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26/04/2006 | SUISSE | N°1P.106/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 avril 2006, 1P.106/2006


{T 0/2}1P.106/2006 /col Arrêt du 26 avril 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Reeb et Fonjallaz.Greffière: Mme Truttmann. A. ________,recourant, représenté par Me Jean-Patrick Gigandet, avocat, contre Ministère public de la République et canton de Neuchâtel, rue du Pommier 3,case postale 2672,2001 Neuchâtel 1,Cour de cassation pénale du Tribunal cantonalde la République et canton de Neuchâtel,case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1. procédure pénale, appréciation des preuves recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale duTribunal

cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 19 janvier 20...

{T 0/2}1P.106/2006 /col Arrêt du 26 avril 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Reeb et Fonjallaz.Greffière: Mme Truttmann. A. ________,recourant, représenté par Me Jean-Patrick Gigandet, avocat, contre Ministère public de la République et canton de Neuchâtel, rue du Pommier 3,case postale 2672,2001 Neuchâtel 1,Cour de cassation pénale du Tribunal cantonalde la République et canton de Neuchâtel,case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1. procédure pénale, appréciation des preuves recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale duTribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 19 janvier 2006. Faits: A.Par jugement du 14 avril 2005, le Tribunal de police du district de Neuchâtela condamné A.________ à 15 jours d'emprisonnement avec sursis pendant quatreans. Il a renoncé à révoquer le sursis accordé le 6 février 2003 par leMinistère public du canton de Neuchâtel, mais a prolongé d'un an le délaid'épreuve. Le Tribunal de police a en résumé retenu les faits suivants:A.aLe 8 novembre 2004 à 02h35, A.________ a été arrêté alors qu'il circulaitsur l'avenue du Premier-Mars à Neuchâtel. Les agents de police ayant constatéque A.________ présentait des signes d'ébriété, ils l'ont soumis à un examenau moyen d'un éthylomètre. A.________ ne soufflant pas correctement dansl'éthylomètre, plusieurs essais ont été nécessaires. Aucun résultatsatisfaisant n'ayant pu être obtenu, les agents ont conduit A.________ auposte de police, où de nouveaux contrôles de l'alcoolémie au moyen d'unéthylomètre ont été effectués. Ces derniers n'ont toutefois pas davantageabouti. A.________ a refusé de s'exprimer sur son emploi du temps durant lesvingt-quatre heures ayant précédé son interpellation. Il s'est ensuite opposéà toute prise de sang et a refusé de signer les documents attestant de sonrefus. A.b A.________ a contesté cette version des faits, en affirmant: qu'iln'avait pas consommé d'alcool pendant la soirée du 7 au 8 novembre 2004;qu'il avait lui-même conduit sa voiture pour se rendre au poste de police;qu'il avait de son propre mouvement demandé à être mené à l'hôpital pour uneprise de sang, mais qu'il s'était vu opposer un refus par les agents; etenfin, qu'il avait refusé de signer les documents attestant de son refus dese soumettre à une prise de sang, car ces derniers ne correspondaient selonlui pas à la réalité. A.c Le Tribunal de police a entendu quatre témoins, dont deux agents depolice, l'un présent lors de l'interpellation, l'autre au poste de police. Ila écarté les témoignages des deux passagers de A.________, selon lesquels cedernier ne présentait aucun signe d'ébriété et avait spontanément proposé,sans succès, de se soumettre à une prise de sang. Il a en effet considéré quela préférence devait être donnée aux propos des agents de police en raisondes très graves sanctions auxquelles ces derniers s'exposaient en cas de fauxtémoignage et de leur manifeste absence d'intérêt à mentir. Il a égalementretenu qu'il paraissait invraisemblable que les policiers se fussent acharnésà procéder à un contrôle de l'alcoolémie au moyen d'un éthylomètre, pourensuite refuser d'ordonner une prise de sang. Enfin, le Tribunal de police aconsidéré que la version des faits présentée par l'accusé n'était pascrédible, car si ce dernier avait été véritablement coopératif, son refus derenseigner les agents de police sur son emploi du temps seraitincompréhensible. En revanche, il a retenu au bénéfice du doute queA.________ avait lui-même conduit son véhicule pour se rendre au poste depolice, l'agent de police n'ayant pas été en mesure d'affirmer formellementle contraire. B.A.________ s'est pourvu en cassation contre le jugement du Tribunal depolice, en invoquant une appréciation arbitraire des faits et des preuves,ainsi qu'une violation du principe in dubio pro reo. Il a conclu à sonacquittement.Par arrêt du 19 janvier 2006, la Cour de cassation du Tribunal cantonal arejeté le recours et confirmé le jugement du Tribunal de police. Elle aretenu que le Tribunal de police avait opté pour la version des agents depolice, non pas en "écartant purement et simplement les témoignages despassagers du véhicule", mais en motivant son choix de manière suffisammentprécise pour échapper au grief d'arbitraire. C.Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande auTribunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu le 19 janvier 2006 par la Cour decassation pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois. Il se plaint d'uneappréciation arbitraire des preuves et des constatations de fait (art. 9Cst.) ainsi que de la violation du principe in dubio pro reo, en invoquantsur ce point les art. 29 Cst. et 6 par. 2 CEDH.Le dossier cantonal a été produit. Il n'a pas été demandé de réponse aurecours de droit public. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Contre un jugement en matière pénale rendu en dernière instance cantonale, lavoie du recours de droit public est en principe ouverte, à l'exclusion dupourvoi en nullité, à celui qui se plaint de la violation de garantiesconstitutionnelles, en contestant notamment les constatations de fait oul'appréciation des preuves par l'autorité cantonale (art. 84 al. 1 let. a OJ,art. 86 al. 1 OJ, art. 269 al. 2 PPF).En l'espèce, le recourant se plaint d'arbitraire dans l'appréciation despreuves et l'établissement des faits pertinents ainsi que de la violation dela présomption d'innocence, de sorte que le recours de droit public estrecevable. 2.2.1L'appréciation des preuves est en particulier arbitraire lorsque le jugen'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve ousi, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductionsinsoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). Il ne suffit pas qu'uneinterprétation différente des preuves et des faits qui en découlent paraisseégalement concevable, sans quoi le principe de la libre appréciation despreuves par le juge du fond serait violé (ATF 120 Ia 31 consid. 2d p. 37 s.).Par ailleurs, il faut que la décision attaquée soit insoutenable nonseulement dans ses motifs, mais également dans son résultat (ATF 131 I 57consid. 2 p. 61 et la jurisprudence citée), ce qu'il appartient au recourantde démontrer en vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 131 I 217 consid. 2.1p. 219 et la jurisprudence citée). 2.2 Le principe de la présomption d'innocence, consacré par les art. 32 al. 1Cst. et 6 par. 2 CEDH, signifie notamment que le juge pénal ne doit pas tenirpour établi un fait défavorable à l'accusé s'il existe des doutes objectifsquant à l'existence de ce fait. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sonttoujours possibles, ne suffisent cependant pas à exclure une condamnation.Pour invoquer utilement la présomption d'innocence, le condamné doit doncdémontrer que le juge de la cause pénale, à l'issue d'une appréciationexempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves à sa disposition, aurait dûéprouver des doutes sérieux et irréductibles au sujet de la culpabilité (ATF127 I 38 consid. 2a p. 40 s.; 124 IV 86 consid. 2a p. 87 s.; 120 Ia 31consid. 2e p. 38, consid. 4b p. 40). 2.3 L'art. 242 al. 1 ch. 1 CPP/NE prévoit que la Cour de cassation revoitl'appréciation des preuves sous l'angle de l'arbitraire. Sur les questionsrelatives à l'établissement des faits et à l'appréciation des preuves, laCour cantonale a donc un pouvoir d'examen semblable à celui du Tribunalfédéral qui est appelé à les résoudre sous l'angle de l'art. 9 Cst. Il nes'ensuit pourtant pas que le Tribunal fédéral doive se limiter à examinersous l'angle de l'arbitraire si l'autorité cantonale de recours a elle-mêmefait preuve d'arbitraire. Ce mode de faire réduirait pratiquement à néant lerôle assigné au juge constitutionnel de la Confédération. Il appartient aucontraire à celui-ci d'examiner sans réserve l'usage que l'autorité cantonalede cassation a fait de sa cognition limitée (ATF 125 I 492 consid. 11a/cc p.494; 111 Ia 353 consid. 1b p. 355). L'examen du Tribunal fédéral saisi d'unrecours de droit public ayant pour objet la constatation des faits etl'appréciation des preuves, dirigé contre l'arrêt d'une autorité de cassationqui n'a pas une cognition inférieure à la sienne, portera concrètement surl'arbitraire du jugement de l'autorité inférieure, question qu'il luiappartient d'élucider à la seule lumière des griefs soulevés dans l'acte derecours (ATF 125 I 492 consid. 1a/cc et 1b p. 495). 3.Le principe de l'appréciation libre des preuves interdit d'attribuer d'entréede cause une force probante accrue à certains moyens de preuve, comme parexemple des rapports de police. Cela ne signifie pas pour autant, enapplication de la maxime in dubio pro reo, qu'en présence de moyens de preuvecontradictoires, le Tribunal doive automatiquement privilégier les plusfavorables pour le prévenu (Niklaus Schmid, Strafprozessrecht, Zurich 2004,n° 290 et 296, p. 97 et 100). 