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24/04/2006 | SUISSE | N°I.168/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 avril 2006, I.168/05


Cause {T 7}I 168/05 Arrêt du 24 avril 2006IVe Chambre MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard. Greffière : MmeBerset P.________, recourant, représenté par Me Thierry Thonney, avocat, placePépinet 4, 1002 Lausanne, contre Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenueGénéral-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 9 septembre 2004) Faits: A.P. ________, né en 1951, employé de maison, a été au chômage depuis 1er juin1996. A la suite d'un accident de la circulation survenu le 13 juin 1996,

ilsubit une fracture-tassement L3. Il fut hospitalisé du 13 au ...

Cause {T 7}I 168/05 Arrêt du 24 avril 2006IVe Chambre MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard. Greffière : MmeBerset P.________, recourant, représenté par Me Thierry Thonney, avocat, placePépinet 4, 1002 Lausanne, contre Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenueGénéral-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 9 septembre 2004) Faits: A.P. ________, né en 1951, employé de maison, a été au chômage depuis 1er juin1996. A la suite d'un accident de la circulation survenu le 13 juin 1996, ilsubit une fracture-tassement L3. Il fut hospitalisé du 13 au 24 juin 1996 etdut porter un corset pendant trois mois. Son cas a été pris en charge par laCaisse Nationale Suisse d'Assurance en cas d'accidents (CNA). Depuis lors,l'assuré n'a pas repris d'activité professionnelle. Le 1er juillet 1997, ildéposa une demande de prestations de l'assurance-invalidité auprès del'Office AI pour le canton de Vaud (ci-après : OAI). Dans le cadre de l'instruction, l'OAI requit l'avis des docteurs F.________et B.________, respectivement chef de clinique adjoint et médecin assistantdans le service d'orthopédie et de traumatologie de l'appareil moteur del'hôpital X.________, lesquels retinrent une incapacité totale de travail du13 juin 1996 au 12 février 1997 et de 50 % par la suite (rapport du 8 août1997). Par ailleurs, l'OAI confia une expertise au Département universitairede psychiatrie adulte (DUPA). Dans un rapport du 3 mai 1999, les docteursG.________ et L.________, médecin associé et médecin assistant, posèrent lediagnostic de syndrome douloureux persistant et d'état dépressif moyend'intensité moyenne, la capacité de travail dans l'activité exercéeprécédemment oscillait entre 10 et 20 %. Non convaincu par ces conclusions,l'OAI a requis le docteur S.________, spécialiste en psychiatrie, de procéderà une nouvelle expertise. Ce médecin posa selon le DSM IV, les diagnosticssuivants: trouble douloureux associé à un facteur psychologique et à uneaffection médicale générale chronique, d'intensité légère à moyenne (axe I),status post-fracture-tassement de L3, hernie hiatale (axe III), accidentprofessionnel, difficultés d'intégration (axe IV). La capacité de travailétait de 50 % depuis la fin 1997 (rapport du 10 octobre 1999, confirmé par lasuite). Dans un projet de décision du 5 novembre 1999, l'OAI informa l'assuré qu'ilenvisageait de lui octroyer une rente de 50 % dès le 1er juin 1997, soit àl'échéance du délai d'attente d'une année, compte tenu du fait qu'il avaitprésenté une incapacité de travail totale jusqu'au 12 février 1997 et de 50 %par la suite.Par deux décisions du 3 novembre 2000, l'OAI alloua à l'assuré une demi-rented'invalidité du 1er juin 1997 au 31 décembre 1998 et dès le 1er janvier 1999,en regard d'un degré d'invalidité de 51 %. B.Par acte du 7 décembre 2000, P.________ a recouru contre ces décisions devantle Tribunal des assurances du canton de Vaud en concluant à l'allocationd'une rente entière. Dans le cadre de l'instruction, les premiers juges ontconfié un mandat d'expertise au docteur Z.________, spécialiste enpsychiatrie et psychothérapie (rapport du 17 mars 2004). Par jugement du 9septembre 2004, le tribunal a réformé les décisions attaquées en ce sens quel'assuré a droit à une rente entière pour la période du 1er juin 1997 au 31mars 1998. C.P.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement. Atitre principal, il demande au Tribunal fédéral des assurances de constaterque son taux d'invalidité est supérieur à 60 % dès le 1er avril 1998.Partant, il conclut à l'octroi d'une rente entière dès le 1er avril 1998 maiset au moins à trois quarts de rente dès le 1er janvier 2004. A titresubsidiaire, il demande le renvoi de la cause à l'administration afin qu'ellefixe le taux d'invalidité pour la période postérieure au 31 mars 1998. L'OAI conclut à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause àla juridiction cantonale pour qu'elle procède à une reformatio in pejus.Selon lui, certains éléments du dossier donnent à penser que l'on devraitpouvoir raisonnablement exiger de l'assuré le reprise d'une activité adaptée.Quant à l'Office fédéral des assurances sociales, il a renoncé à sedéterminer. D.Pour les suites de son accident, l'assuré est au bénéfice d'une indemnitépour atteinte à l'intégrité de 5 % (4'860 fr.) et d'une rente d'invalidité de10 %, allouées par la CNA. Considérant en droit: 1.Bien que l'OAI n'ait pas recouru contre le jugement cantonal dans le délai derecours de trente jours prévu par l'art. 106 al. 1 OJ (en relation avecl'art. 132 OJ), il remet en question le degré d'incapacité de travail de 50 %fixé par l'expert judiciaire sous l'angle psychique. Nonobstant cettecirconstance, il convient d'examiner, dans ce contexte, son argumentationrelative aux prestations d'assurance litigieuses (cf. art. 132 let. c OJ). 