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29/03/2006 | SUISSE | N°1A.295/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 mars 2006, 1A.295/2005


{T 0/2}1A.295/2005 /col Arrêt du 29 mars 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Nay et Reeb.Greffier: M. Kurz. A.________,recourant, représenté par Me Alexis Overney, avocat, contre Office fédéral des routes (OFROU),Worblentalstrasse 68, 3003 Berne,Commission fédérale de la protection des données, Thunstrasse 84, casepostale 18, 3074 Muri b. Bern. protection des données, recours de droit administratif contre le jugement de la Commission fédéralede la protection des données du23 septembre 2005. Faits: A.A. ________ a travaillé comme collaborateur scientifiqu

e auprès de l'Officefédéral des routes (OFROU) du 1er février ...

{T 0/2}1A.295/2005 /col Arrêt du 29 mars 2006Ire Cour de droit public MM. les Juges Féraud, Président,Nay et Reeb.Greffier: M. Kurz. A.________,recourant, représenté par Me Alexis Overney, avocat, contre Office fédéral des routes (OFROU),Worblentalstrasse 68, 3003 Berne,Commission fédérale de la protection des données, Thunstrasse 84, casepostale 18, 3074 Muri b. Bern. protection des données, recours de droit administratif contre le jugement de la Commission fédéralede la protection des données du23 septembre 2005. Faits: A.A. ________ a travaillé comme collaborateur scientifique auprès de l'Officefédéral des routes (OFROU) du 1er février 1999 au 31 juillet 2003. Le 15 mars2002, le chef des finances et du personnel de l'OFROU lui a adressé unmémorandum dans lequel il lui était reproché de n'avoir pas vérifié undécompte de frais de voyage avec l'attention requise; l'erreur étaitconsidérée comme grave, et A.________ était enjoint "une nouvelle fois"d'examiner correctement de tels décomptes. Un second mémorandum, contenantdes reproches analogues, lui a été adressé le 22 mars suivant. Le 5 novembre2002, le supérieur hiérarchique de A.________ (ci-après: le supérieur) arédigé une note confidentielle dans laquelle il estime notamment quel'évaluation générale de l'intéressé se situait entre B et C. Un nouveaumémorandum a été établi le 3 décembre 2002 par le chef du personnel,constatant que certaines règles n'étaient pas respectées (autorisations devoyages délivrées à la place du directeur; violation de la procédured'adjudication, retard dans le traitement de décomptes et dépassement dubudget). Des mesures immédiates devaient être prises afin d'y remédier.Le 14 janvier 2003, A.________ a conclu une convention de résiliation desrapports de travail, pour le 31 juillet 2003. Il y est mentionné que larésiliation fait suite à une réorganisation due à un départ à la retraite.L'OFROU s'engageait pour sa part à ne donner à tout nouvel employeur que lesrenseignements figurant sur le certificat de travail intermédiaire du 7novembre 2002 (ch. 4) et à compléter ce document par la mention que l'employédonnait "entière satisfaction" (ch. 5). Une seconde convention, destinée àêtre présentée à des employeurs potentiels, a été établie par la suite,expurgée de ces dernières mentions.Le 27 janvier 2003, le supérieur a adressé à l'employé une lettre comportantdiverses critiques, sur quatre points distincts.Un nouveau certificat de travail intermédiaire a été établi le 3 avril 2003.Il y est indiqué que le travail de l'employé donnait entière satisfaction. B.Le 28 octobre 2003, A.________ demanda à l'OFROU la rectification de sondossier personnel, dans le sens suivant: certains griefs figurant dans lesmémorandums des 22 mars et 3 décembre 2002 devaient être éliminés, car ilsétaient infondés; il en allait de même des critiques figurant dans la lettredu 27 janvier 2003; enfin, la note confidentielle du 5 novembre 2002comportait un exposé incomplet et des appréciations peu sérieuses. Lerequérant contestait la baisse de ses performances et les irrégularités quilui étaient reprochées.Par décision du 29 mars 2004, l'OFROU a refusé d'éliminer les donnéeslitigieuses. La résiliation des rapports de travail était due aux déficiencescroissantes dans l'accomplissement du travail du requérant. Les affirmationsde celui-ci, selon lesquelles les données le concernant auraient connu uneévolution défavorable dès le moment où il avait été décidé de se passer deses services, ainsi que les critiques relatives au comportement d'autrescollaborateurs, étaient sans rapport avec la rectification requise. Sur lefond, les critiques contenues dans le dossier étaient justifiées, lesdéclarations contestées étaient complètes et la note incriminée correspondaitaux faits. C.A.