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05/04/2006 | SUISSE | N°6S.448/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 avril 2006, 6S.448/2005


{T 0/2}6S.448/2005 /svc Arrêt du 5 avril 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Wiprächtiger, Kolly, Karlen et Zünd.Greffière: Mme Bendani. Ministère public du canton du Valais, 1950 Sion 2,recourant, contre C.________,intimé, représenté par Me Olivier Vocat, avocat, A.________,intimé, représenté par Me Guérin de Werra, avocat, Homicide par négligence; entrave à la circulation publique; fixation de lapeine, pourvoi en nullité contre le jugement du Tribunal cantonal du canton duValais, Cour pénale II, du 7 octobre 2005. Faits: A.Le 26 septembre 2000, l

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{T 0/2}6S.448/2005 /svc Arrêt du 5 avril 2006Cour de cassation pénale MM. les Juges Schneider, Président,Wiprächtiger, Kolly, Karlen et Zünd.Greffière: Mme Bendani. Ministère public du canton du Valais, 1950 Sion 2,recourant, contre C.________,intimé, représenté par Me Olivier Vocat, avocat, A.________,intimé, représenté par Me Guérin de Werra, avocat, Homicide par négligence; entrave à la circulation publique; fixation de lapeine, pourvoi en nullité contre le jugement du Tribunal cantonal du canton duValais, Cour pénale II, du 7 octobre 2005. Faits: A.Le 26 septembre 2000, la société G.________ a organisé des vols touristiquesen hélicoptères de quelques minutes, style "baptêmes de l'air", dans larégion de Nendaz, pour un groupe d'environ 150 personnes. Le terrain defootball de Beuson, qui constitue une sorte de cul-de-sac imposant unatterrissage par le nord, a été choisi comme point de départ et d'arrivée deces vols, qui devaient débuter à 14 h. 15, avec initialement troishélicoptères. A.a Trois assistants de vol ont été envoyés à Beuson pour assurer ledéroulement au sol des vols passagers. Sur place, ils se sont organisés pourles rotations à venir. Ils ont convenu que l'un s'occuperait du Lama, dont laplace d'atterrissage se situait au sud-ouest, l'autre du Jet Ranger, ausud-est du terrain de football, le troisième étant chargé de préparer lesgroupes de passagers. Vers 14 h. 15, ils ont été avisés du retard destouristes. Autour de 15 h., la base de Sion les a informés de son intentiond'annuler les vols.Vers 15 h. 25, les premiers touristes sont cependant arrivés à Beuson. Dèsl'annonce de leur arrivée, le pilote B.________, préalablement informé decette mission par le chef-pilote C.________, a quitté la base de Sion auxcommandes d'un hélicoptère Lama. Sur place, il a immédiatement commencé lesvols et effectué cinq rotations seul. Vu le retard pris sur le programme destouristes, les rotations de six minutes ont été raccourcies à quatre minutes. A.b Alors qu'il rentrait de mission et avait atterri sur le tarmac de Sion,le pilote A.________ a reçu l'ordre de C.________ de rejoindre Beuson avec unJet Ranger pour y assurer le transport des touristes. Il s'est d'abord renduau bureau de la société G.________ pour prendre les renseignementsnécessaires sur la mission et est arrivé sur place vers 16 h.Les deux pilotes ont pris contact par radio pour définir le sens des voltes.Après une première rotation, A.________ a constaté que le circuit effectuéétait trop long au regard de la performance de son appareil, de sorte qu'il aentrepris un autre circuit, sans communiquer ce changement à B.________. Lespilotes décollaient et atterrissaient en alternance, en annonçant cesmanoeuvres et en cherchant un contact visuel. Ils ont ainsi effectué cinq ousix rotations. A.c Vers 16 h. 15, B.________ a été appelé sur un autre site. A.________ aalors effectué une ou deux rotations seul. A un moment donné, il a entendul'annonce de l'arrivée d'un nouvel appareil, une Alouette III pilotée parD.________, engagé sur les vols de Beuson dès la fin de sa missionprécédente. Après s'être annoncé arrivant dans deux minutes, ce pilote a poséson engin dans l'angle sud-ouest du terrain, à la place dévolue précédemmentau Lama piloté par B.