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29/03/2006 | SUISSE | N°4C.414/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 mars 2006, 4C.414/2005


{T 0/2}4C.414/2005 /viz Arrêt du 29 mars 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, président,Nyffeler et Kiss.Greffière: Mme Aubry Girardin. A. ________, demanderesse et recourante,représentée par Me Frédéric G. Olofsson, avocat, contre X.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par Me DanielPerren, avocat. contrat de travail; licenciement abusif; heures supplémentaires; intérêtmoratoire (recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appelde la juridiction des prud'hommes du canton de Genèvedu 27 septembre 2005). Faits: A.Le 24 mars 2000, A.________ a étÃ

© engagée par X.________ S.A. (ci-après :X.________), dont le siè...

{T 0/2}4C.414/2005 /viz Arrêt du 29 mars 2006Ire Cour civile MM. et Mme les Juges Corboz, président,Nyffeler et Kiss.Greffière: Mme Aubry Girardin. A. ________, demanderesse et recourante,représentée par Me Frédéric G. Olofsson, avocat, contre X.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par Me DanielPerren, avocat. contrat de travail; licenciement abusif; heures supplémentaires; intérêtmoratoire (recours en réforme contre l'arrêt de la Cour d'appelde la juridiction des prud'hommes du canton de Genèvedu 27 septembre 2005). Faits: A.Le 24 mars 2000, A.________ a été engagée par X.________ S.A. (ci-après :X.________), dont le siège se trouve à Genève, en qualité de vendeuse pourune durée déterminée.Du 21 juin au 23 août 2000, A.________ a suivi un cours d'allemand composé de30 leçons privées, intégralement financé par son employeur.Le 25 août 2000, A.________ et X.________ ont conclu un nouveau contrat detravail de durée indéterminée, selon lequel l'employée était engagée enqualité de première vendeuse, affectée à la boutique de Zurich dès sonouverture. Le salaire mensuel brut de base prévu s'élevait à 4'900 fr. parmois, versé treize fois l'an, auquel s'ajoutait, à titre de salaire variable,0,25 % brut du chiffre d'affaires hors taxe mensuel de la boutique de Zurich.Le 16 septembre 2000, au terme du premier contrat, A.________ a perçu uneprime exceptionnelle de 2'000 fr. et la directrice de la boutique genevoiselui a délivré un certificat de travail élogieux.La boutique de Zurich a ouvert ses portes le 2 novembre 2000. Le 6 décembre2000, la directrice a été licenciée et libérée immédiatement de sonobligation de travailler. Elle a été remplacée par B.________, qui n'avaitjamais travaillé pour X.________ auparavant.L'inexpérience et le désordre de B.________ ont été vivement ressentis par laplupart de ses collaboratrices et l'ambiance de travail s'est trouvéeprofondément altérée par des tensions et rivalités au sein du personnel.En mai 2001, l'assistante administrative de la boutique, excédée, a mis fin àson contrat de travail. De mai à août 2001, B.________ et A.________ ont dûse charger des tâches administratives dévolues à cette employée, en sus deleurs activités respectives. Puis, une stagiaire a été engagée pour effectuerces tâches jusqu'en décembre 2001.Au printemps 2001, le mari de A.________ a connu de graves problèmes desanté. Celle-ci, qui subvenait seule aux besoins du ménage, a fait état dusurcroît d'activité de la boutique pour solliciter à plusieurs reprises uneaugmentation de salaire, ce qui lui a été refusé.Le 6 juillet 2001, A.________ a demandé une avance sur salaire, qui a étévalidée par B.________. Elle a obtenu de X.________ un prêt de 15'000 fr.,qu'elle a remboursé conformément au calendrier convenu. A. ________ se présentait à l'heure à son travail, sauf lorsqu'elle serendait aux cours d'allemand offerts par son employeur. Il lui arrivaitparfois de quitter la boutique sans en informer la directrice. Quant à satenue, il a été retenu qu'elle était adaptée à ce qui pouvait être attendud'une première vendeuse.Le travail des vendeuses, et celui de A.________ en particulier, excédaitfréquemment l'horaire de travail normal. Les collaboratrices devaient resteravec les clients de la boutique, même lorsque ceux-ci procédaient à leursachats après l'heure de fermeture qui était fixée à 18h.30 en semaine.A.________ était souvent à la boutique après 18h.45. Elle se tenait égalementà disposition de son employeur pendant la pause de midi, de sorte qu'ilarrivait que l'on fasse appel à ses services lorsque d'importants clientsrusses se présentaient à la boutique à l'heure du déjeuner.A la fin de l'été 2001, B.