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18/04/2006 | SUISSE | N°2P.90/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 avril 2006, 2P.90/2005


{T 0/2}2P.90/2005 /viz Arrêt du 18 avril 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Merkli, Président,Hungerbühler et Wurzburger.Greffier: M. Addy. X. ________ SA,recourante, représentée par Me Alain Gros, avocat, contre Office cantonal de l'inspection du commerce du canton de Genève, BandolCentre, rue de Bandol 1, 1213 Onex,Tribunal administratif du canton de Genève,rue du Mont-Blanc 18, case postale 1956,1211 Genève 1. art. 9 et 27 Cst., art. 6 CEDH (heures de fermeture), recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton deGenève du 25 janvier 2005. Faits:

A.X. ________ SA, (ci-après: la Société), a notamment pou...

{T 0/2}2P.90/2005 /viz Arrêt du 18 avril 2006IIe Cour de droit public MM. les Juges Merkli, Président,Hungerbühler et Wurzburger.Greffier: M. Addy. X. ________ SA,recourante, représentée par Me Alain Gros, avocat, contre Office cantonal de l'inspection du commerce du canton de Genève, BandolCentre, rue de Bandol 1, 1213 Onex,Tribunal administratif du canton de Genève,rue du Mont-Blanc 18, case postale 1956,1211 Genève 1. art. 9 et 27 Cst., art. 6 CEDH (heures de fermeture), recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton deGenève du 25 janvier 2005. Faits: A.X. ________ SA, (ci-après: la Société), a notamment pour but le développementet l'administration de commerces de livraison de pizzas. A Genève, où elleest installée depuis 1999, la Société exploite trois laboratoires defabrication de pizzas à l'enseigne Y.________. Les pizzas qui y sontconfectionnées sont destinées soit à la vente à domicile soit à la vente àl'emporter; en revanche, elles ne peuvent pas être consommées sur place.A la suite de diverses plaintes du voisinage en raison de nuisancesexcessives de l'un des laboratoires (bruit, odeurs, heures de fermeture,...), l'Office cantonal de l'inspection du travail (ci-après: l'Officecantonal) a avisé la Société, par lettre du 11 mai 2004, que celle-ci étaittenue de respecter, sous peine des sanctions administratives et pénalesprévues par la loi, les horaires fixés dans la loi cantonale du 15 novembre1968 sur les heures de fermeture des magasins (LHFM, ci-après égalementcitée: la loi sur les heures de fermeture des magasins), à savoir: - du lundi au mercredi: 19h00;- le jeudi: 21h00;- le vendredi: 19h30;- le samedi: 18h00;- le dimanche, les jours fériés, ainsi qu'une demi-journée parsemaine: fermés. La lettre précitée, qui faisait suite à de précédentes mises en garde,précisait que les restrictions d'horaires ne concernaient que l'activité devente à l'emporter de la Société, à l'exception de son activité de livraisonde pizzas à domicile "ou dans des locaux privés assimilés". B.Par acte du 14 juin 2004, la Société a saisi le Tribunal administratif ducanton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif) d'un recours tendant àl'annulation de la décision précitée de l'Office cantonal du 11 mai 2004,sous suite de frais et dépens, ainsi qu'à la constatation qu'elle n'était passoumise à la loi sur les heures de fermeture des magasins pour son activitéde vente à l'emporter. Pour l'essentiel, la Société invoquait la garantie desa liberté économique (art. 27 Cst.), en faisant valoir que les heures defermeture qui lui étaient imposées pour cette activité ne respectaient pasles exigences en matière de base légale, d'intérêt public et deproportionnalité posées à l'art. 36 Cst. pour restreindre les droitsfondamentaux. Elle demandait par ailleurs d'être traitée de la même manièreque ses concurrents directs, tels les pizzerias traditionnels, qui pouvaientvendre des mets à l'emporter pendant les heures d'ouverture des restaurants,soit tous les jours jusqu'à minuit, en vertu d'une clause d'exception prévueà l'art. 4 lettre c LHFM. En tant qu'elle ne la mettait pas au bénéfice decette même clause d'exception, la loi précitée souffrait, selon la Société,d'une