________. A.________ a atterri juste après lui, dansl'angle sud-est du terrain. D.________ a pris en charge six passagers, suivipar A.________, qui en a pris quatre. Les pilotes ont convenu par radio dusens des voltes, à savoir qu'ils montaient et descendaient à droite dans lesens du vol. A.________ a vu D.________ décoller en direction de Nendaz et adécollé 10 à 15 secondes après, en direction de Veysonnaz. A.d A.________ a entrepris la même rotation que précédemment, ens'approchant du terrain par le nord, puis en effectuant la même bouclequ'auparavant. Au cours de la dernière phase de vol, il a entendu à la radioson collègue s'annoncer en approche et s'est annoncé en final. Son approchefinale s'est effectuée par le nord-ouest, de manière à éviter le village deBeuson. D.________ s'est approché du terrain en effectuant un virage à gauchepuis à droite, ce qui a placé son appareil à gauche du Jet Ranger, endeuxième position. Vu leurs emplacements respectifs, les pilotes ne pouvaientà cet instant avoir un contact visuel. Quelques secondes plus tard,A.________ a entendu un bruit de turbine, suivi aussitôt d'une collision quil'a privé de son rotor de queue.A la suite de cette collision, l'Alouette III s'est écrasée au nord duterrain, en position inversée. Ses six occupants et le pilote sont décédés.Le Jet Ranger a effectué quelques rotations sur lui-même avant de heurter lesol sur son côté droit. Un passager a été tué et les autres occupants ont étéblessés. B.B.aSuite à cette collision, le Bureau d'enquêtes sur les accidents d'aviation(BEAA) a établi un rapport le 19 octobre 2001 et retenu les causes d'accidentsuivantes: - des consignes de vol lacunaires;- une préparation insuffisante des opérations;- une vraisemblable mauvaise compréhension de la part du pilote de l'Alouette III des consignes transmises en vol;- l'éblouissement du pilote de l'Alouette III au cours de l'approche par le soleil;- l'angle mort pour le pilote du Jet Ranger créé en approche par la position relative des hélicoptères;- l'absence d'une personne au sol chargée de la surveillance directe des rotations et munie d'un transmetteur.Il a préconisé la présence obligatoire d'un assistant au sol chargéexclusivement de la surveillance des aéronefs, afin de prévenir les risquesd'abordage. B.b Selon le rapport de la Commission fédérale sur les accidents d'aviation(CFAA) du 23 janvier 2003, l'accident est dû à une collision aériennerésultant de la prise en considération insuffisante par les pilotes de laséparation entre les hélicoptères et de la surveillance lacunaire de l'espaceaérien, de consignes de vol lacunaires respectivement pas claires entres lespilotes (circuits, séparations, points d'annonce, danger) et du défaut, auniveau de la société, d'une réglementation et d'une organisation claire pourla gestion de ce genre d'opérations. La CFAA a précisé que l'éventueléblouissement du pilote de l'Alouette III par le soleil au cours del'approche, sa position dans un angle mort ainsi que le retard dans leprogramme et la précipitation qui en a résulté, ont contribué à la survenancede l'accident.Relevant que les vols style "baptêmes de l'air" étaient considérés par lesresponsables de la société G.________ comme des missions normales etrégulières, voire simples, la CFAA a souligné que celles-ci n'avaient pasfait l'objet d'un chapitre dans le manuel d'exploitation de l'entreprise etque la société concernée n'estimait pas nécessaire de procéder à ladésignation d'un chef des opérations sur place, les pilotes devant assumer demanière autonome la responsabilité pour la coordination et la sécurité. B.c A la suite de cet accident, la société G.________ a introduit ladisposition suivante dans son manuel d'exploitation (FOM pourflight-operation manuel):9.5.2 Vols passagers en campagne avec plusieurs hélicoptères9.5.2.1 Lorsque plusieurs hélicoptères sont affectés au transport depassagers sur une même place, un nombre suffisant d'assistants de vol seraprévu pour assurer l'embarquement et le débarquement et la sécurité autourdes hélicoptères. 