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18/04/2006 | SUISSE | N°4P.15/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 avril 2006, 4P.15/2006


{T 0/2}4P.15/2006 /ech Arrêt du 18 avril 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Favre.Greffière: Mme Godat Zimmermann. A. ________,B.________,recourants, représentés par Me Monica Bertholet, contre X.________ Inc.,intimée, représentée par Me Daniel Guggenheim,Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,1211 Genève 3. art. 29 al. 2 Cst. (droit d'être entendu),recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour dejustice du canton de Genève du 24 novembre 2005. Faits: A.Le 8 octobre 1998, X.________ Inc

. a ouvert action en paiement contreA.________, B.________, ...

{T 0/2}4P.15/2006 /ech Arrêt du 18 avril 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Klett et Favre.Greffière: Mme Godat Zimmermann. A. ________,B.________,recourants, représentés par Me Monica Bertholet, contre X.________ Inc.,intimée, représentée par Me Daniel Guggenheim,Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,1211 Genève 3. art. 29 al. 2 Cst. (droit d'être entendu),recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour dejustice du canton de Genève du 24 novembre 2005. Faits: A.Le 8 octobre 1998, X.________ Inc. a ouvert action en paiement contreA.________, B.________, C.________ et D.________. Le 19 mai 2004, le Tribunal de première instance du canton de Genève acondamné solidairement les défendeurs, sauf D.________ mis hors de cause, àpayer à X.________ Inc. la somme de 5'900'000 USD avec intérêts à 18% dès le29 mai 1996. Le jugement a été rendu par défaut à l'encontre de A.________ etB.________. X. ________ Inc. et C.________ ont interjeté appel de cette décision. B.Par lettre du 20 octobre 2004, le conseil genevois de A.________ et deB.________, domiciliés en Arabie Saoudite, a présenté une demande deprolongation du délai d'opposition, restée sans réponse. Il a déposé unmémoire d'opposition en date du 3 novembre 2004. Par jugement du 21 avril 2005, le Tribunal de première instance a déclarél'opposition irrecevable pour cause de tardiveté. A. ________ et B.________ ont formé appel contre cette décision. Lors de la comparution personnelle des mandataires le 12 septembre 2005, lejuge délégué a décidé, en accord avec toutes les parties, que l'instructiondes appels de X.________ Inc. et de C.________ était suspendue jusqu'à ce quele sort de la demande de relief soit définitivement scellé. Par arrêt du 24 novembre 2005, la Chambre civile de la Cour de justice aconfirmé le jugement de première instance. C.A.________ et B.________ forment un recours de droit public. Ils concluent àl'annulation de l'arrêt cantonal. X. ________ Inc. propose le rejet du recours. Invitée à se déterminer, la cour cantonale se réfère aux considérants de sadécision. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recours de droit public est ouvert contre une décision cantonale pourviolation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ).Les recourants peuvent dès lors se plaindre d'une violation de leur droitd'être entendus au sens de l'art. 29 al. 2 Cst. Rendu en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ), l'arrêt attaqué estfinal (cf. art. 87 OJ) dans la mesure où il met un terme au procès entre lesparties. Les recourants sont personnellement touchés par la décision entreprise, qui aconfirmé l'irrecevabilité de leur opposition au jugement prononcé par défautles condamnant solidairement entre eux et avec C.________ à verser àl'intimée un montant de 5'900'000 USD plus intérêts. Ils ont ainsi un intérêtpersonnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision n'ait pasété adoptée en violation de leurs droits constitutionnels; en conséquence, laqualité pour recourir doit leur être reconnue (art. 88 OJ). Au surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 89 al. 1 et art. 34al. 1 let. c OJ). 2.Invoquant l'art. 29 al. 2 Cst., les recourants reprochent à la cour cantonaled'avoir violé leur droit d'être entendus en rejetant leur appel sans avoirmis à leur disposition les documents de signification du jugement du 19 mai2004, comme ils le réclamaient pourtant dans leur mémoire, et sans leur avoirdonné l'occasion de se déterminer sur ces pièces. 2.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entenducomprend notamment le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'unedécision ne soit prise à son détriment, d'avoir accès au dossier, de fournirdes preuves, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuve quantaux faits de nature à influer sur le sort de la procédure ainsi que departiciper à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de sedéterminer à leur propos (ATF 129 II 497 consid. 2.2 p. 505; 127 III 576consid. 2c p. 578; 127 V 431 consid. 3a p. 436; 124 II 132 consid. 2b p.137). Le droit d'être entendu confère ainsi aux parties le droit des'exprimer sur tous les points importants avant qu'une décision ne soitprononcée; cette règle s'applique sans restriction aux questions de fait (ATF124 I 49 consid. 3c p. 52). Par ailleurs, l'autorité qui verse au dossier denouvelles pièces dont elle entend se prévaloir dans sa décision est enprincipe tenue d'en aviser les parties (ATF 114 Ia 97 consid. 2c p. 100 etles arrêts cités). 