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13/04/2006 | SUISSE | N°1P.865/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 avril 2006, 1P.865/2005


{T 0/2}1P.865/2005 /col Arrêt du 13 avril 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aeschlimann et Reeb.Greffière: Mme Angéloz. A. ________,recourant, représenté par Me Yaël Hayat, avocate, contre B.________,intimé, représenté par Me Emmanuèle Argand-Rey, avocate,Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Cour de justice du canton de Genève,Chambre pénale, case postale 3108, 1211 Genève 3. procédure pénale, recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de justice du canton deGenève du 21 novembre 2005. Faits: A.Par jugem

ent du 26 mai 2005, le Tribunal de police du canton de Genève acondamn...

{T 0/2}1P.865/2005 /col Arrêt du 13 avril 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Aeschlimann et Reeb.Greffière: Mme Angéloz. A. ________,recourant, représenté par Me Yaël Hayat, avocate, contre B.________,intimé, représenté par Me Emmanuèle Argand-Rey, avocate,Procureur général du canton de Genève,case postale 3565, 1211 Genève 3,Cour de justice du canton de Genève,Chambre pénale, case postale 3108, 1211 Genève 3. procédure pénale, recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de justice du canton deGenève du 21 novembre 2005. Faits: A.Par jugement du 26 mai 2005, le Tribunal de police du canton de Genève acondamné A.________, pour abus de confiance (art. 138 ch. 1 al. 2 CP), à lapeine de 12 mois d'emprisonnement avec sursis pendant 3 ans, l'astreignantpar ailleurs, sur le plan civil, à payer au lésé, B.________, une somme de325.000 CAD avec intérêts à 5% dès le 28 octobre 2002.Sur appel du condamné, la Chambre pénale de la Cour de justice du canton deGenève a confirmé ce jugement par arrêt du 21 novembre 2005. B.Cet arrêt retient, en substance, ce qui suit. B.aEn décembre 2001, B.________ a remis à A.________ un chèque de 325.000 CAD etla somme de 25.000 USD en cash, en vue d'un investissement direct dans leX.________ Fund, en particulier le X.________ Portfolio.Le 17 juillet 2002, A.________ a confirmé à B.________ avoir pris laparticipation requise, précisant toutefois l'avoir fait en son propre nomjusqu'à ce qu'il lui fournisse les coordonnées bancaires permettant de latransférer dans des parts nominatives. Par courriel du 22 août 2002, il lui aexpliqué que, lorsque l'argent lui avait été confié, le fonds n'étaittoujours pas enregistré; il avait donc pris la participation sur l'un de sescomptes. Une fois le fonds enregistré, il avait demandé à la personne chargéede son compte d'effectuer le transfert des positions en parts de fonds, maiscette opération n'avait pas été effectuée. Dès lors, il sollicitait unnouveau délai au 15 septembre 2002 pour remettre les titres ou, sinon,restituer les sommes en espèces.Le 30 août 2002, B.________ a donné pour instruction à A.________ d'acquérir202 parts de X.________ Portfolio et 29 parts de X.________ Portfolio USD etde les transférer auprès de la banque Y.________.Par courriel adressé le 8 septembre 2002 à C.________, administrateur deX.________ SA, B.________ a sollicité la restitution immédiate des fondsremis à A.________.Le 18 septembre 2002, A.________ a indiqué à B.________ devoir vendre toutesles positions qu'il détenait pour pouvoir finaliser la transaction; ilajoutait qu'il lui faudrait peut-être attendre 60 jours pour récupérerl'argent.Le 23 septembre 2002, B.________ a mis A.________ en demeure de restituer lesfonds remis. Le 16 octobre 2002, il a déposé plainte pénale contreA.________. B.b B.________ n'a été entendu ni par la police, ni par le juged'instruction, ni par le Tribunal de police. A. ________ a reconnu avoir reçu de B.________ un chèque de 325.000 CAD et25.000 USD en cash aux fins d'investissement dans les fonds susmentionnés. Ila expliqué avoir indiqué à B.________ que les produits d'investissementdésirés n'existaient pas encore. Celui-ci souhaitant néanmoins déposer sonargent auprès de X.________ SA, il lui avait proposé de verser les sommesremises sur le compte courant de la société en attendant de l'investir, ceque B.________ avait accepté. Les parts avaient été disponibles dèsmars-avril 2002, mais, à ce moment, les fonds remis avaient été utilisés pourles besoins courants de X.________ SA. La soeur de B.________, D.________,avait donné son accord à ce que les sommes versées soient utilisées de lasorte. En juin 2002, elle lui avait demandé de régulariser la situation deson frère. Pensant que X.________ SA allait résoudre ses problèmes deliquidités, il lui avait déclaré qu'il allait faire le nécessaire. D. ________, entendue à titre de renseignement, a exposé que son frère avaitdécidé d'investir dans X.________ SA parce que A.________ lui avait faitparvenir de la documentation probante sur les résultats de cette société.Entre janvier et juillet 2002, A.