art. 17 al. 2LSEE, ni, à plus forte raison, de l'art. 8 CEDH. C'est en particulier en vainqu'il se prévaut du fait que, selon le droit guinéen, il est encore mineur. Ason avis, selon l'art. 82 de la loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droitinternational privé (LIDP; RS 291), le droit guinéen serait seul déterminantsur ce point, de sorte que le bénéfice de l'art. 8 CEDH ne saurait lui êtrerefusé. L'art. 82 LIDP concerne en premier lieu les rapports de droit privé;son application ne saurait être étendue sans autre examen à des rapports dedroit public. Il apparaît, à cet égard, que l'art. 8 CEDH doit être appliquéde manière uniforme à l'ensemble des étrangers, quelle que soit leur origine.Le bénéfice de cette disposition ne saurait être accordé ou refusé selon lamanière dont le pays d'origine fixe l'âge de la majorité. Seul le droitsuisse est par conséquent déterminant. II s'ensuit que le recours estirrecevable en tant qu'il est formé par l'aîné des quatre enfants, majeur auregard du droit suisse. 1.2 D'après l'art. 104 OJ, le recours de droit administratif peut être formépour violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoird'appréciation (lit. a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplètedes faits pertinents, sous réserve de l'art. 105 al. 2 OJ (lit. b). LeTribunal fédéral vérifie d'office l'application du droit fédéral, qui englobenotamment les droits constitutionnels des citoyens, sans être lié par lesmotifs invoqués par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ). En revanche,lorsque, comme ici, le recours est dirigé contre la décision d'une autoritéjudiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans cettedécision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets, ou s'ils ontété établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 105 al. 2OJ). La possibilité de faire valoir des faits nouveaux ou de nouveaux moyensde preuve est alors très restreinte. Seules sont admissibles les preuves quel'instance inférieure aurait dû retenir d'office et dont le défautd'administration constitue une violation de règles essentielles de procédure(ATF 131 II 548 consid. 2.4 p. 551; 128 II 145 consid. 1.2.1 p. 150). Enparticulier, les modifications ultérieures de l'état de fait ne peuventnormalement pas être prises en considération, car on ne saurait reprocher àune autorité d'avoir mal constaté les faits, au sens de l'art. 105 al. 2 OJ,lorsque ceux-ci ont changé après sa décision (ATF 130 II 493 consid. 2 p.497; 128 II 145 consid. 1.2.1 p. 150). En outre le Tribunal fédéral ne peutpas revoir l'opportunité de l'arrêt entrepris, le droit fédéral ne prévoyantpas un tel examen en la matière (art. 104 lit. c ch. 3 OJ). 2.2.1Le but visé par le regroupement familial est de permettre le maintien oula reconstitution d'une communauté familiale complète entre les deux parentset leurs enfants communs. En pareil cas, l'art. 17 al. 2 confère un droit auregroupement familial qui n'est subordonné à aucune condition particulière,sous la seule réserve de l'abus de droit. Il en va différemment lorsque lesparents vivent séparés, l'un en Suisse et l'autre dans un Etat tiers, et quele parent vivant en Suisse a pris librement la décision de gagner seul cepays et de laisser les enfants à charge de l'autre parent. En pareil cas, ilne peut être prétendu à un regroupement familial avec le parent vivant enSuisse que si celui-ci entretient avec ses enfants une relation familialeprépondérante ou s'il existe des raisons impératives qui dictent un transfertde prise en charge en faveur de ce parent. (ATF 129 Il 249 consid. 2.1 p.252-252). Ces principes doivent être appliqués par analogie lorsque l'enfant vivant àl'étranger n'a pas été laissé à la charge de son parent proprement dit, maisà des membres de sa proche famille (grands-parents, frères et soeurs plusâgés, etc.; ATF 129 II 11 consid. 3.1.4 p. 15 et les références citées). Dansune telle situation, le parent établi en Suisse dispose d'un droit à fairevenir son enfant, sous réserve d'un abus, lorsqu'il a déjà vécu en communautéfamiliale avec lui, qu'il assume de manière effective le rôle éducatif enprincipe joué par les deux parents - en dépit de la prise en chargetemporaire de l'enfant par des tiers -, et qu'il entend vivre avec l'enfantou qu'il a manifestement aménagé sa vie de manière à se réserver cettepossibilité (ATF 129 II 11 consid. 3.3.1 p. 16). Lorsque ces conditions nesont pas réunies, le parent ne peut demander ultérieurement le regroupementfamilial - à l'instar d'un parent séparé ou divorcé - que si des motifssérieux commandent de modifier la prise en charge éducative de l'enfant. Detels motifs ne doivent pas être admis de manière trop large (ATF 129 II 11consid. 3.3.2 p. 16). 2.2 En l'espèce, X.________ a pris librement la décision de venir seul enSuisse. Il soutient vainement avoir depuis lors maintenu une relationprépondérante avec eux. Il est au contraire constant que ces enfants ont étéconfiés à divers membres de la famille. Il est certes vrai que, à cet égard,le dossier contient des informations contradictoires. Un rapport de police du13 mai 2003 affirme que les trois aînés sont domiciliés chez leur mère, et lacadette chez sa tante maternelle. Dans une lettre au Service cantonal datéedu 7 mai 2004, les époux X.