________ a reproché à A.________ de négliger satenue, la priant avec insistance de modifier sa coiffure et de se maquillerdavantage. La directrice lui a aussi demandé des explications au sujet de sesabsences non justifiées.Les relations entre les deux femmes n'ont cessé de se dégrader. Il a étéretenu que cette détérioration était en grande partie liée à la violentedéception ressentie par A.________ lors de la nomination de B.________ auposte de directrice de la boutique de Zurich. A.________, qui avait placétous ses espoirs dans une rapide promotion à laquelle X.________ ne s'étaitpourtant pas fermement engagée, a alors adopté un comportement vindicatif àl'égard de la direction, qui ne pouvait nullement favoriser l'amélioration duclimat de travail.Pour sa part, B.________, qui n'appréciait pas de voir les compétences de sescollaboratrices surpasser les siennes, pouvait avoir à leur égard desexpressions et des attitudes tout à fait inadmissibles. C'est pour cetteraison principalement que l'ensemble des collaboratrices présentes àl'ouverture de la boutique de Zurich ne font plus partie du personnel sousles ordres de B.________.En novembre 2001, une violente dispute, audible depuis la boutique, a éclaté,alors que B.________ et A.________ étaient occupées à réceptionner desmarchandises dans la réserve et qu'elles avaient des cutters en mains.A mi-décembre 2001, A.________ n'a pas rangé une livraison de marchandises,qui est restée une nuit dans l'allée de l'immeuble, alors qu'elle en avait laresponsabilité. B. ________ a demandé à A.________ d'effectuer des tâches administrativespendant son absence durant les vacances de Noël 2001. Cette dernière arefusé, en déclarant qu'il faudrait lui verser deux salaires.A la fin du mois de décembre 2001, la directrice pour l'Europe au siègeparisien de la société a organisé une conférence téléphonique avec A.________et la directrice de la boutique de Zurich, afin d'apaiser les tensions.Le 30 janvier 2002, A.________ a consulté son médecin, qui lui a confirméqu'elle était enceinte de six semaines. En fin de journée, l'employée s'estrendue à la boutique, accompagnée de son mari, en vue de remettre àB.________ des documents concernant le harcèlement psychologique et de rendrela directrice attentive au fait que son comportement était contraire à laloi. Celle-ci a pris les documents, puis elle a demandé à l'employée de luiremettre les clefs des coffres-forts et de s'en aller. A.________ estressortie. Elle a tenté de revenir avec son mari, afin d'exiger un reçu pourles clefs remises, mais la directrice ne les a pas laissés entrer.A.________, puis B.________ ont fait appel à la police. Alors que les forcesde l'ordre étaient présentes, la directrice a remis à A.________ un avis derésiliation de son contrat de travail, avec effet au 31 mars 2002, assorti del'interdiction d'accéder au magasin. Le lendemain, le licenciement a étéconfirmé par écrit.Par courrier du 2 février 2002, A.________ a fait état de la nullité du congéen raison de sa grossesse et a contesté les motifs de son licenciement, sedéclarant prête à reprendre son activité dès que son état de santé le luipermettrait.Par la suite, des pourparlers ont eu lieu en vain entre les parties en vue demettre un terme au contrat de travail d'un commun accord.Le 15 septembre 2002, alors qu'elle se trouvait en fin de grossesse,A.________ a informé le siège parisien de la société qu'elle entendaitreprendre son activité professionnelle et se rendre à la boutique de Zurichpour y récupérer ses vêtements de travail. Son interlocuteur a tenté de ladissuader, en invoquant l'interdiction qui lui avait été faite en janvier2002 d'accéder au magasin. Agitée, A.________ s'est cependant présentée à laboutique et B.________ a fait appeler la police, qui a dû intervenir unenouvelle fois pour calmer les esprits et éloigner A.________ du magasin.Par lettre recommandée du 10 janvier 2002 (recte : 2003), X.________ arésilié le contrat de travail de A.________ avec effet au 31 mars 2003.Depuis le 4 février 2002, A.________ suit un traitement psychiatriqueambulatoire. Elle se trouve en incapacité totale de travailler et, depuis lemois d'août 2003, elle est partiellement à la charge des services sociaux. B.Par demande du 16 janvier 2003 déposée auprès de la juridiction desprud'hommes du canton de Genève, A.________ a assigné X.