lacune proprement dite que le juge était tenu de combler.Le Département cantonal de l'économie, de l'emploi et des affairesextérieures (ci-après: le Département cantonal) a exposé que les buts depolice poursuivis par la loi mise en cause, à savoir notamment le maintien del'ordre et de la tranquillité publics, constituaient un intérêt publicsuffisant et adéquat pour justifier les restrictions d'horaires litigieuses.Pour le surplus, il relevait que l'exception d'assujettissement en faveur despizzerias prévue à l'art. 4 lettre c LHFM était motivée par le fait que,contrairement à la Société, celles-ci étaient soumises à la loi cantonale du17 décembre 1987 sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement(LRDBH, ci-après également citée: la loi sur la restauration).Par arrêt du 25 janvier 2005, le Tribunal administratif a rejeté le recours,en reprenant, dans les grandes lignes, l'argumentation développée par leDépartement cantonal dans sa réponse. C.Agissant par la voie du recours de droit public, la Société demande auTribunal fédéral d'annuler l'arrêt précité du Tribunal administratif, soussuite de frais et dépens. Elle se plaint de la violation de son droit d'êtreentendue (art. 29 al. 2 Cst. et 6 par. 1 CEDH) et, comme en procédurecantonale, invoque la garantie de sa liberté économique (art. 27 Cst.).Le Tribunal administratif n'a pas donné suite à la possibilité qui lui étaitofferte de se déterminer sur le recours, tandis que le Département cantonal aconclu à son rejet. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Déposé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instancecantonale, qui ne peut être attaquée que par la voie du recours de droitpublic et qui touche la recourante dans ses intérêts juridiquement protégés,le présent recours est recevable au regard des art. 84 ss OJ. 2.En vertu de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de recours doit, à peined'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels oudes principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation.Lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'adonc pas à vérifier de lui-même si l'arrêt entrepris est en tous pointsconforme au droit et à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordreconstitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours. Lerecourant ne saurait se contenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyeraux actes cantonaux (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261, 26 consid. 2.1 p. 31;129 I 113 consid. 2.1 p. 120, 185 consid. 1.6 p. 189 et les arrêts cités). Enoutre, dans un recours pour arbitraire fondé sur l'art. 9 Cst., le plaideurne peut se contenter de critiquer l'arrêt attaqué comme il le ferait dans uneprocédure d'appel où l'autorité de recours peut revoir librementl'application du droit. Il doit préciser en quoi cet arrêt serait arbitraire,ne reposerait sur aucun motif sérieux et objectif, apparaîtrait insoutenableou heurterait gravement le sens de la justice (ATF 128 I 295 consid. 7a p.312; 125 I 492 consid. 1b p. 495 et la jurisprudence citée).C'est à la lumière de ces principes que doivent être appréciés les moyenssoulevés par la recourante. 3.La recourante invoque la violation de son droit d'être entendue sous undouble aspect. 3.1 D'une part, elle soutient que le Tribunal administratif a violé leprincipe de contradiction, déduit du droit d'être entendu, car le motifd'intérêt public retenu dans la décision attaquée, soit "le respect de latranquillité des voisins", n'a été évoqué par l'administration ni dans ladécision attaquée du 9 mai 2004, ni précédemment dans d'autres échanges decorrespondance.Le droit d'être entendu découlant des art. 29 al. 2 Cst. et 6 par. 1 CEDHcomprend effectivement, entre autres garanties, le droit pour un justiciablede prendre connaissance du dossier et de s'exprimer sur les élémentspertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situationjuridique (cf. ATF 127 III 576 consid. 2c p. 578 s.; 127 V 431 consid. 