La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/04/2006 | SUISSE | N°1A.1/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 avril 2006, 1A.1/2006


{T 1/2}1A.1/2006 /col Arrêt du 25 avril 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aemisegger et Fonjallaz.Greffier: M. Rittener. WWF Suisse, Hohlstrasse 110, 8004 Zurich,recourant, représenté par Me Raphaël Dallèves, avocat, passageRaphy-Dallèves, case postale 374, 1951 Sion, contre Commune de Mase, 1968 Mase, représentée parMe Antoine Zen Ruffinen, avocat, case postale 2135, 1950 Sion 2,Conseil d'Etat du canton du Valais,Palais du Gouvernement, 1950 Sion,Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, Palais deJustice, avenue Mathieu-Schiner 1,1950 Si

on 2. qualité pour recourir du WWF contre l'approbation d...

{T 1/2}1A.1/2006 /col Arrêt du 25 avril 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aemisegger et Fonjallaz.Greffier: M. Rittener. WWF Suisse, Hohlstrasse 110, 8004 Zurich,recourant, représenté par Me Raphaël Dallèves, avocat, passageRaphy-Dallèves, case postale 374, 1951 Sion, contre Commune de Mase, 1968 Mase, représentée parMe Antoine Zen Ruffinen, avocat, case postale 2135, 1950 Sion 2,Conseil d'Etat du canton du Valais,Palais du Gouvernement, 1950 Sion,Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, Palais deJustice, avenue Mathieu-Schiner 1,1950 Sion 2. qualité pour recourir du WWF contre l'approbation d'un plan de quartier surle territoire de la commune de Mase, recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal cantonal du cantondu Valais du 4 novembre 2005. Faits: A.Par avis paru au Bulletin officiel du canton du Valais du 5 mars 2004, laCommune de Mase a soumis à l'enquête publique un projet de modification deson règlement des constructions et des zones (ci-après: le règlementcommunal) ainsi qu'un projet de plan de quartier concernant les lieux-dits"La Louère" et "l'Arpettaz". Ce projet a suscité l'opposition del'association WWF Valais et du WWF Suisse, que le Conseil communal de Mase arejetée le 25 mai 2004. L'assemblée primaire de Mase a approuvé le plan dequartier et la modification du règlement communal par décisions du 16 juin2004, publiées au Bulletin officiel du 25 juin 2004.Le WWF Suisse a recouru contre ces décisions auprès du Conseil d'Etat, enfaisant grief à la Commune de Mase de vouloir transférer les lieux-ditsprécités de la zone agricole d'alpage à la zone à bâtir, en violation desprincipes régissant l'aménagement du territoire. Dans sa décision du 18 mai2005, le Conseil d'Etat a émis des doutes quant à la qualité pour agir du WWFSuisse, mais a néanmoins considéré que le recours était recevable et l'arejeté sur le fond, retenant notamment que les hameaux de La Louère et del'Arpettaz se trouvaient déjà en zone à bâtir depuis 1996. Par décisions dumême jour, publiées au Bulletin officiel du 10 juin 2005, le Conseil d'Etat ahomologué le plan de quartier et la modification du règlement communal. B.Le WWF Suisse a recouru contre ces décisions auprès de la Cour de droitpublic du Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunalcantonal). Il contestait en substance l'affirmation selon laquelle leshameaux concernés avaient déjà été classés en zone à bâtir en 1996 et seplaignait du fait que l'adoption du projet litigieux revenait à effectuer untel classement en violation des règles sur l'aménagement du territoire etvisait à contourner les art. 24 ss de la loi sur l'aménagement du territoiredu 22 juin 1979 (LAT; RS 700). Par arrêt du 4 novembre 2005, le Tribunalcantonal a déclaré le recours irrecevable; il a en effet dénié au WWF Suissela qualité pour agir, considérant que celui-ci n'avait pas rendu plausibleque le projet litigieux touchait à l'application du droit matériel de laConfédération. C.Agissant par la voie du recours de droit administratif, le WWF Suisse demandeau Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Il se plaint d'une violation desrègles sur la qualité pour recourir des organisations de protection de lanature et du paysage, notamment de l'art. 12 de la loi du 1er juillet 1966sur la protection de la nature et du paysage (LPN; RS 451). Il sollicite uneinspection des lieux. Le Tribunal cantonal du canton du Valais a renoncé à sedéterminer. La Commune de Mase et le Conseil d'Etat se sont déterminés; ilsconcluent au rejet du recours. L'Office fédéral du développement territoriala présenté des observations. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursqui lui sont soumis (ATF 131 II 571 consid. 1 p. 573; 130 I 312 consid. 1 p.317 et les arrêts cités). 