________ en paiementde 9'527'609 fr. à titre de salaires, heures supplémentaires, treizièmesalaire, frais professionnels, indemnités pour vacances non prises etatteintes à la personnalité. Le 31 octobre 2003, elle a réduit sesprétentions à 487'581,30 fr.Par jugement du 25 mars 2004, le Tribunal des prud'hommes a rejetéintégralement les prétentions en paiement de A.________, donnant acte àl'employeur qu'il s'engageait à remettre à la demanderesse un certificat detravail intermédiaire. Il a également condamné A.________ à une amende de 100fr. en tant que plaideur téméraire. A. ________ a formé un appel à l'encontre de ce jugement, concluant à ce quela société X.________ soit condamnée à lui payer :- 17'582,80 fr. brut à titre de rémunération de 389 heuressupplé- mentaires;- 35'352 fr. net à titre d'indemnité pour licenciement abusif;- 35'000 fr. net à titre d'indemnité pour tort moral; - 379'035 fr. net à titre d'indemnité pour atteinte à l'avenirécono- mique.Elle a également requis la rectification du certificat de travail du 24 août2004.Par arrêt du 27 septembre 2005, la Cour d'appel de la Juridiction desprud'hommes a annulé le jugement du 25 mars 2004 et, statuant à nouveau, ellea condamné X.________ à payer à A.________ le montant brut de 8'807,20 fr. encompensation des heures de travail supplémentaires et le montant net de29'400 fr. à titre d'indemnité pour licenciement abusif, en invitant lapartie qui en a la charge à opérer les déductions sociales et légalesusuelles. En revanche, les juges ont considéré que l'existence d'actes deharcèlement psychologique au préjudice de A.________ ne pouvait être retenueet ont rejeté ses prétentions pour atteinte à l'avenir économique, ainsiqu'en réparation du tort moral. Ils n'ont enfin pas donné suite à la demandetendant à la rectification du certificat de travail. C.Contre l'arrêt du 27 septembre 2005, A.________ (la demanderesse) interjetteun recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à la réforme del'arrêt attaqué et à ce que le Tribunal fédéral, statuant à nouveau, condamneX.________ à lui payer le montant brut de 8'807,20 fr. à titre d'heures detravail supplémentaire, 35'352 fr. net correspondant à 6 mois de salaire pourrésiliation abusive, 379'035 fr. net à titre d'atteinte à l'avenir économiqueet 35'000 fr. pour tort moral, tous ces montants portant intérêt à 5 % l'an àpartir du 16 janvier 2003. Subsidiairement, elle requiert le renvoi de lacause à la Chambre d'appel pour qu'elle fixe l'indemnité due au titred'atteinte à l'avenir économique et pour le tort moral subis en raison duharcèlement psychologique de la part de son employeur.Parallèlement à un recours de droit public, X.________ (la défenderesse)interjette elle aussi un recours en réforme à l'encontre de l'arrêt du 27septembre 2005, en concluant à son annulation et à la confirmation dujugement rendu par le tribunal des prud'hommes, qui déboutait A.________ del'intégralité de ses conclusions en paiement.Dans sa réponse, A.________ propose que X.________ soit déboutée de toutesses conclusions et demande que le certificat de travail qui lui a été remissoit rectifié. X.________ conclut, pour sa part, au déboutement de A.________de ses conclusions sur recours en réforme, dans la mesure où celui-ci estrecevable.Par décision incidente du 18 janvier 2006, la requête d'assistance judiciaireformée par A.________ à l'appui de son recours en réforme a été admise. Il aété précisé que A.________ bénéficierait également de l'assistance judiciairepour répondre aux recours déposés par X.________. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Comme il a été indiqué dans la cause concernant le recours de droit publicinterjeté par la défenderesse (cf. arrêt 4P.316/2005 du 29 mars 2006 consid.1), les griefs soulevés dans les deux procédures commandent de déroger enl'espèce à la règle générale de l'art. 57 al. 5 OJ et de ne pas surseoir àl'arrêt sur les recours en réforme jusqu'à droit connu sur le recours dedroit public, mais de traiter ces recours en parallèle. 2.2.1Interjetés respectivement par la partie demanderesse, qui a étépartiellement déboutée de ses conclusions en paiement, et par la partiedéfenderesse, qui a succombé dans ses conclusions libératoires, les recourssont dirigés contre un jugement final rendu en dernière instance cantonalepar un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ). Ils portent sur unecontestation civile (cf. ATF 129 III 415 consid. 