La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/04/2006 | SUISSE | N°1P.847/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 avril 2006, 1P.847/2005


{T 0/2}1P.847/2005 /col Arrêt du 21 avril 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aeschlimann et Fonjallaz.Greffière: Mme Angéloz. A. ________,recourant, représenté par Me Alexandre Bernel, avocat, contre Procureur général du canton de Vaud,rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, route duSignal 8, 1014 Lausanne. procédure pénale, recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vauddu 13 septembre 2005. Faits: A.Par jugement du 12 avril 2005, le Tribunal correct

ionnel de l'arrondissementde Lausanne a condamné A.________, ...

{T 0/2}1P.847/2005 /col Arrêt du 21 avril 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aeschlimann et Fonjallaz.Greffière: Mme Angéloz. A. ________,recourant, représenté par Me Alexandre Bernel, avocat, contre Procureur général du canton de Vaud,rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, route duSignal 8, 1014 Lausanne. procédure pénale, recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vauddu 13 septembre 2005. Faits: A.Par jugement du 12 avril 2005, le Tribunal correctionnel de l'arrondissementde Lausanne a condamné A.________, pour contravention et infraction grave àla LStup et infraction à la LArm, à la peine de 4 ¿ ans de réclusion et àl'expulsion du territoire suisse pour une durée de 15 ans. Il l'a en outrereconnu débiteur de l'Etat de Vaud d'une somme de 15'000 fr. à titre decréance compensatrice et a ordonné la confiscation et la dévolution à l'Etatde 5'227,40 fr. et 730 euros à valoir sur la créance compensatrice. Letribunal a par ailleurs condamné trois coaccusés, dont B.________, pour desinfractions similaires.Saisie d'un recours en nullité et en réforme de A.________, la Cour decassation pénale du Tribunal cantonal vaudois l'a écarté par arrêt du 13septembre 2005. B.S'agissant des faits utiles au jugement de la présente cause, cet arrêtretient, en substance, ce qui suit.Entre le mois de décembre 2003 et le 16 mai 2004, A.________ et B.________ sesont livrés à un important trafic de cocaïne, dont l'ampleur précise n'a puêtre établie. A.________ a acquis un total de 718 grammes de cocaïne; il arevendu 120 grammes à C.________, 160 grammes à D.________ et 175 grammes àB.________; le solde de 263 grammes, destiné à la vente, a été retrouvé à sondomicile. Il a réalisé ainsi un bénéfice d'environ 18'000 fr. C.A.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral. Invoquantune violation du principe "in dubio pro reo", il conclut à l'annulation del'arrêt attaqué, en sollicitant l'assistance judiciaire.Le Ministère public conclut au rejet du recours, sans formulerd'observations. L'autorité cantonale se réfère à son arrêt. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral ne peut entrer enmatière que sur les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisammentmotivés dans l'acte de recours (cf. art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 258consid. 1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120, 185 consid. 1.6 p.189). 2.Se fondant essentiellement sur l'art. 6 ch. 2 CEDH, le recourant se plaintd'une violation du principe "in dubio pro reo". Il soutient qu'il n'y a pasde preuve suffisante qu'il aurait réalisé le bénéfice de l'ordre de 18'000fr. retenu, qui a conduit à admettre la réalisation de la circonstanceaggravante de l'art. 19 ch. 2 let. c LStup, en sus de celle de la lettre a decette disposition, et, partant, à une aggravation de la peine à lui infligée. 2.1 Le principe "in dubio pro reo", qui découle de la présomptiond'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, parl'art. 32 al. 1 Cst., et non par l'art. 8 Cst. mentionné par le recourant,concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'ilincombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à cedernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend unverdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé soninnocence. Le Tribunal fédéral examine cette question librement (ATF 127 I 38consid. 2a p. 40; 120 Ia 31 consid. 