1.1 Le WWF Suisse fait partie des organisations d'importance nationaleauxquelles la législation fédérale accorde un droit de recours (art. 12 LPNen relation avec l'art. 1 et le ch. 3 de l'annexe de l'ordonnance relative àla désignation des organisations habilitées à recourir dans les domaines dela protection de l'environnement ainsi que de la protection de la nature etdu paysage [ODO; RS 814.076]; cf. notamment ATF 119 Ib 254 consid. 1c p.263). Il a donc qualité pour recourir selon l'art. 103 let. c OJ. 1.2 Une décision de refus d'entrer en matière prise par une autoritécantonale statuant en dernière instance (cf. art. 98 let. g OJ) peut, mêmequand elle est fondée sur le droit cantonal de procédure, faire l'objet d'unrecours de droit administratif au Tribunal fédéral dans les cas oùl'autorité, si elle avait statué sur le fond, aurait dû appliquer le droitadministratif fédéral (ATF 127 II 264 consid. 1a p. 267; 125 II 10 consid. 2bp. 13; 121 II 190 consid. 3a p. 192 et les arrêts cités). En l'occurrence,l'arrêt du Tribunal cantonal est fondé sur les art. 44 et 80 al. 1 de la loicantonale sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA; RS/VS172.6), qui définissent la qualité pour recourir devant les autoritéscantonales, mais également sur l'art. 12 LPN. En outre, si l'autoritéattaquée était entrée en matière sur le fond elle aurait dû appliquer lesrègles fédérales sur l'aménagement du territoire, dont le recourant invoquaitla violation. Celui-ci est donc habilité à faire valoir par la voie durecours de droit administratif que sa qualité pour recourir découlant del'art. 12 LPN a été déniée à tort par l'autorité cantonale de dernièreinstance. Les autres conditions de recevabilité étant réunies, il convientd'entrer en matière. 1.3 Le recourant sollicite la mise en oeuvre d'une inspection locale. Cettemesure d'instruction ne se justifie cependant pas, vu la natureessentiellement procédurale des questions litigieuses. 2.Le recourant soutient que le Tribunal cantonal aurait dû lui reconnaître laqualité pour agir, dans la mesure où il alléguait avec une certainevraisemblance que le plan de quartier litigieux et les modificationscorrespondantes du règlement communal étaient contraires aux principes del'aménagement du territoire et éludaient l'application des art.24 ss LAT. 2.1 En vertu des art. 33 al. 3 let. a LAT et 98a al. 3 OJ, la qualité pourrecourir devant les instances cantonales doit être reconnue dans les mêmeslimites qu'en matière de recours de droit administratif au Tribunal fédéralcontre les décisions et les plans d'affectation fondés sur la loi fédéralesur l'aménagement du territoire et sur les dispositions cantonales etfédérales d'exécution de cette loi.Dans le canton du Valais, l'art. 44 al. 1 let. b LPJA (auquel renvoie l'art.80 al. 1 let. a LPJA pour la procédure de recours devant le Tribunalcantonal) confère la qualité pour recourir à toute personne, organisation ouautorité que la loi autorise à recourir. L'art. 12 LPN accorde un tel droitau recourant (cf. supra consid. 1.1), étant précisé que cette disposition netrouve application que si l'accomplissement d'une tâche de la Confédérationest en jeu (cf. art. 2 LPN). Or, selon la jurisprudence, l'application desart. 24 ss LAT relève de l'accomplissement d'une tâche fédérale au sens del'art. 2 al. 1 let. b LPN pour autant que la mesure contestée soitsusceptible de porter atteinte notamment aux intérêts de la nature et dupaysage. Sous cette réserve, les organisations d'importance nationale au sensde l'art. 12 LPN sont ainsi habilitées à faire valoir qu'une mesure deplanification éluderait les art. 24 ss LAT, plus particulièrement qu'unclassement en zone à bâtir aurait essentiellement pour but de légaliser desconstructions existantes érigées sans droit, en violation des dispositionsprécitées (ATF 123 II 5 consid. 2c p. 7 s.; 289 consid. 1e p. 292; arrêt du12 avril 1994 in ZBl 96/1995 p. 144 consid. 2 et 3; 118 Ib 381 consid. 2b/ccp.391; 115 Ib 508 consid. 5a/bb p. 510).A cet égard, la jurisprudence précise que le simple fait d'affirmer, demanière abstraite, que le projet litigieux concerne une tâche fédérale nesuffit pas. Le recourant doit en outre l'alléguer avec une certainevraisemblance. Lorsque son allégué n'apparaît pas d'emblée entièrementdépourvu de fondement ou que la question soulève une controverse entre lesparties, l'autorité saisie ne peut écarter la prétention comme étantmanifestement dénuée de sens; elle doit trancher la question préalable enordonnant au besoin les mesures d'instruction propres à clarifier l'état defait (ATF 123 II 5 consid. 