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03/04/2006 | SUISSE | N°4C.218/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 avril 2006, 4C.218/2005


{T 0/2}4C.218/2005 /ech Arrêt du 3 avril 2006Ire Cour civile MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Favreet Kiss.Greffière: Mme Godat Zimmermann. X. ________ Assurance SA,défenderesse et recourante, représentée par Me Pierre del Boca, contre A.________,demandeur et intimé, représenté par Me François Logoz. contrat d'agence; indemnité pour la clientèle, recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonaldu canton de Vaud du 1er février 2005. Faits: A.Le 11 novembre 1975, A.________ a conclu un contrat d'agence avec Y.______

__compagnie générale d'assurances SA (ci-après: Y.________), ...

{T 0/2}4C.218/2005 /ech Arrêt du 3 avril 2006Ire Cour civile MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Favreet Kiss.Greffière: Mme Godat Zimmermann. X. ________ Assurance SA,défenderesse et recourante, représentée par Me Pierre del Boca, contre A.________,demandeur et intimé, représenté par Me François Logoz. contrat d'agence; indemnité pour la clientèle, recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonaldu canton de Vaud du 1er février 2005. Faits: A.Le 11 novembre 1975, A.________ a conclu un contrat d'agence avec Y.________compagnie générale d'assurances SA (ci-après: Y.________), ancienne raisonsociale de X.________ Assurance SA (ci-après: X.________). Engagé en tantqu'agent général pour le Jura, A.________ devait entrer en fonction le 1erjanvier 1976. Selon le contrat, un portefeuille d'environ 190'000 fr.,constitué par près de 1'000 polices en vigueur, était mis à disposition del'agent général. Il était précisé que, en cas de résiliation du contrat, cetapport gratuit serait pris en compte dans le calcul d'une éventuelleindemnité due selon l'art. 418u CO. Le 11 novembre 1985, les parties, ainsi que B.________, ont signé un «accordde collaboration», lequel prévoyait notamment que l'agence générale du Juraserait aux noms de A.________ et B.________ à partir du 1er janvier 1986 etque la clientèle du premier nommé lui était réservée «dans les branchesconclues auprès de Y.________.» En date des 19 et 24 juin 1986, une nouvelle convention a été passée entreles parties. Elle comprenait les clauses suivantes: «(...) 1) Le contrat d'agent général daté du 31 août 1976 (recte: 11 novembre 1975),ainsi que la convention ayant pris effet le 1er janvier 1986, sont suspendusà effet du 30 juin 1986 et sont remplacés par la présente convention. 2) M. A.________ travaille dorénavant en qualité de collaborateurindépendant. 3) Le champ d'activité de M. A.________ est déterminé comme suit:- Organisation du bureau de l'agence générale- Analyse des dossiers d'assurance- Etablissement d'offres- Mise à jour et tenue du service agenda- Soutien du service externe (visites avec les inspecteurs dans certains casspéciaux)- Soutien du service des sinistres (avis de sinistres, mandats d'expertise,etc.)- Formation des inspecteurs- Contrôle du travail des inspecteurs- Responsabilité du secteur de production de Bassecourt et environs + ledistrict des Franches-Montagnes (...) 5) Un minimum de points de production (Y.________) et une somme de productionminimum (Y.________ Vie) sont imposés à M. A.________ pour chaque année. Ilssont fixés d'entente avec lui. 6) Pour cette activité, M. A.________ touche une rémunération (fixe et frais)de fr. 50'000.- par année. 7) En outre, M. A.________ touche:- des commissions et des super-commissions d'agent général pour sa productionpour Y.________, et- des commissions et des super-commissions d'inspecteur pour sa productionpour Y.________ Vie. 8) La rémunération figurant au ch. 6 et les commissions et super-commissionsfigurant au ch. 7 sont versées à M. A.