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30/03/2006 | SUISSE | N°I.800/04

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 mars 2006, I.800/04


{T 7}I 800/04 Arrêt du 30 mars 2006IVe Chambre MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard. Greffier : M.Beauverd N.________, recourant, représenté par Me Olivier Subilia, avocat, chemin desTrois-Rois 5bis, 1005 Lausanne, contre Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenueGénéral-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 25 octobre 2004) Faits: A.N. ________, né en 1951, a travaillé en qualité de maraîcher et de chef dedépôt, jusqu'au 20 décembre 1999, date à laquelle il a cessé son activit

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{T 7}I 800/04 Arrêt du 30 mars 2006IVe Chambre MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard. Greffier : M.Beauverd N.________, recourant, représenté par Me Olivier Subilia, avocat, chemin desTrois-Rois 5bis, 1005 Lausanne, contre Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenueGénéral-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne (Jugement du 25 octobre 2004) Faits: A.N. ________, né en 1951, a travaillé en qualité de maraîcher et de chef dedépôt, jusqu'au 20 décembre 1999, date à laquelle il a cessé son activité enraison d'une atteinte à la santé. Le 12 mai 2000, il a présenté une demande de rente de l'assurance-invalidité.L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud a recueilli diversavis médicaux. En outre, il a confié une expertise au docteur R.________,spécialiste en médecine physique et réhabilitation (rapport du 27 novembre2001). Ce médecin n'ayant pas constaté d'éléments cliniques objectifs denature à expliquer les symptômes présentés par l'assuré, une autre expertisea été confiée au docteur E.________, spécialiste en psychiatrie etpsychothérapie, lequel a fait état d'un trouble douloureux associé à la foisà des facteurs psychologiques et une affection médicale générale chronique(rapport du 5 décembre 2002). Par décision du 26 février 2003, confirmée sur opposition le 19 mai suivant,l'office AI a rejeté la demande, motif pris que l'assuré ne souffrait pasd'une atteinte à la santé physique ou psychique de nature à influer sur sacapacité de gain. B.Saisi d'un recours contre la décision sur opposition, le Tribunal desassurances du canton de Vaud l'a rejeté par jugement du 25 octobre 2004. C.N.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dontil demande l'annulation, en concluant à l'octroi d'une rente entièred'invalidité, avec effet rétroactif. Subsidiairement, il requiert la mise enoeuvre d'une expertise psychiatrique. L'office intimé conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral desassurances sociales a renoncé à présenter des déterminations. Considérant en droit: 1.Le litige porte sur le droit de l'assuré à une rente d'invalidité, de sorteque le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des assurances n'est pas limité àla violation du droit fédéral - y compris l'excès ou l'abus du pouvoird'appréciation - mais s'étend à l'opportunité de la décision attaquée. Letribunal n'est pas lié par l'état de fait constaté par la juridictioncantonale et peut s'écarter des conclusions des parties à l'avantage ou audétriment de celles-ci (art. 132 OJ). 2.La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales(LPGA), du 6 octobre 2000, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, a entraînéla modification de nombreuses dispositions dans le domaine del'assurance-invalidité. Le litige porte sur le droit éventuel à une rented'invalidité, soit une prestation qui n'a pas encore acquis force de chosedécidée. En vertu des principes généraux en matière de droit inter-temporel,il convient dès lors d'examiner la cause à la lumière de l'ancien droit en cequi concerne la période précédant le 1er janvier 2003 et à l'aune de la LPGAet de ses dispositions d'exécution pour la période ultérieure (ATF 130 V 329,445). Par ailleurs, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la légalité desdécisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant aumoment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b).Pour ce motif, les dispositions de la novelle du 21 mars 2003 modifiant laLAI (4ème révision), entrée en vigueur le 1er janvier 2004 (RO 2003 3852), nesont pas applicables. 