La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/04/2006 | SUISSE | N°1A.19/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 avril 2006, 1A.19/2006


{T 0/2}1A.19/2006 /col Arrêt du 25 avril 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aemisegger et Reeb.Greffier: M. Kurz. Office fédéral des migrations, 3003 Berne,recourant, contre A.________,intimé, représenté par le Service d'aide juridique auxexilé-e-s (SAJE), case postale 3864, 1002 Lausanne,Commission fédérale de la protection des données, Thunstrasse 84, casepostale 18, 3074 Muri b. Bern. art. 9 LPD, recours de droit administratif contre le jugement de la Commission fédéralede la protection des données du18 novembre 2005. Faits: A.Le 30 août 2001, A.___

_____, né en 1973 et se présentant comme ressortissantde la Sie...

{T 0/2}1A.19/2006 /col Arrêt du 25 avril 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aemisegger et Reeb.Greffier: M. Kurz. Office fédéral des migrations, 3003 Berne,recourant, contre A.________,intimé, représenté par le Service d'aide juridique auxexilé-e-s (SAJE), case postale 3864, 1002 Lausanne,Commission fédérale de la protection des données, Thunstrasse 84, casepostale 18, 3074 Muri b. Bern. art. 9 LPD, recours de droit administratif contre le jugement de la Commission fédéralede la protection des données du18 novembre 2005. Faits: A.Le 30 août 2001, A.________, né en 1973 et se présentant comme ressortissantde la Sierra Leone, a déposé une demande d'asile. Le 23 novembre 2001,l'Office fédéral des réfugiés (ci-après: l'office) a refusé d'entrer enmatière et a prononcé un renvoi, considérant qu'il y avait tromperie surl'identité. L'office s'est fondé sur une analyse de provenance "Lingua",effectuée le 14 septembre 2002 sur la base d'une conversation téléphoniqueavec l'intéressé. Il en ressortait que celui-ci n'était pas originaire de laSierra Leone, mais du Ghana. Un recours a été formé auprès de la Commissionsuisse de recours en matière d'asile (CRA), puis retiré.Le 10 novembre 2004, A.________ a demandé la reconsidération de la décisiondu 23 novembre 2001, demande qui a été déclarée irrece-vable le 1er décembre2004. Le recours formé contre cette décision a été rejeté le 1er mars 2005par la CRA: pour l'essentiel, les motifs soulevés auraient pu l'être dans lecadre de la procédure de recours. B.Le 27 juillet 2004, A.________ a demandé à l'office de lui fournir une copiede certains documents de son dossier d'asile, en particulier à propos del'expertise Lingua et de son auteur.Le 16 août 2004, l'office a fourni une partie des documents demandés, àl'exception des pièces suivantes: le mandat d'expertise linguistique et deprovenance; le résultat d'analyse (soit une copie de l'expertise; pièce A10/4); un document intitulé "remarques" (A 12/1); un document intitulé "actesadministratifs" (A 13/6); l'expertise elle-même (A 17/8). C.Le 16 septembre 2004, A.________ a saisi la Commission fédérale de laprotection des données (ci-après: la commission). Il demandait lacommunication des pièces mentionnées ci-dessus, ainsi que d'une copie de sonacte de naissance, du mandat d'expertise linguistique et de provenance (A8/3) et des procès-verbaux des auditions du 5 mars 2002 et du 18 juin 2003.Par jugement du 18 novembre 2005, la commission a admis partiellement lerecours, et invité l'office à communiquer au recourant les pièces suivantes:l'expertise (pièces A 10/4 et 17/8), sous réserve du caviardage de lasignature manuscrite de l'expert (point 1a du dispositif); les pièces A 12/1et A 8/3, ainsi qu'une copie de l'acte de naissance avec la mention quel'acte est un faux (point 1b-1d). L'accès à l'expertise ne pouvait êtrerefusé au motif qu'il s'agissait d'un document interne. Il y avait un intérêtpublic à éviter la divulgation des questions posées dans le cadre del'expertise, dont les réponses étaient susceptibles d'être apprises par coeurpar d'autres requérants