________, directement par la Direction. 9) M. A.________ continue à faire partie du Fonds de Prévoyance des Agentsgénéraux aux mêmes conditions que précédemment. (...) PS. Secteur de production. En complément aux indications figurant sous chiffre 3 ci-dessus etconformément à l'entretien du 20 juin 1986 entre Messieurs C.________,D.________ et A.________, il est stipulé que la clientèle personnelleexistante de M. A.________ lui est réservée dans l'ensemble du rayond'activité de l'agence générale du Jura.» Par courrier du 15 novembre 1995 faisant suite à un entretien du 3 novembre,la compagnie d'assurances a confirmé à A.________ qu'en raison des résultatsobtenus par l'agence du Jura, elle recherchait un nouvel agent général et queson statut serait modifié à partir du 1er janvier 1996; elle indiquait lesnouvelles conditions de rémunération de A.________. Celui-ci a contresignécette lettre en date du 19 décembre 1995.Le 15 février 1996, l'office de révision des caisses de compensation a renduson rapport de contrôle final à la suite de la remise de l'agence généraletenue par A.________; selon ce document, l'agence est une raison individuelleet n'est pas inscrite au registre du commerce. Le 22 janvier 1997, la compagnie d'assurances a fait savoir à A.________qu'en raison de la liquidation de la Fondation de Prévoyance pour les Agentsgénéraux, le montant de sa prestation de sortie serait transféré sur unepolice de libre-passage. La prestation de sortie en question, valeur 1erjanvier 1996, a été fixée à 116'888 fr. Du 1er janvier 1977 au 31 décembre1995, la compagnie d'assurances a contribué au paiement des cotisations deprévoyance professionnelle de l'agent à hauteur de 75'000 fr. Par courrier du 28 janvier 1997, A.________ a résilié le contrat des 15novembre/19 décembre 1995 pour le 30 avril 1997. Le 2 juin 1997, son conseil a mis la compagnie d'assurances en demeure depayer 51'510 fr.60 à l'ancien agent général dans un délai de trente jours. Cemontant se décompose en 491 fr.40 correspondant aux 7/12èmes de la ristournedue au locataire des locaux de l'agence selon le décompte de charges dubailleur, 1'019 fr.20 en remboursement du solde négatif du compte courant dela compagnie d'assurances auprès de l'agence et 50'000 fr. à titred'indemnité de clientèle. Sur ce dernier point, la prétention est fondée surle bénéfice annuel moyen de l'agence de 1991 à 1995, soit 50'943 fr.20. X. ________ n'a pas donné suite à cette interpellation. B.Par demande du 8 décembre 1998, A.________ a conclu à ce que X.________ soitcondamnée à lui payer le montant de 53'090 fr. plus intérêts à 5% dès le 1erjanvier 1996 sur 1'019 fr.20, dès le 1er janvier 1997 sur 491 fr.40, dès le 2juillet 1997 sur 50'000 fr. et dès le 8 décembre 1998 sur le solde. X. ________ a conclu au rejet des conclusions de la demande. Elle a soulevél'exception de prescription. En cours de procédure, une expertise a été ordonnée. Par jugement du 1er février 2005 dont les considérants ont été notifiés le 19mai 2005, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a condamnéX.________ à payer à A.________ la somme de 26'510 fr.60 avec intérêts à 5%dès le 4 juillet 1997. C.Contre ce jugement, X.________ a interjeté à la fois un recours en nullitécantonal et un recours en réforme au Tribunal fédéral. Dans ce derniermémoire, elle conclut à la réforme du jugement cantonal en ce sens que sesconclusions libératoires sont admises. La procédure devant la cour de céans a été suspendue jusqu'à droit connu surle recours en nullité. Celui-ci a été rejeté par la Chambre des recours duTribunal cantonal du canton de Vaud par arrêt du 24 novembre 2005. A. ________ conclut au rejet du recours en réforme. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions libératoires,et dirigé contre une décision finale rendue en dernière instance cantonalepar un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dontla valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recoursest en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al.1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). 1.2 Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'undroit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ), ni la violationdu droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral conduit son raisonnementjuridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moinsque des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées,qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une inadvertancemanifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de l'autoritécantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents,régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102consid. 2.2. p. 106, 136 consid. 1.4. p. 140; 127 III 248 consid. 2c). Dans la mesure où la partie recourante présente un état de fait qui s'écartede celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précisionde l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possibled'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté degriefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuvenouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est donc pasouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les constatationsde fait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140; 128 III 271consid. 2b/aa p. 277; 127 III 247 consid. 2c p. 252). 1.3 Au surplus, la juridiction de réforme ne peut aller au-delà desconclusions des parties; en revanche, elle n'est liée ni par les motifsdéveloppés dans les écritures (art. 63 al. 1 OJ; ATF 128 III 411 consid.3.2.2 p. 415), ni par l'argumentation juridique suivie par la cour cantonale(art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140; 128 III 22 consid.2e/cc; 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a). 2.Le montant de 26'510 fr.60 que la défenderesse doit verser au demandeur selonle jugement attaqué se décompose en trois prétentions: - 491 fr.40 représentant les 7/12èmes de la ristourne due au locataire deslocaux de l'agence;- 1'019 fr.20 correspondant au solde négatif du compte courant de ladéfenderesse auprès de l'agence;- 25'000 fr. à titre d'indemnité pour la clientèle. Dans son recours, la défenderesse n'élève aucun grief en rapport avec lesdeux premiers postes cités plus haut et s'en prend exclusivement à l'octroid'une indemnité de clientèle au demandeur. Dans ces conditions, force est deconstater que le jugement attaqué n'est pas remis en cause en tant qu'ilcondamne la défenderesse à payer au demandeur le montant de 1'510 fr.60 (491fr.40 + 1'019 fr.20). La cour de céans n'y reviendra donc pas. 3.3.1En premier lieu, la défenderesse critique la qualification donnée par lacour cantonale au contrat des 19/24 juin 1986. A son sens, il ne s'agit pasd'un contrat d'agence, mais d'un simple mandat. Elle se réfère à l'intitulédu contrat, qui ne comprend pas le mot «agence». Elle relève également queles tâches d'administration confiées au demandeur et rémunérées à raison de50'000 fr. par an étaient désormais prioritaires par rapport à l'activité deproduction donnant lieu à des commissions. Elle reproche enfin à la courcantonale de n'avoir pas situé la convention de juin 1986 dans son contexte;les juges vaudois auraient dû tenir compte du fait que ledit contratintervenait après la convention du 11 novembre 1985 instituant une agencegénérale bicéphale et attribuant les tâches de développement à B.________ etqu'il se présentait ainsi comme la dernière étape de l'éviction programmée dudemandeur. Poursuivant son raisonnement, la défenderesse fait valoir que la prétentiondu demandeur à une indemnité de clientèle est prescrite, dès lors que le seulcontrat d'agence ayant lié les parties a pris fin le 30 juin 1986, soit bienplus de dix ans avant l'ouverture de l'action en date du 8 décembre 1998. 