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31/03/2006 | SUISSE | N°5C.6/2006

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 mars 2006, 5C.6/2006


{T 0/2}5C.6/2006 /frs Arrêt du 31 mars 2006IIe Cour civile M. et Mmes les Juges Raselli, Président,Escher et Hohl.Greffier: M. Braconi. dame D.________, (épouse),demanderesse et recourante, représentée par Me Yves Magnin, avocat, contre D.________, (époux),défendeur et intimé, représenté par Me Robert Assaël, avocat, divorce, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justicedu canton de Genève du 18 novembre 2005. Faits: A.A.a Dame D.________, née le 15 mai 1931 (demanderesse) et D.________, né le20 janvier 1935 (défendeur), tous deux de nationalitÃ

© suisse, se sont mariésà Genève le 19 décembre 1959; un enfant, ...

{T 0/2}5C.6/2006 /frs Arrêt du 31 mars 2006IIe Cour civile M. et Mmes les Juges Raselli, Président,Escher et Hohl.Greffier: M. Braconi. dame D.________, (épouse),demanderesse et recourante, représentée par Me Yves Magnin, avocat, contre D.________, (époux),défendeur et intimé, représenté par Me Robert Assaël, avocat, divorce, recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justicedu canton de Genève du 18 novembre 2005. Faits: A.A.a Dame D.________, née le 15 mai 1931 (demanderesse) et D.________, né le20 janvier 1935 (défendeur), tous deux de nationalité suisse, se sont mariésà Genève le 19 décembre 1959; un enfant, aujourd'hui majeur, est issu de leurunion. Les parties se sont séparées au début de l'année 1986, l'époux ayant quittéle domicile conjugal. Le 7 mai 1986, l'épouse a introduit action enséparation de corps; le 23 octobre 1986, le mari a conclu par voiereconventionnelle au divorce. A.b La demanderesse a repris une activité lucrative en été 1986; elle affirmeavoir dû quitter son dernier emploi en 1991 en raison d'ennuis de santé. Âgéede 74 ans, elle est à la retraite. En 2000, sa rente AVS s'élevait à 1'897fr. et sa rente du 2e pilier à 691 fr.15. Le montant de son avoir deprévoyance au moment de la cessation de son activité lucrative n'est pasconnu; elle déclare n'avoir pu se constituer d'avoirs LPP. Elle dit ne pasdisposer de fortune et n'avoir pas encore obtenu le montant de sa part à laliquidation du régime matrimonial, qui serait encore en mains du notaireX.________. La situation de l'intéressée ne s'est guère modifiée depuis 2000,celle-ci ne versant aucune nouvelle pièce pertinente au dossier. Le défendeur, qui a travaillé de 1974 à mai 1986 au Département des financeset contributions du canton de Genève, a retrouvé, après une période dechômage et divers petits emplois, un poste au Service de la taxeprofessionnelle de la Ville de Genève pour un salaire mensuel d'environ 8'000fr., lequel est toutefois grevé par le rachat de sa caisse de retraite. Iln'a plus d'activité lucrative depuis le 1er février 1995. Âgé de 70 ans, ilreçoit une retraite de 7'512 fr.75 par mois depuis lors. Sa prestation delibre passage s'élevait à 312'525 fr. au 31 janvier 1986, montant qui a ététransféré à la CAP, institution de prévoyance des fonctionnaires de la villede Genève. L'intéressé persiste à ne fournir aucun renseignement au sujet desa situation financière, ses revenus et ses charges. A.c Depuis la décision de mesures provisoires du 21 novembre 1991, confirméeen appel, le mari s'acquitte d'une contribution d'entretien de 2'500 fr. parmois. La requête de nouvelles mesures provisoires qu'il avait déposée a étérejetée le 15 septembre 1994, décision confirmée par la Cour de justice ducanton de Genève le 20 juillet 1995. B.Le 18 juillet 2002, la IIe Cour civile du Tribunal fédéral a annulé l'arrêtde la Cour de justice du canton de Genève du 22 février 2002 en ce quiconcerne la contribution d'entretien de la demanderesse et le sort de laprévoyance professionnelle et renvoyé la cause à la juridiction cantonalepour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle a jugé, ensubstance, que le nouveau droit du divorce était applicable au principe et àla quotité de la contribution d'entretien due au conjoint ainsi qu'au partagede la prévoyance professionnelle, que, lorsqu'un cas de prévoyance étaitsurvenu, le juge devait statuer d'office sur le montant et la forme del'indemnité équitable prévue par l'art. 124 CC et que, comme la courcantonale s'était fondée à tort sur l'ancien droit du divorce, il convenaitde lui renvoyer