________ a saisi la Commission fédérale de la protection des données (lacommission). Dans ses dernières conclusions, il demandait la suppression desmémorandums des 15 et 22 mars, ainsi que celui du 3 décembre 2002, de lalettre du 27 janvier 2003 et de la note confidentielle du 5 novembre 2002. Ildésirait en outre obtenir la liste des documents figurant dans son dossier etl'assurance qu'aucun autre document n'y avait été versé depuis la cessationdes rapports de service.Par jugement du 23 décembre 2005, la commission a rejeté le recours. Même sila loi ne prévoyait pas de délai pour le dépôt d'une requête derectification, l'intéressé devait en principe agir dans un délai raisonnable,conformément à la bonne foi. En l'occurrence, le recourant n'avait agiqu'après la consultation de son dossier, à une date située entre le 31juillet 2003 (soit après la fin des rapports de travail) et le 28 octobre2003 (date de la requête de rectification). Ce délai était suffisants'agissant de la note confidentielle dont il ignorait auparavant l'existence.En revanche, les mémorandums et la lettre du 27 janvier 2003 avaient étécommuniqués directement au recourant qui aurait pu faire valoir sesobjections immédiatement. L'intéressé devait présumer que ces documentsfigureraient dans son dossier, compte tenu de leur nature et de leur contenu.N'ayant pas réagi, il avait pris le risque de voir constituer un dossier necontenant pas de réponse aux critiques formulées. La requête était parconséquent tardive. Au demeurant, les critiques adressées au recourant neconstituaient pas en soi des données personnelles incorrectes. La noteconfidentielle comportait une appréciation sur la qualité du travail durecourant, soit un jugement de valeur non susceptible de rectification, ycompris les indications introductives sur la "situation de départ". Enfin,les conclusions tendant à vérifier le contenu du dossier devaient êtreformulées dans le cadre du droit d'accès. D.A.________ forme un recours de droit administratif contre ce jugement. Ilconclut à son annulation et au renvoi de la cause à la commission pournouvelle décision au sens des considérants.La commission se réfère aux considérants de son jugement. L'OFROU conclut aurejet du recours, sans autres observations. Le Tribunal fédéral considère en droit: 1.Selon l'art. 97 OJ en relation avec l'art. 5 PA, la voie du recours de droitadministratif est ouverte contre les décisions fondées sur le droit publicfédéral - ou qui auraient dû l'être - à condition qu'elles émanent desautorités énumérées à l'art. 98 OJ et pour autant qu'aucune des exceptionsprévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la législation spéciale ne soit réalisée(ATF 127 II 1 consid. 2b/aa p. 3/4; 126 I 50 consid. 1 p. 52; 126 II 171consid. 1a p. 173).Conformément à l'art. 98 let. e OJ, le recours de droit administratif estouvert contre les décisions rendues par la Commission fédérale de laprotection des données en application de l'art. 33 al. 1 let. d LPD. En tantque personne concernée (art. 3 let. b LPD), le recourant a qualité, au sensde l'art. 103 let. a OJ, pour recourir contre le jugement attaqué. 2.Le recourant conteste le reproche de tardiveté qui lui est fait à propos dela requête de rectification des mémorandums et de la lettre du 27 janvier2003. Il estime que, compte tenu du ton amical et de leur communication parmessagerie électronique, il ne pouvait supposer que ces documents, bienqu'intitulés mémorandums, seraient versés à son dossier personnel. Lerecourant avait réagi à ces reproches en prenant contact oralement avec leurauteur. On ne saurait exiger de l'employé qu'il réagisse immédiatement pourexiger la rectification de reproches infondés, en particulier lorsque ceux-ciémanent d'un supérieur hiérarchique et lorsqu'il n'y a pas d'invitation à sedéterminer par écrit. 2.1 Comme le relève la commission, la loi n'impartit aucun délai pour formerune demande tendant à la rectification ou à la suppression de donnéesinexactes au sens de l'art. 5 al. 2 LPD. Cela ne signifie certes pas qu'unetelle demande peut être formée sans aucune restriction de temps. Toutefois,dans la mesure où le législateur a renoncé à l'instauration d'un délai depéremption, seule est opposable au requérant l'obligation d'agir de bonnefoi, et l'interdiction de l'abus de droit. Une intervention tardive pourraitainsi apparaître abusive lorsque son auteur laisse la procédure suivre soncours et invoque après coup des moyens dont il connaissait l'existence (cf.en matière de récusation, ATF 124 I 121 consid. 