2c p. 7 s.).2.2 Le Tribunal cantonal a considéré que le recourant n'avait pas renduvraisemblable que le projet litigieux touchait à l'application du droitmatériel de la Confédération, faute d'indice qui rendrait plausiblel'hypothèse selon laquelle l'adoption du plan de quartier litigieux seraitsurtout destinée à "immuniser" des constructions non autorisées contre desordres de démolition assurant le respect des art. 24 ss LAT. Tout enreconnaissant qu'il était possible que certaines constructions puissentbénéficier de cet effet, le Tribunal cantonal a considéré qu'on ne pouvait endéduire que le projet attaqué visait cet objectif. Selon lui, il incombait aurecourant de rendre vraisemblable que les autorités concernées avaient unetelle intention. 2.3 En l'occurrence, il y a lieu de constater que le recourant ne s'est pascontenté d'affirmer de manière abstraite que le projet litigieux concernaitune tâche fédérale, mais qu'il a allégué concrètement que l'adoption du plande quartier litigieux et la modification du règlement communal éludaientl'application des art. 24 ss LAT. Il a ainsi évoqué le fait que certainesconstructions des hameaux de La Louère et de l'Arpettaz auraient ététransformées en résidences secondaires sans autorisation et, se fondant surun rapport du Service de l'aménagement du territoire du canton du Valais(SAT) du 10 février 2005, qu'elles porteraient atteinte au paysage; comme lerelève l'autorité attaquée, cela revient à dire que le projet litigieuxvisait à prémunir ces constructions d'un ordre de démolition fondé sur lesart. 24 ss LAT. Or, la Commune de Mase a admis l'existence de certainesconstructions non autorisées, tout en affirmant qu'il s'agissait d'uneminorité de cas; elle n'a toutefois pas déposé les autorisations qu'elleaurait délivrées pour "la plupart" des transformations, de sorte que leTribunal cantonal ne pouvait privilégier d'emblée cette version au détrimentdes allégués du recourant. Dans ces circonstances, il y a lieu de considérerque ces allégués étaient vraisemblables, sans que le recourant n'ait encore àétablir que la plupart des constructions transformées n'étaient pas aubénéfice d'une autorisation et à rendre plausible que les autoritésconcernées avaient bien l'intention d'éluder les art. 24 ss LAT. De tellesexigences, au demeurant particulièrement difficiles à satisfaire, sontexcessives et vont manifestement au-delà du devoir d'allégation découlant dela jurisprudence précitée, qui se satisfait d'une "certaine vraisemblance".Ainsi, dans la mesure où les allégués du recourant n'étaient pas entièrementdépourvus de fondement, le Tribunal cantonal devait entrer en matière, enordonnant des mesures d'instruction complémentaires s'il l'estimaitnécessaire. Par conséquent, il y a lieu de constater que l'autorité attaquéea violé l'art. 12 LPN en déniant au recourant la qualité pour agir, de sorteque le recours est bien fondé sur ce point. 3.Dans leurs déterminations, le Conseil d'Etat et la Commune de Mase allèguentque les hameaux de La Louère et de l'Arpettaz se trouvaient déjà en zone àbâtir depuis 1996, de sorte que le recourant n'aurait pas qualité pourcontester le projet litigieux. L'arrêt attaqué ne se prononce pas sur cettequestion, bien que les décisions du Conseil d'Etat se fondent sur cetélément. Sur le vu du dossier, et notamment du préavis du 10 février 2005 duSAT, il n'y a pas lieu d'envisager une substitution de motifs sur la base del'art. 114 al. 1 OJ (cf. ATF 129 II 183 consid. 3.4 p. 188). Au demeurant, ilappartenait au Tribunal cantonal d'instruire cette question s'il éprouvaitdes doutes à ce sujet. 4.Il s'ensuit que le recours de droit administratif doit être admis et que ledossier doit être renvoyé au Tribunal cantonal pour nouvelle décision dans lesens des considérants. Il n'y a pas lieu de percevoir des frais (art. 156 al.2 OJ). L'Etat du Valais versera au recourant une indemnité de 2000 fr. àtitre de dépens (art. 159 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis; l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée àla Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais pournouvelle décision. 2.Il est statué sans frais. 3.Une indemnité de 2000 fr. est allouée au recourant à titre de dépens, à lacharge de l'Etat du Valais. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à laCommune de Mase, au Conseil d'Etat et au Tribunal cantonal du canton duValais, Cour de droit public, ainsi qu'à l'Office fédéral du développementterritorial. Lausanne, le 25 avril 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.1/2006
Date de la décision : 25/04/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-04-25;1a.1.2006 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award