3.2 Le contrat d'agence se définit comme la convention par laquelle unepersonne - l'agent - est chargée à titre permanent par un ou plusieursmandants de négocier la conclusion d'affaires ou d'en conclure à leur nom etpour leur compte, sans être liée envers eux par un contrat de travail (cf.art. 418a al. 1 CO). Sur le plan juridique, l'agent dispose d'uneindépendance qui le distingue du travailleur, soumis à l'employeur par unerelation de subordination (Dominique Dreyer, Commentaire romand, n. 1 ad art.418a CO; Pierre Tercier, Les contrats spéciaux, 3e éd., n. 5136/5137, p. 744;Theodor Bühler, Zürcher Kommentar, n. 3 et n. 17 ss ad art. 418a CO). Il esten principe libre d'organiser son travail et de disposer de son temps commeil l'entend; il n'est pas non plus lié par des instructions de son mandant etpeut engager son propre personnel. L'autonomie de l'agent peut aussi semanifester dans le fait qu'il tient sa propre comptabilité et qu'il estlocataire des locaux de l'agence (Suzanne Wettenschwiler, Basler Kommentar,n. 3 ad art. 418a CO; Bühler, op. cit., n. 18 ad art. 418a CO). Contrairement au mandat, le contrat d'agence est un rapport de droit durable(arrêt 4C.66/2002 du 11 juin 2002, consid. 2.1; Wettenschwiler, op. cit., n.1 ad art. 418a CO; Tercier, op. cit., n. 5135, p. 743/744; Bühler, op. cit.,n. 5-7 ad art. 418a CO). Cela va en général de pair avec une dépendanceéconomique accrue de l'agent envers le mandant (arrêt précité du 11 juin2002, consid. 2.1; Tercier, op. cit., n. 5137, p. 744), ce qui le différenciedu mandataire (Claire Huguenin, Obligationenrecht - Besonderer Teil, 2e éd.,n. 983, p. 150; Bühler, op. cit., n. 35 ad art. 418a CO). L'art. 418a al. 1 CO ne mentionne pas la rémunération de l'agent. Lelégislateur est parti de l'idée que la contrepartie due par le mandantconsistait en règle générale en une provision calculée en fonction durésultat de l'activité de l'agent. Il n'en a toutefois pas fait une conditionessentielle du contrat d'agence, de façon à ne pas exclure l'application desart. 418a ss CO aux conventions prévoyant une autre forme de rémunération,comme la combinaison de provisions et d'un traitement fixe par exemple(Jean-Claude Burnand, Le contrat d'agence et le droit de l'agent d'assurancesà une indemnité de clientèle, thèse Lausanne 1977, p. 20; cf. égalementMaier/Meyer-Marsilius, Der Agenturvertrag, n. I.15, p. 4). 3.3 En l'espèce, le contrat des 19/24 juin 1986 n'a pas supprimé, à la chargedu demandeur, l'obligation typique de l'agent de rechercher des nouveauxclients et de nouveaux contrats. Il prévoyait expressément que le demandeurrecevrait des commissions et des super-commissions d'agent général pour saproduction, sa clientèle personnelle existante lui étant en outre réservéepour tout le rayon d'activité de l'agence générale. Certes, à côté de cettetâche de prospection, le demandeur était chargé de travaux administratifs,énumérés dans la convention, pour lesquels il percevait une rémunérationannuelle de 50'000 fr., couvrant le fixe et les frais. Ce cadrage desactivités du demandeur, assorti d'une rémunération fixe, ne suffitmanifestement pas à admettre un lien de subordination entre les parties,caractéristique du contrat de travail. En effet, selon les constatationscantonales, le demandeur restait libre de s'organiser à sa guise et devaittoujours engager son propre personnel, tenir une comptabilité séparée ainsique payer le loyer des locaux de l'agence; or, ces indices d'une indépendancejuridique du demandeur plaident en faveur du contrat d'agence. Il est à noterd'ailleurs que le contrat lui-même qualifie le demandeur de «collaborateurindépendant» et que celui-ci continue à faire partie du Fonds de Prévoyancedes Agents généraux comme jusqu'alors. La thèse du mandat défendue par la compagnie d'assurances
