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01/05/2006 | SUISSE | N°1P.829/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 01 mai 2006, 1P.829/2005


{T 0/2}1P.829/2005 /col Arrêt du 1er mai 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Aemisegger, juge présidant,Fonjallaz et Eusebio.Greffier: M. Rittener. A. ________,recourant, représenté par Me Yaël Hayat, avocate, contre Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Cour de cassation du canton de Genève,case postale 3108, 1211 Genève 3. opposition à un jugement rendu par défaut, recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton deGenève du 11 novembre 2005. Faits: A.Le 17 juillet 2002, A.________ a été inculpé de vol et d'abu

s de confiancepar le Juge d'instruction du canton de Genève; il a...

{T 0/2}1P.829/2005 /col Arrêt du 1er mai 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Aemisegger, juge présidant,Fonjallaz et Eusebio.Greffier: M. Rittener. A. ________,recourant, représenté par Me Yaël Hayat, avocate, contre Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Cour de cassation du canton de Genève,case postale 3108, 1211 Genève 3. opposition à un jugement rendu par défaut, recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton deGenève du 11 novembre 2005. Faits: A.Le 17 juillet 2002, A.________ a été inculpé de vol et d'abus de confiancepar le Juge d'instruction du canton de Genève; il a été remis en liberté àl'issue de l'audience qui s'est tenue le même jour. Le 5 mars 2003, il a étéinculpé, à titre complémentaire, d'abus de confiance, d'escroquerie, degestion déloyale et de faux dans les titres. Il s'est présenté à toutes lesaudiences d'instruction, mais il n'était pas présent à l'audience qui s'esttenue le 28 septembre 2004 devant la Chambre d'accusation du canton deGenève, au cours de laquelle son renvoi en jugement devant la Courcorrectionnelle a été ordonné. L'ordonnance de renvoi en jugement lui a éténotifiée.Le 1er décembre 2004, A.________ a reçu une convocation pour l'audience fixéeau 18 janvier 2005 devant la Cour correctionnelle du canton de Genève.N'étant plus assisté, il a consulté un avocat et a convenu avec celui-ci d'unrendez-vous pour le 9 décembre 2004. Cet avocat a manqué ce premierrendez-vous, qui a été reporté au 14 janvier 2005. A cette date, A.________ aété reçu par l'avocat précité et l'un de ses associés, auxquels il a exposéqu'il serait en déplacement professionnel au Liban le 18 janvier 2005. Il achargé ses mandataires de solliciter le renvoi de l'audience, ce que cesderniers ont fait le jour même.Persuadé que cette requête serait acceptée et conforté dans cette idée parses avocats, A.________ a quitté la Suisse avant même d'obtenir une réponsede la Cour correctionnelle à ce sujet. Celle-ci a rejeté la requête de renvoile 17 janvier 2005, alors que A.________ se trouvait au Liban, dansl'impossibilité de revenir à temps pour l'audience du lendemain. Le 18janvier 2005, l'audience de la Cour correctionnelle s'est tenue en l'absencede l'accusé, qui n'a pas été représenté par ses conseils. En effet, l'un deceux-ci s'est rendu compte, au cours des débats, qu'aucun d'eux ne pouvaientassurer la défense de A.________ en raison d'un conflit d'intérêts. Statuantpar défaut, la Cour a condamné A.________ à une peine complémentaire de vingttrois mois et cinq jours d'emprisonnement pour faux dans les titres et abusde confiance. B.Le 15 février 2005, A.________ a formé opposition contre cet arrêt,conformément à l'art. 331 du code de procédure pénale genevois (CPP/GE). Ilexposait en substance que son défaut à l'audience du 18 janvier était dû àune erreur de sa part, dans laquelle il a été conforté par ses avocats. Pararrêt du 2 août 2005, la Chambre pénale de la Cour de justice du canton deGenève a rejeté l'opposition, considérant que l'accusé s'était placéfautivement dans l'incapacité de participer à l'audience de jugement.Invoquant une violation de l'interdiction de l'arbitraire et des règles de labonne foi, A.________ a déposé un pourvoi devant la Cour de cassation ducanton de Genève (ci-après: la Cour de cassation), qui l'a rejeté par arrêtdu 11 novembre 2005. En substance, la Cour de cassation a considéré queA.________ s'était placé volontairement dans la situation de ne pas pouvoircomparaître en personne à l'audience du 18 janvier 2005. C.Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande auTribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Il invoque une application arbitraire(art. 9 Cst.) des règles cantonales de procédure et se plaint d'une violationde l'art. 6 CEDH. La Cour de cassation a renoncé à formuler des observations.Le Procureur général du canton de Genève s'est déterminé; il conclut au rejetdu recours. A.________ a renoncé à présenter des observationscomplémentaires. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recours de droit public est formé contre un arrêt final rendu en dernièreinstance cantonale, pour violation de droits constitutionnels (art. 84 al. 1let. a et 86 al. 1 OJ). Le recourant est directement touché par l'arrêtattaqué, qui confirme le rejet de son opposition à un jugement le condamnantpar défaut à une peine d'emprisonnement de près de deux ans; il a doncqualité pour contester ce prononcé (art. 88 OJ). Les autres conditions derecevabilité étant réunies, il convient d'entrer en matière. 2.Le recourant soutient que l'arrêt attaqué violerait l'art. 6 CEDH (ci-après:la Convention) et reposerait sur une application arbitraire de l'art. 331 al.1 CPP/GE, aux termes duquel le condamné par défaut peut faire opposition aujugement s'il justifie que, sans sa faute, il n'a pu connaître la citation ouse présenter aux débats. 2.1 Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., nerésulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer enconsidération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral nes'écarte de la solution retenue en dernière instance cantonale que si elleest manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principejuridique clair et indiscuté ou si elle heurte de manière choquante lesentiment de la justice ou de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation dela décision soit insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dansson résultat (ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219, 57 consid. 2 p. 61; 129 I 173consid. 3.1 p. 178; 128 I 273 consid. 2.1 p. 275). 2.2 L'accusé a le droit d'être jugé en sa présence. Cette faculté découle del'objet et du but de l'art. 6 CEDH, considéré dans son ensemble (ATF 127 I213 consid. 3a p. 215; arrêt de la Cour européenne des droits de l'hommeColozza c. Italie, du 12 février 1985, Série A, vol. 89, par. 27) ainsi quede l'art. 29 al. 2 Cst. qui consacre le droit d'être entendu (ATF 129 II 56consid. 6.2 p. 59; 117 Ib 337 consid. 5a p. 343). Ce droit n'est toutefoispas absolu; la Constitution et la Convention ne s'opposent pas à ce que lesdébats aient lieu en l'absence de l'accusé, lorsque celui-ci refuse d'yparticiper ou lorsqu'il se place fautivement dans l'incapacité de le faire(ATF 129 II 56 consid. 6.2 p. 59 s. et les arrêts cités; arrêts de la Coureuropéenne des droits de l'homme Medenica c. Suisse du 14 juin 2001, par. 58;Poitrimol c. France du 23 novembre 1993, Série A, vol. 277A, par. 35). Si lefardeau de la preuve à ce propos ne peut lui être imposé, on peut en revancheattendre du condamné par défaut qu'il allègue, dans les formes et délaisprescrits, les faits qui l'ont empêché de se présenter (ATF 126 I 36 consid.1b p. 39 s. et les références). Déterminer si l'absence du défaillant lui estimputable à faute, compte tenu des circonstances dûment constatées, est unequestion de droit inhérente à l'application de la Convention, que le Tribunalfédéral examine librement. A cet égard, il faut considérer l'absence commevalablement excusée non seulement en cas de force majeure (impossibilitéobjective de comparaître), mais également en cas d'impossibilité subjective,due à des circonstances personnelles ou à une erreur non imputable audéfaillant (ATF 127 I 213 consid. 3a p. 216; 126 I 36 consid. 1b p. 39; 96 II262 consid. 1a p. 265; 85 II 145).L'art. 331 al. 1 CPP/GE est conforme à ces principes en tant qu'il subordonnela tenue d'un nouveau procès à l'absence non fautive de l'accusé aux débats;en revanche, pour être compatible avec l'art. 6 CEDH, cette disposition doitêtre interprétée en ce sens que le fardeau de la preuve de l'absenceinjustifiée incombe à l'autorité et non à l'opposant (cf. arrêt 1P.531/1999du 7 décembre 1989 consid. 2b cité par Harari/Roth/Sträuli, Chronique deprocédure pénale genevoise, in SJ 1990 p. 468; Dominique Poncet/BernhardSträuli, Suspension des débats, renvoi des débats et défaut, in: Festschriftfür Niklaus Schmid zum 65. Geburtstag, Zurich 2001, p. 684 s.). 