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18/04/2006 | SUISSE | N°5C.40/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 avril 2006, 5C.40/2006


5C.40/2006 /frs{T 0/2} Arrêt du 18 avril 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Hohl et Marazzi.Greffier: M. Fellay. X. ________,demandeur et recourant, représenté par Me Jean-Michel Pariat, avocat, contre 1. A.________, 2. B.________, 3. C.________, 4. D.________, 5. E.________,défendeurs et intimés,tous représentés par Me Philippe-Edouard Journot, avocat, passage nécessaire, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunalcantonal du canton de Vauddu 29 décembre 2005. Faits: A.Le 28 novembre 2000, X.________ a acheté aux frères F.____

____, fils deG.________, l'immeuble n° xxx de la commune de Y...

5C.40/2006 /frs{T 0/2} Arrêt du 18 avril 2006IIe Cour civile MM. et Mme les Juges Raselli, Président,Hohl et Marazzi.Greffier: M. Fellay. X. ________,demandeur et recourant, représenté par Me Jean-Michel Pariat, avocat, contre 1. A.________, 2. B.________, 3. C.________, 4. D.________, 5. E.________,défendeurs et intimés,tous représentés par Me Philippe-Edouard Journot, avocat, passage nécessaire, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunalcantonal du canton de Vauddu 29 décembre 2005. Faits: A.Le 28 novembre 2000, X.________ a acheté aux frères F.________, fils deG.________, l'immeuble n° xxx de la commune de Y.________, comprenant unehabitation, une place-jardin et un pré-champ. Cet immeuble bénéficie d'uneservitude n° xxx de passage à pied et pour tous véhicules à la charge de laparcelle n°xxx de la même commune. Actuellement, la servitude n'est pasaménagée et consiste en une bande herbeuse de 335 mètres, en légèredéclivité, traversée à un endroit par un ruisseau. Pour accéder à son immeuble, X.________ utilise un autre chemin, gravillonné,traversant l'immeuble n° xxx de la même commune, copropriété des membres dela Société H.________, soit actuellement A.________, B.________, C.________,D.________ et E.________. Il s'agit de la servitude n° xxx de passage à pied("sentier public... rejoignant le chemin ...") en faveur de la commune deY.________, grevant les fonds n° xxx, xxx et xxx. En 1990, lors de latransformation de la ferme située sur l'immeuble n° xxx, qui appartenaitalors à G.________, le passage des camions a transformé le sentier piétonnieren piste de chantier; G.________ l'a ensuite gravillonné. Les propriétairesde l'immeuble n° xxx, dont faisait partie G.________, ont autorisé cedernier, à bien plaire, à rejoindre sa ferme en passant par ce chemin, maisils ont toujours refusé d'inscrire un droit de passage. Contactés par les frères F._________ et leur mère avant la vente del'immeuble n° xxx à X.________, les propriétaires de l'immeuble n°xxx ontrefusé de constituer une servitude, le chemin devant demeurer un accès àpied. Le contrat de vente mentionne que l'acheteur a été renseigné à sasatisfaction sur l'exercice des servitudes. X.________ allègue toutefoisqu'il a cru que la servitude de passage pour tous véhicules était celle quise présentait sous la forme du chemin gravillonné traversant l'immeuble n°xxx. B.Le 16 juillet 2002, X.________ a ouvert contre les propriétaires del'immeuble n° xxx une action tendant à l'octroi d'un passage nécessaire pourvéhicules automobiles, selon le tracé de l'actuelle servitude de passage àpied n° xxx, et a offert une indemnité de 675fr.Par jugement du 27 mai 2004, le Président du Tribunal civil del'arrondissement de l'Est vaudois a admis partiellement la demande etnotamment donné ordre au conservateur du registre foncier de modifier laservitude de passage à pied n° xxx en une servitude de passage pour piéton etpour tous véhicules, s'exerçant sur une largeur de trois mètres, et fixél'indemnité due par le demandeur aux défendeurs au montant de 21'140 fr. Par arrêt du 26 septembre 2005, dont les motifs ont été notifiés aux partiesle 29 décembre 2005, la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois aréformé le jugement du tribunal d'arrondissement en ce sens que la demandeétait rejetée. C.Contre cet arrêt, X.