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25/04/2006 | SUISSE | N°1P.198/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 avril 2006, 1P.198/2006


{T 0/2}1P.198/2006/col Arrêt du 25 avril 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aemisegger et Reeb.Greffier: M. Parmelin. A. ________,recourant, représenté par Me Jorge Campá, avocat, contre Procureur général du canton de Genève,place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565,1211 Genève 3,Chambre d'accusation du canton de Genève,place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108,1211 Genève 3. détention préventive, recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation ducanton de Genève du21 mars 2006. Faits: A.A. ________, ressortissant ivoirien né

le 4 janvier 1975, a été arrêté le 13février 2006 et placé en ...

{T 0/2}1P.198/2006/col Arrêt du 25 avril 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aemisegger et Reeb.Greffier: M. Parmelin. A. ________,recourant, représenté par Me Jorge Campá, avocat, contre Procureur général du canton de Genève,place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565,1211 Genève 3,Chambre d'accusation du canton de Genève,place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108,1211 Genève 3. détention préventive, recours de droit public contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation ducanton de Genève du21 mars 2006. Faits: A.A. ________, ressortissant ivoirien né le 4 janvier 1975, a été arrêté le 13février 2006 et placé en détention préventive sous les inculpations de violet de contrainte sexuelle commis sur la personne de B.________.Statuant le 3 mars 2006, la Chambre d'accusation du canton de Genève(ci-après: la Chambre d'accusation ou la cour cantonale) a rejeté une demandede mise en liberté provisoire de A.________ en raison du risque de collusionavec des témoins non encore entendus et d'un danger de fuite.Par ordonnance du 21 mars 2006, elle a autorisé la prolongation de ladétention de A.________ pour une durée d'un mois. Faisant siens les motifsinvoqués par le Juge d'instruction en charge du dossier, elle a considéré queles charges ne s'étaient pas allégées depuis sa dernière décision, quel'instruction n'était pas terminée et que les motifs à l'appui del'ordonnance du 3 mars 2006 gardaient toute leur actualité, étant précisé que"le risque de fuite est notamment concrétisé au regard de la peine menaceencourue". B.Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande auTribunal fédéral d'annuler cette décision qui violerait les art. 10 al. 2Cst. et 5 CEDH et d'ordonner sa mise en liberté immédiate. Il requiertl'assistance judiciaire.La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de sa décision. LeProcureur général du canton de Genève conclut au rejet du recours. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instancecantonale et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquementprotégés, le recours est recevable au regard des art. 84 ss OJ. La Chambred'accusation a certes rendu le 19 avril 2006 une nouvelle décision autorisantla prolongation de la détention préventive du recourant pour une nouvellepériode d'un mois. Cette décision ne prive cependant pas le recours de toutobjet dans la mesure où le Tribunal fédéral pourrait tenir la détentionpréventive pour injustifiée et ordonner, le cas échéant, la libérationimmédiate du recourant (cf. ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333). 2.Une mesure de détention préventive est compatible avec la libertépersonnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, pour autantqu'elle repose sur une base légale, qu'elle réponde à un intérêt public etqu'elle respecte le principe de la proportionnalité (art. 31 al. 1 et 36 al.1 à 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). S'agissant d'une restrictiongrave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement cesquestions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sousl'angle de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271).Selon l'art. 34 du Code de procédure pénale genevois (CPP gen.), le mandatd'arrêt ne peut être décerné que s'il existe contre l'inculpé des chargessuffisantes et si, en outre, la gravité de l'infraction l'exige (let. a), siles circonstances font penser qu'il y a danger de fuite, de collusion ou denouvelle infraction (let. b) ou si l'intérêt de l'instruction l'exige (let.c). En vertu de l'art. 35 CPP gen., la durée du mandat d'arrêt est de 8 jours(al. 1). La Chambre d'accusation peut, à la demande du juge d'instruction,autoriser que la détention soit prolongée, lorsque les circonstances fontapparaître cette mesure comme indispensable (al. 2). Cette autorisation nepeut être donnée que pour 3 mois au maximum; elle peut être renouvelée auxmêmes conditions (al. 3). L'art. 186 CPP gen. dispose que lorsque la Chambred'accusation est saisie d'une demande de prolongation de la détention, ellel'examine dans sa plus prochaine audience. L'art. 187 CPP gen. précise que siles conditions posées par l'article 35 sont réunies, elle autorise laprolongation de la détention (al. 1). En cas de refus, elle ordonne quel'inculpé soit remis immédiatement en liberté (al. 2). 