2 p. 122 s.; 121 I 225consid. 3 p. 229; 119 Ia 221 consid. 5a p. 228 s.). Il peut en aller de mêmelorsque l'intervention tardive du justiciable complique à l'excès laréalisation de ses prétentions, ou lorsqu'en raison du temps écoulé, ladémarche du justiciable ne sert plus un intérêt légitime. 2.2 En l'espèce, le recourant pouvait certes s'attendre à ce que lesreproches formulés à son encontre de manière claire et répétitive, figurentdans son dossier personnel. Comme le relève la commission, le terme"mémorandum" s'applique par définition à un acte dont il y a lieu deconserver la trace. En outre, ces documents faisaient état de critiques surla qualité du travail du recourant, dont les auteurs pouvaient manifestementêtre appelés à se prévaloir dans le cadre des rapports de service. On nepouvait toutefois exiger du recourant, de manière absolue, qu'il répondeimmédiatement et par écrit aux diverses communications reçues à ce sujet.L'employé peut en effet décider, pour des motifs d'opportunité, de ne pasréagir immédiatement afin par exemple de ne pas envenimer une situation déjàtendue avec ses supérieurs, ou de ne le faire que de manière informelle, àl'occasion d'un entretien sans procès-verbal. Le recourant n'avait guèred'intérêt immédiat à contester les reproches formulés à son encontre, dans lamesure où son employeur s'était engagé à ne pas en faire état dans laconvention de résiliation et les certificats de travail qui ont été délivrés.Certes, l'intéressé qui ne conteste qu'après coup les reproches formulés àson encontre s'expose alors à des difficultés de preuves; il peut égalementdevoir subir les effets négatifs irréparables découlant de l'utilisationfaite entre-temps des données qu'il sait ou devait savoir inexactes. On nesaurait toutefois en déduire une péremption du droit à la rectification desdonnées personnelles. 2.3 En l'occurrence, le recourant a consulté son dossier personnel, puis adéposé sa demande de rectification dans les trois mois qui ont suivi la findes rapports de travail. Cela ne constitue pas un délai excessif, sousl'angle de la bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit. Le recourantexplique avoir pris contact immédiatement avec l'auteur des critiques, afinde clarifier les choses. Il est compréhensible que, dans le souci de ne pasdétériorer les relations avec son supérieur hiérarchique, le recourant n'aitpas voulu contester par écrit les différents reproches. Dans ces conditionsparticulières, l'intéressé dot être admis à vérifier le contenu de sondossier personnel auprès de son employeur, peu après la fin des rapports detravail, et à en requérir le cas échéant la rectification. 2.4 Lorsque l'autorité intimée refuse à tort d'entrer en matière sur ungrief, le Tribunal fédéral peut soit statuer lui-même sur le fond, soitrenvoyer l'affaire pour nouvelle décision (art. 114 al. 2 OJ).Le recourant ne s'est pas exprimé sur le fond dans son recours de droitadministratif. La commission a pour sa part considéré qu'une lettre faisantétat de critiques à l'égard de son destinataire ne contenait pas en soi desdonnées incorrectes. Dans le contexte d'un rapport de travail, les critiquesformulées par une partie à l'égard d'une autre constituent en soi un faitdont l'existence doit être attestée (cf. arrêt 1A.6/2001 du 2 mai 2001 publiéin ZBl 103/2002 p. 331, RDAF 2003 p. 414 - résumé: cas d'un dossier del'assureur contenant le soupçon d'un accident simulé).La procédure prévue par la LPD ne saurait avoir pour objet de remettre encause, après la fin des rapports de travail, les différentes évaluationsfaites par l'employeur au sujet des prestations de l'employé. L'intéressé nepeut requérir, au sens de l'art. 5, que la rectification de données de faitqui se révèlent inexactes. Par conséquent, dans la mesure où les critiquessont exposées comme telles, reflétant le point de vue de leur auteur, ellesne sauraient donner lieu à une demande de suppression ou de rectification ausens de l'art. 25 al. 3 LPD. En revanche, en tant que les communicationsfaites au recourant mentionnent des faits dont l'exactitude est contestée,celui-ci peut prétendre à une rectification. Il appartiendra par conséquent àla commission d'examiner, dans les trois mémorandums et la lettre du 27janvier 2003, quelles sont les données purement factuelles dont l'exactitudeest contestée par le recourant. Si ni l'exactitude, ni l'inexactitude d'unedonnée ne peut être prouvée, il y aura lieu de joindre une note au dossierfaisant état, conformément à l'art. 25 al. 2 LPD, du caractère litigieux desmentions contestées. 