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24/10/2005 | SUISSE | N°U.196/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 24 octobre 2005, U.196/05


{T 7}
U 196/05

Arrêt du 24 octobre 2005
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Borella, Président, Leuzinger, Ursprung, Kernen et
Frésard. Greffier : M. Métral

L'association X.________, recourante, représentée par Me Jacques-André
Schneider, avocat, rue du Rhône 100, 1211 Genève,

contre

Winterthur Assurances, Société Suisse d'Assurances SA, General Guisan Strasse
40, 8401 Winterthur, intimée

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 23 décembre 2004)

Faits:

A.
A.a L'associati

on X.________ et "Winterthur" Société suisse d'assurances
(ci-après : la Winterthur) sont liés par un contrat d'assurance-accidents
...

{T 7}
U 196/05

Arrêt du 24 octobre 2005
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Borella, Président, Leuzinger, Ursprung, Kernen et
Frésard. Greffier : M. Métral

L'association X.________, recourante, représentée par Me Jacques-André
Schneider, avocat, rue du Rhône 100, 1211 Genève,

contre

Winterthur Assurances, Société Suisse d'Assurances SA, General Guisan Strasse
40, 8401 Winterthur, intimée

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 23 décembre 2004)

Faits:

A.
A.a L'association X.________ et "Winterthur" Société suisse d'assurances
(ci-après : la Winterthur) sont liés par un contrat d'assurance-accidents
obligatoire. Celui-ci a pris effet le 1er janvier 2001 pour une période de
trois ans, échéant le 31 décembre 2003. Il déclare applicables les conditions
d'assurance émises par la Winterthur, édition 08.1997. L'art. 1.1 de ces
conditions générales prévoit que les contrats dont la durée est limitée à une
ou à plusieurs années sont reconduits d'un an, tant qu'aucune des parties n'a
reçu de résiliation au plus tard trois mois avant l'expiration.

Selon la police d'assurance, datée du 15 janvier 2001, la prime annuelle
provisoire est fixée à 563'800 fr., les modifications de tarif conformément
aux conditions d'assurance ainsi que les modifications des suppléments légaux
étant réservées. Les clauses suivantes sont par ailleurs prévues :
«Genre d'entreprise ou de profession assurée : Risque no :
Hôpitaux (non psychiatrique) 8521
Lieu où se trouve l'entreprise :
M.________
Entreprise ou partie d'entreprise de même genre incluse dans l'assurance, se
trouvant dans un autre lieu :

Divers lieux de risque
Personnes assurées :
Tous les travailleurs assurés à titre obligatoire en vertu des art. 1 et 2 de
la LAA et des art. 1 à 6 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents.

Classement dans le tarif des primes :
Accidents
professionnels (AP) non professionnels (ANP)
Classe 61 Classe 13
Degré 8 Sous-classe 7
Les taux de prime sont actuellement composés comme suit (en ¿ du salaire LAA)
:
Accidents
professionnels (AP) non professionnels (ANP)
Taux de prime net[tte] 1.74 ¿ 10.29 ¿
Taux pour les frais d'administration 0.12 ¿ 0.72 ¿
(7.00 % du taux de prime net[te])
Contribution pour la
prévention des accidents 0.11 ¿ 0.08 ¿
(5.50 % du taux de prime net[te] pour AP)
(0.75 % du taux de prime net[te] pour ANP)