n'est pas plusconvaincante. La convention dont la qualification est litigieuse se distinguepar son caractère durable et par la dépendance économique importante dudemandeur vis-à-vis de la défenderesse. Ces éléments, typiques d'un contratd'agence (cf. consid. 3.2 supra), permettent précisément de différenciercelui-ci d'un simple mandat. Au surplus, le fait que les parties n'aient pas employé le terme «agence»dans l'intitulé de la convention n'est pas déterminant (cf. art. 18 al. 1CO). Conformément aux principes rappelés plus haut (consid. 3.2 in fine),l'adoption d'un système de rémunération fixe pour une partie des tâches n'estpas non plus de nature à exclure un contrat d'agence. Enfin, on ne voit pasen quoi le fait que la défenderesse ait désigné un deuxième agent généraldans le Jura devrait revêtir une quelconque pertinence pour qualifier lecontrat liant les parties dès le 1er juillet 1986. En définitive, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en qualifiantla convention des 19/24 juin 1986 de contrat d'agence. Le premier moyensoulevé dans le recours est mal fondé. Il s'ensuit que la créance du demandeur fondée sur l'art. 418u al. 1 CO n'estpas éteinte par la prescription. En effet, le contrat des 19/24 juin 1986 apris fin le 31 décembre 1995; le délai de prescription de dix ans applicableen l'espèce (art. 127 CO; Burnand, op. cit., p. 127) a commencé de courir àpartir de cette date (ATF 85 II 118; arrêt 4C.236/1993 du 23 août 1994,consid. 4b), de sorte que la prétention à une indemnité pour la clientèlen'était pas prescrite lors de l'introduction de l'action en date du 8décembre 1998. 4.4.1Dans un deuxième moyen, la défenderesse se plaint d'une violation del'art. 418u al. 1 CO. A son avis, les juges cantonaux ne pouvaient pasadmettre que l'activité du demandeur avait généré une augmentation sensiblede la clientèle, si bien que l'une des conditions posées à l'octroi d'uneindemnité au sens de l'art. 418u al. 1 CO n'est pas réalisée. En effet, quel'on se fonde sur le nombre de nouvelles polices (777 en vingt ans) ou sur lahausse du chiffre d'affaires (575'000 fr. en vingt ans), l'augmentation declientèle serait dérisoire. 4.2 L'art. 418u al. 1 CO prévoit que l'agent a droit, à moins que ce ne soitinéquitable, à une indemnité convenable qui ne peut pas être supprimée parconvention lorsque, par son activité, il a augmenté sensiblement le nombredes clients du mandant et que ce dernier ou son ayant cause tire un profiteffectif de ses relations d'affaires avec ces clients après la fin ducontrat. L'augmentation de la clientèle doit être due à l'activité del'agent. Elle peut résulter du fait que l'agent apporte une clientèle qui luiest attachée, qu'il acquiert de nouveaux clients pendant la durée du contratou qu'il amène des clients existants à conclure des nouvelles affaires.Pratiquement, c'est le chiffre d'affaires obtenu par l'agent qui estdéterminant (Ivan Cherpillod, La fin des contrats de durée, p. 171).L'augmentation de la clientèle d'un agent d'assurances s'appréciera enfonction de la production que l'agent a réalisée lui-même ou que sescollaborateurs du service externe ont réalisée pour son compte; cetteproduction ne doit pas comporter une proportion inhabituelle de mauvaisrisques (Burnand, op. cit., p. 139). L'augmentation de clientèle doit êtresensible. Selon certains auteurs, tel est le cas d'une hausse de plus de 15%par année (Dreyer, op. cit., n. 8 ad art. 418u CO; Gautschi, BernerKommentar, n. 3b ad art. 418u CO). Dans un arrêt ancien, le Tribunal fédérala considéré comme sensible une augmentation du nombre de clients de 85 à 120sur dix-sept mois, soit de plus de 25% par an (ATF 84 II 164 consid. 4 p.166). 