3a p.436 et les références citées). Cependant, ce droit porte avant tout sur desquestions de fait et une autorité n'est en principe pas tenue d'entendre lesparties sur des points juridiques avant de rendre sa décision, à moinsqu'elle n'envisage de fonder celle-ci sur des normes ou des motifs jamaisévoqués dans la procédure et dont personne ne pouvait raisonnablementenvisager la prise en compte ou la pertinence pour le cas d'espèce (cf. ATF129 II 497 consid. 2.2 p. 505; 127 V 431 consid. 2b et les référencescitées). Or, en l'occurrence, la recourante devait s'attendre à ce que leTribunal administratif prenne en considération, dans sa décision, le problèmede la tranquillité publique, car cette question entrait de manière évidentedans l'appréciation à porter sur le cas. Ce point avait du reste étéexpressément abordé par le Département dans sa réponse au recours cantonal,sans que la recourante n'eût ensuite demandé à répliquer. Bien plus, alorsqu'elle a été invitée, après le dépôt de sa réponse, à se déterminer sur unrapport parlementaire produit en procédure par le Département, la recouranten'a, là encore, pas jugé utile de s'exprimer sur cette pièce qui portaitpourtant pour une large part sur le problème des nuisances causées auvoisinage par ses laboratoires, notamment en raison des heures de fermeturepratiquées.Le moyen n'est pas fondé. 3.2 La recourante se plaint d'autre part, toujours au titre du même grief, del'absence de motivation ou de la motivation insuffisante de la décisionattaquée sur un certain nombre de points.Le droit d'être entendu implique certes pour le juge l'obligation de motiversa décision afin que le justiciable puisse la comprendre et, si nécessaire,exercer son droit de recours à bon escient; pour satisfaire cette exigence,il suffit toutefois que le juge mentionne au moins brièvement les motifs quil'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision; il n'a, en revanche, pasl'obligation d'exposer et de discuter tous les faits ou griefs invoqués parles parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire,peuvent être tenus pour pertinents (cf. 130 II 530 consid. 4.3 p. 540, 473consid. 4.1 p. 477; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 et les références citées).En l'espèce, pour relativement sommaire qu'elle puisse paraître, lamotivation de l'arrêt attaqué n'en est pas moins concise, claire etparfaitement compréhensible. Au demeurant, les critiques que la recouranteforme à ce titre portent, en réalité, sur des questions matérielles -notamment la légalité et la proportionnalité des restrictions litigieuses -qui doivent, dans la mesure utile, être examinées avec le fond de l'affaire.Sous cet angle également, le grief tiré de la violation du droit d'êtreentendu est mal fondé. 4.Sur le fond, la recourante fait valoir que, dans la mesure où elle lui imposeles heures de fermeture applicables aux magasins pour son activité de ventede pizzas à l'emporter, la décision attaquée viole sa liberté économique. 4.1 Selon l'art. 27 Cst., la liberté économique est garantie (al. 1) etcomprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à uneactivité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2). Cetteliberté protège toute activité économique privée, exercée à titreprofessionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 128 I19 consid. 4c/aa p. 29). Elle peut être invoquée tant par les personnesphysiques que par les personnes morales (cf. le message du Conseil fédéral du20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, in: FF 1997 I1 ss, p. 179; Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droitconstitutionnel suisse, vol. II, Berne 2000, n° 605, p. 315).Toute restriction d'un droit fondamental doit être fondée sur une base légale(art. 36 al. 1 Cst.), justifiée par un intérêt public ou par la protectiond'un droit fondamental d'autrui (art. 36 al. 2 Cst.), et apparaîtreproportionnée au but visé (art. 36 al. 3 Cst.). Le Tribunal fédéral revoitavec un libre pouvoir d'examen l'exigence d'une base légale lorsquel'atteinte causée par une restriction est grave, et sous l'angle restreint del'arbitraire seulement dans les autres cas. Il vérifie librement si unintérêt public ou les droits de tiers justifient la restriction en cause etsi celle-ci est conforme au principe de la proportionnalité (ATF 130 I 65consid. 