3.3.1En l'espèce, le recourant soutient qu'il a été induit en erreur par laconvocation à l'audience de la Cour correctionnelle, en raison de la présenceau verso de ce document du libellé de l'art. 280 CPP/GE, formulé comme suit:Demande de renvoi: 1La requête de l'accusé ou du procureur général tendant aurenvoi d'une cause à une session ultérieure doit être présentée, oralement oupar écrit, avant l'ouverture des débats, pour tous les motifs antérieurs àcelle-ci.2La cour statue après avoir entendu les parties et leurs conseils.Le recourant ne saurait être suivi lorsqu'il affirme qu'une interprétationlittérale de cette disposition permet de penser qu'une suite favorable seranécessairement donnée à la requête de renvoi. En effet, l'absence de"restriction" dans le libellé de cette norme ne permet pas de conclure qu'ils'agirait d'une simple formalité à remplir pour que le renvoi soit ordonnésystématiquement. Il ressort au contraire du texte clair de l'art. 280 CPP/GEque le requérant doit alléguer des motifs tendant au renvoi, sur lesquels lacour devra statuer, soit en admettant la requête, soit en la rejetant. Laconvocation à l'audience ne crée donc pas une apparence trompeuse qui auraitinduit le recourant en erreur sans sa faute et qui lui permettrait debénéficier du droit à la protection de la bonne foi. 3.2 Le fait que le recourant n'était pas assisté d'un avocat lorsqu'il a reçula convocation n'y change rien, dans la mesure où il n'appartenait qu'à luide consulter un homme de loi, ce qu'il a d'ailleurs fait rapidement enconvenant d'un premier rendez-vous pour le 9 décembre 2004. A cet égard, ilest seul responsable de n'avoir pas questionné ses avocats au sujet du renvoide l'audience avant le 14 janvier 2005, ou de s'être abstenu de mandater unautre défenseur qui aurait pu le recevoir plus tôt afin de le renseigner àtemps. Cette négligence est d'autant moins excusable que le recourant nepouvait qu'être conscient de l'importance des charges retenues contre lui. Demême, il a fait preuve d'une grande légèreté en partant pour l'étranger avantmême d'avoir obtenu une réponse à sa requête, prenant ainsi délibérément lerisque de ne pouvoir rentrer à temps en cas de refus. 3.3 Le recourant reproche également à l'autorité attaquée de lui fairesupporter la faute commise par ses avocats. Certes, comme cela ressort deleur courrier du 15 février 2005, ces derniers ont reconnu avoir conforté lerecourant dans l'idée que l'audience de la Cour correctionnelle seraitrenvoyée. Il n'en demeure pas moins que la faute des avocats précités estopposable à leur client (cf. arrêt 1P.485/1999 du 18 octobre 1999 consid. 4,publié in SJ 2000 p. 118; ATF 114 II 181 consid. 2 p. 182 , 110 Ib 94 consid.2 p. 95). Au demeurant, comme cela ressort du considérant précédent, lerecourant a lui-même commis une faute en faisant preuve d'une grandenégligence et il ne saurait se décharger de sa responsabilité sur sesdéfenseurs. 3.4 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que c'est à bon droit quel'autorité attaquée a retenu que le recourant s'était placé fautivement dansl'incapacité de participer aux débats de la Cour correctionnelle. L'art. 331CPP/GE a donc été appliqué sans arbitraire et l'art. 6 CEDH a été respecté,de sorte que ce grief doit être rejeté. 4.Enfin, le recourant se demande si une simple négligence suffit à justifier lerejet de son opposition. Il se contente toutefois de mentionner cettequestion, sans formuler de grief clair à cet égard. De plus, il semblereprocher à l'autorité attaquée d'avoir omis d'examiner ce problème, mais nese prévaut pas d'une violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2Cst.); or, il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'examiner cette questiond'office (art. 90 al. 1 let. b OJ). Ce moyen est donc irrecevable. 5.Il s'ensuit que le recours de droit public doit être rejeté, dans la mesureoù il est recevable. Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais dela présente procédure (art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire du recourant, auProcureur général et à la Cour de cassation du canton de Genève. Lausanne, le 1er mai 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le juge présidant: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.829/2005
Date de la décision : 01/05/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-05-01;1p.829.2005 ?
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