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19/04/2006 | SUISSE | N°I.653/04

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 avril 2006, I.653/04


{T 7}I 653/04 Arrêt du 19 avril 2006IVe Chambre MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard. Greffière : MmeFretz C.________, recourant, représenté par Me Michel Bise, avocat, passageMax.-Meuron 1, 2000 Neuchâtel, contre Office AI du canton de Neuchâtel, Espacité 4-5, 2302 La Chaux-de-Fonds,intimé Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel (Jugement du 8 septembre 2004) Faits: A.A.a C.________, né en 1961, travaillait en qualité de peintre en bâtiments auservice de L.________. Entre le 31 janvier et le 22 février 1998, il a étévictime de trois ch

utes successives, entraînant diverses contusions del'épaule droit...

{T 7}I 653/04 Arrêt du 19 avril 2006IVe Chambre MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard. Greffière : MmeFretz C.________, recourant, représenté par Me Michel Bise, avocat, passageMax.-Meuron 1, 2000 Neuchâtel, contre Office AI du canton de Neuchâtel, Espacité 4-5, 2302 La Chaux-de-Fonds,intimé Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel (Jugement du 8 septembre 2004) Faits: A.A.a C.________, né en 1961, travaillait en qualité de peintre en bâtiments auservice de L.________. Entre le 31 janvier et le 22 février 1998, il a étévictime de trois chutes successives, entraînant diverses contusions del'épaule droite et du genou gauche. Une IRM de l'épaule droite pratiquée le19 avril 1998 a permis de mettre en évidence une déchirure partielle de laportion distale du tendon du sus-épineux, laquelle a nécessité une suture dutendon ainsi qu'une acromioplastie. Suite à ces accidents, lesquels ont étépris en charge par l'assureur-accidents, C.________ a présenté plusieursincapacités de travail totales et partielles, avant de cesser toute activitéprofessionnelle à partir du 12 mai 1999. Le 6 avril 1999, l'intéressé a déposé une demande de prestations del'assurance-invalidité. A.b Par décision du 2 février 2001, confirmée sur opposition le 6 octobre2001, la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) aoctroyé à C.________ une rente d'invalidité fondée sur une incapacité de gainde 33,33 % - à partir du 1er novembre 2000 -, ainsi qu'une indemnité pouratteinte à l'intégrité fixée selon un taux de 25 %. L'assuré a interjetérecours contre cette décision. A.c Procédant à l'instruction du dossier, l'office de l'assurance-invaliditédu canton de Neuchâtel (ci-après : l'OAI) a requis une expertise du docteurB.________, spécialiste FMH en médecin interne et rhumatologie. Posant lediagnostic de status après contusion de l'épaule droite avec rupturepartielle du tendon du sus-épineux, suture du tendon du sus-épineux avecacromioplastie et état douloureux persistant dans un contexte cliniqued'impingment syndrome résiduel avec un «comportement-maladie» pathologique,l'expert a conclu que l'assuré était apte à reprendre à 100 % une activitéprofessionnelle non qualifiée, adaptée et légère. Une autre possibilitéconsistait dans la reprise de l'activité de peintre, avec un rendement de 50% (cf. expertise du 4 avril 2000). L'assuré a versé au dossier un rapport du docteur H.________, spécialiste FMHen médecine physique et réhabilitation. Ce dernier souligne qu'au vu de lalimitation et des douleurs persistantes de l'épaule droite, l'assuré n'estpas en mesure d'utiliser son bras droit de façon rentable, ce queconfirmerait la reconnaissance, par l'assureur-accident, d'une atteinte àl'intégrité de l'ordre de 25 %. Dans la mesure où l'assuré pourrait toutefoisutiliser son membre supérieur gauche sans difficultés, il pourrait reprendreson activité de peintre en bâtiment ou tout autre activité à raison de 50 %(cf. rapport du 9 juin 2001). Un mandat d'expertise psychiatrique a ensuite été confié par l'OAI au docteurV.