3.3 p. 68 et la jurisprudence citée).Sont notamment autorisées, aux conditions précitées, les restrictions à laliberté économique reposant sur des mesures de police, des mesures depolitique sociale ou des mesures dictées par la réalisation d'autres intérêtspublics (ATF 125 I 322 consid. 3a p. 326; Andreas Auer/GiorgioMalinverni/Michel Hottelier, op. cit., n° 684 ss, p. 351). En revanche, sontinterdites les mesures qui causent une distorsion de la compétition entreconcurrents directs, c'est-à-dire celles qui ne sont pas neutres sur le plande la concurrence (ATF 130 I 26 consid. 6.3.3.1 p. 53). On entend parconcurrents directs les membres de la même branche qui s'adressent avec lesmêmes offres au même public pour satisfaire les mêmes besoins. L'égalitéentre concurrents n'est cependant pas absolue et autorise des différences, àcondition que celles-ci répondent à des critères objectifs et sérieux etrésultent du système lui-même; il est seulement exigé que les inégalitésainsi instaurées soient réduites au minimum nécessaire pour atteindre le butd'intérêt public poursuivi (cf. ATF 125 I 431 consid. 4b/aa p. 435-436 et lajurisprudence citée). 4.2 La restriction litigieuse est fondée sur la loi sur les heures defermeture des magasins qui s'applique à tous les magasins sis sur leterritoire du canton de Genève (art. 1er LHFM), soit à tous les locaux ouinstallations accessibles au public et utilisés pour la vente au détail demarchandises de toute nature, y compris les stands de vente se trouvant àl'intérieur d'une exploitation d'un genre différent (cf. art. 3 LHFM). Leschapitres II et III de la loi règlent les heures de fermeture des magasins lesoir (art. 9 ss LHFM) ainsi que le dimanche et les jours fériés (art. 16 ssLHFM), tandis que le chapitre IV prévoit l'obligation de fermer unedemi-journée par semaine (art. 24 ss LHFM).Au titre des exceptions générales à la loi, l'art. 4 lettre c LHFM prévoitque les établissements régis par la loi sur la restauration ne sont pasassujettis à la loi sur les heures de fermeture des magasins. En dehors desheures d'ouverture prescrites aux magasins d'alimentation, il leur estcependant interdit, selon la disposition précitée, de vendre à l'emporter, àl'exception des préparations offertes usuellement par les établissements detype "restauration rapide."4.3Selon la recourante, la restriction litigieuse ne repose pas sur une baselégale suffisante (infra consid. 4.3.1), n'est pas justifiée par un intérêtpublic prépondérant (infra consid. 4.3.2), ne respecte pas le principe de laproportionnalité (infra consid. 4.3.3), et est contraire au principed'égalité entre concurrents directs (consid. 4.3.4).4.3.1 La recourante ne conteste pas que, pour leur activité de vente depizzas à l'emporter, ses laboratoires répondent à la définition de magasinsau sens des art. 1er et 3 LHFM et que, comme tels, ils sont en principeassujettis à la loi sur les heures de fermeture des magasins. Elle soutientcependant que, correctement interprétée, la clause d'exception prévue àl'art. 4 lettre c LHFM en faveur de certains restaurants, notamment ceux,comme les pizzerias, offrant de la "restauration rapide", doit également êtreappliquée à ses établissements. En effet, la solution contraire retenue dansl'arrêt attaqué consacrerait, selon elle, une grave distorsion deconcurrence: alors que les pizzerias traditionnels peuvent vendre des pizzasà l'emporter tous les jours de la semaine
