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18/04/2006 | SUISSE | N°5P.458/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 avril 2006, 5P.458/2005


{T 0/2}5P.458/2005 /frs Arrêt du 18 avril 2006IIe Cour civile M. et Mmes les Juges Raselli, Président,Escher et Hohl.Greffier: M. Braconi. A. X.________,recourante, représentée par Me L.________, avocat, contre B.X.________, intimée, représentée par Me Patrick Blaser, avocat,M.________,intimé, représenté par Me Louis Gaillard, avocat,Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,1211 Genève 3. art. 9 Cst., etc. (désignation d'un représentant d'une communautéhéréditaire), recours de droit public contre l'arrêt de la Chambrecivile de la Cour de jus

tice du canton de Genève du14 novembre 2005. Faits: A.D. X.______...

{T 0/2}5P.458/2005 /frs Arrêt du 18 avril 2006IIe Cour civile M. et Mmes les Juges Raselli, Président,Escher et Hohl.Greffier: M. Braconi. A. X.________,recourante, représentée par Me L.________, avocat, contre B.X.________, intimée, représentée par Me Patrick Blaser, avocat,M.________,intimé, représenté par Me Louis Gaillard, avocat,Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,1211 Genève 3. art. 9 Cst., etc. (désignation d'un représentant d'une communautéhéréditaire), recours de droit public contre l'arrêt de la Chambrecivile de la Cour de justice du canton de Genève du14 novembre 2005. Faits: A.D. X.________, ressortissant libanais, né le 30 septembre 1919, domicilié àCologny, est décédé à Thônex (GE) le 5 avril 2004. Par testament public du 22mars 2001, il a institué comme héritière unique son épouse B.X.________, denationalité égyptienne, née le 6 mars 1936, et prévu une substitutionfidéicommissaire en faveur de sa soeur A.X.________, et de ses descendants;Me M.________ a été désigné exécuteur testamentaire. Le même jour, l'épouse ainstitué son mari comme unique héritier, avec une substitutionfidéicommissaire en faveur de son frère et de ses descendants, Me M.________étant nommé exécuteur testamentaire. Selon deux testaments olographes rédigésà Paris le 2 mars 1983, le défunt a légué à sa femme tous les biens luiappartenant et susceptibles de se trouver en France et dans la Principauté deMonaco. B.B.aLe 15 octobre 2004, B.X.________ a saisi le Juge de paix du canton deGenève d'une requête en désignation d'un représentant de la communautéhéréditaire, au sens de l'art. 602 al. 3 CC, aux fins de représenter celle-cidans une procédure aux Etats-Unis, intentée par D.X.________ et elle-mêmecontre C.X.________, fils de A.X.________, et les sociétés qu'il contrôle.Par ordonnance du 8 novembre 2004, ledit magistrat a désigné Me M.________ enqualité de représentant de la communauté héréditaire dans cette procédure etl'a autorisé à mandater un avocat américain de son choix pour le représenter,en sorte que soient prises toutes mesures utiles à la sauvegarde des droitsde l'hoirie. Le 22 novembre 2004, A.X.________, assistée de Me F.________, a recourucontre cette décision, concluant à son annulation; elle ne remettait pas encause la nomination d'un représentant légal de l'hoirie, mais s'opposait àcelle de Me M.________ qui, à son avis, ne remplissait pas les conditionsd'indépendance et d'impartialité nécessaires. La Cour de justice a suspendul'examen de cette affaire dans l'attente du résultat de l'autre procédurependante. B.b Cette autre procédure, introduite le 7 avril 2004 par A.X.________,représentée par Me F.________, visait au prononcé de mesures de sûretés (i.e.apposition de scellés, blocage de comptes et inventaire des biens du défuntet de son épouse) au sens des art. 551 à 559 CC. Le 6 avril 2005, après avoirinstruit la question de la représentation de la requérante par l'avocatprénommé et ayant admis qu'il n'existait aucune raison de mettre en doute lavalidité de la procuration établie en faveur de celui-ci, le Tribunal fédérala annulé la décision de la Cour de justice du 30 juin 2004 (5P.322/2004). Le 24 juin 2005, A.X.________ ayant été entendue le 6 avril 2005 par leTribunal de première instance de Genève dans le cadre du procès en annulationdu testament de D.X.________, la Cour de justice s'est fondée sur sesdéclarations pour constater qu'elle n'était pas partie à la procédure,qu'elle n'était pas valablement représentée par son avocat, que l'élection dedomicile en l'étude de ce dernier était dépourvue de valeur et que tous lesactes accomplis par elle étaient nuls et dépourvus d'effets; la courcantonale a ordonné l'administration d'office de la succession et renvoyé lacause au Juge de paix pour qu'il procède à la désignation de l'administrateurofficiel de la succession et prenne les mesures d'exécution nécessaires.Cette décision est entrée en force, faute d'avoir été attaquée en tempsutile. B.c Reprenant la procédure en désignation d'un représentant de la communautéhéréditaire, la Cour de justice a estimé, en se basant sur son arrêt du 24juin 2005, que A.X.________ n'avait pas conféré de pouvoirs à Me F.