9.5.2.2 Pour chaque opération, un pilote responsable ainsi qu'un responsableau sol seront désignés. Ce dernier sera en contact radio avec leshélicoptères et aura pour tâche de donner des informations aux pilotes afind'éviter un risque d'abordage. 9.5.2.3 Avant chaque opération, un briefing dirigé par le pilote responsableen collaboration avec le responsable au sol réunira tous les pilotes engagésafin de définir le sens des décollages et des atterrissages, les voltes, cecien fonction de la météo, des obstacles et de la puissance des divershélicoptères engagés. En outre, le pilote responsable aura pour tâche lacoordination des vols. 9.5.2.4 L'espacement entre chaque décollage sera de 1,5 minutes au minimum. C.Par jugement du 10 décembre 2004, le juge des districts d'Hérens et Conthey acondamné le pilote du Jet Ranger A.________, pour homicides par négligence etentrave à la circulation publique, à cinq mois d'emprisonnement avec sursis,et le chef-pilote de la société G.________ C.________, pour homicides parnégligence, à trois mois d'emprisonnement avec sursis. Il a acquittéE.________, chef d'exploitation de la société G.________.Par jugement du 7 octobre 2005, la Cour pénale II du Tribunal cantonalvalaisan a réformé la décision de première instance en ce sens qu'elle acondamné A.________, pour homicide par négligence, à 2'000 francs d'amende eta acquitté C.________ et E.________. D.Le Ministère public du canton du Valais dépose un pourvoi en nullité etconclut à l'annulation du jugement cantonal. Invoquant une violation des art.63, 66bis, 117 et 237 ch. 2 CP, il remet en cause les acquittements deC.________ de l'infraction d'homicide par négligence et de A.________ del'infraction d'entrave à la circulation publique par négligence. Il contesteégalement la peine prononcée à l'encontre de ce dernier. C. ________ conclut à l'irrecevabilité du pourvoi et, subsidiairement, à sonrejet. Il explique, en substance, que la Cour cantonale a retenu que lesmanquements qui pouvaient lui être reprochés n'étaient pas en relation decausalité naturelle avec l'accident et qu'il s'agissait là d'une question defait qui ne pouvait faire l'objet d'un pourvoi en nullité. Il relève que lesconclusions des rapports du BEAA et de la CFAA ne sauraient être reprisestelles quelles pour fonder une responsabilité du pilote ou d'un tiers,puisqu'il s'agit de propositions d'actions adressées à l'OFAC et qu'unerecommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de fauteou de responsabilité. Il soutient ne pas avoir eu de position de garant,affirme que l'activité en cause ne présentait aucune difficulté, nie avoirviolé un quelconque devoir de prudence et relève que l'accident résulte, endéfinitive, du comportement de D.________.Concluant implicitement au rejet du recours déposé par l'accusateur public,A.________ conteste avoir commis une infraction, les fautes du second pilotereléguant à l'arrière plan les erreurs qui pourraient lui être reprochées. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Saisie d'un pourvoi en nullité, la Cour de cassation contrôle l'applicationdu droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base d'un état de fait définitivementarrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1 let. b PPF). Leraisonnement juridique doit donc être mené sur la base des faits retenus dansla décision attaquée, dont le recourant est irrecevable à s'écarter (ATF 126IV 65 consid. 1 p. 66 s.). 2.Le recourant soutient que C.________ doit être condamné pour homicide parnégligence. 2.1 Aux termes de l'art. 117 CP, celui qui, par négligence, aura causé lamort d'une personne sera puni de l'emprisonnement ou de l'amende. 2.2 Une infraction de résultat peut également être réalisée par omission(délit d'omission improprement dit). Tel est le cas lorsque la survenance durésultat que l'auteur s'est abstenu d'empêcher constitue une infraction, quece dernier aurait effectivement pu éviter le résultat par son action et qu'enraison de sa situation juridique particulière, il y était à ce point obligéque son omission apparaît comparable au fait de provoquer le résultat par uncomportement actif (ATF 117 IV 130 consid. 