________ a interjeté, le 1er février 2006, un recours enréforme au Tribunal fédéral, concluant à la modification de la servitude depassage à pied en servitude de passage pour piéton et pour tous véhicules, de3 mètres, contre paiement d'une indemnité de 21'140 fr. Subsidiairement, ilconclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la courcantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Les intimés concluent au rejet du recours. D.Le recours de droit public formé parallèlement par X.________ a été rejeté,dans la mesure de sa recevabilité, par arrêt de ce jour (5P.56/2006). Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Formé en temps utile contre une décision finale prise par le tribunal suprêmed'un canton dans une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse8'000 fr., le présent recours est recevable au regard des art. 46, 48 al. 1et 54 al. 1 OJ. 2.Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire sonraisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, àmoins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient étéviolées, qu'il n'y ait lieu de rectifier d'office des constatations reposantsur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou de compléter lesconstatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu comptede faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 130 III 102consid. 2.2). Il ne peut être présenté dans un recours en réforme de griefscontre les constatations de fait, ni de faits nouveaux (art. 55 al. 1 let. cOJ) et l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autoritécantonale ne peut y être remise en cause (ATF 130 III 136 consid. 1.4; 129III 618 consid. 3; 126 III 189 consid. 2a). 3.3.1Aux termes de l'art. 694 al. 1 CC, le propriétaire qui n'a qu'une issueinsuffisante sur la voie publique peut exiger de ses voisins qu'ils luicèdent le passage nécessaire, moyennant pleine indemnité. Dans unejurisprudence constante, le Tribunal fédéral a fait dépendre l'octroi d'unpassage nécessaire de conditions très strictes. De la genèse de l'art. 694CC, il a déduit que le droit de passage - fondé sur le droit de voisinage -ne peut être invoqué qu'en cas de véritable nécessité (ATF 120 II 185 consid.2a et les arrêts cités). Il n'y a nécessité que si l'accès du fonds à la voie publique, tel qu'il estexigé par ses besoins économiques, fait totalement défaut ou est trèsentravé; un droit de passage nécessaire ne peut en effet pas être accordépour simplement améliorer des communications qui ne sont pas entièrementsatisfaisantes (ATF 105 II 178 consid. 3b; 80 II 311 consid. 2 p. 317 et lesréférences). En particulier, un accès ne fait pas totalement défaut lorsque lepropriétaire du fonds dispose d'un droit de servitude sur un fonds voisin oud'un droit personnel d'utilisation sur celui-ci (Meier-Hayoz, BernerKommentar, n. 45 ad art. 694 CC; Karin Caroni-Rudolf, Der Notweg, thèse Berne1969, p. 69) et qu'il peut l'utiliser, le cas échéant, en l'aménageant sansfrais disproportionnés (Meier-Hayoz, loc. cit., n.47 ad art. 694 CC;Caroni-Rudolf, loc. cit.).3.2 En l'occurrence, la cour cantonale retient que le recourant dispose avecla servitude n° xxx d'un accès à la voie publique pour tous véhicules; eneffet, même si cette servitude n'est pour l'instant pas aménagée et consisteen une bande herbeuse, son aménagement en un accès carrossable peut êtreestimé à un montant de l'ordre de 80'000 fr. (et le coût de son déneigementen hiver à 1'000 fr.), soit à un montant qui n'est pas disproportionné parrapport à la valeur du bien-fonds et à son utilisation à fin d'habitation;par ailleurs, il n'y a aucune raison de remettre en cause la faisabilité del'aménagement ni le caractère praticable de l'accès tels que les a admisl'expert; enfin, l'aménagement de l'accès nécessitera l'autorisation desautorités et en l'état, il n'existe aucun élément permettant de penser quel'accès ne serait pas aménageable selon les prescriptions du droit public. 