Taux de prime final[e] 1.97 ¿ 11.09 ¿»
A.bPar lettre du 24 septembre 2003, la Winterthur a exposé à l'association
X.________ avoir procédé à certaines vérifications. Il en ressortait que
l'association figurait désormais en classe 61, degré 8 du tarif des primes,
pour les accidents professionnels, et en classe 12, sous-classe 8, pour les
accidents non professionnels; elle bénéficiait par ailleurs d'un taux de
prime réduit pour les frais administratifs (7 % du taux de la prime nette, au
lieu de 22.5 %). La Winterthur ajoutait qu'en raison du nombre élevé de
sinistres annoncés par l'association X.________, ce taux préférentiel ne
pouvait pas être maintenu, de sorte que les conditions suivantes seraient
applicables dès le 1er janvier 2004 :
«[...] Accidents professionnels[...]
Taux de prime net[te] 1.74 ¿
Taux de prime finale 2.24 ¿ (avant 1.97 ¿)
(y compris frais d'administration[, soit 22.5 % du taux de prime nette,] et
contribution à la prévention des accidents[,] soit 6.50 % du taux de prime
net[te]).
[...] Accidents non professionnels [...]
Taux de prime net[te] 9.98 ¿
Taux de prime finale 12.30 ¿ (avant 10.75 ¿)
(y compris frais d'administration[,] soit 22.5 % du taux de prime net[te,] et
contribution à la prévention des accidents[,] soit 0.75 % du taux de prime
net[te])»

La Winterthur précisait que cette communication avait valeur de décision et
pouvait faire l'objet d'une opposition dans un délai de 30 jours dès sa
notification.

Le 20 octobre 2003, l'association X.________ a contesté l'augmentation du
taux de prime pour les frais administratifs, au motif qu'elle ne reposait sur
aucune base légale et qu'elle modifiait un contrat tacitement reconduit pour
l'année 2004. Par décision sur opposition du 31 octobre 2003, la Winterthur a
confirmé l'augmentation litigieuse. Elle s'est cependant déclarée prête a
accepter une résiliation du contrat présentée dans un délai prolongé, à titre
exceptionnel, jusqu'au 30 novembre 2003.

B.
L'association X.________ a déféré cette décision sur opposition au Tribunal
des assurances du canton de Vaud, qui a rejeté le recours par jugement du 23
décembre 2004.

C.
L'association X.________ interjette un recours de droit administratif contre
ce jugement, dont elle demande l'annulation. Elle conclut, sous suite de
frais et dépens, à la constatation de la nullité de la décision du 31 octobre
2003, subsidiairement à son annulation; elle conclut également à ce que soit
déclaré applicable un taux de 7 % du taux de la prime nette, pour le calcul
des frais administratifs qui lui seront facturés par l'intimée en 2004.

La Winterthur a renoncé à se déterminer sur le recours, de même que l'Office
fédéral de la santé publique.

Considérant en droit:

1.
Est litigieux le taux applicable au calcul du supplément de primes dont doit
s'acquitter la recourante pour les frais administratifs en 2004. Le litige
n'entre pas dans l'une des éventualités envisagées par l'art. 109 al. 1 LAA.
Le recours à la Commission fédérale de recours en matière
d'assurance-accidents n'était donc pas ouvert contre la décision sur
opposition de l'intimée. Cette décision était sujette à recours devant le
Tribunal cantonal des assurances (art. 56 ss LPGA), dont le jugement peut
être déféré au Tribunal fédéral des assurances par la voie du recours de
droit administratif (cf. RAMA 2000 no U 396 p. 324).

2.
L'assurance-accidents est gérée, selon les catégories d'assurés, par la
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) ou par d'autres
assureurs autorisés et par une caisse supplétive gérée par ceux-ci (art. 58
LAA). Sont ainsi habilitées à gérer l'assurance-accidents obligatoire,
notamment, des institutions privées d'assurance soumises à la loi du 23 juin
1978 sur la surveillance des assurances (art. 68 al. 1 let. a LAA). Pour de
telles institutions, dont l'intimée, le rapport d'assurance repose sur un
contrat de droit public passé avec l'employeur ou la personne exerçant une
activité lucrative indépendante (cf. art. 59 al. 2 LAA). Le contrat est régi
par la LAA, mais le juge peut, en cas de lacune, s'inspirer de règles tirées
du droit privé, en particulier de la LCA ou du CO (consid. 4.3 non publié de
l'ATF 130 V 553).