l'affaire pour instruction et nouvelle décision sur la basedes nouvelles dispositions (arrêt 5C.103/2002, in: FamPra.ch 2003 p. 147). C.Par arrêt du 12 décembre 2003, la Cour de justice a renvoyé la cause auTribunal de première instance; elle a constaté, en particulier, que lasituation financière des parties n'était nullement établie, le défendeurn'indiquant aucun élément chiffré qui permette d'apprécier sa capacitécontributive (revenus et/ou fortune). Par jugement du 24 février 2005, le Tribunal de première instance a condamnéle défendeur à verser à la demanderesse la somme de 156'263 fr. à titred'indemnité équitable et une contribution d'entretien de 830 fr. par mois,indexée. Statuant le 18 novembre 2005 sur l'appel de la demanderesse - qui réclamaitune indemnité équitable de 340'537 fr.50 et une pension de 3'800 fr. par mois- et l'appel incident du défendeur - qui concluait à la suppression del'indemnité équitable -, la Cour de justice a confirmé la décision entreprisesur le premier point et l'a réformée sur le second point, portant lacontribution alimentaire à 1'500 fr. par mois. D.Contre cet arrêt, la demanderesse interjette parallèlement un recours dedroit public et un recours en réforme. Dans ce dernier, elle conclut à titreprincipal au paiement d'une indemnité équitable en capital de 340'537 fr.50ou d'une rente équivalente, à prélever en priorité sur les avoirs enpossession du notaire X.________, ainsi qu'au versement d'une contributiond'entretien mensuelle de 3'800 fr., indexée, ordre étant donné à la Caisse deprévoyance CAP de la verser directement en ses mains; à titre subsidiaire,elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause àl'autorité cantonale. Par courrier séparé, elle a requis le bénéfice del'assistance judiciaire. Le défendeur n'a pas été invité à répondre. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Aux termes de l'art. 57 al. 5 OJ, il est sursis en règle générale à l'arrêtsur le recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours de droit public.Cette disposition souffre, cependant, des exceptions dans des situationsparticulières, qui justifient l'examen préalable du recours en réforme: il enest ainsi lorsque ce recours s'avère irrecevable ou paraît devoir être admismême sur la base des constatations de fait retenues par l'autorité cantonaleet critiquées dans le recours de droit public; il se peut aussi que lesconstatations de fait contestées dans le recours de droit public,fussent-elles arbitraires, n'empêchent point que l'arrêt attaqué repose surd'autres faits qui entraînent le rejet du recours en réforme (ATF 117 II 630consid. 1a p. 631 et les références citées). En résumé, il se justifie dedéroger à l'ordre de priorité institué par l'art. 57 al. 5 OJ chaque fois quela décision sur le recours de droit public est dépourvu d'incidence sur lesort du recours en réforme (ATF 118 II 521 consid. 1b p. 523). En l'occurrence, le recours de droit public a été déposé pour arbitraire dansl'appréciation des preuves et l'établissement des faits concernant lescharges de la demanderesse (son loyer et ses frais médicaux non couverts parles assurances) et le montant des avoirs de prévoyance du défendeur entre1986 et 1989, pour arbitraire dans l'application du droit cantonal (art. 186al. 2 LPC/GE) en relation avec les revenus du défendeur et le montant de sesavoirs de prévoyance, ainsi que pour violation de l'art. 56v let. b LOJ/GE.Les constatations de fait critiquées n'étant pas décisives pour l'issue durecours en réforme, comme on le verra ci-après, il convient de traiterd'abord celui-ci. 2.Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recoursqui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292; 131 III 667 consid. 1p. 668 et les arrêts cités). 2.1 En cas de renvoi de la cause à l'autorité cantonale, le recours enréforme est ouvert contre la nouvelle décision sans égard à la valeurlitigieuse (art. 66 al. 2 OJ). Interjeté en temps utile contre une décisionfinale rendue en dernière instance cantonale, le recours est égalementrecevable au regard des art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ. 2.2 Aux termes de l'art. 66 al. 1 OJ, l'autorité cantonale à laquelle uneaffaire est renvoyée est tenue de fonder sa nouvelle décision sur lesconsidérants de droit de l'arrêt du Tribunal fédéral. L'arrêt de renvoi lieles parties et le Tribunal fédéral lui-même (ATF 125 III 421 consid. 