3.Le recourant conteste tout d'abord l'existence de charges suffisantes à sonencontre. 3.1 Le juge de la détention n'a pas à procéder à une pesée complète deséléments à charge et à décharge et à apprécier la crédibilité des personnesqui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement vérifier s'il existe desindices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure. L'intensité descharges propres à motiver un maintien en détention préventive n'est pas lamême aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons encore peuprécis peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, laperspective d'une condamnation doit en revanche apparaître vraisemblableaprès l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 116 Ia 144consid. 3c p. 146). 3.2 En l'occurrence, la Chambre d'accusation s'est fondée sur lesexplications complètes et détaillées de B.________ pour admettre l'existenced'une prévention suffisante de viol, tout en précisant que les témoignagesrecueillis tendaient plutôt à les confirmer.Dans sa plainte, B.________ a exposé que le recourant l'avait violée à deuxou trois reprises à son domicile le 29 décembre 2005, au matin, après l'avoirgiflée et contrainte à se déshabiller, et qu'il l'avait forcée à luipratiquer une fellation. Le recourant donne il est vrai une versiondifférente des faits et prétend qu'ils auraient entretenu des relationssexuelles librement consenties. Les témoins ont également relaté les proposde la plaignante selon laquelle A.________ l'avait frappée et contrainte àentretenir des relations sexuelles avec lui. Ils ont en outre évoqué le faitqu'elle était triste, voire bouleversée, et qu'elle pleurait. Son ex-petitami a par ailleurs précisé ne l'avoir jamais vue dans un tel état. La Chambred'accusation n'a donc pas fait preuve d'arbitraire en considérant que lestémoignages recueillis tendaient à confirmer les charges pesant sur lerecourant, plutôt qu'à les alléger. A.________ met en évidence certainscomportements de la plaignante qu'il estime difficilement compréhensibles dela part de la victime d'un viol; il se prévaut également de l'absence delésions constatées le jour des faits par le beau-frère de B.________, puislors de l'examen gynécologique pratiqué une semaine plus tard. Ilappartiendra au juge du fond, si le recourant devait finalement être renvoyéen jugement, d'examiner l'influence de ces éléments sur la crédibilité de laplaignante. En l'état, ils ne permettent manifestement pas de priver de toutesubstance les accusations de viol et de contrainte sexuelle portées àl'encontre du recourant et d'exclure la présence de charges suffisantes. 4.Le recourant conteste également l'existence de motifs de détention propres àjustifier son incarcération. On observera à ce propos que la Chambred'accusation s'est référée à la fois aux motifs invoqués par le juged'instruction, qu'elle a déclaré faire siens, et à ceux qu'elle a développésà l'appui de son ordonnance du 3 mars 2006, qui gardaient toute leuractualité. Une motivation par renvoi à de précédentes décisions ou paradhésion aux motifs de la demande de prolongation de la détention est certesadmise par la jurisprudence (ATF 114 Ia 281 consid. 4c p. 285), pour autantque le prévenu ne fasse pas valoir d'arguments nouveaux (ATF 103 Ia 407consid. 3a p. 409). Encore faut-il que les motifs auxquels il est renvoyésoient développés de manière suffisante au regard des exigences de l'art. 29al. 2 Cst. pour admettre leur existence. 4.1 Le juge d'instruction s'est référé dans sa demande de prolongation du 17mars 2006 au risque de réitération pour justifier le maintien de ladétention. La Chambre d'accusation n'a pas développé d'arguments particuliersà ce propos que ce soit dans la décision attaquée ou dans celle du 3 mars2006. Elle a toutefois déclaré faire siens les motifs du juge d'instruction;aussi, on doit admettre qu'elle fonde également la détention sur un risque derécidive. Selon la jurisprudence, le maintien en détention ne peut sejustifier pour ce motif que si le pronostic est très défavorable et que lesdélits dont l'autorité redoute la réitération sont graves (ATF 125 I 60consid. 3a p. 62, 361 consid. 