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28/04/2006 | SUISSE | N°4P.243/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 avril 2006, 4P.243/2005


{T 0/2}4P.243/2005 /ech4C.301/2005 Décision incidentedu 28 avril 2006Ire Cour civile M. et Mmes les Juges Raselli, Président,Escher et Hohl.Greffier: M. Braconi. A. ________, requérante, représentée par Me Mohamed Mardam Bey, contre la banque X.________ SA,opposante, représentée par Me Bernard Haissly,Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,1211 Genève 3. art. 23 let. c OJ; récusation, révision des arrêts du Tribunal fédéral du 2 mai 2005 (4P.277/2004 et4C.459/2004). Faits: A.Le 26 mars 1996, A.________ a ouvert action contre la banque X.______

__ SA enpaiement de la somme de 1'130'900 US$ 50 plus intérêt...

{T 0/2}4P.243/2005 /ech4C.301/2005 Décision incidentedu 28 avril 2006Ire Cour civile M. et Mmes les Juges Raselli, Président,Escher et Hohl.Greffier: M. Braconi. A. ________, requérante, représentée par Me Mohamed Mardam Bey, contre la banque X.________ SA,opposante, représentée par Me Bernard Haissly,Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,1211 Genève 3. art. 23 let. c OJ; récusation, révision des arrêts du Tribunal fédéral du 2 mai 2005 (4P.277/2004 et4C.459/2004). Faits: A.Le 26 mars 1996, A.________ a ouvert action contre la banque X.________ SA enpaiement de la somme de 1'130'900 US$ 50 plus intérêts; elle reprochait, ensubstance, à la banque de lui avoir causé un dommage à la suite d'uneviolation de son devoir de diligence dans le cadre de l'exécutiond'opérations financières. Statuant le 8 janvier 2004 - après un renvoi de l'affaire -, le Tribunal depremière instance de Genève a condamné la défenderesse à payer à lademanderesse la somme de 39'373 US$ 50, plus intérêts à 5% l'an dès le 19février 1996. La Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève aconfirmé cette décision le 8 octobre suivant. Par arrêts du 2 mai 2005, la Ire Cour civile du Tribunal fédéral a rejetétant le recours de droit public (cause 4P.277/2004) que le recours en réforme(cause 4C.459/2004) interjetés par la demanderesse. B.Le 14 septembre 2005, A.________ a demandé la révision de ces deux décisionssur la base, respectivement, de l'art. 136 let. d OJ et de l'art. 136 let. cet d OJ. Ayant appris que les dossiers avaient été attribués à la Ire Cour civile«siégeant dans une composition strictement identique à celle ayant statuédans les arrêts dont la révision est requise», la prénommée a sollicité, le17 janvier 2006, la récusation du président de ladite cour (M. le JugeCorboz), du juge rapporteur (M. le Juge Favre) et de la greffière (MmeCornaz), ainsi que des trois autres membres (Mmes les Juges Klett et Kiss etM. le Juge Nyffeler) au cas où ils déclareraient se «solidariser avec lecontenu des motifs des deux arrêts incriminés». Invités par le seul juge dela cour dont la récusation n'avait pas été réclamée (i.e. Mme la JugeRottenberg Liatowitsch) à se déterminer, toutes les personnes mises en causeont contesté - expressément ou implicitement - le cas de récusation. Le 17février 2006, Mme la Juge Rottenberg Liatowitsch s'est récusée et a transmisle dossier à la IIe Cour civile. Le 20 février 2006, la requérante s'est exprimée sur les déterminations desJuges Corboz, Klett et Favre. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Les causes de récusation prévues par les art. 22 et 23 OJ ne peuvent êtreinvoquées qu'à l'encontre de juges déterminés, à l'exclusion du Tribunalfédéral ou de ses sections en tant que tels (ATF 105 Ib 301 consid. 1a p.302/303 et les références citées; Poudret, COJ I, n. 1.2 ad Chap. II). Encorequ'elle vise pratiquement tous les membres de la Ire Cour civile, la demandeest recevable sous cet angle. 