4.Le recourant soutient que la servitude en bande herbeuse de 335 m, àdéclivité importante et traversée au milieu par un ruisseau, ne répond pas"en son état" aux besoins actuels de son fonds, car elle ne permet pas lepassage de véhicules à moteur, particulièrement en hiver. Or, la cour cantonale ne conteste pas que les besoins actuels du fonds, vouéà l'habitation, exigent de pouvoir y accéder toute l'année avec un véhiculede tourisme. Elle estime toutefois que le recourant peut aménager saservitude sans frais disproportionnés et qu'ainsi il aura un accès suffisant.Contrairement à ce que croit le recourant, les besoins actuels ne doivent pasêtre mesurés par rapport au chemin herbeux "en son état" actuel, mais parrapport au chemin aménagé en passage carrossable, pour un coût de 80'000 fr. 5.Le recourant soutient ensuite qu'on ne peut exiger de lui qu'il aménage lechemin herbeux pour trois raisons. 5.1 Tout d'abord, il soutient que la jurisprudence cantonale citée par lacour cantonale, en vertu de laquelle il n'y a pas nécessité lorsqu'un "accèspeut être créé à travers un ou des fonds contigus appartenant au mêmepropriétaire sans frais disproportionnés", ne s'applique pas à son caspuisqu'il n'est pas propriétaire d'un fonds contigu à travers lequel lepassage pourrait s'exercer.Certes, la jurisprudence citée envisage le cas d'un fonds dont lepropriétaire est également propriétaire d'un fonds contigu, mettant l'accentsur le fait que, même si le fonds n'a pas de droit sur un fonds contigu, ilest suffisant que son propriétaire en ait. Mais la situation de l'espèce oùle fonds lui-même bénéficie d'un droit de passage sur le fonds contigu estégalement un cas dans lequel on doit nier qu'un accès fait "totalementdéfaut" (cf. consid. 3 ci-dessus). 5.2 Le recourant estime ensuite que l'acte constitutif de la servitudemettait les frais d'aménagement du passage à la charge de G.________. Or, cetacte met les frais de construction et d'entretien du chemin à la charge du"propriétaire de la nouvelle parcelle". S'il règle les rapports entre lespropriétaires du fonds dominant et du fonds servant, il ne peut être opposépar l'acheteur du fonds dominant ni au propriétaire du fonds servant, ni aupropriétaire d'un fonds voisin. 5.3 Le recourant estime enfin qu'un aménagement d'un coût de 80'000 fr.laisserait subsister une déclivité importante, pouvant aller jusqu'à 12%, quiserait périlleuse en hiver, que le chemin ne pourrait pas être déneigésuffisamment tôt le matin, qu'il serait boueux et donc dangereux par fortespluies et, partant, qu'il n'apporterait pas une issue suffisante,correspondant aux besoins actuels, à savoir permettant le passage devéhicules de tourisme. La cour cantonale retient que l'aménagement du chemin est faisable et en feraun accès praticable. Dans la mesure où elle s'écarte de cette appréciationdes faits, la critique du recourant est irrecevable (cf. consid. 2ci-dessus). 6.Estimant que la notion de frais disproportionnés relève du droit, lerecourant reproche encore à la cour cantonale d'avoir arbitrairement retenuque les frais d'aménagement de 80'000 fr. n'étaient pas disproportionnés,alors qu'elle ne s'est référée ni à des tabelles ni à une norme du droit dela construction en la matière. Le recourant se méprend sur la notion de question de droit. Elle sert àdélimiter la cognition de la juridiction de réforme, qui ne revoit que lesquestions de droit - à l'exclusion du droit constitutionnel - (art. 43 al. 1OJ). On ne peut en déduire l'obligation de se référer à des tabelles ou desnormes techniques du droit de la construction. Au demeurant, le recourant nedit nullement pourquoi les frais d'aménagement retenus devraient êtreconsidérés comme disproportionnés par rapport à la valeur du bien-fonds. 