________ précisaient, quant à eux, que A.________vivait chez son oncle Z.________ à Conakry et y suivait une école privée; queB.________ et C.________ vivaient chez leur mère, à Coyah, suivaient uninternat à Manéah et rentraient à Coyah le week-end et les vacances; et queD.________ vivait chez sa tante maternelle à Fria où elle était scolarisée.Dans un courrier ultérieur, daté du 28 juillet 2004, ils précisent que lesenfants se trouvent désormais tous rassemblés chez Z.________. Par la suite,ils ont tenté de minimiser l'importance de la relation entretenue par lesenfants avec ces divers membres de leur parenté, allant même jusqu'à soutenirqu'aucun des enfants n'avait jamais vécu chez la mère. Mais dans la mesure oùle Tribunal administratif s'est fondé sur les premières déclarations desépoux X.________, il ne saurait être question d'admettre qu'il a, à cetégard, établi les faits de manière manifestement inexacte et les recourantssont mal venus à le lui reprocher. Quoi qu'il en soit, ceux-ci ne démontrentnullement que, quoiqu'ils aient été confiés à divers membres de leur parenté,quels qu'ils soient, c'est leur père qui, à distance, aurait totalementassumé la charge de leur éducation, autrement dit qu'il serait régulièrementintervenu dans leur existence au quotidien, en prenant et en dictant lesdécisions qui s'imposaient au fur et à mesure que la nécessité s'en faisaitsentir. Il est certes constant qu'il a entretenu des contacts téléphoniquesréguliers avec ses enfants, mais cela ne suffit pas à fonder une relationprépondérante au sens de la jurisprudence. Il n'est au demeurant pas alléguéet encore moins démontré que, depuis son arrivée en Suisse, X.________ seserait rendu en Guinée pour y visiter ses enfants, quand bien même,bénéficiant par son mariage d'un droit de présence consolidé dans notre pays,rien ne l'en aurait a priori empêché. Il reste donc à examiner si des circonstances particulières requièrentimpérativement un transfert au recourant de la prise en charge de sesenfants. Rien dans le dossier ne permet cependant de retenir que tel seraitle cas. Les recourants eux-mêmes n'allèguent aucun élément d'où ilressortirait que la prise en charge organisée lors du départ pour la Suissede X.________ aurait cessé de fonctionner et pour quelles raisons, ou que lesystème ainsi mis en place s'avérerait désormais hautement préjudiciable pourla santé psychique de ces enfants. Les recourants invoquent, certes, le risque d'excision auquel seraientexposées les deux filles. Bien loin d'ignorer ce problème, le Tribunaladministratif a au contraire instruit ce point de manière approfondie. Il enrésulte que, de manière générale, l'existence d'un tel risque ne saurait êtreniée. S'agissant des deux recourantes, ce risque paraît cependant pouvoirêtre minimisé. En procédure cantonale de recours, les recourants affirmaienteux-mêmes que les deux filles ne couraient aucun danger tant qu'elles étaienten internat, le risque ne devenant réel que pendant les périodes de vacances.Force est cependant de constater que, même pendant les vacances, notammentcelles de Noël 2004 que les recourants disaient particulièrement redouter, cerisque ne s'est pas matérialisé. Il appert au demeurant, comme déjà relevé,que depuis son arrivée en Suisse en 1999, le père ne s'est jamais rendu enGuinée, même pas pendant les vacances de ses enfants, ce qui tendrait àmontrer qu'à ses yeux le risque n'était peut-être pas aussi grave qu'il neveut bien le dire maintenant. Enfin, pour éliminer définitivement ce risque,il resterait en dernière extrémité la possibilité pour les époux X.________de retourner vivre en Guinée auprès des recourants, dans la mesure où, commeil résulte du dossier, Y.________
a elle-même vécu plus de quatre ans dans cepays et y a travaillé en qualité de pharmacienne. X.________ affirme certesqu'en cas de retour dans son pays, d'origine, il serait exposé à desreprésailles, son émigration n'ayant pas été vue d'un bon oeil parl'administration locale, et que ces représailles pourraient se traduire pardes atteintes à sa liberté ou à son intégrité corporelle. Présentée pour lapremière fois devant le Tribunal fédéral, cette allégation est cependantirrecevable; elle n'est au demeurant étayée par aucun commencement de preuve. Dans ces conditions, en confirmant le refus du regroupement familialsollicité par les recourants, la Cour cantonale n'a en rien violé le droitfédéral. 3.Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesureoù il est recevable. Succombant, les recourants doivent supporter, solidairement entre eux, unémolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ). IIs n'ont pas droit à des dépens(art. 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 2'500 fr. est mis à la charge des recourants,solidairement entre eux. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, auService de la population et des migrants et à la Ière Cour administrative duTribunal administratif du canton de Fribourg, ainsi qu'à l'Office fédéral desmigrations. Lausanne, le 2 mai 2006 Au nom de la IIe Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le Juge présidant: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.60/2006
Date de la décision : 02/05/2006
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-02;2a.60.2006 ?
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