2c et d p. 37/38).Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe "in dubio pro reo"signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de faitdéfavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble deséléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant àl'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 IV 86consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Le Tribunal fédéral ne revoitles constatations de fait et l'appréciation des preuves que sous l'angle del'arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4 p. 211; 120Ia 31 consid. 2d p. 37/38). Il examine en revanche librement la question desavoir si, sur la base du résultat d'une appréciation non arbitraire despreuves, le juge aurait dû éprouver un doute sérieux et insurmontable quant àla culpabilité de l'accusé; dans cet examen, il s'impose toutefois unecertaine retenue, car le juge du fait, en vertu du principe de l'immédiateté,est mieux à même de résoudre la question (cf. arrêts non publiés 1P.454/2005,du 9 novembre 2005, consid. 2.1; 1P.428/2003, du 8 avril 2004, consid. 4.2;1P.587/2003, du 29 janvier 2004, consid. 7.2).La notion d'arbitraire a été rappelée dans divers arrêts récents, auxquels onpeut donc se référer (cf. ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9, 173 consid. 3.1 p.178; 128 I 177 consid. 2.1 p. 182, 273 consid. 2.1 p. 275 et les arrêtscités). En bref, il ne suffit pas, pour qu'il y ait arbitraire, que ladécision attaquée apparaisse critiquable; il faut qu'elle soit manifestementinsoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais dans son résultat. 2.2 En l'espèce, il résulte clairement de son argumentation que le recourantse plaint d'une violation du principe invoqué en tant que règle del'appréciation des preuves, reprochant aux juges cantonaux d'avoir admis sanspreuves suffisantes le bénéfice de quelque 18'000 fr. retenu.A l'appui, il fait essentiellement valoir qu'aucun élément concret ne vientétayer le fait qu'il aurait personnellement réalisé un bénéfice de l'ordre de50 % par rapport au prix de revient de la drogue écoulée. Le jugement depremière instance fournirait au demeurant des indications contradictoiresquant aux montants qu'il a obtenus pour la marchandise livrée au coaccuséE.________. Supposé établi qu'il ait retiré un bénéfice de son trafic,celui-ci ne pourrait être supérieur à 9'800 fr.; après déduction du prix, de13'150 fr., des 263 grammes saisis mais non revendus, il aurait même, en finde compte, subi une perte de 3'350 fr. 2.3 L'arrêt attaqué relève que, selon le jugement de première instance, lerecourant a acquis pour 40 à 50 fr. le gramme la cocaïne qu'il a ensuiterevendue pour 100 fr. le gramme, qu'il a donc réalisé un bénéfice de l'ordrede 50 % par rapport au prix de revient et que, son chiffre d'affaires ayantété estimé à 37'900 fr., ce bénéfice s'élève dès lors à environ 18'000 fr. Ilobserve que ces calculs paraissent conformes aux déclarations des témoinsentendus, à celles du coaccusé E.________, notamment en ce qui concerne lamarge de 50 %, et aux pièces du dossier.Comme le fait valoir le recourant, qui avait déjà soulevé cette objectiondans son recours cantonal, le jugement de première instance ne précisecependant nulle part sur quels éléments il se fonde pour retenir que lerecourant a acquis au prix d'environ 50 fr. le gramme la cocaïne qu'il aensuite revendue pour 100 fr. le gramme et, partant, pour admettre quecelui-ci a réalisé un bénéfice de l'ordre de 50 % par rapport au prix derevient.Certes, l'arrêt attaqué écarte cette objection en relevant que cette marge de50 % paraît correspondre aux déclarations des témoins entendus, à celles ducoaccusé E.________ et aux pièces du dossier. Que le recourant aurait acquisla cocaïne qu'il a revendue au prix d'environ 50 fr. le gramme ne peuttoutefois être déduit d'aucun des témoignages reproduits dans le jugement depremière instance. En particulier, ce jugement ne fait état d'aucunedéclaration de C.________ et de D.________ en ce sens et celles du coaccuséE.