Compte tenu de la relative densité des dispositions de la LAA et de l'OLAA,
la liberté contractuelle des parties se trouve fortement réduite. Les
assureurs sont du reste tenus d'établir un contrat-type contenant les clauses
qui doivent obligatoirement figurer dans tout contrat d'assurance et qui est
soumis pour approbation au Département fédéral de l'intérieur (art. 93 OLAA).
La détermination du montant des primes constitue cependant un domaine dans
lequel la loi ne fixe qu'un cadre légal relativement large, aux art. 92 ss
LAA et 113 ss OLAA.

3.
L'art. 92 LAA, qui traite de la fixation des primes, a la teneur suivante :
1 Les assureurs fixent les primes en pour mille du gain assuré. Celles-ci se
composent de primes nettes correspondant au risque et de suppléments destinés
aux frais administratifs, aux frais de prévention des accidents et des
maladies professionnelles et aux allocations de renchérissement qui ne sont
pas financées par des excédents d'intérêts. Il ne doit pas y avoir de
différence importante entre les suppléments de primes de la CNA et ceux des
autres assureurs. Les art. 87 et 88, al. 2, sont réservés.

2 En vue de la fixation des primes pour l'assurance des accidents
professionnels, les entreprises sont classées dans l'une des classes du tarif
des primes et, à l'intérieur de ces classes, dans l'un des degrés prévus; le
classement tient compte de la nature des entreprises et de leurs conditions
propres, notamment du risque d'accidents et de l'état des mesures de
prévention. Les travailleurs d'une entreprise peuvent être classés par
groupe, dans des classes et degrés différents.

3 (...)

4 Le changement de genre de l'entreprise et la modification de ses conditions
propres doivent être annoncés dans les quatorze jours à l'assureur compétent.
Si les changements sont importants, l'assureur peut modifier le classement de
l'entreprise dans les classes et degrés du tarif des primes, le cas échéant
avec effet rétroactif.

5 Sur la base des expériences acquises en matière de risques, l'assureur
peut, de sa propre initiative ou à la demande de chefs d'entreprises,
modifier le classement d'entreprises déterminées dans les classes et degrés
du tarif des primes, avec effet au début de l'exercice comptable.
6 En vue de la fixation des primes pour l'assurance des accidents non
professionnels, les assurés peuvent être répartis en classes de tarif. Les
primes ne peuvent toutefois être échelonnées en fonction du sexe des
personnes assurées.

7 Le Conseil fédéral peut fixer les taux maxima des suppléments de primes
prévus au 1er alinéa. Il détermine le délai pour modifier les tarifs de
primes et pour procéder à une nouvelle répartition des entreprises en classes
et degrés; il édicte des dispositions sur le calcul des primes dans des cas
spéciaux, notamment pour les assurés facultatifs et pour ceux qui sont
assurés auprès d'une caisse-maladie reconnue.
Conformément à cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a adopté
les art. 113 et 114 OLAA, qui sont ainsi libellés :
Art. 113 Classes et degrés

1 Les entreprises ou parties d'entreprises doivent être classées dans les
classes et degrés du tarif des primes de telle manière que les primes nettes
suffisent selon toute probabilité à couvrir les frais d'accidents et de
maladies professionnels d'une communauté de risque.
2 (...)
3 Les changements apportés au tarif des primes ainsi que les modifications
opérées en vertu de l'art. 92, al. 5, de la loi et portant sur l'attribution
des entreprises aux classes et degrés de celui-ci, doivent être communiquées
aux entreprises intéressées au moins deux mois avant la fin de l'exercice
comptable en cours. Les demandes des exploitants qui requièrent la
modification de l'attribution pour le prochain exercice comptable doivent
être déposées dans les mêmes délais.