2a p. 132 s.). Une omission nepeut être reprochée à l'auteur que si ce dernier avait un devoir juridiqued'agir découlant d'une position de garant (cf. ATF 129 IV 119 consid. 2.2 p.121 s.; 122 IV 17 consid. 2b/aa p. 20). Celle-ci peut notamment découler dela loi ou d'un contrat, voire d'une situation de fait, mais aussi du principede l'intervention, selon lequel celui qui crée une situation dangereuse pourautrui doit prendre toutes les mesures de protection commandées par lescirconstances pour éviter la survenance d'un dommage (ATF 127 IV 27 consid.2b p. 32; 120 IV 98 consid. 2c p. 106).Au sein de la société G.________, C.________ assurait les charges dechef-pilote et de remplaçant du chef des opérations. A ces titres, ilassumait la responsabilité de l'exécution sûre et réglementaire des vols etde la mise en oeuvre des missions (cf. art. 1.9.1, 1.10.1 à 1.10.3 FOM).L'organisation des baptêmes de l'air du 26 septembre 2000 lui appartenait et,plus particulièrement, le choix des pilotes et des appareils, la préparationsur le terrain, l'orientation des commandants sur les spécificités de lamission et les mesures de sécurité particulières nécessitées par celle-ci. Auregard de ses fonctions dans l'organisation interne de la société, saposition de garant vis-à-vis des passagers et des pilotes d'hélicoptères nefait aucun doute. Elle est d'ailleurs admise par la Cour cantonale. 2.3 Le comportement de l'auteur n'est illicite que s'il a violé un devoir dediligence lui incombant. Pour déterminer concrètement les devoirs découlantde l'obligation de diligence, le juge peut se référer à des dispositionslégales ou réglementaires régissant l'activité en cause. A défaut, il peutaussi se référer à des règles analogues qui émanent d'associations privées ousemi-publiques lorsqu'elles sont généralement reconnues. Si aucune norme desécurité imposant ou interdisant un comportement n'a été transgressée, ilpeut encore se demander si l'auteur a respecté les principes généraux de laprudence. Cette règle s'applique surtout dans les domaines où il n'existe pasde prescription de sécurité, mais sa portée est générale et elle peutintervenir même lorsqu'il existe un réseau très dense de dispositionsapplicables (ATF 122 IV 17 consid. 2b/aa p. 20 et les références citées). Lejuge peut aussi recourir à une expertise (cf. B. Corboz, L'homicide parnégligence, in SJ 1994 p. 190).Un comportement viole le devoir de prudence lorsque l'auteur, au moment desfaits, aurait pu, compte tenu de ses connaissances et de ses capacités, serendre compte de la mise en danger d'autrui et qu'il a simultanément dépasséles limites du risque admissible (ATF 127 IV 34 consid. 2a p. 38; 126 IV 13consid. 7a/bb p. 16/17). C'est donc en fonction de la situation personnellede l'auteur que l'on doit apprécier son devoir de diligence. Peu importetoutefois que l'auteur ait pu ou dû prévoir que les choses se passeraientexactement comme elles ont eu lieu (ATF 115 IV 199 consid. 5c p. 207). 2.3.1 Selon le Juge de première instance, C.________ aurait dû organiser unbriefing avec les pilotes choisis, désigner un pilote responsable sur placede la coordination des vols, prévoir l'obligation pour les intéressés decommuniquer leur trajectoire, déterminer le sens des voltes et prévoir unespace temps suffisant entre le décollage des appareils.En revanche, la Cour pénale a jugé, d'une part, sous l'angle de la causalité,qu'il n'était pas établi que la désignation d'un pilote responsable auraitpermis d'éviter l'abordage et, d'autre part, sous
