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06/04/2006 | SUISSE | N°1A.223/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 avril 2006, 1A.223/2005


{T 0/2}1A.223/2005/col Arrêt du 6 avril 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Fonjallaz et Eusebio.Greffier: M. Parmelin. A. ________,recourante, représentée par Me Raphaël Dallèves, avocat, contre B.________ et C.________,intimés,Commune de Grimisuat, 1971 Grimisuat,représentée par Me Yves Balet, avocat,Conseil d'Etat du canton du Valais,Palais du Gouvernement, 1950 Sion,Tribunal cantonal du canton du Valais,Cour de droit public, Palais de Justice,avenue Mathieu-Schiner 1, 1950 Sion 2. constatation de la nature forestière d'un cordon boisé, recours de droit

administratif contre l'arrêt de la Cour de droit public duT...

{T 0/2}1A.223/2005/col Arrêt du 6 avril 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Fonjallaz et Eusebio.Greffier: M. Parmelin. A. ________,recourante, représentée par Me Raphaël Dallèves, avocat, contre B.________ et C.________,intimés,Commune de Grimisuat, 1971 Grimisuat,représentée par Me Yves Balet, avocat,Conseil d'Etat du canton du Valais,Palais du Gouvernement, 1950 Sion,Tribunal cantonal du canton du Valais,Cour de droit public, Palais de Justice,avenue Mathieu-Schiner 1, 1950 Sion 2. constatation de la nature forestière d'un cordon boisé, recours de droit administratif contre l'arrêt de la Cour de droit public duTribunal cantonal du canton du Valais du9 juin 2005. Faits: A.A. ________ est propriétaire de la parcelle n° 1514 du cadastre de la communede Grimisuat, au lieu-dit "Les Dailles". Cette parcelle de 4'328 mètrescarrés, bâtie d'une maison d'habitation, est classée dans la zoned'habitation H30 selon le plan d'affectation des zones approuvé par leConseil d'Etat du canton du Valais (ci-après: le Conseil d'Etat) le 4 avril1990. Elle est bordée à l'est d'une bande boisée qui se prolonge au sud surla parcelle voisine n° 1517, propriété de C.________, et qui relie deuxmassifs forestiers.Par un avis paru au Bulletin officiel du canton du Valais du 10 janvier 2003,l'Inspecteur des forêts et du paysage du 6ème arrondissement a mis àl'enquête publique les plans de délimitation des forêts par rapport aux zonesà bâtir et avoisinantes de la commune de Grimisuat. Le cordon boisé situé surles parcelles nos 1514 et 1517 est mentionné à titre indicatif dans le plandu secteur considéré comme "haies vives et bosquets selon le règlementcommunal de construction et des zones".Au terme d'une décision prise le 3 novembre 2004, le Conseil d'Etat a rejetél'opposition de A.________, qui concluait au maintien de cette surface dansl'aire forestière, et a approuvé les plans du cadastre forestier de lacommune de Grimisuat.Statuant par arrêt du 9 juin 2005, la Cour de droit public du Tribunalcantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunal cantonal ou la courcantonale) a rejeté le recours que A.________ avait formé contre cettedécision. B.Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ demande auTribunal fédéral d'annuler cet arrêt ainsi que la décision du Conseil d'Etatdu 3 novembre 2004, de réformer cette décision, respectivement de lacompléter en ce sens que la bande boisée litigieuse est déclaréedéfinitivement forestière au sens de la législation forestière, et deretourner le dossier au Tribunal cantonal pour qu'il statue à nouveau sur lesfrais et dépens. Elle conclut à titre subsidiaire à l'annulation de l'arrêtattaqué et au renvoi du dossier au Tribunal cantonal pour complémentd'instruction et nouvelle décision sur le fond. Elle voit une violation deson droit d'être entendue ancré à l'art. 29 al. 2 Cst. dans le refus de lacour cantonale de procéder à une inspection des lieux, d'ordonner uneexpertise relative à la nature forestière de la bande boisée et de verser audossier le cadastre forestier de 1987. Elle lui reproche d'avoir confirmé lerefus de classer en zone de forêt le cordon boisé sur la base de faitsconstatés de manière incomplète, inexacte et au mépris des règlesessentielles de la procédure et en violation de la législation forestièrefédérale.Le Tribunal cantonal a renoncé à se déterminer. B.________ et C.________, leConseil d'Etat et la Commune de Grimisuat concluent au rejet du recours.L'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage a présenté desobservations à propos desquelles A.________ et la Commune de Grimisuat sesont déterminés. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.La décision attaquée, prise en dernière instance cantonale, porte sur laconstatation de la nature forestière d'un cordon boisé au sens de l'art. 10de la loi fédérale sur les forêts (LFo; RS 921.0). Elle peut faire l'objetd'un recours de droit administratif (art. 46 al. 1 LFo en relation avec lesart. 97 et 98 lit. g OJ; cf. ATF 122 II 274 consid. 1a p. 277). La recourantea qualité pour agir, tant en ce qui concerne la portion du cordon boiséimplanté sur sa parcelle que celui qui s'étend sur la parcelle voisine desintimés (arrêt A.40/1986 du 4 juin 1986 consid. 