________ avait évoqué un retardadministratif. Cependant, ni elle ni son frère ne savaient que les sommesconfiées avaient été utilisées pour les besoins courants de X.________ SA.Elle a confirmé que A.________ s'était toujours engagé à rembourserB.________.En avril 2003, A.________ a remboursé la somme de 25.000 USD à B.________. B.c A l'audience de la Cour de justice du 19 septembre 2005, A.________ anotamment fait valoir que B.________ avait consenti à ce que son argent soitdéposé provisoirement sur le compte courant de X.________ SA; on ignoraittoutefois quelle était sa position à cet égard, dès lors qu'il n'y avaitjamais eu de confrontation. La partie civile a objecté que A.________ avaitrenoncé à une confrontation, en ne sollicitant pas la réouverture desenquêtes en appel. B.d La cour cantonale a estimé qu'une confrontation ne s'imposait pas. Seuledemeurait en effet incertaine la question de savoir si B.________ savait queles fonds confiés avaient été déposés sur le compte courant de X.________ SA.Or, serait-il établi qu'il le savait et y avait consenti, qu'un tel accordn'autorisait pas l'appelant à utiliser les sommes confiées à sa guise, ainsiqu'il l'avait fait, selon ses propres déclarations. C.A.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral. Invoquantune violation de l'art. 6 ch. 3 let. d CEDH, il conclut à l'annulation del'arrêt attaqué.L'intimé et le Procureur général concluent chacun au rejet du recours.L'autorité cantonale se réfère à son arrêt. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Le recourant invoque une violation de l'art. 6 ch. 3 let. d CEDH, au motifqu'il a été condamné sans avoir été confronté à l'intimé. Il rappelle avoirdéclaré que ce dernier, dont il aurait demandé l'audition en instancecantonale, a accepté que ses fonds soient provisoirement versés sur le comptede X.________ SA. Selon lui, cela revenait, indirectement, à déclarer quel'intimé acceptait que ses fonds soient utilisés dans un premier temps pourles besoins de la société. Supposé établi, ce fait exclurait une condamnationdu recourant pour abus de confiance. Il était donc impératif que celui-cipuisse interroger ou faire interroger son accusateur sur ce point. 1.1 L'intimé objecte que le recourant n'est pas habilité à se plaindre del'absence d'une confrontation, qu'il n'a pas sollicitée formellement devantla cour cantonale. A l'appui, il se réfère à l'art. 244 al. 1 CPP/GE, àteneur duquel "quand l'une des parties le requiert, les témoins sont entendusde nouveau et il peut en être cité d'autres" et produit une copie de laconvocation des parties à l'audience, dans laquelle cette règle est rappelée.Cette objection doit être écartée. Il n'est pas établi que l'art. 244 al. 1CPP/GE aurait la portée que lui prête l'intimé; il apparaît bien plutôt quele sens de cette disposition est de garantir aux parties le droit d'obtenirla réaudition de témoins, respectivement l'audition de nouveaux témoins, enappel. Quoiqu'il en soit, cette objection n'a pas empêché la cour cantonale,devant laquelle elle était déjà soulevée, d'entrer en matière sur la questionde la confrontation, celle-ci estimant manifestement suffisant que lerecourant ait évoqué la question en appel. 1.2 L'art. 6 ch. 3 let. d CEDH garantit notamment à l'accusé le droitd'interroger ou de faire interroger les témoins à charge. Le même droitdécoule, sur le plan interne, du droit d'être entendu consacré par l'art. 29al. 2 Cst. Cette garantie vise, d'une part, à empêcher qu'un jugement decondamnation soit rendu sur la base des déclarations d'un témoin sans quel'accusé ait eu, au moins une fois au cours de la procédure, une occasionadéquate et suffisante de mettre en doute le témoignage et de poser desquestions au témoin et, d'autre part, à assurer l'égalité des armes entrel'accusation et la défense (ATF 129 I 151 consid. 3.1 p. 153/154 et lesréférences citées).Alors que le droit à l'interrogatoire de témoins à décharge est de naturerelative, le droit à l'interrogatoire de témoins à charge a en règle généraleun caractère absolu (ATF 129 I 151 consid. 3.1 p. 154). Ce principe souffretoutefois une atténuation, en ce sens que le droit à l'interrogatoire detémoins à charge ne vaut inconditionnellement que si ce témoignage estdécisif, c'est-à-dire s'il constitue l'unique ou principal moyen de preuve(ATF 129 I 151 consid. 3.1 p. 154 et la jurisprudence citée). Hormis cetteexception, l'exercice du droit à l'interrogatoire de témoins à charge ne peutêtre refusé sur la base d'une appréciation anticipée des preuves; autrementdit, le juge ne peut, par une appréciation anticipée du témoignage, le tenirpour superflu (ATF 129 I 151 consid. 4.3 p. 157). 1.3 La cour cantonale a admis que le recourant n'avait jamais eu l'occasiond'interroger ou de faire interroger l'intimé, mais a considéré qu'uneconfrontation ne s'imposait pas en l'occurrence. A l'appui, elle a relevé quele recourant avait reconnu la matérialité des faits et que seule demeuraitincertaine en appel la question de savoir si, comme il l'affirmait, l'intimésavait que les fonds avaient été déposés sur le compte courant de X.