2.1) dont la valeurlitigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Enfin, ils ont étédéposés en temps utile (art. 32 et 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises(art. 55 OJ). Les deux recours paraissent donc en principe recevables.Toutefois, la conclusion formulée dans la réponse de la demanderesse qui tendà obtenir la rectification de son certificat de travail constitue uneconclusion nouvelle, qui ne ressort pas de son recours en réforme. Elle est,de ce fait, irrecevable (Poudret, COJ II, Berne 1990, N 3.3 p. 491 ad art. 59et 61 OJ). 2.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire sonraisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décisionattaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aientété violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur uneinadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter lesconstatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu comptede faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2; 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).Hormis ces exceptions que le recourant doit invoquer expressément, il ne peutêtre présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou demoyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).Dans la mesure où les deux parties s'écartent des faits constatés par la courcantonale et les discutent comme si elles agissaient devant une autoritéd'appel, leur argumentation n'est pas admissible. Il n'en sera donc pas tenucompte. 3.La cour cantonale a rejeté la demande de dommages-intérêts pour atteinte àl'avenir économique et l'indemnité pour tort moral, estimant que lademanderesse n'avait pas fait l'objet de mobbing. Selon toute logique, seulel'ancienne employée critique cet aspect de l'arrêt attaqué. 3.1 Invoquant une violation de l'art. 328 CO, elle reproche en premier lieu àla cour cantonale de n'avoir pas admis qu'elle avait été victime d'actes demobbing.Le grief est irrecevable. Pour tenter de démontrer que les conditionsjurisprudentielles du harcèlement psychologique (cf. arrêt du Tribunalfédéral 4C.343/2003 du 13 octobre 2004, consid. 3.1 et les arrêts cités)étaient bien réalisées en l'espèce, la demanderesse remet en causel'appréciation des preuves et l'établissement des faits de la cour cantonale,tout en formulant une argumentation appellatoire, ce qui n'est pas recevabledans le cadre d'un recours en réforme (cf. supra consid. 2.2; ATF 130 III 136consid.
1.4).Au demeurant, si l'on s'en tient aux faits retenus, il apparaît que l'on setrouve de manière caractéristique en présence d'un conflit dans les relationsprofessionnelles dont tant la directrice de la boutique de Zurich, par sespropos inadmissibles envers ses subordonnées, que la demanderesse, par soncomportement vindicatif à l'égard de la direction, partagent laresponsabilité. En revanche, l'arrêt attaqué ne met pas en évidence unfaisceau d'indices convergents démontrant que la demanderesse aurait subi unensemble d'agissements tendant à déstabiliser sa personnalité et pouvantaller jusqu'à son élimination professionnelle, ce qui serait de nature àétablir l'existence d'actes de harcèlement psychologique. 3.2 Comme les éléments constatés dans l'arrêt entrepris ne permettent pas deretenir qu'elle aurait été victime d'actes de mobbing, la demanderesse nepeut reprocher à la cour cantonale d'avoir rejeté ses prétentions tendant àobtenir, sur cette base, une indemnité pour tort moral. Le grief portant surune violation de l'art. 49 CO est donc infondé. 3.3 Pour cette même raison, la demanderesse ne peut se plaindre d'unemauvaise application du droit fédéral en relation avec le rejet de sesprétentions pour atteinte à l'avenir économique. Celles-ci supposent en effetun comportement illicite de la part de l'employeur qui, en l'absence d'actesde mobbing, fait précisément défaut.Sur la base des faits ressortant de l'arrêt entrepris, force est donc deconstater qu'en refusant d'allouer à la demanderesse une indemnité pouratteinte à l'avenir économique et pour tort moral, la cour cantonale n'a pasviolé le droit fédéral. 4.Les juges, considérant que la demanderesse avait été victime d'unlicenciement abusif, lui ont alloué une indemnité de 29'400 fr. équivalant àsix mois de salaire. Les deux parties formulent des griefs à ce propos. Ladéfenderesse s'en prend au caractère abusif du licenciement et,subsidiairement, au montant de l'indemnité allouée, alors que la demanderesseconteste seulement la façon dont cette indemnité a été calculée. Il convientdonc de commencer par examiner les critiques de l'employeur. 