2a p.423; 116 II 220 consid. 4a p. 222), que la cause ait été renvoyée àl'autorité cantonale à la suite de l'admission d'un recours en réforme oud'un recours de droit public (ATF 122 I 250 consid. 2 p. 251). Seuls demeurent donc litigieux dans la présente procédure le montant et laforme de l'indemnité équitable de l'art. 124 CC et le montant de lacontribution à l'entretien de l'épouse de l'art. 125 CC (art. 66 OJ), ainsique les modalités de versement de ces prestations. La question des «sûretés»peut être examinée puisqu'elle faisait l'objet de conclusions dans leprécédent recours en réforme et que la cour de céans n'avait pas eu à latrancher à cette occasion. Le chef de conclusions de la demanderesse tendant à une indexation de sacontribution d'entretien d'après une formule qui s'écarte de celle adoptéepar le Tribunal de première instance, confirmée par la Cour de justice(indexation annuelle de la pension sur l'indice suisse des prix à laconsommation pour la première fois le 1er janvier 2006, l'indice de baseétant celui en vigueur au 1er janvier 2005), est irrecevable, faute demotivation (art. 55 al. 1 let. c OJ; ATF 116 II 745 consid. 3 p. 749 et lajurisprudence citée). 2.3 En instance de réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur les faitstels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité cantonale, à moins quedes dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, ou qu'iln'y ait lieu de rectifier des constatations qui reposent sur une inadvertancemanifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou de compléter les constatations de l'autoritécantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents etrégulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2 p. 106; surla maxime applicable en matière de détermination de l'indemnité équitable,cf. ATF 129 III 481 consid. 3.3 p. 484 et les références). Il ne peut êtreprésenté de griefs à l'encontre des constatations de fait, ou del'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale (ATF132 III 1 consid. 3.1 p. 5; 131 III 511 consid. 3.3 p. 523), ni de faits oude moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (iura novit curia). Il ne peutpas aller au-delà des conclusions des parties, mais il n'est lié ni par lesmotifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentationjuridique de l'autorité cantonale (ATF 131 III 153 consid. 6.5 p. 163). Ilpeut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux soulevés par lerecourant (ATF 130 III 297 consid. 3.1 p. 299) ou, au contraire, le rejeteren opérant une substitution de motifs, à savoir en adoptant une autresolution que celle retenue par la cour cantonale (ATF 127 III 248 consid. 2cp. 252/253). 3.Pour fixer l'indemnité équitable de l'art. 124 CC, la cour cantonale s'estbasée sur un relevé du fonds de prévoyance du défendeur faisant état d'unmontant de 312'525 fr. au 31 janvier 1986. Elle a admis que ce chiffre peutêtre retenu comme prévoyance acquise par l'époux durant le mariage, puisquela date du relevé (i.e. 31 janvier 1986) est proche de la date du divorce(i.e. 1989) et que, les données à recueillir étant particulièrementanciennes, il serait extrêmement difficile d'obtenir une donnée plus précise.Prenant ensuite en considération les revenus de la demanderesse (2'588 fr.15= 1'897 fr. [rente AVS] + 691 fr.15 [rente du 2e pilier]), l'âge desconjoints, la durée du mariage (30 ans) ainsi que le résultat de laliquidation du régime matrimonial (178'493 fr. en faveur de la femme et325'401 fr. en faveur du mari), les juges d'appel ont estimé équitabled'attribuer à la demanderesse la moitié de l'avoir de prévoyance, à savoir uncapital de 156'263 fr. Comme il n'a pas été établi, ni allégué, que ledéfendeur ne serait pas en mesure de verser cette somme en une fois, lajuridiction cantonale a renoncé à prévoir un versement par mensualités; ellea estimé, enfin, qu'il n'y avait pas lieu de l'astreindre à fournir dessûretés en vertu de l'art. 124 al. 2 CC, aucune circonstance concrète nepermettant d'admettre que, malgré le caractère hautement conflictuel duprocès, il ne se conformera pas à ses obligations. Pour fixer la contribution d'entretien de l'art. 125 CC, la cour cantonale atenu compte des revenus de la demanderesse (2'588 fr.15); elle a, enrevanche, fait abstraction d'un revenu de sa fortune (178'493 fr. et 156'263fr.), car