d'asile. Cet effet d'apprentissage était toutefoisrelatif, compte tenu de l'évolution de la situation politique en SierraLeone. Les questions variaient selon les experts; elles pouvaient êtremémorisées et rapportées par les requérants après leur interrogatoire, et lesréponses étaient accessibles dans différents ouvrages. La connaissance descritères d'ordre linguistique ne permettrait pas un apprentissage efficace.Celui-ci était également possible par d'autres moyens. Le refus decommuniquer l'expertise n'était donc pas un moyen efficace pour atteindre lebut visé. La pièce A 12/1 était un document interne de transmission relatif àl'acte de naissance du recourant; rien ne s'opposait à sa communication. Ilen allait de même de la pièce A 8/3. Quant à la copie l'acte de naissance,confisqué car considéré comme falsifié, elle pouvait être remise moyennantl'apposition d'une mention officielle quant au caractère falsifié et enutilisant un moyen technique propre à prévenir une utilisation abusive. D.Par acte du 26 janvier 2006, l'Office fédéral des migrations (ODM) forme unrecours de droit administratif; il demande l'annulation du point 1a dudispositif du jugement de la commission.La commission renvoie aux motifs de son jugement. Le Service d'Aide Juridiqueaux Exilé-e-s, agissant pour A.________, conclut en substance au rejet durecours. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Selon l'art. 97 OJ en relation avec l'art. 5 PA, la voie du recours de droitadministratif est ouverte contre les décisions fondées sur le droit publicfédéral - ou qui auraient dû l'être - à condition qu'elles émanent desautorités énumérées à l'art. 98 OJ et pour autant qu'aucune des exceptionsprévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la législation spéciale ne soit réalisée(ATF 127 II 1 consid. 2b/aa p. 3/4; 126 I 50 consid. 1 p. 52; 126 II 171consid. 1a p. 173). 1.1 Conformément à l'art. 98 let. e OJ, le recours de droit administratif estouvert contre les décisions rendues par la Commission fédérale de laprotection des données en application de l'art. 33 al. 1 let. d LPD. 1.2 Selon l'art. 103 let. b OJ, ont qualité pour recourir le départementcompétent ou, lorsque le droit fédéral le prévoit, la division compétente del'administration fédérale, s'agissant notamment de décisions émanant decommissions fédérales de recours ou d'arbitrage.Le recours est formé, non pas par le Département fédéral de justice et police(DFJP), mais par l'ODM. Or, cet office ne peut se prévaloir d'aucunedisposition du droit fédéral qui lui octroierait un droit de recours au sensde l'art. 103 let. b OJ: la loi fédérale sur l'organisation du gouvernementet de l'administration (LOGA; RS 172.010) ne contient aucune délégation quipermettrait à l'ODM de former un recours de droit administratif. Selon l'art.14 de l'ordonnance sur l'organisation du DFJP (RS 172.213.1), l'ODM esthabilité à former des recours de droit administratif contre les décisionscantonales de dernière instance dans les domaines du droit des étrangers etde la nationalité; cette disposition ne mentionne pas, en revanche, le droitde la protection des données. Quant à la loi fédérale concernantl'organisation et la procédure des commissions fédérales de recours etd'arbitrage (RS 173.31), elle prévoit uniquement un droit de recours de laChancellerie fédérale, du Secrétariat général de l'Assemblée fédérale et desorganes de dernière instance des établissements ou des entreprises autonomesde la Confédération (art. 28).L'ODM ne peut dès lors agir sur la base de l'art. 103 let. b OJ (cf. arrêt1A.175/1998 du 10 mars 1999 dans la cause OFJ). Il semble d'ailleursl'admettre lui-même, puisqu'il prétend fonder sa qualité pour agir uniquementsur l'art. 103 let. a OJ1.3Selon cette disposition, a qualité pour recourir quiconque est atteint parla décision attaquée et peut faire valoir un intérêt digne de protection àl'annulation ou à la modification de l'arrêt entrepris (ATF 122 II 382consid. 