jusqu'à minuit en vertu de laclause d'exception précitée, son établissement ne bénéficie pas de cetteclause et reste soumis, pour son activité de vente à l'emporter, auxrestrictions d'horaires valables pour les magasins. Or, poursuit larecourante, "cette distinction est contraire au sens que l'interprétationtéléologique commande de donner à l'art. 4 lettre c LHFM. On doit en effetprésumer, avec une vraisemblance confinant à la certitude, que si la pratiquecommerciale de livraison à domicile avait existé à l'époque de sa rédaction,le législateur n'aurait pas opéré la distinction déraisonnable que l'autoritéintimée fait entre les pizzerias selon qu'elles offrent aussi la possibilitéde consommer sur place ou qu'elles offrent aussi la possibilité de se fairelivrer des pizzas à domicile."Cette argumentation ne revient pas tant, quoi qu'en dise la recourante, àdémontrer l'absence de base légale de la restriction litigieuse, qu'àsoutenir que la clause d'exception prévue à l'art. 4 lettre c LHFM aurait étéappliquée de manière insoutenable. Cela étant, l'atteinte en cause ne peutpas être qualifiée de grave: la Société n'est en effet pas empêchée d'exercerson activité de vente de pizzas à l'emporter, mais se voit seulement imposercertaines restrictions concernant les heures de fermeture de sesétablissements. C'est dès lors sous l'angle restreint de l'arbitraire quedoit s'envisager le problème de base légale ici en cause. Or,l'interprétation qu'ont donnée les premiers juges de l'art. 4 lettre c LHFMcorrespond très fidèlement à la lettre de cette disposition, étant admis parla recourante elle-même qu'elle n'est pas soumise à la loi sur larestauration. Cette interprétation échappe donc au grief d'arbitraire,d'autant que les motifs mis en avant par l'intéressée pour qu'on s'en écartes'épuisent dans de pures spéculations entourant la volonté du législateurhistorique. 4.3.2 La recourante conteste l'existence d'un intérêt public à soumettrel'activité de vente à l'emporter de ses établissements aux heures defermeture des magasins pour deux raisons. En premier lieu, elle relève que lalivraison de pizzas à domicile, activité qu'elle n'est pas empêchéed'exercer, entraîne des nuisances au voisinage au moins aussi importantes quela vente à l'emporter de pizzas au détail. En second lieu, elle fait valoirque, dans le cas particulier, ses établissements sont exploités dans troisrues "au trafic considérable".Ces arguments ne convainquent pas. Contrairement à ce que prétend larecourante, la vente de pizzas à l'emporter, en sus de l'activité delivraison à domicile, génère un trafic et des nuisances supérieurs au seulexercice de cette dernière activité. Le raisonnement de la recourante nepourrait valoir que si tous les clients qui, jusqu'à présent, achetaient despizzas à l'emporter, allaient subitement, dès la suppression de cettepossibilité, recourir au service de la livraison à domicile. Or, tel n'estévidemment pas le cas. D'ailleurs, s'il en allait comme elle le soutient, larecourante ne pourrait pas se plaindre d'une atteinte à sa libertééconomique, puisque la restriction litigieuse ne lui causerait en fin decompte aucun préjudice économique. Par ailleurs, la vente de pizzas au détailconduit inévitablement à des attroupements de consommateurs à certainesheures, notamment le soir après les spectacles ou les cinémas. Enfin, aucontraire de ce type de vente, la livraison à domicile permet de grouper lescommandes et les livraisons et, par conséquent, de réduire dans une mesurecorrespondante les nuisances au voisinage. Que les rues où se situent lesétablissements de la Société soient passantes n'est pas un motif suffisantpour soustraire cette dernière aux restrictions prévues dans la loi sur lesheures de fermeture des magasins. Une exception de ce genre en entraîneraiten effet immédiatement de nombreuses autres et priverait la loi d'une bonnepartie de son efficacité, tout en compliquant considérablement sonapplication. 