4.1 La défenderesse invoque une inadvertance manifeste (art. 55 al. 1 let. dOJ) et la violation de l'art. 336 CO, au motif que la cour cantonale aexaminé le caractère abusif du licenciement prononcé le 30 janvier 2002, quin'a déployé aucun effet, alors qu'elle ne s'est pas prononcée sur le congévalablement donné le 10 janvier 2003, qui, pour sa part, ne saurait êtrequalifié d'abusif. 4.1.1 Pour admettre le caractère abusif du congé signifié à la demanderesse,les juges ont pris en considération les circonstances ayant entouré lelicenciement prononcé le 30 janvier 2002. Ils ont relevé à ce propos que ladirectrice avait pris une décision brutale, en remettant à la demanderesse salettre de licenciement sous les yeux de son époux, de certaines de sescollègues et des forces de l'ordre dont elle avait requis l'intervention. Lapolice a ensuite dû signifier à l'employée congédiée une défense de pénétrerdans le magasin. Les personnes présentes ont ainsi compris qu'il s'agissaitd'un licenciement immédiat. Ce congé n'avait que peu de rapport avec lemanque de zèle et la tenue négligée que la directrice reprochait à lademanderesse, mais était le résultat d'une gestion autoritaire, ainsi que duclimat d'inquiétude et de suspicion que faisait régner la directrice au seinde la boutique. Les juges en ont déduit que la directrice avait décidé delicencier cette collaboratrice sans considération des intérêts de la société,par convenance personnelle. En justifiant le licenciement de la demanderessepar le fait que la qualité de son travail avait diminué, la directrices'était prévalue de son propre comportement illicite, ce qui constituait unabus. 4.1.2 Comme le relève la défenderesse, il ressort de cette argumentation queles juges cantonaux se sont focalisés sur le licenciement prononcé le 30janvier 2002. Or, il a été constaté que la demanderesse était enceinte à cemoment-là, de sorte que ce congé était nul (art. 336c al. 1 let. c et al. 2CO), ce qu'a admis l'employeur. Finalement, la défenderesse a résilié lecontrat de travail de la demanderesse le 10 janvier 2003, au terme de lapériode de protection liée à la grossesse, avec effet au 31 mars 2003. Seulce second licenciement est donc déterminant sous l'angle de l'art. 336 CO.En qualifiant d'abusif un congé par ailleurs nul, la cour cantonale n'a passimplement omis de prendre en considération une pièce déterminée, versée audossier, ou l'a mal lue, ce qui est le propre d'une inadvertance manifeste(cf. ATF 115 II 399 consid. 2a; 109 II 159 consid. 2b p. 162), que leTribunal fédéral pourrait rectifier de lui-même en application de l'art. 63al. 2 OJ (cf. supra consid. 2.2). Elle a procédé à une fausse appréciation dela situation juridique. Comme la Cour de céans, saisie d'un recours enréforme, n'est pas liée par l'argumentation en droit retenue par la courcantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 362 consid. 5), il convient de sedemander si les éléments sur la base desquels le congé nul du 30 janvier 2002a été considéré comme abusif permettent de parvenir à la même conclusions'agissant du licenciement valablement notifié par le conseil de ladéfenderesse le 10 janvier 2003, ce qu'affirme la demanderesse. 4.1.3 Les faits pris en compte par la cour cantonale pour qualifier d'abusifle licenciement de la demanderesse, dans la mesure où ils concernent lescirconstances ayant entouré le licenciement signifié le 30 janvier 2002, enparticulier l'attitude de la directrice de la boutique de Zurich lorsqu'ellea remis la lettre de congé à la demanderesse en public, sont sans pertinence.De plus, le licenciement ayant été communiqué le 10 janvier 2003 parl'intermédiaire du conseil de la défenderesse, l'affirmation de la courcantonale selon laquelle la directrice aurait décidé de licencier cettecollaboratrice sans considération des intérêts de la société, par convenancepersonnelle, tombe à faux. Enfin, il est difficile de saisir comment la courcantonale, après avoir constaté que la demanderesse n'avait pas fait l'objetd'actes de mobbing, peut justifier le caractère abusif du licenciement decette employée en se fondant sur le comportement illicite de la directrice deZurich. Comme il l'a déjà été relevé, les faits constatés révèlent plutôt unesituation conflictuelle sur le lieu de travail dont la responsabilité estpartagée tant par la directrice que la demanderesse (cf. supra consid. 