3.L'assuré a droit à une rente s'il est invalide à quarante pour cent au moins(art. 28 al. 1, première phrase, LAI). Pour l'évaluation de l'invalidité, lerevenu du travail que l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activitéqu'on peut raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle demesures de réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du marchédu travail, est comparé au revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pasinvalide (art. 28 al. 2 LAI, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002). Cetterègle a été reprise - quoique dans une formulation quelque peu différente - àl'art. 16 LPGA. 4.Sur le plan somatique, la juridiction cantonale a considéré que l'assuré nesubissait aucune diminution de sa capacité de travail. Elle s'est fondée pourcela sur l'avis du docteur R.________, selon lequel l'intéressé présente unedorso-lombalgie chronique accompagnée d'une sciatalgie droite dans uncontexte de syndrome douloureux chronique somatoforme sans pathologiessomatiques objectivables. Ce spécialiste a indiqué qu'il n'y avait aucunelimitation objective de la capacité de travail sur le plan physique (rapportdu 27 novembre 2001). En l'occurrence, il n'y a pas de raison de mettre en cause le point de vue dutribunal cantonal qui est confirmé par l'ensemble des rapports médicauxversés au dossier. Au demeurant, le recourant ne conteste pas le jugementattaqué dans la mesure où la juridiction cantonale a considéré que lestroubles de nature somatique n'entraînaient pas d'incapacité de travail. 5.Sur le plan psychique, le docteur E.________ a posé le diagnostic de troubledouloureux associé à la fois à des facteurs psychologiques et une affectionmédicale générale chronique (axe I), sans trouble majeur de la personnalité(axe II). 5.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintesphysiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. On neconsidère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pascomme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, lesdiminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisantpreuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit êtredéterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224consid. 2b et les références; cf. aussi ATF 127 V 298 consid. 4c in fine). La reconnaissance de l'existence d'une atteinte à la santé psychique, soitaussi de troubles somatoformes douloureux persistants, suppose d'abord laprésence d'un diagnostic émanant d'un expert (psychiatre) et s'appuyant legeartis sur les critères d'un système de classification reconnu (ATF 130 V 398ss consid. 5.3 et consid. 6). Comme pour toutes les autres atteintes à lasanté psychique, le diagnostic de troubles somatoformes douloureuxpersistants ne constitue pas encore une base suffisante pour conclure à uneinvalidité. Au contraire, il existe une présomption que les troublessomatoformes douloureux ou leurs effets peuvent être surmontés par un effortde volonté raisonnablement exigible. Le caractère non exigible de laréintégration dans le processus de travail peut résulter de facteursdéterminés qui, par leur intensité et leur constance, rendent la personneincapable de fournir cet effort de volonté. Dans un tel cas, en effet,l'assuré ne dispose pas des ressources nécessaires pour vaincre ses douleurs.La question de savoir si ces circonstances exceptionnelles sont réunies doitêtre tranchée de cas en cas à la lumière de différents critères. Au premierplan figure la présence d'une comorbidité psychiatrique importante par sagravité, son acuité et sa durée. D'autres critères peuvent être déterminants.Ce sera le cas des affections corporelles chroniques, d'un processus maladifs'étendant sur plusieurs années sans rémission durable (symptomatologieinchangée ou progressive), d'une perte d'intégration sociale dans toutes lesmanifestations de la vie, d'un état psychique cristallisé, sans évolutionpossible au plan thérapeutique, résultant d'un processus défectueux derésolution du conflit, mais apportant un soulagement du point de vuepsychique (profit primaire tiré de la maladie, fuite dans la maladie), del'échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles del'art (même avec différents types de traitement), cela en dépit de l'attitudecoopérative de la personne assurée (ATF 130 V 352). Plus ces critères semanifestent et imprègnent les constatations médicales, moins on admettral'exigibilité d'un effort de volonté (Meyer-Blaser, Der Rechtsbegriff derArbeitsunfähigkeit und seine Bedeutung in der Sozialversicherung, in: Schmerzund Arbeitsunfähigkeit, St. Gall 2003, p. 77). Si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'uneexagération des symptômes ou d'une constellation semblable, on conclura, enrègle ordinaire, à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit à desprestations d'assurance. Au nombre des situations envisagées figurent ladiscordance entre les douleurs décrites et le comportement observé,l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues,l'absence de demande de soins, les grandes divergences entre les informationsfournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que desplaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi quel'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact(voir Kopp/Willi/Klipstein, Im Graubereich zwischen Körper, Psyche undsozialen Schwierigkeiten, in: Schweizerische Medizinische Wochenschrift 1997,p. 1434, avec référence à une étude approfondie de Winckler et Foerster; voirsur l'ensemble du sujet ATF 131 V 50 s. consid. 1.2).5.2 Les premiers juges sont d'avis que le trouble douloureux dont souffre lerecourant ne constitue pas une affection invalidante. Se fondant sur lerapport d'expertise du docteur E.________, ils ont considéré que le troubleen question n'était pas accompagné d'une comorbidité psychiatrique importantepar sa gravité, son acuité et sa durée. Par ailleurs, ils ont niél'existence, dans le cas particulier, des critères jurisprudentiels quipermettent d'admettre le caractère non exigible de la réintégration dans leprocessus de travail. 5.35.3.1En premier lieu, le recourant conteste les conclusions de l'expertE.________, dans la mesure où elles nient l'existence d'une comorbiditépsychiatrique. En particulier, il critique le fait que l'expert, bien qu'ilait consacré une grande partie de son rapport aux tests psychométriques, n'ena pas tiré les conséquences qui s'imposent quant à la gravité des troublespsychiques (dépression, personnalité borderline, histrionique, évitante,dépendante et obsessionnelle compulsive). Le recourant reproche à l'expert des'être écarté des résultats desdits tests au seul motif que ceux-ci ont étéeffectués en français, qui n'est pas la langue maternelle de l'intéressé. Ce grief est mal fondé. Dans une synthèse des tests psychométriques, ledocteur E.________ a indiqué que la mise en oeuvre desdits tests en français,avec l'aide de la fille de l'intéressé, devait inciter à une certaineprudence dans leur interprétation. Certes, l'expert relève par ailleurs quel'intéressé s'exprime relativement bien en français, avec un accent slave,même s'il ne le lit et ne l'écrit pas. Il n'en demeure pas moins que lefrançais n'est pas sa langue maternelle et l'on peut comprendre les réservesexprimées par l'expert. Du reste, celui-ci n'a pas fait totalementabstraction des données ressortant des tests psychométriques. Les résultatsdivergents de certains de ceux-ci (dépression légère selon Hamilton 17[hétéro-évaluation] et dépression sévère selon Beck 13 [auto-évaluation]) ontconduit l'expert à suspecter une majoration des troubles par l'assuré. Audemeurant, l'expertise en question répond en tous points aux critères formelsretenus par la jurisprudence pour accorder pleine valeur probante à unrapport médical (ATF 125 V 352 consid. 3a et les références). En particulier,elle a été rendue à la suite d'une consultation psychiatrique avec l'assuré,elle repose sur une étude attentive et complète du dossier médical. En outre,l'anamnèse est fouillée et les constatations objectives sont clairementexposées. Elle revêt donc une valeur probante certaine que les critiquesadressées par le recourant ne sont pas susceptibles de mettre en doute. Dansces conditions, il n'y a pas de raison de s'écarter des conclusions dudocteur E.