Art. 114 Suppléments de primes pour frais administratifs

1 Le supplément pour les frais administratifs est destiné à couvrir les
dépenses ordinaires occasionnées aux assureurs par la pratique de
l'assurance-accidents, y compris les dépenses pour des prestations de tiers
qui ne servent pas au traitement médical telles que les frais de justice, de
conseils et d'expertise.

2 Les suppléments pour les frais administratifs des assureurs désignés à
l'art. 68 de la loi sont destinés à couvrir les dépenses visées à l'al. 1 et
ne peuvent dépasser de plus de 15 points ceux de la CNA.
3 L'office fédéral peut demander aux assureurs des renseignements sur le
prélèvement des suppléments pour les frais administratifs.

4.
La recourante soutient que l'intimée n'était pas en droit de modifier le taux
de supplément de primes pour frais administratifs par une décision
unilatérale notifiée au moins deux mois avant la fin de l'exercice comptable
en cours, conformément à l'art. 113 al. 3 OLAA. Selon elle, il faut
distinguer les primes nettes, sujettes à modification unilatérale en cours de
contrat, des suppléments de primes pour frais administratifs, dont la
fixation repose - dans les limites fixées par le législateur - sur une base
purement contractuelle.

Les premiers juges considèrent pour leur part que la notion de primes forme
un tout indissociable qui comprend l'ensemble des montants dus par
l'employeur. Partant, l'assureur était en droit, moyennant le respect du
préavis de deux mois prévu par l'art. 113 al. 3 OLAA, d'imposer à l'employeur
une augmentation du taux de supplément de primes litigieux.

5.
5.1L'établissement d'un tarif des primes et le classement des preneurs
d'assurance dans ce tarif permet de réunir plusieurs entreprises (ou parties
d'entreprises) comparables au sein d'une communauté de risque. Par leurs
contributions - les primes nettes au sens de l'art. 92 al. 1 LAA - ces
entreprises doivent entièrement supporter les coûts des accidents et maladies
professionnels qui surviennent au sein de la communauté à laquelle elles
appartiennent (art. 113 al. 1 OLAA). Une prime de référence pour toutes les
entreprises concernées est fixée selon des critères actuariels et permet de
garantir une certaine solidarité au sein de la communauté. Cette prime est
toutefois pondérée par un second facteur de risque, afin de prendre en
considération les écarts significatifs - abstraction faite des variations
usuelles - entre le nombre et le coût des événements assurés annoncés par une
entreprise, d'une part, et la valeur statistique de référence pour la
communauté de risque à laquelle elle appartient, d'autre part (cf. ATF 112 V
318 consid. 3 et 321 consid. 5c).

Les assureurs-accidents peuvent adopter une pratique analogue pour
l'assurance des accidents non professionnels et répartir les assurés en
classes de tarif. Les primes ne peuvent toutefois pas être échelonnées en
fonction du sexe des personnes assurées (art. 92 al. 6 LAA).

5.2 Comme cela ressort des art. 92 al. 1 LAA et 114 al. 1 OLAA, les
suppléments de primes pour frais administratifs sont destinés à couvrir les
dépenses ordinaires occasionnées aux assureurs par la pratique de
l'assurance-accidents, y compris les dépenses pour des prestations de tiers
qui ne servent pas au traitement médical, tels que les frais de justice, de
conseils et d'expertises. Il ne doit pas y avoir une différence importante
entre les suppléments de primes de la CNA et ceux des autres assureurs. Les
suppléments pour les frais administratifs des assureurs visés à l'art. 68 al.
1 de la loi ne peuvent dépasser ceux fixés par la CNA de plus d'un certain
nombre de points. Initialement, la limite supérieure du dépassement autorisé
était de 10 points (art. 114 al. 2 OLAA,
dans sa teneur en vigueur jusqu'au
31 décembre 1997; RO 1983 p. 71); elle est ensuite passée à 15 points
(Ordonnance du 15 décembre 1997 modifiant l'Ordonnance sur
l'assurance-accidents; RO 1998 p. 160). Il s'agissait alors de laisser une
plus grande marge de manoeuvre aux assureurs privés lors du calcul des
suppléments de primes, vers le haut comme vers le bas, et de renforcer la
concurrence en ce domaine (Rapport du 17 juin 2003 de la Commission de la
sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats sur
l'initiative parlementaire «Prime minimum et suppléments de primes pour frais
administratifs dans l'assurance-accidents» [ci-après : rapport de la
Commission de sécurité sociale du Conseil des Etats], FF 2003 p. 5447 sv.;
voir également Peter Schlegel, Frais administratifs de l'assurance-accidents
: situation initiale, évolution et problèmes, in : Sécurité sociale 1/2001,
p. 13 sv.).