l'angle de l'étendue desdevoirs de prudence, qu'il n'incombait pas au chef-pilote de désigner unassistant au sol chargé de guider les commandants de bord lors des manoeuvresd'atterrissage et de décollage. 2.3.2 Le chef des opérations est responsable de l'exécution sûre etréglementaire ainsi que de la surveillance du service de vol de la sociétéG.________ (art. 1.9.1 FOM). Il assure notamment la direction et lasurveillance permanente du service de vol, la surveillance de l'applicationet du respect de toutes les dispositions légales par le personnel du servicede vol, la surveillance de l'application et du respect de toutes lesdispositions propres à l'entreprises (FOM, listes d'examen, directivesinternes) par le personnel du service du sol (art. 9.1.3 FOM). Selon soncahier des charges tel que dressé par le FOM, le chef des opérations établitle règlement d'exploitation et élabore des compléments et modifications, enparticulier la liste des équipages, liste des aéronefs, procéduresd'engagement particulières et proposition d'admission de ceux-ci par l'OFAC.Il élabore et distribue les directives au personnel du service de vol (art.1.9.3.5 FOM). Il désigne les équipages pour chaque vol ainsi que lecommandant (art. 1.9.3.16 FOM) et distribue les missions de vol en tenantcompte des connaissances et de l'aptitude des membres d'équipage, desprescriptions concernant les temps d'équipage, de la durée de validité deslicences des membres d'équipage et de l'équipement de l'aéronef ainsi que deses performances de vol et de ses limites d'exploitations (art. 1.9.3.17FOM).Le chef-pilote est responsable de l'exécution sûre et réglementaire des vols.Il est le représentant des pilotes vis-à-vis du chef d'exploitation. Il esttenu d'informer chaque pilote de l'entrée en vigueur de nouvellesréglementations ou de nouvelles procédures en vol ainsi que techniques. Ilest subordonné au chef des opérations (art. 1.10.1 à 1.10.3 FOM). 2.3.3 Selon les constatations cantonales, la mission du 26 septembre 2000consistait à gérer et à faire voler un groupe de 150 personnes en engageantsimultanément trois hélicoptères de performances différentes. Les appareilsdevaient effectuer des rotations de très courte durée, soit initialement desix minutes, réduites par la suite à quatre minutes. Les vols se faisaient àpartir d'un terrain à dimension réduite et dont l'accès n'était pas dégagé(haies, arbres et projecteurs). Par sa situation topographique, cette placeformait un cul-de-sac, l'approche et le départ devant nécessairement se fairepar le même couloir. Le retard accumulé pour le début des opérations aperturbé l'ordre d'engagement des hélicoptères et inévitablement engendré dela précipitation. De plus, un des deux pilotes déjà engagés a été remplacé encours de mission. Contrairement aux allégations de l'intimé, l'ensemble deces éléments ont donné un caractère risqué et complexe à cette mission, quinécessitait dès lors une organisation claire et minutieuse. C. ________ a choisi avec soin les pilotes engagés (cf. arrêt attaqué p. 10et 11) et, au vu de leur expérience, n'avait pas à leur rappeler les règlesde vol et de sécurité essentielles s'imposant à tout commandant de bord. Enrevanche, au regard des risques présentés par la mission tels qu'exposésci-dessus, les principes généraux de la prudence lui imposaient, en qualitéde chef-pilote responsable de l'exécution sûre des vols, de prendre lesmesures de sécurité commandées par les circonstances. A ce titre, il luiincombait donc, soit de désigner un pilote responsable sur place de lacoordination des vols, soit de nommer un assistant au sol chargé de lasurveillance directe des rotations des aéronefs par contact radio avec lespilotes. Or, il n'a pris aucune de ces mesures. La CFAA et le BEAA ontd'ailleurs également relevé ces manquements (cf. supra consid. B.a et B.b),la désignation d'un responsable des opérations et la présence d'un assistantau sol apte à assurer la surveillance des aéronefs étant nécessaire pour cegenre de missions. Certes, conformément aux allégations de l'intimé, lesconclusions desdites expertises ne sauraient être reprises telles quellespour apprécier juridiquement les causes et les circonstances de l'accident(art. 24 al. 4 de la loi sur l'aviation; RS 748.0). Elles constituenttoutefois des documents techniques rendus par des spécialistes que les jugesapprécient librement et qui peuvent servir de base pour établir les règles dela prudence (cf. supra consid. 