3.1).En pareilles circonstances, les éléments retenus dans l'arrêt attaqué nepermettent pas de déterminer si le licenciement de la demanderesse signifiéle 10 janvier 2003, avec effet au 31 mars 2003, est ou non abusif au sens del'art. 336 CO. Il convient donc d'admettre le recours de la défenderesse surce point et d'annuler l'arrêt attaqué en tant qu'il alloue à la demanderesseune indemnité de six mois de salaire. La cause sera renvoyée à la courcantonale, en application de l'art. 64 al. 1 OJ, afin qu'elle complète aubesoin le dossier et qu'elle statue à nouveau sur le caractère abusif dulicenciement. 4.2 La violation de l'art. 336a CO invoquée par la défenderesse perd donc sonobjet. Cependant, à supposer que la cour cantonale parvienne à la conclusionque le congé du 10 janvier 2003 est abusif, il lui appartiendra d'établir ànouveau l'indemnité due en application de l'art. 336a CO en fonction d'autrescirconstances. Il n'est donc pas inutile de rappeler que cette indemnité sefixe en équité (ATF 131 III 243 consid. 5.2) et que, parmi les circonstancesà prendre en considération, le juge doit tenir compte non seulement de lagravité de la faute de l'employeur, mais aussi d'une éventuelle fauteconcomitante du travailleur, de la manière dont s'est déroulée larésiliation, de la gravité de l'atteinte à la personnalité du travailleurlicencié, de la durée des rapports de travail, de leur étroitesse, des effetséconomiques du licenciement, de l'âge du travailleur, d'éventuellesdifficultés de réinsertion dans la vie économique et de la situationéconomique des parties (ATF 123 III 246 consid. 6a, 391 consid. 3c p. 394). 4.3 La demanderesse se plaint elle aussi d'une mauvaise application de l'art.336a CO, reprochant à la cour cantonale d'avoir calculé son indemnité enprenant comme référence son salaire mensuel brut, sans y inclure la partproportionnelle de son 13ème salaire, ni le montant de son salaire variablecorrespondant au 0,25 % du chiffre d'affaires de la boutique.Comme on vient de le voir, la question du caractère abusif du congé et, parvoie de conséquence, le versement d'une indemnité au sens de l'art. 336a COdemeurent incertains. Pour des motifs d'économie de procédure, il se justifiede relever que, selon la doctrine, le calcul de l'indemnité pour licenciementabusif suppose de tenir compte de toutes les composantes du salaire, ycompris de la part proportionnelle du 13ème salaire (cf.Brunner/Bühler/Waeber/Bruchez, Commentaire du contrat de travail, 3ème éd.Lausanne 2004, N 3 ad art. 336a CO; Staehelin, Commentaire zurichois, N 6 adart. 336a CO; Favre/Munoz/ Tobler, Le contrat de travail, Lausanne 2001, N2.3 ad art. 336a CO). Par conséquent, dès le moment où le contrat de travailde la demanderesse du 25 août 2000 prévoyait que sa rémunération comprenaitégalement le versement d'un 13ème salaire, ainsi qu'un montant à titre desalaire variable s'élevant à 0,25 % brut du chiffre d'affaires hors taxemensuel de la boutique, ces deux composantes devront être prises en comptelors du calcul d'une éventuelle indemnité en application de l'art. 336a CO. 5.La cour cantonale a également alloué à la demanderesse une indemnité de8'807,20 fr. à titre d'heures supplémentaires qu'elle a estimée à troisheures hebdomadaires durant 15 mois. Seule la défenderesse critique ce poste. 5.1 Elle reproche premièrement à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 42al. 2 CO, en évaluant à trois heures par semaine durant 15 mois le travailsupplémentaire effectué par l'employée licenciée.Lorsqu'il est établi que le salarié a effectué des heures supplémentairesdont il ne parvient pas à prouver le nombre avec exactitude, le juge peut enfaire l'estimation en appliquant par analogie l'art. 42 al. 2 CO (Aubert,Commentaire romand, N 16 ad art. 321c CO; consid. 