7.Dans ce contexte des frais d'aménagement, le recourant fait aussi valoirqu'il n'aurait pas acheté l'immeuble ou aurait négocié un autre prix s'ilavait su qu'il devrait encore consacrer 80'000 fr. pour un accès, qui neserait encore pas suffisant à ses yeux. Cet argument pourrait être opposé auvendeur, mais il ne saurait l'être au voisin auquel le passage nécessaire estdemandé. 8.Le recourant reproche encore à la cour cantonale de n'avoir pas tranché laquestion de savoir si l'aménagement de la servitude était possible en vertudes prescriptions du droit public. Selon lui, il s'agirait là d'une conditiond'application de l'art. 694 al. 1 CC. L'action tendant à la cession du passage nécessaire est soumise au principede disposition et à la maxime des débats en vertu du droit cantonal, sousréserve de l'art. 342 al. 3 CPC/VD (art. 409 ch. 4 et 410 al. 1 qui renvoieaux art. 340 al. 1 et 3-4 CPC/VD; Poudret/Haldy/Tappy, Procédure civilevaudoise, 3e éd., n. 1 ad art. 4 CPC/VD). Le demandeur supporte le fardeau dela preuve et le fardeau de l'allégation objectif des conditions du passagenécessaire de l'art. 694 al. 1 CC (art. 8 CC). En particulier, il luiincombait d'alléguer et de prouver qu'en l'occurrence l'accès par laservitude n° xxx était insuffisant parce qu'il ne pouvait être aménagé enraison des règles du droit public. En retenant qu'"en tout état, il n'existetoutefois aucun élément permettant de penser que l'accès ne serait pasaménageable selon les prescriptions du droit public", la cour cantonale adonc correctement laissé à la charge du demandeur l'échec de l'allégation etde la preuve de ce fait. Le recourant ne peut invoquer l'art. 65 OJ dans lamesure où les constatations qui font défaut lui sont imputables. 9.Enfin, le recourant soutient que les intimés commettent un abus de droit(art. 2 CC) en lui refusant leur accord à la constitution d'une servitude depassage: ils adopteraient en effet un comportement contradictoire puisqu'ilsont toléré la route gravillonnée illicite, construite par le précédentpropriétaire, et son usage pendant plus de 10 ans, qu'ils n'ont pas exigé laremise en état des lieux et ont toléré le passage des services industriels dela ville de Lausanne. Le seul fait que les défendeurs aient toléré pendant une longue période lepassage à travers leur fonds ne fonde pas de droit à une servitude. Le droitsuisse ne connaît la prescription acquisitive de servitudes foncières qu'auxconditions des art. 661 à 663 CC, auxquels renvoie l'art. 731 al. 2 CC, etces conditions ne sont pas réalisées en l'espèce. Par ailleurs, la protectionde l'acquéreur de bonne foi (art. 973 CC) n'entre pas en considération icidès lors qu'il s'agit d'une servitude non inscrite. S'il estime avoir ététrompé par le vendeur de l'immeuble, l'acheteur doit s'en prendre à celui-ci.Ses droits sont par ailleurs suffisamment protégés par le droit au passagenécessaire de l'art. 694 al. 1 CC, dont les conditions ne sont toutefois pasréalisées. L'invocation de l'abus de droit ne peut pas lui permettred'obtenir ce que la loi lui refuse. 10.Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il estrecevable. Le recourant supportera les frais de la procédure (art. 156 al. 1OJ) et versera une indemnité de dépens aux défendeurs (art. 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 2'500 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Le recourant versera aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de2'500 fr. à titre de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Lausanne, le 18 avril 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.40/2006
Date de la décision : 18/04/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-04-18;5c.40.2006 ?
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