2.3). Enfin, la Cour pénale se trompelorsqu'elle affirme qu'il n'incombait pas à C.________ de désigner unassistant au sol, une telle obligation n'étant prévue ni par l'ORE I(ordonnance sur les règles d'exploitation dans le trafic aérien commercial du23 novembre 1973; RS 748,127.1), ni par le FOM de la société G.________approuvé par l'Office fédéral de l'aviation, et le chef-pilote n'ayant pas euconnaissance d'accident similaire, à la suite duquel le BEAA ou la CFAAaurait recommandé la présence d'un assistant au sol. En effet, même si aucunerègle spéciale de sécurité n'a été violée, il peut encore être déduit desprincipes généraux de la prudence que celui qui assure l'exécution sûre demissions à risque doit prendre les mesures de précaution commandées par lescirconstances (cf. supra consid. 2.3).Dans ces conditions, C.________ a violé ses devoirs de prudence en omettantde nommer un responsable de mission chargé de la coordination des vols ou unassistant au sol chargé de la surveillance des aéronefs. 2.4 Il y a violation fautive d'un devoir de prudence lorsque l'on peutreprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, den'avoir pas déployé l'attention et les efforts qu'on pouvait attendre de luipour se conformer à son devoir de prudence, autrement dit d'avoir fait preuved'un manque d'effort blâmable (ATF 122 IV 17 consid. 2b p. 19; 121 IV 207consid. 2a p. 211). C. ________ fonctionne comme pilote depuis 1977 et chef-pilote depuis 1997.Il compte plus de 12'000 heures de vol à son actif et est donc un pilotechevronné. Au regard de son expérience, les difficultés et les risquespropres à la mission du 26 septembre 2000 ne pouvaient lui échapper. Sesmanquements aux règles de prudence sont dès lors fautifs. 2.5 Dans le cas d'un délit d'omission improprement dit, la question de lacausalité ne se présente pas de la même manière que si l'infraction derésultat était réalisée par commission. Il faut plutôt procéder par hypothèseet se demander si l'accomplissement de l'action omise aurait avec unevraisemblance confinant à la certitude ou, du moins, avec une hautevraisemblance évité la survenance du résultat (ATF 118 IV 130 consid. 6a p.141; 116 IV 182 consid. 4 p. 185). L'examen de la causalité adéquate consisteà se demander si l'acte qui a été omis aurait évité le résultat selon unenchaînement normal et prévisible des événements (ATF 117 IV 130 consid. 2ap. 133 s.).Selon la jurisprudence, il faut, pour l'analyse des conséquences de l'actesupposé, appliquer les concepts généraux des causalités naturelle et adéquate(ATF 117 IV 130 consid. 2a p. 133). L'existence d'un rapport de causaliténaturelle constitue une question de fait soustraite au contrôle de l'autoritéde céans. En revanche, la méconnaissance du concept même de la causaliténaturelle ainsi que l'existence d'un rapport de causalité adéquateconstituent des questions de droit que la Cour de cassation peut revoirlibrement (ATF 117 IV 130 consid. 2a p. 133 s.). Dans le cas d'un délitd'omission improprement dit, il est souvent difficile de distinguer lacausalité naturelle de l'adéquate, puisque, dans les deux cas, il fautprocéder par hypothèse et donc émettre un jugement de valeur (cf. ATF 115 II440 consid. 5a p. 447 ss). Les notions de causalité et par conséquent lesquestions de fait et de droit se chevauchent ainsi étroitement (cf. ATF 118IV 130 consid. 6a p. 141; 116 IV 306 consid. 2a p. 310; 81 IV 85 consid. 6 p.90). 2.5.1 Le Tribunal de première instance a admis l'existence d'un rapport decausalités naturelle et adéquate entre les manquements de C.________ et lasurvenance de l'accident.La Cour pénale a en revanche jugé qu'il n'était pas établi que la désignationd'un pilote responsable aurait permis d'éviter l'abordage. Elle a relevé quesi A.