3.1 Selon le recourant, l'autorité cantonale ne pouvait pas privilégier laversion des faits fournie par les agents de police sans tomber dansl'arbitraire, car s'il est vrai que ces derniers s'exposent à de gravessanctions en cas de faux témoignage, il en va de même pour les témoins. Ausurplus, les policiers auraient eu un intérêt à mentir, pour ne pas avoir àreconnaître leur erreur d'avoir considéré que le recourant présentait dessignes d'ébriété.Cette interprétation paraît peu vraisemblable. En effet, comme l'a relevé laCour de cassation, l'infraction à l'art. 91 al. 3 aLCR est réalisée dès quele conducteur refuse de se soumettre à une prise de sang. Peu importe que leconducteur ait été finalement pris de boisson ou non. Que les agents depolice aient donc commis ou non une erreur d'appréciation ne pouvait leurcauser aucun préjudice. Dans ces circonstances, on ne discerne pas quelintérêt les policiers auraient pu avoir à mentir. Il est au contrairepossible de discerner un tel intérêt chez les témoins à décharge. Ainsi quel'a relevé la Cour de cassation, et l'a admis le recourant dans son acte derecours, les témoins pouvaient souhaiter rendre service à ce dernier. 3.2 Le recourant affirme encore qu'il n'était pas "dans la logique deschoses" que les agents voulaient lui ordonner de se soumettre à une prise desang, sans toutefois avancer un quelconque argument. Or c'est bien plus lathèse du recourant qui semble échapper à toute logique. En effet, les agentsde police ont interpellé le recourant à une heure avancée de la nuit, l'ontsoumis à maintes reprises à des contrôles de l'alcoolémie au moyen d'unéthylomètre, et l'ont enfin conduit au poste de police pour y renouveler cescontrôles. Ainsi que cela ressort du jugement de première instance et del'arrêt de la Cour de cassation, il n'est guère pensable que les agents depolice auraient alors renoncé à ordonner une prise de sang, qui est la mesurela plus apte à établir un éventuel état d'ébriété. Au demeurant,contrairement à ce qu'affirme le recourant, l'ordre de prise de sang estmentionné dans le rapport de police, il a été confirmé par les deux agents depolice, et il est indiqué sur le document présenté au recourant poursignature. 3.3 Selon le recourant, le fait qu'il ait pu conduire son véhicule pour serendre au poste de police prouverait qu'il ne présentait aucun signed'ébriété lors de son interpellation. Cette circonstance ne parvienttoutefois pas à elle seule à contrebalancer les nombreux éléments quiattestent des signes d'ébriété manifestés par le recourant. Les autoritéscantonales ne l'ont du reste admise qu'au bénéfice du doute, l'agent depolice n'ayant pas formellement été en mesure d'affirmer que le recourantavait été pris en charge par la patrouille. Quoiqu'il en soit, cet élémentn'est pas déterminant, car le refus de se soumettre à une prise de sang qui aété ordonnée constitue une infraction à l'art. 91 al. 3 aLCR, quel que soitle motif de refus. 3.4 Enfin, le recourant fait valoir qu'en raison de ses antécédentsjudiciaires, il aurait été particulièrement conscient des risques encourusdans l'hypothèse où la prise de sang aurait révélé un taux d'alcoolémieexcessif. Il aurait donc de son propre mouvement proposé une prise de sang.Selon la Cour de cassation, c'est au contraire parce que le recourant étaitconscient des risques qu'il encourait, qu'il se serait opposé à une prise desang. Ainsi que l'a relevé le Tribunal de police, le recourant a manifestéson manque de collaboration, en faisant obstacle au bon fonctionnement del'éthylomètre et en refusant de fournir des renseignements sur son emploi dutemps. Dans ces circonstances, il apparaît donc peu crédible que le recourantse soit finalement montré si coopératif au point de solliciter lui-même uneprise de sang. 3.5 Il résulte de ce qui précède que c'est sans arbitraire que l'autoritécantonale a privilégié la version des faits des agents de police. C'est doncà tort que le recourant invoque une violation de l'art. 9 Cst. Par ailleurs,le grief de violation de la présomption d'innocence, tel que formulé par lerecourant, se confond avec celui de violation du principe de l'interdictionde l'arbitraire. Le recours doit par conséquent être rejeté. 4.Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais du présent arrêt (art.153 et 156 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours de droit public est rejeté. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, auMinistère public et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal de laRépublique et canton de Neuchâtel. Lausanne, le 26 avril 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.106/2006
Date de la décision : 26/04/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-04-26;1p.106.2006 ?
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