il est notoire que les intérêts sur un compte d'épargne sontparticulièrement faibles et que l'on ne saurait exiger d'elle qu'elleeffectue des placements risqués. Elle a arrêté ses charges à 3'538 fr.,réduisant son loyer effectif à 900 fr. Le défendeur n'ayant pas produit, endépit de nombreuses injonctions, les pièces permettant d'apprécier sasituation financière, la juridiction cantonale lui a imputé - sans lechiffrer - un revenu suffisant pour pourvoir à l'entretien convenable de sonex-femme, considérant qu'une pension de 1'500 fr. était équilibrée etcorrespondait aux besoins de base de la crédirentière, assortis d'un excédentlui permettant de vivre moins chichement, vu le niveau de vie des conjointspendant le mariage. Elle a, enfin, estimé (pour le même motif queprécédemment) qu'il n'y avait pas lieu d'astreindre l'intéressé à fournir dessûretés sur la base de l'art. 132 CC. 4.4.1Conformément à l'art. 124 al. 1 CC, une indemnité équitable est duelorsqu'un cas de prévoyance est déjà survenu pour l'un des époux ou pour lesdeux, ou que les prétentions en matière de prévoyance professionnelleacquises durant le mariage ne peuvent être partagées pour d'autres motifs. D'après la jurisprudence, lors de la fixation de l'indemnité équitable, ilfaut garder à l'esprit l'option de base du législateur à l'art. 122 CC, àsavoir que les avoirs de prévoyance qui ont été accumulés pendant le mariagedoivent, en principe, être partagés par moitié entre les époux; il ne sauraitcependant être question d'arrêter schématiquement, sans égard à la situationéconomique concrète des parties, une indemnité correspondant dans sonrésultat à un partage par moitié des avoirs de prévoyance; il faut, aucontraire, tenir compte de façon adéquate de la situation patrimoniale aprèsla liquidation du régime matrimonial, ainsi que des autres éléments de lasituation financière des conjoints après le divorce. On peut procéder en deuxétapes, en ce sens que le juge calcule tout d'abord le montant de laprestation de sortie au moment du divorce - respectivement au moment de lasurvenance du cas de prévoyance - et adapte ensuite ce montant aux besoinsconcrets des parties en matière de prévoyance (ATF 131 III consid. 4.2 p.4/5; 129 III 481 consid. 3.4.1 p. 488). Au gré des circonstances de l'espèce,le juge peut fixer cette indemnité sous forme de capital, le cas échéantpayable par mensualités, ou, lorsque le débirentier ne dispose pas dupatrimoine pour s'en acquitter, d'une rente (ATF 131 III 1 consid. 4.3.1 p.5/6 et les citations). 4.2 Selon l'art. 125 al. 1 CC, si l'on ne peut raisonnablement attendre d'unépoux
qu'il pourvoie lui-même à son entretien convenable, y compris à laconstitution d'une prévoyance vieillesse appropriée, son conjoint lui doitune contribution équitable. Cette disposition concrétise deux principes:d'une part, celui du «clean break», qui veut que, dans la mesure du possible,chaque conjoint acquière son indépendance économique et subvienne lui-même àses propres besoins après le divorce; d'autre part, celui de la solidarité,qui implique que les époux sont responsables l'un envers l'autre, nonseulement des effets que le partage des tâches adopté durant le mariage a puavoir sur la capacité de gain de l'un d'eux, mais aussi des autres motifs quiempêcheraient celui-ci de pourvoir lui-même à son entretien (Message duConseil fédéral concernant la révision du code civil suisse du 15 novembre1995, FF 1996 I 1 ss, 31/32; ATF 129 III 7 consid. 3.1 p. 8, 127 III 136consid. 2a p. 138 et les références citées). Dans son principe, comme dansson montant et sa durée, cette allocation doit être fixée en tenant comptedes éléments énumérés de manière non exhaustive à l'art. 125 al. 2 CC, enparticulier des expectatives de l'assurance-vieillesse et survivants et de laprévoyance professionnelle ou d'autres formes de prévoyance privée oupublique (cf. ATF 129 III 7 consid. 3.1.2 p. 9 et 257 consid. 3.4 p. 262), ycompris du résultat prévisible du partage des prestations de sortie (ch. 8)ou de l'indemnité accordée en application de l'art. 124 al. 1 CC(Sutter/Freiburghaus, Kommentar zum neuen Scheidungsrecht, n. 100 ad art. 125CC; Schwenzer, FamKommentar, 2e éd., n.67 ad art. 125 CC). La mesure de l'entretien convenable est essentiellement déterminée par leniveau de vie des époux pendant le mariage (art. 125 al. 2 ch. 3 CC). Quandl'union conjugale a durablement marqué de son empreinte la situationéconomique de l'époux bénéficiaire, celui-ci a droit dans l'idéal au maintiende ce même train de vie (ATF 129 III 7 consid. 