3.S'agissant de la note confidentielle du 5 novembre 2002, la commission aconsidéré qu'il s'agissait d'un jugement de valeur qui, par nature, n'étaitpas susceptible d'être rectifié sauf s'il reposait sur des faits inexacts(Maurer/Vogt, Kommentar zum schweizerischen DSG, Bâle 1995, n° 8 p. 101).S'agissant d'apprécier les prestations d'un employé, l'autorité disposaitd'une liberté d'appréciation qu'il y avait lieu de respecter. 3.1 Pour sa part, le recourant estime que la note litigieuse devrait êtreécartée du dossier car l'évaluation des collaborateurs ne pourrait se fairequ'au moyen du formulaire agréé. Comme cela est relevé ci-dessous, la note enquestion ne porte pas sur l'évaluation proprement dite, mais sur la manièredont celle-ci a été effectuée. On ne voit pas, au demeurant, ce quiempêcherait l'employeur de porter au dossier des appréciations intermédiairessusceptibles d'influer sur l'évaluation officielle de l'employé. Le grief nerelève pas, quoi qu'il en soit, du droit de la protection des données. 3.2 Le recourant estime également que la note contestée reposerait sur lesmêmes faits erronés que les mémorandums précités, de sorte que sa suppressions'imposerait pour les mêmes motifs.Le document litigieux consiste en une note confidentielle d'une page,apparemment rédigée en réponse à une question d'une collaboratrice del'office. Telle qu'elle se présente au dossier, elle est annexée à quelquespages du formulaire officiel d'entretien d'évaluation et de promotion.Celui-ci porte notamment une appréciation globale située entre B et C; ilmentionne les différents entretiens entre le recourant et son supérieur etprécise la part des objectifs pour lesquels le recourant satisfaisait ou nonaux exigences. L'indication initiale figurant sur la note, selon laquelledeux différents domaines d'activités avaient été définis pour le recourantest certes de l'ordre du fait, mais elle n'est pas contestée. Il n'estd'ailleurs pas précisé en quoi consistent les activités ainsi définies. Pourle surplus, la note ne fait que préciser le processus formel de décisionayant conduit à cette appréciation. Si l'évaluation
est sans doute fondée surles différents reproches adressés au recourant, ceux-ci n'y figurent pasexpressément. En tant qu'elle porte d'une part sur un pur jugement de valeur(l'appréciation de la qualité du travail du recourant), et sur des faits dontla réalité n'est pas contestée (le processus ayant abouti à cetteévaluation), la note litigieuse ne contient pas de donnée susceptible d'êtrerectifiée. La procédure de rectification de données ne saurait évidemmentavoir pour objet de contester l'évaluation en tant que telle, qui faitl'objet d'une procédure spécifique. Le grief doit par conséquent être rejeté. 4.Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être partiellement admis, ausens des considérants. La cause est renvoyée à la commission afin qu'ellestatue au fond sur la requête de rectification concernant les mémorandums des15, 22 mars et 3 décembre 2002, ainsi que la lettre du 27 janvier 2003. Lerecours est rejeté pour le surplus. Un émolument judiciaire réduit est mis àla charge du recourant. Une indemnité de dépens, elle aussi réduite, lui estallouée, à la charge de l'OFROU. Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 1.Le recours est partiellement admis, au sens des considérants. La cause estrenvoyée à la commission afin qu'elle statue sur la requête de rectificationconcernant les mémorandums des 15, 22 mars et 3 décembre 2002, ainsi que lalettre du 27 janvier 2003. 2.Un émolument judiciaire de 1000 fr. est mis à la charge du recourant. 3.Une indemnité de dépens de 1000 fr. est allouée au recourant, à la charge del'OFROU. 4.Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, à l'OFROU et à laCommission fédérale de la protection des données. Lausanne, le 29 mars 2006 Au nom de la Ire Cour de droit publicdu Tribunal fédéral suisse Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.295/2005
Date de la décision : 29/03/2006
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2006-03-29;1a.295.2005 ?
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