2.La demande est fondée sur l'art. 23 let. c OJ, qui prévoit la récusation desjuges et des greffiers s'il existe des circonstances de nature à leur donnerl'apparence de prévention dans le procès. Conformément à la note marginale decette disposition, il s'agit là d'un cas de récusation facultative, et nonobligatoire. Selon la jurisprudence constante, il faut qu'il y ait des circonstances quijustifient objectivement la méfiance; celle-ci ne saurait reposer sur le seulsentiment subjectif d'une des parties; un tel sentiment ne peut être pris enconsidération que s'il s'appuie sur des faits concrets et si ces faits sont,en eux-mêmes, de nature à expliquer objectivement et raisonnablement unpareil sentiment chez une personne qui réagit de manière normale (ATF 111 Ia259 consid. 3a p. 263; Poudret, op. cit., n. 5.2 ad art. 23 OJ et lesréférences citées; idem, pour les art. 6 § 1 CEDH et 30 al. 1 Cst.: ATF 131 I24 consid. 1.1 p. 25). En outre, un risque de prévention ne doit pas êtreadmis trop facilement, sous peine de compromettre le fonctionnement normaldes tribunaux (ATF 105 Ia 157 consid. 6a p. 163). D'après la jurisprudence,la participation d'un même juge à la décision au fond, puis à la procédure derévision, ne viole pas la garantie du juge impartial découlant des art. 6 § 1CEDH et 30 al. 1 Cst. (ATF 114 Ia 50 consid. 3d p. 58; 113 Ia 62 consid. 3bp. 64); cette pratique est aussi suivie par le Tribunal fédéral (ATF 96 I 279consid. 2 p. 280). 3.La requérante fait valoir, en substance, que ses soupçons de partialitéreposent sur des manquements graves et répétés, systématiquement à sondétriment, à des principes fondamentaux de procédure commis lors de l'examende ses deux recours. S'agissant du recours de droit public, elle reproche àla Ire Cour civile de ne pas s'être penchée sur le grief tiré d'uneretranscription incomplète des aveux de B.________, qui aurait reconnu avoiragi sans mandat dès novembre 1994, et d'avoir retenu que le prénommé n'avaitpas été licencié avec effet immédiat pour justes motifs, ni perpétréd'infraction pénale; en outre, la mauvaise foi et les procédés déloyaux dontla banque s'est rendue coupable, en particulier sous l'angle des art. 306 et307 CP, n'ont pas suscité le moindre commentaire ou réprobation, ce quisuffirait déjà en soi à justifier une suspicion légitime de prévention;aucune ligne n'est, au surplus, consacrée aux preuves attestant que lespertes financières dont le remboursement est réclamé trouvent leur fondementdans des opérations passées au début décembre 1994 et comptabilisées quatremois plus tard, non plus qu'à l'engagement verbal pris par B.________d'extourner la totalité des transactions qui ont été exécutées entre décembre1994 et juin 1995 pour résorber les pertes; enfin, la pièce confirmant laréclamation d'intérêt compensatoire de 6% par an (recte: 9%) n'a pas étéexaminée. Quant au recours en réforme, les magistrats récusés ont omis dereproduire l'état de fait déterminant qui figure dans la décision cantonaleen relation avec les conclusions de l'expertise; il s'agit là d'une violationsérieuse de l'art. 63 al. 2 OJ, dès lors que le contenu d'une expertise estune constatation de fait qui eût dû guider le raisonnement juridique duTribunal fédéral. 3.1 Selon la jurisprudence, des décisions ou des actes de procédure viciés,voire arbitraires, ne fondent pas en soi une apparence objective deprévention. En effet, de par son activité, le juge est contraint de seprononcer sur des éléments souvent contestés et délicats; même si elles serévèlent ensuite erronées, des mesures inhérentes à l'exercice normal de sacharge ne permettent pas encore de le suspecter de parti pris. En déciderdifféremment, reviendrait à affirmer que tout jugement erroné, voirearbitraire, serait le fruit de la partialité du juge, ce qui estinadmissible. Partant, seules des erreurs particulièrement lourdes ourépétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat,peuvent justifier la suspicion de partialité, autant que les circonstancesjustifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention (sur cesprincipes: ATF 125 I 119 consid. 