4.3 En l'espèce, il ressort des constatations cantonales, fondées surl'expertise, que le volume des primes brutes attribuées au demandeur aaugmenté de 575'534 fr. en vingt ans par rapport à un montant initial deprimes de 338'418 fr., après déduction de la part de hausse résultant del'augmentation des prix. Cela représente une progression de 170% sur vingtans, soit un peu plus de 5% par année en moyenne. Il résulte par ailleurs del'état de fait du jugement attaqué que le nombre de polices, qui était de 908le 1er janvier 1976, a augmenté de 777 en vingt ans, ce qui correspond à unehausse de 85%, soit un peu plus de 3% par année en moyenne. On peut sedemander si les évolutions constatées permettent de qualifier de sensiblel'augmentation de la clientèle due à l'activité du demandeur. La questionsouffre toutefois de rester indécise dès lors que le recours doit de toutemanière être admis pour une autre raison (cf. consid. 6.3 infra). 5.5.1En troisième lieu, la défenderesse invoque l'art. 8 CC. A son avis, ilappartenait au demandeur, qui avait le fardeau de la preuve, de requérir laproduction des livres comptables de la compagnie d'assurances liés à l'agencedu Jura, ce qui aurait permis de déterminer si un profit effectif avait étéréalisé par la défenderesse, après la fin du contrat d'agence, avec lesclients amenés par le demandeur. Au surplus, en admettant un profit effectifsur la base des mêmes arguments que pour l'augmentation de la clientèle(hausse du volume des primes et des polices), la cour cantonale auraitméconnu l'art. 418u al. 1 CO. 5.2 Un profit au sens de l'art. 418u al. 1 CO n'existe que lorsque lesclients acquis par l'agent resteront fidèles au mandant et continueront às'adresser à lui pour couvrir leurs besoins (ATF 103 II 277 consid. 3a p.282; 84 II 164 consid. 4 p. 166; arrêt 4C.399/1999 du 2 mai 2000, consid. 4aet les références; arrêt précité du 23 août 1994, consid. 4b). Le profit doitau surplus être effectif, ce qui est le cas lorsqu'il joue un rôle sur leplan économique (ATF 103 II 277 consid. 4b p. 285; arrêt précité du 23 août1994, consid. 4b). La fidélité de la clientèle qui continue à se pourvoirauprès du mandant concerne avant tout les marchandises répondant à desbesoins qui se renouvellent (ATF 103 II 277 consid. 3a p. 282). Ce principevaut toutefois aussi dans le domaine de l'assurance. Il s'agira alorsd'examiner si, dans un délai utile, l'assureur peut, sans autreinvestissement, conclure de nouvelles affaires avec la clientèle acquise parl'agent ou modifier les contrats de manière profitable (arrêt précité du 2mai 2000, consid. 4a). Les exigences quant à l'existence d'un profit effectifne doivent pas être trop sévères, ce qui ne dispense pas le juge d'analyserles circonstances et d'expliquer pourquoi un tel profit doit être admis ounié dans le cas particulier (ATF 103 II 277 consid. 4b p. 285; arrêt précitédu 23 août 1994, consid. 5b). 5.3 En l'espèce, la cour cantonale est partie de la présomption selonlaquelle l'augmentation du nombre des polices et du chiffre d'affaires durantles rapports contractuels impliquait que, après la fin du contrat d'agence,les clients resteront fidèles à la compagnie d'assurances et que celle-ci enretirera un profit. Il s'agit là d'une présomption de fait, fondée surl'expérience générale de la vie; à ce titre, elle peut être revue dans lecadre d'un recours en réforme (Poudret, COJ II, n. 4.3.3 ad art. 43). Commele Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de le préciser, une telleprésomption ne saurait renverser le fardeau de la preuve; il appartienttoujours à l'agent d'établir l'existence d'un profit effectif au sens del'art. 418u al. 1 CO (ATF 103 II 277 consid. 