4a non publié de l'ATF 123III 84). Dans ce cas, il faut aussi tenir compte de la distinction entre lefait et le droit posée par la jurisprudence en relation avec cettedisposition. Il en découle que l'estimation des heures supplémentairesd'après l'art. 42 al. 2 CO repose sur le pouvoir d'apprécier les faits; ellerelève donc de la constatation des faits, laquelle ne peut être revue eninstance de réforme. Seules constituent des questions de droit le point desavoir quel degré de vraisemblance l'existence d'heures supplémentaires doitatteindre pour justifier l'application de l'art. 42 al. 2 CO et si les faitsallégués, en la forme prescrite et en temps utile, permettent de statuer surla rémunération réclamée en justice (cf. par analogie ATF 131 III 360 consid.5.1 p. 364 et les arrêts cités).Dans son mémoire, la défenderesse ne soulève pas des questions quirelèveraient du droit au sens développé ci-dessus. Elle critique de manièrecaractéristique l'établissement des faits et l'appréciation des preuves àlaquelle s'est livrée la cour cantonale, lorsqu'elle a admis l'existenced'heures supplémentaires et qu'elle les a estimées à trois heures parsemaine. De telles critiques sont irrecevables dans la présente procédure. Ladéfenderesse a du reste présenté des griefs similaires dans le recours dedroit public déposé parallèlement, qui ont été examinés sous l'angle de l'art9 Cst. (arrêt 4P.316/2005 du 29 mars 2006, consid. 4.4).5.2 En second lieu, la défenderesse soutient qu'en incluant dans le salairedéterminant pour la rétribution des heures supplémentaires un montantcorrespondant au 0,25 % du chiffre d'affaires de la boutique, les juges ontviolé l'art. 321c al. 3 CO.Selon l'art. 321c al. 3 CO, l'employeur est tenu de rétribuer les heures detravail supplémentaires qui ne sont pas compensées par un congé en versant lesalaire normal majoré d'un quart au moins, sauf clause contraire d'un accordécrit, d'un contrat-type de travail ou d'une convention collective. Lesalaire normal doit comprendre tous les éléments composant la rémunérationobligatoirement due par l'employeur, y compris le 13ème salaire(Brunner/Bühler/Waeber/Bruchez, op. cit., N 10 ad art. 321c CO) et lesdiverses indemnités prévues contractuellement en relation avec le travail(Streiff/von Kaenel, Arbeitsvertrag, 6ème éd., Berne 2006, N 12 ad art. 321cCO).Dans le contrat du 25 août 2000 liant les parties, il était prévu que lesalaire de la demanderesse comprenait un montant fixe versé 13 fois l'an,plus une indemnité de 0,25 % brut du chiffre d'affaires hors taxe mensuel dela boutique au titre de salaire variable. En incluant cette indemnité dans lesalaire normal pour calculer la rémunération des heures supplémentaires duesà la demanderesse, les juges n'ont donc manifestement pas violé l'art. 321cal. 3 CO.Quant aux critiques de la défenderesse concernant le montant de 952 fr.retenu au titre du salaire variable, elles portent sur un fait, de sortequ'elles ne sont pas recevables dans la présente procédure. Au demeurant, laCour de céans a considéré que ce montant n'avait pas été établi de manièrearbitraire, dans le cadre du recours de droit public déposé parallèlement parl'employeur (arrêt 4P. 316/2005 du 29 mars 2006 consid. 4.5).L'indemnité fixée à 8'807,20 fr. en compensation des heures supplémentairesn'est donc pas contraire au droit fédéral. 6.La cour cantonale n'a pas assorti d'intérêts moratoires les montants allouésà l'employée licenciée. Dans un dernier grief, la demanderesse se plaintd'une violation de l'art. 104 al. 1 CO, estimant avoir droit à l'intérêtmoratoire à 5 % à partir du 16 janvier 2003.Le débiteur en demeure pour le paiement d'une somme d'argent doit, en vertude l'art. 104 al. 1 CO, l'intérêt moratoire à 5 % l'an (cf. art. 104 al. 1CO). Selon l'art. 339 al. 1 CO, à la fin du contrat, toutes les créances quien découlent deviennent exigibles. Parmi celle-ci figurent en tout cas lescréances en paiement d'heures supplémentaires (cf.Brunner/Bühler/Waeber/Bruchez, op. cit., N 1 ad art. 339 CO; Staehelin, op.cit. N. 3 ad art. 339 CO). La doctrine considère que l'indemnité pourlicenciement immédiat injustifié de l'art. 337c al. 3 CO constitue égalementune créance tombant sous le coup de l'art. 339 al. 1 CO(Brunner/Bühler/Waeber/Bruchez, op. cit., N 1 ad art. 339 CO; Wyler, Droit dutravail, Berne 2002, p. 437; Streiff/von Kaenel, op. cit., N 4 ad art. 339CO). Par analogie, on peut en déduire qu'il en va de même s'agissant del'indemnité pour licenciement abusif de l'art. 336a CO, dès lors qu'elle aune nature identique à l'indemnité de l'art. 337c al. 3 CO (ATF 123 III 391consid. 3). Dans ces cas, il convient d'admettre, avec la doctrinemajoritaire, que ces créances portent intérêt dès la