5 p. 367). Le recourant a déclaré n'avoirjamais occupé les services de police, tant en Suisse qu'à l'étranger, enrelation avec des actes de violence ou d'autres délits de nature sexuelle. Lecontraire ne ressort nullement du dossier. Le risque de récidive ne reposeainsi sur aucun élément concret. La Chambre d'accusation ne reprendd'ailleurs pas ce motif à l'appui de sa nouvelle décision de prolongation dela détention. Cela étant, pour éviter des incertitudes préjudiciables à ladéfense des intérêts du prévenu et à une saine administration de la justice,il paraît souhaitable que le juge d'instruction étaie, fût-ce sommairement,les motifs de détention invoqués à l'appui de sa demande de prolongation ou,à défaut, que la Chambre d'accusation précise ceux qu'elle tient pourjustifiés. Cela s'impose d'autant plus lorsque, comme en l'espèce, elledéclare faire siennes les raisons retenues par le juge d'instruction et quecelles-ci ne sont aucunement précisées. 4.2 A l'appui de son ordonnance du 3 mars 2006, la Chambre d'accusation aévoqué le risque de collusion avec des témoins non encore entendus pourrejeter la demande de mise en liberté provisoire du recourant. Selon lajurisprudence, il ne suffit toutefois pas qu'une entente complice soitobjectivement possible pour retenir l'existence d'un danger de collusion.L'autorité qui entend justifier la détention par ce motif doit au contrairedémontrer que les circonstances particulières de l'espèce font apparaître undanger concret et sérieux de telles manoeuvres, propres à altérer lamanifestation de la vérité en indiquant, au moins dans les grandes lignes etsous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instructionelle doit encore effectuer, et en quoi la libération du prévenu encompromettrait l'accomplissement (ATF 128 I 149 consid. 2.1 p. 151 et lesarrêts cités).La Chambre d'accusation n'a pas satisfait à cette exigence; elle n'indique eneffet pas de quel témoin il s'agit et de quelle manière le prévenu pourraiten entraver l'audition. Les actes incriminés se sont déroulés exclusivemententre la plaignante et le recourant. Le juge d'instruction a interrogé lespersonnes auxquelles la jeune femme s'est confiée. On ne voit dès lors pasquel autre témoin devrait encore être entendu. Par ailleurs, on cherche envain une motivation propre à réparer ce vice dans les décisions précédentesdu juge d'instruction. Celui-ci n'a d'ailleurs pas évoqué un risque decollusion dans sa demande de prolongation de la détention pour justifiercelle-ci. Les éléments invoqués par la Chambre d'accusation étaient dès lorsinsuffisants à fonder concrètement un tel risque. 4.3 La Chambre d'accusation a également motivé la prolongation de ladétention préventive par un risque de fuite qui ne pouvait, selon elle, êtreexclu, malgré les liens familiaux du prévenu en Suisse, compte tenu de sesattaches familiales en Côte d'Ivoire et de la peine encourue. Ce faisant,elle n'a pas satisfait à son devoir de motivation. Il appartient en effet aujuge de la détention d'indiquer les éléments de fait qui permettent non pasd'exclure le risque de fuite, dans la mesure où celui-ci est toujourspossible, mais qui le font apparaître comme probable (cf. ATF 117 Ia 69consid. 4 p. 70 et les arrêts cités). A cet égard, le renvoi aux attachesfamiliales du prévenu avec des frères et soeurs restés en Côte d'Ivoire et àla peine encourue ne suffit pas à motiver un risque concret de fuite lorsque,comme en l'espèce, le recourant peut, de prime abord, se prévaloir de lienssolides en Suisse où vivent sa femme et sa fille, toutes deux de nationalitésuisse; la Chambre d'accusation devait au contraire indiquer les éléments quipermettaient de faire apparaître ces liens comme insuffisants à le dissuaderde retourner dans son pays d'origine (cf. arrêt 1P.656/2003 du 9 décembre 203consid. 5). Le recours aurait donc également dû être admis sur ce point enraison d'un défaut de motivation, sans que cela ne conduise à la libérationdu recourant; le Tribunal fédéral renvoie en effet en pareil cas la cause àl'autorité à charge pour elle de statuer à nouveau à très bref délai et parun prononcé suffisamment motivé (cf. ATF 123 I 49 consid. 3e p. 55 et lesarrêts cités). La Chambre d'accusation a d'ailleurs pallié au vice dont étaitaffectée sa décision en rendant une nouvelle décision qui apparemmentsatisfait aux exigences de motivation déduites de l'art. 29 al. 2 Cst. 5.Le recours est admis partiellement, ce qui rend sans objet la demanded'assistance judiciaire. L'Etat de Genève, qui succombe, est dispensé desfrais de justice (art. 156 al. 2 OJ). Il versera en revanche au recourant uneindemnité à titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis partiellement. 2.La demande de mise en liberté provisoire est rejetée. 3.Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 4.L'Etat de Genève versera au recourant une indemnité de 1'500 fr. à titre dedépens. 5.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, ainsiqu'au Procureur général et à la Chambre d'accusation du canton de Genève. Lausanne, le 25 avril 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.198/2006
Date de la décision : 25/04/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-04-25;1p.198.2006 ?
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