3e p. 124; 116 Ia 14 consid. 5b p. 20, 135consid. 3a p. 138; 113 Ia 407 consid. 2b p. 410; 111 Ia 259 consid. 3b/aa p.264). 3.2 D'emblée, il faut préciser que le fait que les juges ayant déposé desobservations - en l'occurrence, le Président Corboz et les Juges Favre etKlett - n'ont pas pris position sur les «innombrables» vices de procéduredénoncés - «subterfuge» qui serait «symptomatique de leur manqued'impartialité» - ne saurait en aucune manière être interprété comme unereconnaissance, même implicite, des griefs contenus dans la requête derécusation. Ces déterminations ont pour but de recueillir des explicationssur le motif de récusation (cf. art. 25 al. 2 OJ) - ici l'apparence deprévention -, non de provoquer un nouveau débat sur le fond de l'affaire. Acela s'ajoute que la requérante, bien qu'elle s'en défende, soulève au titrede la «violation du droit d'être entendu» des moyens qu'elle fonde surl'inadvertance manifeste (art. 136 let. d OJ; à ce sujet: ATF 115 II 399)dans sa demande de révision (retranscription incomplète des aveux deB.________, son licenciement et son infraction de gestion déloyale; mauvaisefoi de la banque; retard dans l'enregistrement des transactions litigieuses;etc.), alors même que les deux voies qu'elle a successivement empruntées pourse plaindre des arrêts en cause sont foncièrement différentes. Sous le couvert d'«innombrables» défauts de procédure, la requérante discute,en réalité, le bien-fondé des décisions incriminées. Une telle démarche estvaine. La voie de la récusation a pour but d'examiner si le jugement critiquéa été rendu au mépris du postulat d'impartialité du juge (ATF 105 Ib 301consid. 1b p. 303), et non de rechercher, comme le ferait une autorité derecours, si la solution arrêtée est la seule qui soit exacte (arrêt4P.236/1991 du 19 mars 1992, consid. 2a). Il en est ainsi - à plus forteraison - en matière probatoire. Dans le système de l'organisation judiciairefédérale, le Tribunal fédéral ne procède pas à l'administration des preuveset il s'en remet, quant à leur appréciation, à celle de l'autorité cantonale;il ne revoit donc pas la cause à l'instar d'une juridiction d'appel (Poudret,op. cit., vol. II, n. 4.1 ad art. 63 OJ et les renvois), l'appréciation despreuves n'étant sanctionnée que si elle se révèle arbitraire (cf. sur cepoint: ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 127 I 38 consid. 2a p. 41). Or, larequérante se borne à opposer sa propre lecture des preuves administrées àcelle que les magistrats impliqués ont retenue dans l'optique de leurcognition restreinte (cf. par exemple: interprétation de la confession deB.________ [consid. 3.2.1]; révocation du mandat [consid. 3.2.5];licenciement pour justes motifs du prénommé [consid. 3.2.6]; taux d'intérêt[consid. 5.2 et 5.3]). On ne discerne là aucune prévention. Comme on l'a dit (supra, consid. 3.1), même une décision arbitraire, enparticulier lors de la constatation des faits et de l'appréciation despreuves, n'est pas en soi révélatrice de la partialité du juge; encorefaut-il que, sur le vu des circonstances du cas concret, la commissiond'erreurs lourdes et répétées dénote objectivement une prévention. Tel n'estpas le cas ici. Nonobstant ce que prétend la requérante, la Ire Cour civilen'a connu qu'une seule fois de l'affaire, l'examen des deux recours nes'imposant qu'en raison de l'inadmissibilité des critiques d'ordreconstitutionnel - violation du droit d'être entendu et arbitraire dansl'appréciation des preuves - en instance