fin des rapports detravail, sans qu'il soit nécessaire d'interpeller le débiteur (en ce sens :Aubert, Commentaire romand, N 4 ad art. 339 CO;Brunner/Bühler/Waeber/Bruchez, op. cit., N 1 ad art. 339 CO; Rehbinder,Commentaire bernois, N 1 ad art. 339 CO; question évoquée in ATF 129 III 664consid. 7.4; contra : Favre/Munoz/Tobler, op. cit., N 1.2 ad art. 339 CO).Conformément à ces principes, le montant alloué à la demanderesse par la courcantonale à titre d'heures supplémentaires aurait dû être assorti d'unintérêt moratoire à 5 % l'an à partir de la fin du contrat. Celui-ci étantarrivé à expiration, selon les constatations cantonales, le 31 mars 2003,l'intérêt doit courir dès le 1er avril 2003 et non dès le 16 janvier 2003comme le requiert la demanderesse. En ne prévoyant aucun intérêt moratoire,la cour cantonale a violé le droit fédéral. En outre, si, à la suite durenvoi, les juges estiment que la demanderesse a droit à une indemnité pourrésiliation abusive (cf. supra consid. 4.1), il conviendra égalementd'assortir le montant dû à ce titre d'un intérêt à 5 % l'an à partir du 1eravril 2003. 7.Dans ces circonstances, il convient d'admettre partiellement les deuxrecours, dans la mesure de leur recevabilité.L'arrêt attaqué sera partiellement annulé en ce qu'il condamne ladéfenderesse à payer à la demanderesse le montant net de 29'400 fr. à titred'indemnité pour licenciement abusif et la cause sera renvoyée sur ce point àla cour cantonale en application de l'art. 64 al. 1 OJ pour qu'elle statuedans le sens des considérants (cf. supra consid. 4.1).L'arrêt attaqué sera réformé dans le sens où le montant brut de 8'807,20 fr.alloué à la demanderesse au titre de la rémunération de ses heuressupplémentaires sera assorti d'un intérêt à 5 % l'an dès le 1er avril 2003.Il sera confirmé pour le surplus. 8.Comme la valeur litigieuse, selon les prétentions de la demanderesse àl'ouverture de l'action (ATF 115 II 30 consid. 5b p. 41; 100 II 358 consid.a), dépasse 30'000 fr., la procédure n'est pas gratuite (art. 343 al. 2 et 3CO).Dès lors que les deux parties obtiennent partiellement gain de cause, il y alieu de faire supporter à chacune d'elle la moitié de ses propres fraisjudiciaires et la moitié des frais de l'autre partie (art. 156 al. 1 et 3OJ). La valeur litigieuse sera déterminée en fonction des conclusions prisesdans chacun des recours devant le Tribunal fédéral (cf. art. 153a OJ et art.4 al. 2 du Tarif du 9 novembre 1978 pour les dépens alloués à la partieadverse dans les causes portées devant le Tribunal fédéral, RS 173.119.1).Comme la demanderesse a obtenu le bénéfice de l'assistance judiciaire, lapart des frais mis à sa charge sera supportée par la Caisse du Tribunalfédéral (art. 152 al. 1 OJ), sous réserve de remboursement ultérieur (art.152 al. 3 OJ).Chaque partie supportera ses propres dépens (art. 159 al. 1 et 3 OJ), attenduque les dépens de la demanderesse seront pris en charge par la Caisse duTribunal fédéral (art. 152 al. 2 OJ), également sous la réserve de l'art. 152al. 3 OJ. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours de la demanderesse est partiellement admis dans la mesure où ilest recevable. 2.Le recours de la défenderesse est partiellement admis dans la mesure où ilest recevable. 3.L'arrêt attaqué est partiellement annulé en tant qu'il condamne ladéfenderesse à payer à la demanderesse le montant net de 29'400 fr. à titred'indemnité pour licenciement abusif. Sur ce point la cause est renvoyée à lacour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.L'arrêt attaqué est partiellement réformé en ce sens que la défenderesse estcondamnée à payer à la demanderesse le montant brut de 8'807,20 fr. à titrede rémunération des heures de travail supplémentaires, avec intérêt à 5 %l'an dès le 1er avril 2003.Il est confirmé pour le surplus. 4.Un émolument judiciaire global de 9'000 fr. pour les deux recours est mis àraison de 4'500 fr. à la charge de la défenderesse et à raison de 4'500 fr. àla charge de la demanderesse, la part de cette dernière étant supportée parla Caisse du Tribunal fédéral. 5.La Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Frédéric G. Olofsson une indemnitéde 10'500 fr. à titre d'honoraires d'avocat d'office. 6.Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à laCour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève. Lausanne, le 29 mars 2006 Au nom de la Ire Cour civiledu Tribunal fédéral suisse Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.414/2005
Date de la décision : 29/03/2006
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-03-29;4c.414.2005 ?
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