________, selon lesquelles l'intéressé ne présente pas unecomorbidité psychiatrique importante par sa gravité, son acuité et sa durée.Certes, d'après l'expert, l'assuré présente de très discrets symptômes de lalignée dépressive, mais bien insuffisants pour que l'on puisse conclure àl'existence d'un épisode dépressif majeur, d'un trouble de l'adaptation oumême d'une dysthymie. Cela étant, il n'est pas nécessaire d'ordonner unenouvelle expertise psychiatrique, comme le demande le recourant, et il y alieu de se rallier au point de vue des premiers juges, selon lequel letrouble douloureux n'est pas accompagné d'une comorbidité psychiatrique ausens de la jurisprudence exposée au consid. 5.1.5.3.2 Par un second moyen, le recourant fait valoir que, même en l'absenced'une comorbidité psychiatrique, le trouble douloureux dont il souffreconstitue une affection invalidante ouvrant droit à prestations. Il allègueque les critères mentionnés par la jurisprudence pour fonder le caractère nonexigible de la réintégration dans le processus de travail sont présents dansle cas particulier. Ainsi, il invoque un processus maladif s'étendant surplusieurs années sans rémission durable, en se référant pour cela au rapportd'expertise du docteur R.________ du 27 novembre 2001. Par ailleurs, ilreproche au docteur E.________ d'avoir nié l'existence d'une perted'intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie, faisantvaloir qu'il n'appartenait pas à l'expert psychiatre de se prononcer sur lescritères retenus par la jurisprudence. Dans son rapport susmentionné, le docteur R.________ indique être en présenced'un patient qui se dit usé, conforté dans cette opinion par son médecintraitant. Il ajoute que l'intéressé semble résigné à cette situation et qu'iln'attend aucune amélioration de son état de santé. Selon l'expert, l'assurén'a pas bénéficié d'un traitement optimal jusqu'alors, bien qu'il existâtencore des moyens thérapeutiques susceptibles d'influencer la capacité detravail. Toutefois, étant donné l'évolution et le désengagement constatéschez l'intéressé depuis trois ans, il est peu probable qu'un traitementintensif de réadaptation améliore pleinement la capacité de travail. Cesconstatations, plutôt que de faire penser à un processus maladif s'étendantsur plusieurs années sans rémission durable, évoquent manifestement uneabsence de demande de soins, situation permettant de conclure, en règleordinaire, à l'absence d'une atteinte à la santé psychique ouvrant le droit àdes prestations d'assurance. Par ailleurs, on ne saurait reprocher à l'expertpsychiatre de s'être prononcé sur les critères jurisprudentiels, en tantqu'il nie l'existence d'une perte d'intégration sociale dans toutes lesmanifestations de la vie. D'après la jurisprudence, en effet, la présence deproblèmes d'ordre psycho-social est un facteur déterminant pour pouvoir poserun diagnostic de trouble somatoforme douloureux (ATF 130 V 400 consid.
6.1).Cela étant, il y a lieu de nier l'existence, dans le cas particulier, defacteurs déterminés qui, par leur intensité et leur constance, rendraientl'assuré incapable de fournir l'effort de volonté nécessaire en vue d'uneréintégration dans le processus de travail. 5.3.3 Vu ce qui précède, la présence d'une comorbidité psychiatriqueimportante, ainsi que celle d'autres critères mentionnés par la jurisprudencepour établir le caractère non exigible de la réintégration dans le processusde travail doivent être niées. Il y a lieu dès lors de présumer que lestroubles somatoformes douloureux ou leurs effets peuvent être surmontés parun effort de volonté raisonnablement exigible. Cela étant, l'office intimé était fondé, par sa décision sur opposition du 19mai 2003, à nier le droit de l'assuré à une rente de l'assurance-invalidité.Le jugement entrepris n'est dès lors pas critiquable et le recours se révèlemal fondé. Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce: 1.Le recours est rejeté. 2.Il n'est pas perçu de frais de justice. 3.Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances ducanton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales. Lucerne, le 30 mars 2006 Au nom du Tribunal fédéral des assurances Le Président de la IVe Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.800/04
Date de la décision : 30/03/2006
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-03-30;i.800.04 ?
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