1 paru à la ZBl 89/1988 p.82). 2.La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir dénié la nature de forêtau cordon boisé litigieux sur la base de faits constatés de manière inexacteet incomplète et au mépris de son droit d'être entendue garanti à l'art. 29al. 2 Cst. 2.1 La loi fédérale sur les forêts, qui a pour but général la protection desforêts, notamment la conservation de l'aire forestière (art. 1er et 3 LFo),définit la notion de forêt à son art. 2. On entend par forêt toutes lessurfaces couvertes d'arbres ou d'arbustes forestiers à même d'exercer desfonctions forestières, sans égard à leur origine, à leur mode d'exploitationou aux mentions figurant au registre foncier. L'art. 2 al. 2 LFo indique cequi doit être assimilé aux forêts, alors que l'art. 2 al. 3 LFo exclut decette notion notamment les groupes d'arbres ou d'arbustes isolés, les haies,les allées, les jardins, les parcs et les espaces verts. Dans le cadre de lalégislation d'exécution qui leur est attribuée (art. 50 LFo et 66 OFo), lescantons peuvent, dans les limites fixées par le Conseil fédéral, préciser lalargeur, la surface et l'âge minimaux que doit avoir un peuplement sur unesurface conquise par la forêt ainsi que la largeur et la surface minimalesque doit avoir un peuplement pour être considéré comme forêt (art. 2 al. 4LFo). Le cadre précité a été fixé à l'art. 1 al. 1 OFo de la façon suivante:surface comprenant une lisière appropriée: de 200 à 800 mètres carrés;largeur comprenant une lisière appropriée: 10 à 12 mètres; âge du peuplementsur une surface conquise par la forêt: 10 à 20 ans. Si le peuplement enquestion exerce une fonction sociale ou protectrice particulièrementimportante, les critères cantonaux ne sont pas applicables (art. 1 al. 2 OFoet 2 al. 4 LFo). Selon l'art. 1er al. 1 de l'ordonnance valaisanne sur laconstatation de la forêt du 28 avril 1999, les valeurs quantitativesminimales sont fixées à 800 mètres carrés de surface, à 12 mètres de largeuret à 20 ans d'âge. Ces valeurs ne sont pas décisives pour les peuplements quiexercent une fonction sociale ou protectrice particulièrement importante.Leur importance sera inversement proportionnelle à la valeur qualitative dupeuplement examiné. 2.2 Nul ne conteste que le cordon boisé situé sur les parcelles nos 1514 et1517 ne remplirait pas les critères de surface et de largeur requis pour luireconnaître la qualité de forêt d'un point de vue quantitatif. Selon les art.2 al. 4 in fine LFo et 1 al. 2 OFo, il peut être fait abstraction de cescritères lorsque le peuplement exerce une fonction sociale ou protectriceparticulièrement importante.Comme le relève l'Office fédéral de l'environnement, de la forêt et dupaysage, le cordon boisé litigieux n'exerce aucune fonction protectricecontre les dangers naturels, tels que l'érosion ou les inondations, et safonction économique est faible. Reste à examiner s'il remplit une fonctionsociale. Tel est le cas, selon la jurisprudence, lorsqu'en raison de sastructure, de sa nature et de sa configuration, le peuplement en cause offreà l'homme une zone de délassement, lorsque, par sa forme, il structure lepaysage, lorsqu'il offre une protection contre les influences nuisiblestelles que le bruit ou les immissions, lorsqu'il assure des réserves en eaud'un point de vue tant qualitatif que quantitatif, ou encore lorsqu'ilprocure un milieu vital irremplaçable à la faune et à la flore locale (ATF124 II 85 consid. 3d/bb p. 88 et les références citées). Le moment décisifpour apprécier la nature forestière d'un peuplement est celui de la décisionde première instance. Dans cette appréciation, il doit être tenu compte de lavégétation arrachée, et en analyser la nature, car l'existence d'une forêtpeut être admise, malgré l'absence de boisement, lorsqu'il apparaît qu'undéfrichement est intervenu sans autorisation (ATF 124 II 85 consid. 4d p.92). En revanche, il n'y a pas lieu de procéder à une pondération desintérêts privés ou publics (ATF 124 II 85 consid. 3e p. 89 et les référencescitées).Pour la cour cantonale, le cordon boisé litigieux ne présenterait nicontinuité ni identité d'essences avec les surfaces forestières situées depart et d'autre de celui-ci. Il n'exercerait aucune fonction sociale ouprotectrice particulièrement importante au sens de l'art. 2 al. 4 LFo. Leclassement en zone de forêt favoriserait uniquement l'isolement de laparcelle de la recourante; il s'agirait d'un intérêt privé qui n'entre pas encompte dans l'appréciation du caractère forestier du cordon boisé. Lesdispositions du règlement communal de constructions et de zones et celles del'art. 18 al. 1bis de la loi fédérale sur la protection de la nature et dupaysage suffiraient à assurer la protection des intérêts écologiques de cettebande boisée.L'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage s'est déterminéle 10 novembre 2005 sur le recours. Selon les constatations faites sur placele 28 octobre 2005, les caractéristiques de la bande boisée litigieuse sontsimilaires à la forêt environnante tant du point de vue de