________SA. Il n'était toutefois pas nécessaire de trancher cette question. En effet,même en admettant que l'intimé savait et consentait à ce que ses fonds soientdéposés provisoirement sur le compte de X.________ SA, cela n'impliquait pasque le recourant pouvait les utiliser à sa guise. Celui-ci n'avait d'ailleursjamais prétendu le contraire, mais avait lui-même toujours soutenu que lesfonds n'étaient déposés sur le compte de X.________ SA que dans l'attented'être investis. Au demeurant, si l'intimé avait accepté que ses fondsfussent utilisés pour les besoins courants de cette société, le recourantn'aurait pas cherché à le rassurer en lui affirmant qu'il avait investi lessommes confiées en son propre nom, mais pour le compte de l'intimé, jusqu'àréception des coordonnées bancaires de ce dernier. Par conséquent, selon lacour cantonale, l'infraction en cause - consistant à utiliser, dans undessein d'enrichissement, des valeurs patrimoniales confiées contrairementaux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée (art. 138 ch.1 al. 2 CP; ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1 p. 259 et les arrêts cités) - étaitréalisée et cela, au premier chef, sur la base des déclarations du recourantlui-même. 1.4 A.________ allègue vainement que l'arrêt attaqué devrait être annulé auseul motif qu'il n'y a jamais eu de confrontation. Une absence deconfrontation avec un témoin à charge ne viole pas la garantie de rangconstitutionnel qu'il invoque si ce témoignage n'a pas été décisif pour lacondamnation, c'est-à-dire si cette dernière ne repose pas uniquement ouessentiellement sur ce témoignage (cf. supra, consid. 1.2). Or, avec raison,le recourant ne conteste pas que l'arrêt attaqué confirme sa condamnation ense fondant essentiellement sur ses propres déclarations. Sous cet angle, onne discerne donc aucune violation de l'art. 6 ch. 3 let. d CEDH.Au demeurant, le recourant ne conteste en rien le raisonnement de l'arrêtattaqué, tel que rappelé ci-dessus (cf. supra, consid. 1.3), et ne démontreen tout cas pas, conformément aux exigences de motivation de l'art. 90 al. 1let. b OJ (cf. 127 I 38 consid. 3c p. 43; 126 III 534 consid. 1b p. 536; 125I 71 consid. 1c p. 76, 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités), en quoi ilviolerait la garantie qu'il invoque. Son argumentation se réduit à soutenirque sa déclaration, selon laquelle l'intimé savait que l'argent confié étaitversé sur le compte de X.________ SA, revenait, indirectement, à affirmer quel'intimé acceptait que cet argent soit utilisé provisoirement pour lespaiements de cette société, pour en conclure que, dans l'hypothèse oùl'intimé l'admettrait lors d'une confrontation, une condamnation pour abus deconfiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP serait exclue. Il déduit ainsil'atteinte à la garantie qu'il invoque d'une interprétation de sesdéclarations qu'il propose pour la première fois dans son recours de droitpublic et qui se heurte au demeurant à des constatations de fait et à uneappréciation des preuves, dont l'arbitraire n'est pas établi ni même allégué.L'arrêt attaqué constate en effet que le recourant n'a lui-même jamaisprétendu qu'il pouvait utiliser à sa guise les sommes confiées, affirmant aucontraire que les fonds n'étaient déposés sur le compte de X.________ SA quedans l'attente d'être investis, et que, s'il en avait été autrement, iln'aurait d'ailleurs pas cherché à rassurer l'intimé, en lui disant avoirinvesti les fonds pour lui mais en son propre nom jusqu'à réception descoordonnées bancaires de celui-ci. Or, le recourant n'établit aucunement nimême ne prétend que ces constatations et cette appréciation seraientarbitraires.Le grief de violation du droit à une confrontation est ainsi infondé dans lamesure où le recourant prétend que l'absence de confrontation suffit à lejustifier et, pour le surplus, irrecevable autant qu'il repose sur uneallégation nouvelle et qui revient au demeurant à remettre en cause lesconstatations de fait et l'appréciation des preuves sur lesquelles se fondel'arrêt attaqué, sans que l'arbitraire n'en soit démontré ni même allégué. 2.Le recours de droit public doit dès lors être rejeté dans la mesure où il estrecevable.Le recourant, qui succombe, supportera les frais (art. 156 al. 1 OJ); ilversera une indemnité de dépens à l'intimé, qui obtient gain de cause avecl'assistance d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Une indemnité de 1'500 fr. est allouée à l'intimé, à la charge du recourant. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, auProcureur général et à la Chambre pénale de la Cour de justice du canton deGenève. Lausanne, le 13 avril 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.865/2005
Date de la décision : 13/04/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-04-13;1p.865.2005 ?
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