2c). 1.3.1 Si l'art. 103 let. a OJ ne concerne en principe pas les autorités oules collectivités de droit public, la jurisprudence reconnaîtexceptionnellement à ces dernières la qualité pour agir, lorsqu'elles sonttouchées, par la décision attaquée, directement et de la même manière qu'unparticulier, dans leur situation matérielle ou juridique (ATF 123 II 542consid. 2d p. 544; 122 II 33 consid. 1b p. 36; 118 Ib 614 consid. 1b p. 616).Tel est notamment le cas lorsqu'elles agissent pour la sauvegarde de leurpatrimoine administratif ou financier, par exemple lorsqu'elles recourentpour éviter le paiement d'une indemnité d'expropriation, car elles font alorsfigure de propriétaires (ATF 123 II 542 consid. 2f p. 545; 122 II 33). Enl'occurrence, l'obligation faite à l'ODM de donner accès à une partie dudossier de l'intimé n'a aucune incidence sur des droits de naturepatrimoniale. 1.3.2 La jurisprudence reconnaît aussi la qualité pour recourir à lacollectivité qui, agissant dans le cadre de la puissance publique, esttouchée dans son autonomie et dispose d'un intérêt digne de protection àl'annulation ou à la modification de la décision attaquée, par exemple entant que créancière d'un émolument (ATF 119 Ib 389 consid. 2e p. 391),bénéficiaire d'une subvention (ATF 122 II 382 consid. 2b p. 383) ou d'undroit de monopole (ATF 125 II 192), titulaire d'une compétence en matière depolice des constructions (ATF 117 Ib 111 consid. 1b p. 113). Lorsque, commeen l'espèce, le droit de recours n'est pas prévu par le droit fédéral, laqualité pour recourir, sur la base des critères précités, ne doit pas êtreadmise à la légère; toute autre interprétation viderait de son sens l'art.103 let. c OJ (pour un résumé de la jurisprudence relative à la qualité pourrecourir de la collectivité, voir ATF 123 II 371 consid. 2 p. 373). 1.3.3 En l'espèce, l'office recourant n'est pas directement atteint par ladécision attaquée dans sa sphère de compétences habituelle. Il est simplementconcerné, en tant que maître du fichier (art. 3 let. i LPD), comme le seraitn'importe quel autre organe fédéral (art. 3 let. h LPD) astreint à accorderun droit d'accès. Or, l'intérêt à une application correcte et uniforme dudroit fédéral n'est pas suffisant (ATF 122 II 382 consid. 2c et les arrêtscités), car cet intérêt est inhérent à l'exercice de toute compétenceétatique. Le seul intérêt de l'autorité désavouée à voir confirmée sa propreinterprétation du droit ne suffit pas non plus, même si, comme le prétendl'office recourant, l'exercice de ses compétences habituelles peut se trouvercompliqué par le droit d'accès reconnu par la commission (ATF 125 II 192consid. 2 p. 194; 123 II 542 consid. 2e p. 454 et les références). Rien nejustifie par conséquent de faire exception au principe selon lequell'autorité administrative de première instance ne peut attaquer une décisionrendue sur recours par la Commission de la protection des données (cf. arrêt1A.175/1998 précité, consid. 2; Rhinow/Koller/Kiss, Öffentliches Prozessrechtund Justizverfassungsrecht des Bundes, Bâle 1996, par. 1282). 2.Le recours est par conséquent irrecevable. Conformément à l'art. 156 al. 2OJ, il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. Conformément à l'art. 159 al.1 OJ, une indemnité de dépens est allouée à l'intimé, à la charge de l'ODM. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est irrecevable. 2.Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 3.Une indemnité de dépens de 1000 fr. est allouée à l'intimé A.________, à lacharge de l'ODM. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Commissionfédérale de la protection des données. Lausanne, le 25 avril 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.19/2006
Date de la décision : 25/04/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-04-25;1a.19.2006 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award