________ avait certes déclaré qu'il n'avait pas osé donner de directivesà son collègue plus expérimenté que lui, il n'était nullement prouvé qu'ilaurait agi différemment s'il avait été officiellement chargé de dirigerl'opération sur place. Elle a encore retenu qu'on ignorait si D.________aurait donné des directives supplémentaires à son collègue s'il avait étéchargé d'organiser les vols. 2.5.2 Cette dernière argumentation est insuffisante s'agissant de l'examen dulien de causalité entre les manquements qui peuvent être reprochés à l'intimé(cf. supra consid. 2.3.3) et l'accident qui est survenu. Contrairement à cequ'a fait le Juge de première instance, la Cour pénale a uniquement constatédans les faits, de manière à lier le Tribunal fédéral, que si C.________avait nommé A.________ comme pilote responsable sur place, l'accidentn'aurait très vraisemblablement pas pu être évité; elle a en revanche laisséla question ouverte s'agissant de la désignation de D.________ en tant queresponsable. Ce faisant, elle n'a pas examiné correctement la question de lacausalité. En effet, il lui appartenait tout d'abord de se demander si ladésignation par C.________ d'un pilote responsable et capable d'effectuer lacoordination des vols aurait, avec une haute vraisemblance, permis d'éviterla survenance de l'accident. A défaut, elle devait encore se demander si ladésignation par le chef-pilote d'un assistant au sol chargé de lasurveillance aérienne aurait, avec une haute vraisemblance, permis d'éviterle résultat survenu. En omettant d'examiner et de trancher ces questions, laCour cantonale a violé le droit fédéral. 2.6 Sur le vu de ce qui précède, le pourvoi, en ce qui concernel'acquittement de C.________ d'homicide par négligence, doit être admis enapplication de l'art. 277 PPF, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée àl'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau dans le sens desconsidérants. 3.Le recourant soutient que A.________ doit être condamné pour entrave à lacirculation publique. 3.1 Aux termes de l'art. 237 CP, celui qui, intentionnellement, aura empêché,troublé ou mis en danger la circulation publique, notamment la circulationsur la voie publique, par eau ou dans les airs, et aura par là sciemment misen danger la vie ou l'intégrité corporelle des personnes sera puni del'emprisonnement (ch. 1 al. 1). La peine sera l'emprisonnement ou l'amende sile délinquant a agi par négligence (ch. 2).Cette disposition tend à protéger la vie et l'intégrité corporelle despersonnes prenant part à la circulation publique (ATF 106 IV 370 consid. 2ap. 371). La circulation doit être publique, c'est-à-dire qu'elle doit sedérouler en un lieu qui est accessible pour cet usage à un cercle indéterminéde personnes, même si les possibilités d'utilisation sont restreintes enfonction de la nature ou du but de ce lieu. Pour ce qui est de l'air, le cielouvert à la navigation aérienne fait partie de la circulation publique, mêmeen dehors des couloirs prévus (ATF 105 IV 41 consid. 2a p. 43 s.). Lecomportement punissable consiste à empêcher, troubler ou mettre en danger lacirculation publique. Tous ceux qui contribuent à l'entrave sont punissables.Une omission est suffisante si l'auteur était dans une position de garant etavait donc un devoir juridique d'agir (ATF 125 IV 9 consid. 2a p. 12).L'auteur doit mettre en danger la vie ou l'intégrité corporelle d'unepersonne et cette mise en danger doit être concrète, c'est-à-dire qu'unelésion doit être sérieusement vraisemblable. La personne mise en danger n'estpas forcément une personne qui se déplace; il suffit qu'elle se trouve dansla circulation publique (ATF 106 IV 370 consid. 2a). Il faut un rapport decausalité entre l'entrave reprochée à l'auteur et la mise en danger concrète.Sur le plan subjectif, l'infraction peut être commise intentionnellement oupar négligence. Elle peut être retenue en concours avec une infraction delésion si la mise en danger a dépassé la lésion subie ou a touché d'autrespersonnes que celle qui a été lésée (cf. ATF 75 IV 124 consid. 5; B. Corboz,Les infractions en droit suisse, vol II, ad art. 237 n° 29; G. Stratenwerth,Schweizerisches Strafrecht, BT II, 4ème éd., § 32 n° 14). 