________ qu'il reproduit n'attestent pas non plus d'un prix d'achat, par lerecourant, de 50 fr. le gramme de la cocaïne qu'il lui a revendue. Le faitque ce coaccusé a revendu pour 100 fr. le gramme de la cocaïne qu'il avaitacquise du recourant au prix de 40 à 50 fr. le gramme, se procurant ainsi unbénéfice de 2'500 fr., ne le prouve manifestement pas. Si la cour cantonaleestimait que le fait litigieux résultait de déclarations de témoins ou ducoaccusé E.________ non reproduites dans le jugement de première instancemais ressortant du dossier ou qu'il était établi par d'autres éléments depreuve versés au dossier, il lui appartenait d'indiquer précisément surlesquelles elle se fondait. Il n'incombe pas au Tribunal fédéral, saisi d'unrecours de droit public, de rechercher lui-même dans le dossier de quellespièces peut être déduit un fait dont l'autorité cantonale se borne à affirmerde manière toute générale qu'il paraît établi par des témoignages ou despièces du dossier.Force est ainsi de constater que le fait litigieux - à savoir que lerecourant aurait payé environ 50 fr. le gramme la cocaïne qu'il revendaittrès généralement au prix d'environ 100 fr. le gramme, réalisant ainsi unbénéfice de l'ordre de 50 % par rapport au prix de revient - n'est pas établipar les éléments de preuve sur lesquels se fondent les juges cantonaux. Encela, c'est-à-dire autant qu'il retient le fait litigieux sur la base de ceséléments, l'arrêt attaqué est arbitraire. 2.4 Reste à examiner si l'arrêt attaqué est arbitraire dans son résultat (cf.supra, consid. 2.1 in fine).Il est établi et incontesté que le recourant, comme il l'admet d'ailleurssous chiffre 3 de la page 8 de son recours, a vendu, au total, 455 grammes decocaïne, soit 120 grammes à C.________, 160 grammes à D.________ et, autotal, 175 grammes au coaccusé E.________. La première lui a payé 12'000 fr.,le second 16'000 fr. et le troisième, au minimum, 4'600 fr. (1'200 fr. pour40 grammes de cocaïne de piètre qualité, au moins 400 fr. pour 10 autresgrammes de cocaïne et 3'000 fr. d'acompte remis le 16 mai 2004). Au total, lerecourant a donc encaissé au moins 32'600 fr., ce qui correspond d'ailleurs àses propres calculs. Certes, les juges cantonaux retiennent une sommesupérieure, soit 37'900 fr., en se fondant toutefois sur des montants verséspar le coaccusé E.________ - de 2'500, 600 et 6'800 fr. - qu'on ne parvientpas à s'expliquer. Pour que son bénéfice puisse être supérieur à 10'000 fr.,le recourant devrait donc avoir payé à son fournisseur quelque 22'600 fr.pour les 455 grammes revendus, donc près de 50 fr. le gramme. Or, ce montant,ainsi qu'on l'a vu, n'est pas établi à suffisance de droit. Par conséquent,que le recourant se serait procuré un bénéfice supérieur à 10'000 fr. n'estpas non plus établi avec une certitude suffisante. 2.5 Il découle de ce qui précède qu'il subsiste des doutes sérieux sur lepoint de savoir à quel prix le recourant a acquis les 455 grammes de cocaïnequ'il lui est reproché d'avoir revendus et, partant, sur celui de savoir sile bénéfice qu'il a réalisé est supérieur au seuil de 10'000 fr. permettantde retenir la circonstance aggravante du métier au sens de l'art. 19 ch. 2let. c LStup (cf. ATF 129 IV 253 consid. 2/2 p. 255/256). Le grief deviolation du principe "in dubio pro reo" est donc fondé. 3.Le recours de droit public doit ainsi être admis et l'arrêt attaqué annulé.Il sera statué sans frais (art. 156 al. 2 OJ). Le canton de Vaud verseratoutefois une indemnité de dépens au recourant pour la procédure devant leTribunal fédéral (art. 159 OJ). La requête d'assistance judiciaire durecourant devient ainsi sans objet (ATF 131 II 72 consid. 4 p. 80; 109 Ia 5consid. 5 p. 11). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. 2.Il n'est pas perçu de frais. 3.Une indemnité de dépens de 2'000 fr. est allouée au recourant, à la charge ducanton de Vaud. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, auProcureur général et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal ducanton de Vaud. Lausanne, le 21 avril 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.847/2005
Date de la décision : 21/04/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-04-21;1p.847.2005 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award