Cette marge de manoeuvre devrait encore être élargie prochainement par une
modification de l'art. 92 al. 1 LAA adoptée le 8 octobre 2004 (FF 2004 5091;
le Conseil fédéral n'a pas encore décidé sa date d'entrée en vigueur). En
effet, la nouvelle version de cette disposition ne fera plus référence au
supplément de primes fixé par la CNA pour la détermination des frais
administratifs prélevés par les autres institutions pratiquant
l'assurance-accidents obligatoire. Cela devrait contribuer à renforcer encore
la concurrence entre assureurs privés et éviter que celle-ci soit influencée
par les décisions du Conseil d'administration de la CNA en matière de
suppléments de primes (rapport de la Commission de sécurité sociale du
Conseil des Etats, FF 2003 p. 5448; voir également Hans-Rudolf Müller,
Suppléments de primes destinés aux frais administratifs des assureurs privés
LAA, in : Sécurité sociale 1/2001, p. 17).

5.3 Le supplément de primes pour les frais administratifs ne dépend
qu'indirectement de la prime, en ce sens qu'il est calculé en pour cent du
taux de primes. Il n'est pas en relation directe avec les risques de
l'assurance et, par conséquent, avec l'appartenance du preneur d'assurance à
l'une ou l'autre communauté de risque. Il peut en revanche varier en fonction
des coûts administratifs qu'entraîne l'assurance conclue par l'entreprise
concernée et de la collaboration offerte par l'entreprise. Il est
généralement admis, par exemple, que les petites entreprises et les ménages
entraînent des frais de gestion plus élevés que les grandes entreprises
(Peter Schlegel, loc. cit.; Hans-Rudolf Müller, op. cit., p. 18). Dans la
limite fixée par l'art. 114 al. 2 OLAA (en relation avec l'art. 92 al. 7 1re
phrase LAA), les assureurs privés peuvent négocier avec les entreprises des
suppléments de primes plus ou moins élevés selon les frais administratifs
prévisibles et, partant, selon leur intérêt à conclure le contrat. Toutefois,
pour éviter que les grandes entreprises se voient facturer des suppléments
particulièrement bas pour les frais administratifs, au détriment des petites
et moyennes entreprises, après l'entrée en vigueur du nouvel art. 92 al. 1
LAA, la modification du 8 octobre 2004 de la LAA prévoit de laisser au
Conseil fédéral la possibilité de fixer le taux maximum du supplément de
primes pour frais administratifs (nouvel art. 92 al. 7 2ème phrase LAA; sur
ce point : rapport de la Commission de sécurité sociale du Conseil des Etats,
FF 2003 p. 5548 sv.).