4.3.3 La recourante fait valoir que, même si elle ne peut plus vendre despizzas à l'emporter en dehors des heures de fermeture des magasins, lepersonnel qu'elle emploie doit de toute façon continuer à travailler dans sesétablissements durant ces mêmes heures pour assurer les livraisons àdomicile, en sorte que la restriction litigieuse n'est pas proportionnée aubut de protection sociale poursuivi par la loi. Comme on l'a vu, l'intérêtpublic à soumettre les établissements de la Société à des heures de fermetureréside dans la préservation de la tranquillité publique. L'argument de larecourante tombe donc à faux. Certes, le Tribunal administratif a pris encompte, dans l'examen de la proportionnalité, les répercussions d'uneextension des heures d'ouverture des magasins sur la situation du personnel;il l'a toutefois fait d'une manière accessoire au but de tranquillitépublique qui a du reste seul été mentionné comme intérêt public justifiant larestriction litigieuse (cf. consid. 7b et 7c de l'arrêt attaqué).Pour le reste, l'argumentation que la recourante développe sous l'angle de laproportionnalité en rapport avec le problème de la tranquillité publique seconfond avec les griefs qu'elle soulève au titre de l'exigence d'un intérêtpublic (cf. supra consid. 4.3.2) et du respect du principe d'égalité entreconcurrents directs (cf. infra consid. 4.4.4).4.3.4 Il est douteux que la Société puisse être considérée, s'agissant de sonactivité de vente à l'emporter de pizzas, comme un concurrent direct desrestaurants qui pratiquent également la vente à l'emporter pour certains deleurs mets, comme les pizzerias. En effet, la clientèle de ces établissementsne se recoupe que très partiellement et il s'agit de deux formesd'entreprises très différentes. L'activité principale des pizzerias est larestauration, soit la consommation sur place de mets cuisinés de toutessortes (et pas seulement de pizzas) ainsi que de boissons, tandis quel'activité principale de la recourante réside dans la livraison de pizzas àdomicile. Pour l'un et l'autre des établissements concernés, la vente depizzas à l'emporter ne représente ainsi, en fin de compte, qu'une activitéaccessoire (cf. écriture de recours au Tribunal administratif, p. 3). Leprésent cas se distingue donc de la situation visée par l'arrêt cité par larecourante (ATF 120 Ia 236 consid. 2b p. 239), où les acteurs économiques quiont été jugés dans un rapport de concurrence directe étaient, d'un côté, uneboulangerie-pâtisserie et, de l'autre, une boulangerie-pâtisserie exploitanten annexe un café-restaurant, soit deux établissements dont la partprimordiale de l'activité se recoupait entièrement, la vente au détail étanten effet la seule activité exercée par le premier de ces commerces etl'activité principale du second.Quoi qu'il en soit, au contraire des restaurants en général et des pizzeriasen particulier, les laboratoires gérés par la Société ne sont pas assujettisà la loi sur la restauration. En conséquence, la recourante n'est pas tenueau respect des sévères obligations imposées aux restaurateurs en matière demaintien de l'ordre, non seulement à l'intérieur de leurs établissements,mais aussi à l'extérieur en vue de prévenir les inconvénients pour levoisinage (cf. art. 22 LRDBH); pareillement, en cas de violation de cesobligations, elle ne s'expose pas aux strictes mesures et sanctionsadministratives prévues par la loi qui peuvent aller jusqu'à la fermeturependant douze mois des établissements concernés voire au retrait del'autorisation d'exploiter (cf. art. 69 ss LRDBH). Or, ce sont là desdifférences objectives, fondées sur la loi, qui justifient à elles seules uneréglementation distincte des heures de fermeture applicables à chacune desformes d'exploitation examinées. 4.4 Le grief tiré de la violation de la liberté économique s'avère dès lorsinfondé. 5.En tous points mal fondé, le recours doit être rejeté.Succombant, la recourante supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1,153 et 153a OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, àl'Office cantonal de l'inspection du commerce et au Tribunal administratif ducanton de Genève. Lausanne, le 18 avril 2006 Au nom de la IIe Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.90/2005
Date de la décision : 18/04/2006
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-04-18;2p.90.2005 ?
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