3.2 A juste titre, la Cour cantonale a admis que l'espace aérien étaitouvert à la navigation aérienne et donc à la circulation publique, que leterrain de football constituait également une voie publique au sens de l'art.237 CP et que la vie et l'intégrité corporelle des touristes rescapés avaientété mises sérieusement et concrètement en danger, les hélicoptères s'étantécrasés sur le terrain de football, à quelques mètres d'eux.En revanche, elle a laissé ouverte la question de savoir si, en ne seconcertant pas et en ne fixant pas à l'avance le parcours des voltes, lespilotes avaient mis en danger la circulation publique, la vie et l'intégritédes touristes indiens n'ayant pas été menacées durant le vol, mais uniquementlors de la phase d'atterrissage. Elle a estimé que le fait de ne pas avoirconvenu d'une procédure d'atterrissage n'apparaissait pas comme la cause laplus immédiate de l'accident au regard de la manoeuvre insolite deD.________. 3.2.1 Cette argumentation méconnaît la notion de causalité ainsi que lescirconstances pouvant interrompre la causalité adéquate, questions quipeuvent faire l'objet d'un pourvoi (cf. supra consid. 2.5). En effet, d'unepart, elle perd de vue, que, tant sous l'angle de la causalité naturellequ'adéquate, plusieurs causes peuvent concourir à produire le résultat et quel'acte reproché à l'auteur peut même être très antérieur, d'un point de vuechronologique, à la survenance du résultat (cf. ATF 125 IV 195 consid. 2b p.197; 116 IV 306 consid. a p.310; B. Corboz, Les infractions en droit suisse,vol. I, ad art. 117 CP n° 36). D'autre part, elle oublie que, pourinterrompre le lien de causalité adéquate, les fautes de la victime, soitcelles commises par D.________, ne doivent pas seulement paraître insolites,mais avoir une importance causale telle qu'elles relégueraient àl'arrière-plan le rôle joué par les fautes de l'auteur (ATF 127 IV 62 consid.2d p. 65; 126 IV 13 consid. 7a/bb p. 17; 122 IV 17 consid. 2c/bb p. 23; 121IV 207 consid. 2a p. 213.En l'occurrence, il appartient à la Cour cantonale de se prononcer à nouveausur le lien de causalité entre les manquements de A.________ et la mise endanger des touristes indiens, cette question, qui relève en partie des faits,ne pouvant être tranchée par l'autorité de céans. 3.2.2 Sur le vu de ce qui précède, le pourvoi, en ce qui concernel'acquittement de A.________ d'entrave à la circulation publique, doit êtreadmis en application de l'art. 277 PPF, l'arrêt attaqué annulé et la causerenvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau dans le sensdes considérants.
4.Le recourant soutient que la Cour cantonale a abusé de son pouvoird'appréciation en prononçant une peine exagérément clémente à l'encontre deA.________ et que l'application de l'art. 66bis CP ne se justifie pas dansson cas.Le pourvoi étant admis et la cause renvoyée à l'autorité cantonale, cesgriefs deviennent sans objet. 5.Le pourvoi est admis en application de l'art. 277 PPF, l'arrêt attaqué annuléet la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité à l'accusateur public qui obtientgain de cause (art. 278 al. 3 PPF). Les intimés, qui succombent, supporterontchacun la moitié des frais judiciaires (art. 278 al. 1 PPF). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le pourvoi est admis en application de l'art. 277 PPF, l'arrêt attaqué estannulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouveau jugement. 2.Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge de chaque intimé. 3.Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Tribunal cantonal ducanton du Valais, Cour pénale II, au Ministère public de la Confédérationainsi qu'à l'Office fédéral de l'aviation civile. Lausanne, le 5 avril 2006 Au nom de la Cour de cassation pénaledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.448/2005
Date de la décision : 05/04/2006
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-04-05;6s.448.2005 ?
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