2.2.1En principe, le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs desconclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étantprécisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de lajustice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné.Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'uneexpertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ouqu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions demanière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent desopinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence desdéductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétationdivergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, uneinstruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale(ATF 125 V 352 consid. 3b/aa et les références). En ce qui concerne, parailleurs, la valeur probante d'un rapport médical, ce qui est déterminantc'est que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée,que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également enconsidération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait étéétabli en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contextemédical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfinque les conclusions de l'expert soient dûment motivées. Au demeurant,l'élément déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine du moyen depreuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bienson contenu (ATF 125 V 352 consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c et lesréférences). 2.2 Selon le rapport d'expertise du docteur Z.________, le recourant souffred'un trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger à moyen (F. 33.00). Del'avis de l'expert, la dépression n'est actuellement pas vraiment sévère etil n'y a pas d'évidence qu'elle l'ait jamais été. Néanmoins, on peut admettreque le cumul de ce trouble avec une atteinte somatique modérée (10 %) et àdes douleurs « psychogènes » représente un handicap fonctionnel durable.Celui-ci est dû aux effets de la dépression sur les fonctions « supérieures »: diminution de l'énergie disponible, de la motivation et de laconcentration. Ces limitations ont pour conséquence que n'importe quelleactivité nécessite davantage d'énergie que dans un état normal. Le caractèrechronique et fixé des plaintes laisse peu d'espoir à une amélioration sousl'effet de quelque traitement que ce soit. L'expert conclut qu'un tauxd'incapacité de travail de 50 % (dans une activité adaptée à son étatphysique) semble être une évaluation raisonnable, si l'on tient compte à lafois du handicap, qui est bien réel pour les motifs susmentionnés et ducaractère modéré de l'atteinte psychiatrique. La présence des douleurs «psychogènes » ne modifie pas fondamentalement cette appréciation. 2.3 Les conclusions de l'expert judiciaire reposent sur une étude approfondiede l'anamnèse médicale et psychosociale du recourant ainsi que sur desobservations cliniques complètes. En particulier, le docteur Z.________ aconfronté son diagnostic à celui de ses prédécesseurs, les experts du DUPA etle docteur S.________. Il a écarté le diagnostic de syndrome douloureuxsomatoforme persistant, dès lors que la CIM-10 prescrit de ne pas le retenirlorsqu'il existe un trouble dépressif ou une schizophrénie. Par ailleurs,contrairement à ses confrères, il n'a pas mis en évidence d'élémentscliniques et anamnestiques suggérant un véritable trouble de la personnalité.De plus, l'expert ne fonde pas l'incapacité de travail de l'assuré sur desfacteurs étrangers à l'invalidité. Pour le reste, le rapport d'expertise necontient pas de contradictions. Même si l'évaluation de l'incapacité detravail à 50 % paraît généreuse, il n'y a pas de motifs suffisants des'écarter des conclusions de l'expert judiciaire. Au demeurant, ce tauxrejoint celui auquel étaient parvenus les docteurs F.________/B.________ etS.________ sur la base d'autres diagnostics. 3.3.1Procédant à la comparaison des gains déterminants, l'office et lespremiers juges ont pris en considération un revenu sans invalidité de 45'500fr. par an (3'500 fr. x 13) correspondant à la rémunération que le recouranta perçue au cours des deux années précédant le début de son chômage (1er juin1996). Ils ont fixé le revenu d'invalide à 22'425 fr. par an (1'725 fr. x 13)en se fondant sur le salaire moyen résultant de quatre postes susceptiblesd'être exercés à 50 % par le recourant au regard de son handicap (emploi dansla production alimentaire, travaux dans les installations électriques,magasinage léger, montage industriel). La comparaison des revenus sans etavec invalidité les a conduit à retenir un taux d'invalidité de 50.7 %,arrondis à 51 % (cf. ATF 130 V 122). 