son originenaturelle, de sa composition en espèces forestières et buissons autochtones,de la végétation au sol que de son âge. A l'exception de l'espace créé parles arbres abattus récemment sur la parcelle n° 1517, il y a une continuitéavec les forêts environnantes tant au niveau de la végétation que de lastructure du peuplement. Ce dernier revêt une valeur paysagère importante;situés sur l'adret surplombant la vallée du Rhône, les massifs boisésconstituent en effet des éléments paysagers importants alternant avec lesvignes et les zones habitées, ceci étant particulièrement valable pour labande boisée litigieuse qui constitue un écran visuel délimitant la zoneconstruite. Sa valeur biologique est relativement élevée en raison d'une partde la diversité des espèces végétales représentées, mais aussi de sa fonctiond'habitat pour la faune, le cordon boisé servant de liaison pour lamicrofaune (insectes, reptiles, petits mammifères) entre les massifsforestiers importants situées au nord et au sud. Cette fonction sociale estrenforcée par la présence de murs en pierres sèches situés à proximitéimmédiate de la bande boisée. Une appréciation globale de la situation permetainsi d'affirmer que la bande boisée litigieuse constitue une liaisonécologique à la fois spatiale et fonctionnelle avec la forêt alentour,justifiant son intégration dans l'aire forestière.On constate ainsi une appréciation divergente fondamentale entre lesdifférents intervenants quant à la composition du cordon boisé, d'une part,et quant à sa valeur biologique et paysagère, d'autre part. La cour cantonales'est fondée sur un croquis qu'elle imputait à tort à l'inspecteur forestierpour admettre l'absence de continuité et d'identité entre les essencescomposant le peuplement litigieux et la forêt environnante et refuser demettre en oeuvre une expertise visant à établir la nature forestière. Cecroquis a en fait été établi par les fils de la recourante et produit enannexe à une lettre adressée le 29 avril 2003 au Service cantonal des forêtset du paysage dans laquelle elle précisait les motifs de son opposition,comme une lecture attentive du dossier cantonal permet de le constater. Or,il n'est pas certain que ce croquis soit exact et rende compte de lasituation réelle des essences qui composent le cordon boisé et la forêtenvironnante, étant donné que la recourante n'est pas une spécialiste en lamatière, comme elle le précisait d'ailleurs dans sa lettre. Le relevé desessences qu'il contient est à tout le moins incomplet en tant qu'il n'indiquepas la nature des arbres qui ont été coupés sur la parcelle n° 1517. La courcantonale s'est donc fondée sur un élément de fait si ce n'est inexact, àtout le moins incomplet pour apprécier la nature forestière du peuplementlitigieux. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral de pallier àl'insuffisance de l'état de fait en procédant aux mesures d'instruction quel'autorité cantonale aurait en principe dû administrer elle-même (cf. ATF 123II 49 consid. 6a p. 54). Le recours doit être admis pour ce motif et la causerenvoyée à la cour cantonale pour qu'elle statue à nouveau après avoirordonné les mesures d'instruction nécessaires pour déterminer la nature desessences composant le cordon boisé et apprécier ses valeurs biologique etpaysagère en connaissance de cause. Elle prendra également soin d'indiquerles raisons pour lesquelles elle a exclu de l'aire forestière des surfacesdes extrémités du cordon boisé, en lien avec la forêt environnante,réunissant à première vue les critères quantitatifs. 3.Vu l'issue du recours, il convient de mettre un émolument judiciaire à lacharge des intimés, qui ont conclu à son rejet (art. 156 al. 1 OJ). Il seraréduit étant donné que les frais de justice ne peuvent être imputés à l'Etatdu Valais, qui succombe (art. 156 al. 2 OJ). La recourante, qui a procédéavec l'assistance d'un avocat, a droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ); ilse justifie de les mettre, à parts égales, à la charge des intimés,solidairement entre eux, et du canton du Valais. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à laCour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais pour nouvelledécision dans le sens des considérants. 2.Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge des intimésB.________ et C.________, solidairement entre eux. 3.Une indemnité de 2'000 fr. à payer à la recourante à titre de dépens estmise, à parts égales, par 1'000 fr. chacun, à la charge respectivement desintimés B.________ et C.________, solidairement entre eux, et du canton duValais. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au mandataire de laCommune de Grimisuat, au Conseil d'Etat et au Tribunal cantonal du canton duValais, ainsi qu'à l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et dupaysage. Lausanne, le 6 avril 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.223/2005
Date de la décision : 06/04/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-04-06;1a.223.2005 ?
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