3.1.1 p. 8/9 et les nombreusescitations), qui constitue la limite supérieure de l'entretien convenable(Sutter/Freiburghaus, ibid., n. 15). Toutefois, lorsque le divorce estprononcé à l'issue d'une longue séparation, c'est la situation des conjointsdurant cette période qui apparaît en principe déterminante (ATF 130 III 537consid. 2.2 p. 539/540 et les références citées). 4.3 Lorsque, comme en l'espèce, les conjoints sont retraités et qu'il s'agitde fixer à la fois une indemnité équitable de l'art. 124 CC et unecontribution d'entretien de l'art. 125 CC, les besoins concrets des deuxépoux sont déterminants. Les montants arrêtés en application de l'une etl'autre de ces dispositions sont interdépendants en ce sens que leséventuelles insuffisances de prévoyance professionnelle doivent être combléespar une contribution d'entretien (ATF 129 III 257 consid. 3.5 p. 263);inversement, lorsque l'indemnité équitable est adéquate, elle justifie unecontribution alimentaire moindre. En tout cas, le montant total de ces deuxallocations est limité à la fois par le train de vie des époux pendant lemariage, respectivement pendant la séparation qui a suivi la cessation de lavie commune, et par les capacités financières réduites du conjointdébirentier qui a pris sa retraite, étant par ailleurs acquis que lesprestations servies au titre de la prévoyance vieillesse et professionnellen'atteignent jamais le montant du dernier salaire. La mise à contribution dela substance de la fortune pour le maintien du train de vie antérieur,respectivement pour assurer ce train de vie au conjoint divorcé, dépend de lafonction et de la composition de cette fortune (cf. à ce sujet: ATF 129 III 7consid. 3.1.2 p. 9/10). 5.5.1Pour calculer l'indemnité équitable, la Cour de justice s'est basée sur laprestation de libre passage du défendeur au 31 janvier 1986, à savoir 312'525fr., et l'a ensuite purement et simplement divisée par deux pour obtenir lemontant de l'indemnité (= 156'263 fr.). La demanderesse lui reproche d'avoir préféré se «simplifier la tâche» entenant compte du montant des avoirs de prévoyance au 31 janvier 1986 au lieudes avoirs existant en 1989, qu'elle chiffre à 681'075 fr., et, partant, del'avoir privée de trois ans de cotisations en violation du «principe defiabilité» voulu par le législateur; elle se plaint aussi de ce que lasituation économique confortable de l'intéressé n'a pas été prise enconsidération. La question de savoir si le juge peut retenir un avoir de prévoyanceapproximatif, arrêté à une date antérieure au divorce, et ensuite fixerl'indemnité équitable à la moitié de cet avoir peut demeurer indécise pour lemotif suivant. 5.2 Il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que la demanderesse et ledéfendeur, âgés respectivement de 74 et 70 ans, vivent séparés depuis 1986 etque, à tout le moins depuis 1991, ce dernier s'acquitte régulièrement de lapension de 2'500 fr. mise à sa charge au titre des mesures provisoires, ceque la crédirentière admet expressément dans son recours. Ainsi, en 2000 -date des derniers chiffres connus -, la demanderesse disposait de ses rentesAVS et LPP (2'588 fr.), à quoi s'ajoutait sa contribution alimentaire de2'500 fr., à savoir 5'088 fr. au total, pour des charges qui sont toujoursles mêmes. Après l'entrée en force de l'arrêt entrepris - consécutive au rejet durecours en réforme -, qui lui alloue une indemnité équitable en capital de156'263 fr. et une contribution d'entretien de 1'500 fr. par mois, lademanderesse disposera d'un montant légèrement supérieur. En effet,contrairement à ce qu'a admis la cour cantonale, l'indemnité en capital nedoit pas être simplement considérée comme un élément de fortune non productifd'intérêt; dès lors qu'elle a été accumulée à des fins de prévoyance, elledoit être utilisée et entamée dans sa substance pour servir précisément àl'entretien du bénéficiaire à la retraite. Il s'impose de convertir cecapital en rente viagère mensuelle immédiate jusqu'au décès du conjointcrédirentier d'après la Table 1 de Stauffer/Schaetzle (éd. 2001): pour unefemme de 74 ans, le capital en cause représente une rente viagère de 1'063fr. par mois (156'263 : 12.24 : 12). Avec la contribution d'entretien de1'500 fr. par