2 p. 281). La cour cantonale s'est fondée sur cette seule présomption pour considérer leprofit effectif de la défenderesse comme établi. Le procédé est douteux. Ilrevient en réalité à admettre que la deuxième condition posée par l'art. 418ual. 1 CO est réalisée dès lors que la première condition - l'augmentationsensible de la clientèle - est remplie. Là aussi, le point peut toutefoisdemeurer indécis pour le motif exposé au considérant 4.3 ci-dessus. 6.6.1Dans un dernier grief, la défenderesse conteste le caractère équitable del'octroi d'une indemnité pour la clientèle dans les circonstances del'espèce. Elle fait valoir qu'elle a contribué à bien plaire au fonds deprévoyance du demandeur à hauteur de 75'000 fr.; or, cette somme dépasselargement le montant maximal de 50'000 fr. auquel le demandeur peut prétendreen application de l'art. 418u al. 1 CO. De plus, la défenderesse observe que,durant les cinq dernières années, elle a versé au demandeur une participationaux frais généraux de l'agence s'élevant à 257'000 fr., dont il convient detenir compte. Enfin, elle expose que le contrat a duré longtemps, ce qui estégalement un facteur pouvant faire apparaître comme inéquitable l'octroid'une indemnité de clientèle. 6.2 Comme troisième condition, l'art. 418u al. 1 CO pose que l'octroi d'uneindemnité pour la clientèle ne doit pas être inéquitable. Interprétant cettedisposition, le Tribunal fédéral a jugé que, contrairement à l'opiniondéfendue par Gautschi (op. cit., n. 4a ss ad art. 418u CO), le critère del'équité intervenait déjà pour se prononcer sur le principe de l'octroi del'indemnité, et non seulement pour fixer son étendue (ATF 110 II 476 consid.3e p. 482/483). Les critères pertinents pour déterminer si une indemnité de clientèle estéquitable ou non dans un cas donné ne figurent pas dans la loi. Il convientdès lors de se référer à la définition de cette indemnité. Selon unejurisprudence constante, elle ne consiste pas en une rémunérationsupplémentaire pour des prestations fournies par l'agent pendant la durée ducontrat, mais en une compensation de la valeur commerciale dont le mandantpeut profiter après la fin des relations contractuelles. Il ne s'agit pas deréparer un éventuel préjudice subi par l'agent, mais d'allouer à celui-ci unecontre-prestation pour la plus-value que son activité continue d'apporter aumandant après la fin du contrat (ATF 122 III 66 consid. 3d p. 72; 110 II 280consid. 3b p. 281; 103 II 277 consid. 2 p. 280; 84 II 529 consid. 2 p.531/532). L'octroi d'une indemnité de clientèle apparaît ainsi inéquitable sil'agent a déjà été suffisamment rémunéré pour ses prestations (Dreyer, op.cit., n. 11 ad art. 418u CO; Wettenschwiler, op. cit., n. 10 ad art. 418u CO;Bühler, op. cit., n. 44 ad art. 418u CO). Tel peut être le cas lorsquel'agent a touché des provisions particulièrement élevées ou bénéficied'avantages comme l'affiliation à une caisse de prévoyance (ATF 110 II 476consid. 3a p. 479; 103 II 277 consid. 5 p. 286). Le Tribunal fédéral a ainsirefusé une indemnité de clientèle à un agent parce que la valeur capitaliséede la rente de vieillesse financée essentiellement par le mandant dépassaitle montant réclamé sur la base de l'art. 418u al. 1 CO (ATF 110 II 476). Lalongue durée du contrat d'agence est aussi un facteur dont il faut tenircompte (ATF 110 II 476 consid. 3a p. 479; 103 II 277 consid. 5 p. 286). Eneffet, plus le contrat aura duré longtemps, plus l'agent aura été en mesurede profiter de commissions pour commandes supplémentaires passées par laclientèle qu'il a acquise (Dreyer, op. cit., n. 11 ad art. 418u CO;Wettenschwiler, op. cit., n. 10 ad art. 418u CO). Dans le cadre de la claused'équité, il y a également lieu de prendre en considération le fait que lemandant a contribué dans une large mesure aux dépenses résultant del'activité de l'agent, par exemple en versant un montant fixe ou uneindemnité forfaitaire en remboursement des frais généraux (Burnand, op. cit.,p. 118). 