________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Selon l'expert,l'assuré présente une dysthymie (F 34.1), une personnalité émotionnellementlabile de type impulsif avec antécédents dyssociaux (F 60.30) et utilisationd'alcool nocive pour la santé (F 10.1). Il conclut que l'ensemble du tableauclinique peut être considéré comme une affection psychique partiellementinvalidante. En ce qui concerne la capacité de travail de l'assuré dans uneactivité adaptée du point de vue orthopédique, il estime que les troublespsychiques énoncés ainsi que des perturbations visibles de ses capacitésd'attention lors de l'examen clinique justifient une incapacité de travail de40 % (cf. rapport d'expertise psychiatrique du 7 janvier 2002).Cette expertise a été soumise à l'appréciation du médecin-conseil de l'OAI,le docteur F.________, lequel a contesté tout caractère invalidant auxtroubles psychiques présentés par l'assuré. Se fondant sur ces dernières conclusions, l'OAI a considéré que C.________disposait d'une capacité totale de travail dans une activité adaptée, desorte que l'invalidité en résultant (17 %) ne lui ouvrait pas droit àd'éventuelles prestations de l'AI (décision du 19 juin 2002). B.Par écriture du 22 août 2002, C.________ a déféré cette décision au Tribunaladministratif du canton de Neuchâtel en concluant, sous suite de dépens,principalement à l'octroi d'une rente d'invalidité et, subsidiairement, aurenvoi de la cause à l'OAI pour complément d'instruction et nouvelledécision. A l'appui de ses conclusions, il fait valoir qu'il est totalementinvraisemblable de prétendre que, compte tenu de son handicap, il serait enmesure de réaliser un revenu de 4'473 fr. par mois, alors que la CNA a, deson côté, retenu un revenu de 3'700 fr. par mois. Au vu de l'importantelimitation fonctionnelle de son épaule droite, il est d'avis que son revenud'invalide pourrait tout au plus atteindre un montant de 2'700 fr. par mois.Il serait même inférieur si l'on tenait compte de l'incapacité de travail de40 % constatée par le docteur V.________ dans son expertise psychiatrique,laquelle a été mise en oeuvre à la requête de l'OAI. C.________ conteste enoutre le revenu sans invalidité en relevant que dans son ancienne activité depeintre, il aurait pu réaliser un revenu de 5'800 fr. par mois et non pas de5'400 fr., comme l'a retenu l'OAI. A la demande de l'OAI, la procédure a été suspendue jusqu'à droit connu surle sort du litige opposant l'assuré à la CNA. Statuant le 23 mars 2004, leTribunal administratif a rejeté le recours de l'assuré et confirmé ladécision de la CNA du 6 octobre 2001. Ce jugement n'a pas été attaqué. Par jugement du 8 septembre 2004, le Tribunal administratif a rejeté lerecours de l'assuré contre la décision de l'OAI du 19 juin 2002. C.C.________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugementdont il requiert l'annulation, en concluant, sous suite de dépens, à l'octroid'un quart de rente. L'office intimé conclut au rejet du recours tandis que l'Office fédéral desassurances sociales a renoncé à se déterminer. Considérant en droit: 1.Le litige porte sur le droit du recourant à une rente, en particulier sur ledegré d'invalidité, respectivement sur la capacité de travail qu'il présentesur le plan psychique. Du point de vue somatique, il est établi et noncontesté que le recourant dispose d'une capacité de travail totale dans uneactivité adaptée et légère. Sous l'angle psychique, les premiers jugesconsidèrent que l'assuré ne subit aucune incapacité de travail, se référantnotamment aux conclusions du rapport d'expertise du docteur B.________. Cefaisant, ils s'écartent des conclusions de l'expertise du docteur V.________,selon lesquelles l'incapacité de travail pour des raisons psychiques s'élèveà 40 %. A cet égard, ils estiment d'une part, que l'expert ne motive pasl'évaluation de ce taux, et que d'autre part, il ne fait pas état d'élémentssuffisants permettant de retenir le diagnostic de dysthymie. Pour sa part, lerecourant estime que l'expertise du psychiatre V.