________au moment du dépôt de l'appel et a donc déclaré celui-ci irrecevable pararrêt du 14 novembre 2005. B.d Le 20 septembre 2005, faisant référence à un précédent courrier du 17juin 2005, Me F.________ a informé la Cour de justice qu'il ne représentaitplus A.X.________. Le 22 septembre 2005, Me L.________ a fait savoir àl'autorité cantonale qu'il représentait désormais l'intéressée. C.A.X.________, représentée par son tuteur, interjette un recours de droitpublic au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 14 novembre 2005, concluant àson annulation; elle dénonce la violation de l'interdiction de l'arbitraire(art. 9 Cst.), de l'interdiction du formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst.),du principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 et 9 Cst.) et du droit d'êtreentendu (art. 29 al. 2 Cst.). B. X.________ conclut à titre principal à l'irrecevabilité, à titresubsidiaire au rejet, du recours; Me M.________ conclut au rejet du recours.Le 6 février 2006, la Cour de justice a informé le Tribunal fédéral que lesdécisions d'interdiction et d'autorisation du tuteur n'ont pas étémentionnées dans les observations qui lui ont adressées par la recourante le14 octobre 2005. D.Le 10 mars 2006, la Juge déléguée a ordonné la production, jusqu'au 3 avrilsuivant, de l'original de la procuration, légalisée, l'original de ladécision (définitive) d'interdiction et de désignation du tuteur, avectraduction certifiée conforme, ainsi que l'original de la décision autorisantle tuteur à procéder en justice, avec traduction certifiée conforme. Elle aégalement autorisé la recourante à répliquer sur le point soulevé par la Courde justice dans son courrier du 6 février 2006. Le 3 avril 2006, la recourante a produit la première pièce requise et latraduction de la légalisation; s'agissant de la décision d'interdiction et dedésignation du tuteur, elle a produit la copie de la décision, avec sceauoriginal et signature légalisée, et sa traduction légalisée, ainsi quel'attestation du caractère définitif, légalisée, et sa traduction légalisée;elle a produit les mêmes documents pour la décision autorisant le tuteur aagir; elle a produit, au surplus, une attestation, légalisée et traduite, duGreffe du Tribunal mentionnant qu'il ne peut être délivré d'original, maisseulement une copie certifiée conforme des décisions en question. Elle arépliqué également en indiquant qu'elle a produit la décision d'interdictionet de désignation du tuteur et celle d'autorisation de celui-ci dans laprocédure en annulation de testament, à laquelle la Cour de justice se réfèredu reste expressément dans l'arrêt déféré. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursqui lui sont soumis (ATF 131 III 667 consid. 1 p. 668). 1.1 La désignation d'un représentant de la communauté héréditaire au sens del'art. 602 al. 3 CC relève de la juridiction gracieuse (ATF 108 Ia 308consid. 2a p. 310; 94 II 55 consid. 2 p. 58). Ne figurant pas au nombre desexceptions énumérées aux art. 44 let. a-f et 45 let. b OJ, une telle décisionn'est pas susceptible d'un recours en réforme (ATF 72 II 54; arrêt5P.152/1993 du 17 août 1993, consid. 1a). Vu les griefs soulevés, seul lerecours de droit public est ouvert en l'espèce. 1.2 Déposé en temps utile à l'encontre d'une décision finale rendue endernière instance cantonale, le présent recours est aussi recevable au regarddes art. 89 al. 1, 87 et 86 al. 1 OJ. 2.Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition à toutstade de la procédure la capacité d'ester en justice. Si cette capacité faitdéfaut, il ne peut entrer en matière sur le recours et statuer au fond, àmoins que ce vice ne puisse être réparé (Messmer/Imboden, Die eidgenössischenRechtsmittel in Zivilsachen, Zurich 1992, p. 14 ch. 11 et les références). Dans son recours de droit public, Me L.________ expose que ses pouvoirs luiont été conférés le 3 août 2005 par le tuteur de la recourante, N.X.________,et produit une photocopie de la procuration que lui a remise ce dernier,ainsi que les décisions (traduites) d'interdiction et d'autorisation dututeur d'agir en justice délivrées par les autorités libanaises. L'intimée ayant fait valoir, dans sa réponse, que «rien n'indique dans l'actede recours de droit public, ni dans son intitulé ni dans son corps, que larecourante serait représentée par son tuteur, Monsieur N.X.________», et,partant, que celui-ci «n'est ainsi pas intervenu au recours et n'a prisaucune conclusion, ce qui doit conduire à l'irrecevabilité du recours», larecourante a été invitée à produire les pièces énumérées ci-dessus (let. D).Sur la base de ces documents, produits en temps utile, il y a lieu d'admettrequ'elle est légalement représentée par son fils, lequel a mandaté MeL.________ pour déposer le présent recours. Il s'ensuit que le recours estrecevable sous cet angle. 3.Les autres pièces nouvelles produites à l'appui du recours et les faitsnouveaux invoqués sont irrecevables (ATF 129 I 49 consid. 3 p. 57). 