6.3 En application de la clause d'équité, la cour cantonale a pris en comptela durée des deux contrats d'agence consécutifs et le fait que, sans y êtretenue, la défenderesse avait affilié le demandeur à une caisse de prévoyanceprofessionnelle. Qualifiant de peu important le montant de la police delibre-passage à disposition après une période de cotisation de vingt ans, lesjuges vaudois ont considéré qu'il ne se justifiait pas de refuser l'indemnitéde clientèle, mais uniquement d'en réduire son montant. Cette opinion ne convainc pas pour les raisons suivantes. La prestation delibre-passage du demandeur s'élève à 116'888 fr., valeur 1er janvier 1996. Envingt ans, la défenderesse a contribué à bien plaire à la prévoyanceprofessionnelle du demandeur à hauteur de 75'000 fr., alors que lescotisations versées par l'agent se monte à 22'800 fr. La mandante a ainsilargement participé à la constitution de l'avoir de vieillesse acquis par ledemandeur au 1er janvier 1996. Par ailleurs, le montant de la prestation delibre-passage n'a pas à être considéré dans l'absolu, mais par rapport àl'indemnité de clientèle réclamée par le demandeur (cf. ATF 110 II 476consid. 3a p. 480 et consid. 3e p. 482/483). Or, la prétention de l'agent estde 50'000 fr., représentant le gain annuel net du demandeur calculé d'aprèsla moyenne des cinq dernières années du rapport contractuel (cf. art. 418ual. 2 CO); ce montant est largement inférieur à la prestation delibre-passage à laquelle la défenderesse a contribué pour l'essentiel. Pource motif-là, l'octroi d'une indemnité de clientèle au demandeur apparaît déjàinéquitable.De surcroît, depuis le 1er juillet 1986, le demandeur a reçu une rémunérationannuelle fixe de 50'000 fr. qui représente, selon l'interprétation noncritiquée de la cour cantonale, une participation de la défenderesse auxfrais généraux de l'agence du Jura. Conformément aux principes rappelés plushaut (consid. 6.2 in fine), ces montants doivent également être pris enconsidération dans le cadre de la clause d'équité. Enfin, il y a lieu de souligner la durée très longue des rapportscontractuels, les parties ayant été liées pendant dix ans et demi par lepremier contrat d'agence et neuf ans et demi par le second, soit vingt ans entout. Le demandeur a donc été en mesure de bénéficier en grande partie encorependant la durée des relations contractuelles de la clientèle amenée par sessoins. Ces éléments font apparaître comme inéquitable l'octroi d'une indemnité declientèle à l'agent et auraient dû amener la cour cantonale à refuser audemandeur tout montant sur la base de l'art. 418u al. 1 CO. Le recours doitdès lors être admis. Consacrant une violation du droit fédéral, le jugementattaqué sera réformé, le montant à verser par la défenderesse au demandeurpassant de 26'510 fr.60 à 1'510 fr.60 (cf. consid. 2 ci-dessus). 7.Le demandeur, qui succombe, prendra à sa charge les frais judiciaires (art.156 al. 1 OJ) et versera des dépens à la défenderesse (art. 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est admis et le jugement attaqué est réformé en ce sens que ladéfenderesse X.________ Assurance SA doit payer au demandeur A.________ lasomme de 1'510 fr.60 avec intérêts à 5% l'an dès le 4 juillet 1997. 2.Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du demandeur. 3.Le demandeur versera à la défenderesse une indemnité de 2'500 fr. à titre dedépens. 4.La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur lesfrais et dépens de la procédure cantonale. 5.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laCour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 3 avril 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le Président: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.218/2005
Date de la décision : 03/04/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-04-03;4c.218.2005 ?
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