________ est douée d'unepleine valeur probante, notamment eu égard au fait qu'elle émane d'unspécialiste et qu'elle est plus récente de deux ans que celle du docteurB.________. 2.Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales et lajurisprudence relative à la notion d'invalidité, à son évaluation pour lesassurés actifs, à l'échelonnement des rentes, à la valeur probante des piècesmédicales, ainsi qu'à l'application dans le temps de la loi fédérale du 6octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA),entrée en vigueur le 1er janvier 2003, et de la novelle du 21 mars 2003modifiant la LAI (4ème révision), entrée en vigueur le 1er janvier 2004, desorte qu'il suffit d'y renvoyer. 3.Selon le rapport d'expertise du docteur V.________, le recourant souffred'une dysthymie (F 34.1); en outre, il présente une personnalitéémotionnellement labile de type impulsif avec antécédents dyssociaux (F60.30) et utilisation d'alcool nocive pour la santé (F 10.1). L'expertexplique que la personnalité de l'assuré est avant tout marquée par une forteimpulsivité, une tendance colérique et une recherche excessive de sensationsavec une intolérance à l'ennui, permettant de parler d'organisation de lapersonnalité de type psychopatique, mais sur des fondements fragiles,laissant transparaître des angoisses plus archaïques, de nature psychotique.Il note encore que la perception du réel est en général préservée, sauf lorsd'épisodes de stress, où l'expertisé peut momentanément perdre le contactavec la réalité. La recherche excessive des sensations et le manque detolérance à l'ennui expliqueraient pourquoi l'assuré supporte mall'inactivité et qu'il se laisse aller à une consommation alcoolique régulièreà la limite de l'alcoolisme chronique. Sa personnalité aurait pu s'organisersur un mode antisocial s'il n'avait pas bénéficié d'un cadre rassurant enSuisse, constitué tant par l'influence positive de son épouse que par unancrage professionnel solide dans une activité de peintre en bâtiment qui luiconvenait. Ce contexte structurant a permis, selon l'expert, de mettre enveilleuse la structure psychopatique sous-jacente. Les manifestations dutrouble de la personnalité se sont cependant réactivées lorsque l'équilibresocial s'est modifié, à la suite des accidents et de la perte de gainconsécutive dans la profession exercée jusque-là et dans une moindre mesure,la maladie physique de son épouse. Les premiers juges ont considéré que ni le diagnostic de dysthymie, dont ilsmettent en doute la présence de symptômes chez le recourant, ni celui depersonnalité émotionnellement labile de type impulsif avec antécédentsdyssociaux, ne constituent en soi une affection invalidante. Comme le relèvecependant à juste titre le recourant, l'expert explique que l'étatdysthymique a une influence significative sur la capacité de travail parcequ'il est associé à un trouble sévère de la personnalité. C'est donc bien laconjonction de ces troubles psychiques qui entraîne, du point de vuemédico-psychiatrique, une incapacité de travail de 40 % dans toute activitélucrative que l'on pourrait exiger du recourant d'un point de vueorthopédique. Sur ce point, les conclusions de l'expert ne sont infirmées par aucune despièces médicales versées au dossier; en particulier, l'appréciationpsychologique du docteur B.________, laquelle est antérieure à celle del'expert V.________, n'est pas apte à mettre en doute la pertinence de sesdéductions. Au contraire, celles-ci corroborent l'avis du docteur H.________,lequel avait déjà évoqué une aggravation de la situation par un étatanxio-dépressif (cf. rapport du 9 juin 2001). Par ailleurs, l'expert ne fondepas l'incapacité de travail de l'assuré sur des facteurs étrangers àl'invalidité. Pour le reste, le rapport d'expertise ne contient pas decontradictions. Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'écarter des conclusions dudocteur V.