2.2 En l'espèce, l'opposition des recourants a été déclarée irrecevable pourcause de tardiveté. La question de savoir si la demande de relief étaitintervenue en temps utile dépendait de la date de notification du jugement du19 mai 2004. Selon le jugement du 21 avril 2005, il ressort des piècesofficielles que la signification est intervenue les 25 et 28 septembre 2004,par l'intermédiaire des mandataires respectifs des recourants. Dans son arrêtdu 24 novembre 2005, la cour cantonale a décrit le processus de notificationpar voie diplomatique et indiqué précisément quelles étaient les piècesofficielles sur lesquelles elle se fondait pour fixer la date de lasignification; il s'agissait des récépissés préparés par le Parquet genevoiset renvoyés par le Ministère des Affaires étrangères du Royaume d'ArabieSaoudite à l'Ambassade de Suisse à Riyad, dont il résultait, selon latraduction, qu'une copie du jugement du 19 mai 2004 avait été remise, d'unepart, à E.________, mandataire de B.________, le 25 septembre 2004, soit le11 août 1425 après l'Hégire, et d'autre part, à F.________, mandataire deA.________, le 28 septembre 2004, soit le 15 août 1425 après l'Hégire. Comme la date de notification du jugement par défaut était essentielle pourl'issue de la procédure d'opposition, les documents de signification et leurtraduction revêtaient indéniablement une importance capitale dans le casparticulier. Il s'ensuit que, sous l'angle du droit d'être entendu, lesrecourants devaient y avoir accès et pouvoir se déterminer à leur sujet. Or, il n'est pas établi que les pièces litigieuses ont été mises à ladisposition des parties à un stade ou à un autre de la procédure cantonale,ni, a fortiori, que les recourants ont eu l'occasion de se prononcer surcelles-ci. Tout d'abord, rien ne permet de retenir que les recourants ont euconnaissance des documents de notification avant le prononcé du jugement depremière instance. Il n'apparaît pas non plus qu'ils y ont accédé par lasuite. Dans le mémoire de recours au Tribunal fédéral, leur conseil, dont labonne foi est présumée, déclare avoir consulté, après la notification dujugement du 21 avril 2005, le dossier d'instance constitué par les autoritésgenevoises et n'y avoir trouvé aucun document de notification relatif aujugement par défaut du 19 mai 2004. Certes, on peut se demander comment lespièces litigieuses, qui figurent actuellement dans le dossier cantonal,pouvaient ne pas se trouver dans le dossier consulté par le conseil desrecourants durant le délai d'appel. A cet égard, il convient toutefois derelever que le dossier, qui ne comprend pas de bordereau, est constitué defeuilles volantes, les pièces relatives à la notification à l'étranger étantregroupées dans une fourre en matière plastique. Dans ces conditions, iln'est nullement exclu que les documents de signification aient étémomentanément égarés. Au demeurant, l'appel des recourants contenait une conclusion préalabletendant à la mise à disposition de leur conseil des documents designification concernant le jugement par défaut et à l'octroi d'un délaisupplémentaire pour s'exprimer sur la validité de ladite notification. LaCour de justice a ignoré cette conclusion. En particulier, il ne ressort pasdu procès-verbal de comparution personnelle des mandataires du 12 septembre2005 que la cour cantonale a donné suite à la requête du conseil desrecourants. Dans la mesure où les recourants ont expressément demandé à laCour de justice, en vain, d'avoir accès aux pièces en cause et de leurpermettre de se prononcer sur celles-ci, leur droit d'être entendus n'a pasété respecté. Le grief tiré d'une violation de l'art. 29 al. 2 Cst. est bienfondé. 2.3 A titre exceptionnel, la violation du droit d'être entendu peut êtreguérie si le justiciable dispose de la faculté de se déterminer dans laprocédure de recours, pour autant que l'autorité de recours dispose d'unplein pouvoir d'examen, en fait et en droit (cf. ATF 130 II 530 consid. 7.3p. 562; 126 V 130 consid. 2b p. 132; 124 V 180 consid. 4a p. 183). Tel n'estmanifestement pas le cas du Tribunal fédéral saisi d'un recours de droitpublic, dont la cognition est limitée, sous réserve d'exceptions nonréalisées en l'espèce, au respect des droits constitutionnels (cf. art. 84al. 1 let. a OJ). Partant, il n'y a pas lieu, au stade du recours de droitpublic, de remettre aux recourants les documents de notification pourconsultation et de leur donner l'occasion de se déterminer à leur propos. 2.4 Sur le vu de ce qui précède, il convient d'admettre le recours etd'annuler l'arrêt attaqué. 3.Comme elle a conclu au rejet du recours, l'intimée succombe et supportera dèslors les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). En outre, elle versera desdépens aux recourants (art. 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé. 2.Un émolument judiciaire de 20'000 fr. est mis à la charge de l'intimée. 3.L'intimée versera aux recourants, créanciers solidaires, une indemnité de22'000 fr. à titre de dépens. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 18 avril 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le Président: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.15/2006
Date de la décision : 18/04/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-04-18;4p.15.2006 ?
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