mois, la demanderesse profite ainsi de 2'563 fr., c'est-à-dired'un montant légèrement supérieur à la pension qu'elle reçoit du chef desmesures provisoires depuis environ 15 ans. Pour des charges identiques, elleaura donc des ressources équivalentes après (5'151 fr.) comme avant l'entréeen force de l'arrêt attaqué (5'088 fr.). De plus, elle disposera d'unefortune de 178'493 fr., correspondant à sa part à la liquidation du régimematrimonial. Il s'ensuit que les montants arrêtés par la juridiction précédente pourl'indemnité équitable et la contribution d'entretien s'avèrent conformes audroit fédéral. Dans ces circonstances, il devient superflu d'examiner lesautres griefs de la demanderesse - autant qu'ils sont recevables dans lerecours en réforme -, à savoir la prise en considération de son loyereffectif (1'750 fr.), d'un minimum vital élargi de 20%, de son droit aumaintien du train de vie pendant le mariage - non établi -, de son droit àmener un train de vie équivalent à celui du défendeur, ainsi que la violationdu partage du montant disponible par moitié. 6.La demanderesse se plaint encore d'une violation des art. 124 al. 2 et 132CC. Elle reproche à l'autorité cantonale de ne pas avoir astreint ledéfendeur à fournir des sûretés, alors que son domicile est inconnu, que lacontribution d'entretien est systématiquement versée par l'étude de sonavocat et que son attitude laisse présager qu'il ne satisfera pas à sesobligations une fois la procédure terminée; l'indemnité en capital doit êtreprélevée sur la part de liquidation du régime matrimonial du défendeurdétenue par le notaire, et la contribution d'entretien versée directement parla CAP. 6.1 En ce qui concerne le paiement de l'indemnité de l'art. 124 CC, la courcantonale a estimé qu'aucune circonstance concrète ne permet d'affirmer quele défendeur ne se conformera pas à ses obligations; en effet, en dépit ducaractère hautement conflictuel de la procédure qui oppose les parties, ils'est régulièrement acquitté de la contribution de 2'500 fr. par mois qu'il aété condamné à verser à son ex-épouse sur mesures provisoires en 1991. Dansces conditions, il n'y a pas lieu de l'astreindre à fournir des sûretés surla base de l'art. 124 al. 2 CC. Toute l'argumentation de la demanderesse consiste, en réalité, en unecritique de l'appréciation des preuves effectuée à ce sujet par l'autoritécantonale; son grief est donc irrecevable (cf. supra, consid. 2.3).6.2 S'agissant de la contribution d'entretien de l'art. 125 CC, la courcantonale a refusé la prestation de sûretés en vertu de l'art. 132 CC en sefondant sur le même motif que pour l'indemnité équitable (cf. supra, consid.6.1). La demanderesse s'en prend à nouveau à l'appréciation des preuves par lajuridiction précédente, ce qui est inadmissible dans le recours en réforme(cf. supra, consid. 2.3). 7.En conclusion, le présent recours doit être rejeté dans la mesure de sarecevabilité. Il ressort des faits constatés par la cour cantonale que la liquidation durégime matrimonial est en force, de sorte que la demanderesse jouit d'unefortune de 170'000 fr.; elle n'a pas établi qu'elle se trouve dansl'impossibilité de mettre cet actif à contribution pour payer ses frais deprocès, ni qu'elle ne pourrait pas obtenir une provisio ad litem à cette fin(Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. V,n. 4 ad art. 152 OJ et la jurisprudence citée). Le fait qu'elle a plaidé aubénéfice de l'assistance judiciaire sur le plan cantonal n'est pasdéterminant (ATF 122 III 392 consid. 3a p. 393). Il s'ensuit que sa requêted'assistance judiciaire doit être rejetée. Cela étant, les frais de laprocédure sont mis à sa charge (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu, enrevanche, d'allouer de dépens à sa partie adverse, qui n'a pas été invitée àrépondre. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 2.La requête d'assistance judiciaire de la recourante est rejetée. 3.Un émolument judiciaire de 4'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laChambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. Lausanne, le 31 mars 2006 Au nom de la IIe Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le Président: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.6/2006
Date de la décision : 31/03/2006
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-03-31;5c.6.2006 ?
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