________ dans la mesure où celui-ci attribue au recourant uneincapacité de travail de 40 % en raison de troubles psychiques. 4.Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer aumoment de la naissance possible du droit à la rente: les revenus avec et sansinvalidité sont déterminés par rapport à un même moment; les modifications deces revenus, susceptibles d'influencer le droit à la rente, survenuesjusqu'au moment où la décision est rendue, sont également prises en compte(ATF 129 V 223-224 consid. 4.2). En l'espèce, l'expert V.________ a fixé ledébut de l'incapacité de travail de 40 % pour des motifs psychiques au moisde février 2001. Il convient donc de se fonder sur les données de l'année2002 (cf. art. 29 al. 1 let. b LAI). 4.1 Au titre du revenu annuel d'assuré valide, l'office et les premiers jugesont pris en considération, avec raison, un revenu de 64'800 fr.,correspondant à la rémunération que le recourant aurait perçue comme peintreen 2000. Dans son jugement du 23 mars 2004 opposant le recourant à la CNA(TA.2002.7-AA), la juridiction cantonale a en effet jugé que ce montantn'était pas critiquable dans la mesure où il tenait compte des renseignementsfournis par l'ancien employeur du recourant et que sa contestation étaitfondée sur un calcul erroné. Ce revenu doit cependant être adapté àl'évolution des salaires pour l'année 2002 (+ 2,8 % en 2001 et + 1,6 % en2002 dans le secteur de la construction; Annuaire statistique 2004, p. 211,T3.4.3.1), ce qui aboutit à un montant de 67'680 fr. 20. 4.2 Quant au revenu d'invalide, il doit être fixé à la lumière desstatistiques salariales ressortant de l'Enquête suisse sur la structure dessalaires publiée par l'Office fédéral de la statistique (ATF 124 V 321).Selon la table TA1 relative à l'année 2002 (p. 43), il faut partir d'un gaindéterminant, toutes activités confondues dans le secteur privé, de 4'557 fr.par mois (valeur standardisée) pour des travaux simples et répétitifs (niveau4) exercés par un homme. Adapté à l'horaire de travail usuel dans lesentreprises en 2002 (41,7 heures; Annuaire statistique 2004, p. 200,T3.2.3.5), il en résulte un revenu d'invalide annuel de 57'008 fr. Dans lamesure où il n'y a pas lieu d'appliquer un facteur de réduction, il résultede la comparaison de ces revenus, compte tenu d'une incapacité de travail de40 %, un taux d'invalidité arrondi à 49 % (cf. ATF 130 V 121), lequel ouvredroit à un quart de rente. Sur le vu de ce qui précède, le recours se révèle bien fondé. 5.S'agissant d'un litige qui concerne l'octroi ou le refus de prestationsd'assurance, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). En outre, la partie quiobtient gain de cause a droit à des dépens (art. 135 en corrélation avecl'art. 159 OJ). La demande d'assistance judiciaire est donc sans objet. Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est admis et le jugement du Tribunal administratif du canton deNeuchâtel du 8 septembre 2004 ainsi que la décision de l'Office del'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel du 19 juin 2002 sont annulés;le recourant à droit à un quart de rente à partir du 1er février 2002. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.L'office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel versera aurecourant la somme de 2'500 fr. à titre de dépens (y compris la taxe sur lavaleur ajoutée) pour l'instance fédérale. 4.Le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel statuera sur les dépens pourla procédure de première instance, au regard de l'issue du procès de dernièreinstance. 5.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif ducanton de Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances sociales. Lucerne, le 19 avril 2006Au nom du Tribunal fédéral des assurances Le Président de la IVe Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.653/04
Date de la décision : 19/04/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-04-19;i.653.04 ?
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