de réforme (art. 43 al.1, 2èmephrase, OJ; Poudret; op. cit., vol. II, n. 2.1-2.2 ad art. 43 OJ et lesarrêts cités); quant à l'arrêt de la Cour de cassation pénale (infra, consid.5), il a un autre objet. La prétendue prévention ne se fonde, en définitive,que sur les assertions de la requérante. Celle-ci n'expose même pas pourquoiles vices dénoncés ne pourraient raisonnablement être attribués qu'à un partipris, par exemple à la suite de déclarations faites par les magistratsrécusés au sujet de la cause ou de l'une des parties, de leur comportement àl'égard de celles-ci ou encore de faits antérieurs permettant de douter deleur impartialité (Poudret, op. cit., vol. I, n. 5.2 ad art. 23 OJ et lescitations). 4.La requérante prétend que ses soupçons de partialité sont renforcés par ladurée «excessive» et «insolite» séparant la communication du dispositif decelle des motifs (i.e. 3 août 2005). Le temps qui s'écoule entre l'envoi du dispositif et la communication desmotifs - à peine plus de trois mois dans le cas présent - dépend de multiplesfacteurs, qui tiennent aussi bien au greffier qu'aux juges appelés àapprouver le projet d'arrêt (surcharge de travail; difficulté de la cause;absences dues à la maladie ou aux vacances; etc.), étant souligné que, enl'occurrence, les motifs ont été notifiés en période de féries judiciaires(cf. art. 34 al. 1 let. b OJ). On ne voit pas en quoi l'élément mis enexergue par la requérante, fût-ce à titre additionnel, viendrait corroborersa crainte d'un traitement partial; cela étant, aucun indice concret ne vientétayer l'allégation d'après laquelle la durée prétendument excessive auraitservi à motiver des décisions rendues en fonction d'une «opinion préétablie àl'issue d'une instruction hâtive - et «orientée » - sans examen approfondi dudossier». 5.Enfin, la requérante demande la récusation du président Corboz; elle expose,en bref, que celui-ci siégeait à la Cour de cassation pénale du Tribunalfédéral, laquelle avait déclaré irrecevable le pourvoi en nullité déposé parson époux contre l'ordonnance classant une plainte pénale pour violation dusecret bancaire qu'aurait commise la défenderesse à l'occasion del'instruction du procès civil (arrêt 6S.559/1997). Le fait qu'un juge ait participé précédemment à une autre décision duTribunal fédéral dans une affaire impliquant le requérant ne constitue pas unmotif de récusation, ni obligatoire ni facultative (ATF 114 Ia 278 consid. 1p. 279; 105 Ib 301 consid. 1c p. 304; Poudret, op. cit., vol. I, n. 3.2.1 adart. 22 OJ); peu importe qu'il soit intervenu comme juge de la même ou d'uneautre section du tribunal (ATF 84 II 459 consid. 4 p. 462). La requéranten'apporte aucun argument justifiant de s'écarter de ce principe dans le casprésent; elle discute longuement la solution de l'arrêt en question -qualifié d'«arbitraire» -, oubliant derechef qu'il n'appartient pas àl'autorité saisie d'une demande de récusation d'en examiner le bien-fondé(supra, consid. 3.2). 6.En tous points mal fondée, la demande de récusation doit être rejetée, auxfrais de la requérante qui succombe (art. 156 al. 1 OJ; cf. arrêt 4C.514/1996du 15 décembre 1997, consid. 3). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.La demande de récusation est rejetée. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la requérante. 3.La présente décision est communiquée en copie aux mandataires des parties, àla Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève et au Présidentde la Ire Cour civile. Lausanne, le 28 avril 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le Président: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.243/2005
Date de la décision : 28/04/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-04-28;4p.243.2005 ?
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