3.2 Le recourant - qui ne conteste pas le taux d'incapacité de travail de 50% - met en cause le revenu sans invalidité retenu par les premier juges. Ilfait valoir qu'il avait été licencié et que rien ne permet d'affirmer qu'iln'aurait pas pu obtenir un revenu supérieur par exemple en travaillant dansune usine où les salaires dépassent souvent 4'500 fr. par mois. Il considèreque la détermination du revenu sans invalidité sur la base des statistiquessalariales prendrait mieux en considération sa situation particulière. Selonlui, le revenu sans invalidité devrait être fixé à 4'643 fr. sur la base del'Enquête suisse sur la structure des salaires 1998 (après adaptation àl'horaire de travail de 41,8 heures par semaine en vigueur dans lesentreprises en Suisse à cette époque). En ce qui concerne le revenud'invalide, il propose de retenir le montant de 1725 fr. par mois fixé parl'OAI. La comparaison des deux revenus ainsi déterminés donne un tauxd'invalidité supérieur à 60 %. Cette argumentation ne saurait être suiviepour les motifs exposés ci-après. 3.3 Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuréaurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir aumoment déterminant s'il n'était pas invalide (RAMA 2000 n° U 400 p. 381consid. 2a et la référence, 1993 n° U 168 p. 100 consid. 3b et la référence).Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrètepossible; c'est pourquoi il se déduit en principe du salaire réalisé endernier lieu par l'assuré avant l'atteinte à la santé, en tenant compte del'évolution des salaires (cf. arrêts M. du 26 janvier 2006, consid. 4.3 [B.25/04], et T. du 17 octobre 2003, consid. 5.2.2 [B 80/01], résumé dans REAS2004 p. 239; Meyer-Blaser, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG],1997, p. 205-206). Ce n'est qu'en présence de circonstances particulièresqu'il peut se justifier qu'on s'en écarte et qu'on recoure aux donnéesstatistiques résultant de l'Enquête suisse sur la structure des salaires(ESS) édité par l'Office fédéral de la statistique. Tel sera le cas lorsqu'onne dispose d'aucun renseignement au sujet de la dernière activitéprofessionnelle de l'assuré ou si le dernier salaire que celui-ci a perçu necorrespond manifestement pas à ce qu'il aurait été en mesure de réaliser,selon toute vraisemblance, en tant que personne valide; par exemple,lorsqu'avant d'être reconnu définitivement incapable de travailler, l'assuréétait au chômage ou rencontrait d'ores et déjà des difficultésprofessionnelles en raison d'une dégradation progressive de son état de santéou encore percevait une rémunération inférieure aux normes de salaireusuelles. On peut également songer à la situation dans laquelle le poste detravail de l'assuré avant la survenance de l'atteinte à la santé n'existeplus au moment déterminant de l'évaluation de l'invalidité (cf. consid. 5.2.2de l'arrêt T. précité du 17 octobre 2003 et les références). Par ailleurs, en ce qui concerne spécifiquement la question de la prise enconsidération d'un changement hypothétique d'activité, la jurisprudence poseque des possibilités théoriques de développement professionnel oud'avancement ne doivent être prises en considération que lorsqu'il est trèsvraisemblable qu'elles seraient advenues. Il convient, à cet égard, d'exigerla preuve d'indices concrets que l'assuré aurait obtenu dans les faits unavancement et une augmentation corrélative de ses revenus, s'il n'était pasdevenu invalide. Des indices concrets en faveur de l'évolution de la carrièreprofessionnelle doivent exister, par exemple, lorsque l'employeur a laisséentrevoir une telle perspective d'avancement ou a donné des assurances en cesens. De simples déclarations d'intention de l'assuré ne suffisent pas.L'intention de progresser sur le plan professionnel doit, bien plus, déjàs'être manifestée par des étapes concrètes, telles que la fréquentation decours, le début d'études ou la passation d'examens (ATF 96 V 29; ATFA 1968 p.93 consid. 2a; RAMA 2006 n° U 568 p. 67 consid. 2.1.2 in fine et lesréférences). 3.4 Au regard des principes exposés ci-dessus, il n'y a en l'espèce aucunecirconstance particulière justifiant que l'on s'écarte du dernier salaireobtenu par le recourant. Au demeurant, même si l'on se fondait sur les statistiques salariales pourdéterminer le revenu sans invalidité, on n'aboutirait pas à un résultatdifférent. En effet, dans une telle éventualité, il y aurait lieu de fixer lerevenu d'invalide sur cette base également (cf. p. ex. arrêts B. du 3 février2006, [I 640/04] consid. 7 et K. du 14 avril 2005, [I 12/04] consid. 7.2). Il conviendrait dès lors de déterminer les revenus avec et sans invalidité ense référant aux données statistiques telles qu'elles résultent de l'ESS (ATF126 V 76 consid. 3b/aa et bb). Cependant, lorsque les revenus avec et sansinvalidité sont basés sur la même tabelle statistique, il est superflu de leschiffrer avec exactitude. En pareil cas, le degré d'invalidité se confondavec celui de l'incapacité de travail, sous réserve d'une éventuelleréduction du revenu d'invalide (arrêt M. du 15 avril 2003 [I 1/03] consid.5.2). En l'espèce, compte tenu d'une incapacité de travail de 50 % ainsi qued'un abattement de 10 % du
revenu d'invalide (voir ATF 126 V 78 consid. 5),il résulte un degré d'invalidité de 55 % (50 % + [10 % de 50 %]) ouvrantdroit à une demi-rente d'invalidité. 4.Sur le vu de ce qui précède, le jugement entrepris n'est pas critiquable etle recours se révèle mal fondé. Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances ducanton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales. Lucerne, le 24 avril 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances p. le Président de la IVe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.168/05
Date de la décision : 24/04/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-04-24;i.168.05 ?
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