4.Le chef de conclusions de l'intimée tendant à l'irrecevabilité du recours enraison de l'autorité de la chose jugée que déploierait la décision du 24 juin2005 (supra, let. Bb) sur la présente procédure repose sur une méconnaissancede la notion et de la portée de cette exception. Celle-ci ne s'attache, eneffet, qu'au seul dispositif du jugement, mais non aux motifs, et le jugeappelé à statuer dans une autre affaire n'est pas lié par les constatationsde fait et les motifs de la précédente décision (ATF 121 III 474 consid. 4ap. 478 et les citations). 5.En l'espèce, la Cour de justice a déclaré irrecevable le recours déposé parMe F.________ au nom de A.X.________. Elle s'est référée à sa décisionrelative aux mesures de sûretés, dans laquelle elle avait constaté que laprénommée n'avait pas confirmé, lors de sa comparution personnelle le 6 avril2005, avoir confié la défense de ses intérêts à l'avocat libanais MeY.________, lequel aurait mandaté Me F.________; au contraire, elle avaitaffirmé ne pas connaître ce dernier et ne pas avoir conféré ni signé laprocuration du 18 août 2004 produite devant le Tribunal fédéral. Elle avaiten outre déclaré ne pas connaître S.________, de sorte que la validité de sareconnaissance du 17 février 2005 apparaissait pour le moins douteuse, ettout ignorer des procédures intentées en Suisse contre sa belle-soeur. Lajuridiction cantonale en avait conclu que A.X.________ n'était pas partie àla procédure, qu'elle n'était pas valablement représentée par son avocat, quel'élection de domicile en l'étude de celui-ci était dépourvue de valeur etque tous les actes accomplis par elle étaient nuls et sans effets. Dans laprocédure en désignation d'un représentant, l'autorité cantonale a admis queA.X.________ n'avait pas non plus conféré valablement à l'avocat ayantrecouru en son nom la faculté de procéder et qu'elle n'avait pas non plusratifié les actes de celui-ci lors de son audition le 6 avril 2005; elle aestimé que, même si un nouvel avocat s'était constitué, il n'était pasnécessaire d'examiner s'il disposait d'un mandat valable, car il eût falluque le recours ait été ratifié dans le délai de recours, ce qui n'avait pasété le cas.La recourante, représentée désormais par son tuteur, expose plusieurs griefs;elle soutient notamment que la Cour de justice a arbitrairement reconstituéles faits et apprécié les déclarations qu'elle a faites lors de son auditionle 6 avril 2005. 5.1 De jurisprudence constante, les autorités cantonales jouissent d'un largepouvoir en matière de constatation des faits et d'appréciation des preuves.Le Tribunal fédéral n'intervient du chef de l'art. 9 Cst. que si laconstatation ou l'appréciation critiquée se révèle arbitraire, à savoirmanifestement insoutenable ou en contradiction évidente avec le dossier (ATF128 I 81 consid. 2 p. 86; 128 II 182 consid. 3d p. 186; 127 I 38 consid. 2ap. 41); encore faut-il que la décision attaquée en soit viciée dans sonrésultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). 5.2 Le grief apparaît fondé. Lors de son audition, la recourante - âgée de 88ans - a dit tour à tour qu'elle avait intenté un procès contre la femme deson frère, estimant «normal d'avoir quelque chose dans le cadre de lasuccession» de celui-ci, puis ne savait pas si une procédure était pendanteen Suisse, puis l'ignorait ou ne se souvenait plus. Ces proposcontradictoires ne permettaient pas à l'autorité cantonale de considérer quel'intéressée était encore capable de discernement et de nier qu'elle avaitmandaté Me F.________, ou d'admettre qu'elle avait révoqué la procuration enfaveur de celui-ci; cela d'autant plus qu'elle avait fait ces déclarations enprésence de son fils R.X.________ et de Me F.________, qui l'assistaient tousdeux selon le rubrum du procès-verbal, et qu'une requête d'expertise de sacapacité de discernement avait été présentée au tribunal. Dans cesconditions, il incombait à la cour cantonale d'instruire d'office cettequestion, dont dépendait la recevabilité de l'appel cantonal. Il s'ensuit que le recours doit être accueilli pour ce motif déjà et l'arrêtattaqué annulé. Il devient dès lors superflu d'examiner les autres griefs dela recourante, dont l'intimée soutient par ailleurs qu'ils reposeraient surdes pièces nouvelles irrecevables. 6.Vu le sort du présent recours, les frais de justice et les dépens doiventêtre mis à la charge des intimés qui succombent, solidairement entre eux(art. 156 al. 1 et 7, art. 159 al. 1 et 5 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. 2.Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis solidairement à la charge desintimés. 3.Les intimés verseront solidairement à la recourante une indemnité de 5'000fr. à titre de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 18 avril 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le Président: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.458/2005
Date de la décision : 18/04/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-04-18;5p.458.2005 ?
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