6.
6.1Selon la jurisprudence, la loi s'interprète en premier lieu selon sa
lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair et
que plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de
rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de
tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires
(interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des
valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé
(interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres
dispositions légales (interprétation systématique). Le sens que prend la
disposition dans son contexte est également important (ATF 130 II 71 consid.
4.2, 129 II 118 consid. 3.1, 129 III 56 sv. consid. 3.1.1).
6.2 Considérée isolément, l'expression «changements apportés au tarif des
primes» («Änderungen der Prämientarife»; «cambiamenti delle tariffe»)
figurant à l'art. 113 al. 3 OLAA n'indique pas clairement s'il s'agit de
changements touchant la part de prime correspondant au risque (prime nette)
ou de modifications portant sur la totalité de la prime dont devra finalement
s'acquitter le preneur d'assurance (prime nette et suppléments). Par
ailleurs, ni l'ordonnance, ni la loi ne définissent la notion de tarif des
primes. Dans la loi, cependant, cette notion est utilisée en relation avec
les différents niveaux de primes établis en fonction du classement des
entreprises dans des communautés de risque (art. 92 al. 2, 4 et 5 LAA). Elle
est donc étroitement liée au risque spécifique de l'assurance. Cet élément
tend déjà à démontrer que par modification du tarif des primes, il faut
entendre un changement des primes nettes, à l'exclusion des suppléments de
primes pour frais administratifs.

6.3 Cette interprétation est confirmée par la systématique utilisée dans
l'OLAA elle-même. L'art. 113 al. 3 OLAA, qui permet un changement du tarif
des primes moyennant un préavis de deux mois, est intégré dans une
disposition intitulée «Classes et degrés», dont l'alinéa 1 précise ce que
doit couvrir la prime nette et comment le tarif des primes doit être établi
par communautés de risque. Le supplément de primes pour les frais
administratifs n'y est pas mentionné. Il fait l'objet d'un article distinct
de l'ordonnance (art. 114 OLAA) qui ne règle pas la modification du
supplément ni ne contient à ce sujet un renvoi à la norme précédente, ce qui
plaide également, d'un point de vue systématique, contre une augmentation
unilatérale par l'assureur de ce supplément.

6.4 Si l'on se tourne vers un interprétation téléologique, il y a lieu de
constater que l'art. 113 al. 3 OLAA, en corrélation avec l'art. 92 al. 7 LAA,
a pour but de permettre aux assureurs-accidents de rectifier rapidement le
classement des entreprises dans le tarif des primes, voire la définition même
des différentes communautés de risque et le tarif des primes comme tel, en
fonction de l'évolution des risques et de l'expérience acquise en la matière.
Le système est conçu de manière à ce que les primes perçues tiennent
constamment compte des risques (Message du Conseil fédéral du 18 août 1976 à
l'appui d'un projet de loi fédérale sur l'assurance-accidents, FF 1976 III
222). Cette exigence justifie d'accorder à l'assureur le droit de modifier
unilatéralement le tarif des primes (nettes), en fonction des expériences
acquises en matière de risque et selon des données actuarielles. Ce droit
n'est pas absolu puisqu'il trouve ses limites, notamment dans le respect des
principes généraux posés dans la loi et qu'un contrôle judiciaire est prévu.
Comme la décision initiale de classement d'une entreprise dans les classes et
degrés du tarif des primes, la modification de ce classement peut en effet
faire l'objet d'un recours devant la Commission fédérale de recours en
matière d'assurance-accidents (art. 109 al. 1 let. b LAA).

La modification du supplément pour les frais administratifs ne répond pas aux
mêmes impératifs de flexibilité. Comme on l'a vu, ces frais ne dépendent pas
directement du risque, mais correspondent à des frais généraux indépendants
des données actuarielles de l'assurance-accidents. Ils ne sont pas répartis
entre différentes communautés de risque, mais sont supportés par l'ensemble
des preneurs d'assurance liés à un même assureur-accidents. Leur taux ne
dépend pas du classement de l'entreprise concernée dans le tarif des primes,
mais peut en revanche varier en fonction des coûts administratifs que
l'assurance de l'entreprise concernée pourrait entraîner. Afin d'en tenir
compte, mais également pour renforcer la concurrence dans ce domaine, le
législateur a progressivement accordé plus de liberté aux assureurs-privés,
laissant ainsi plus de place à la négociation entre partenaires contractuels.
Le supplément présente donc un caractère contractuel marqué qui le soustrait
à la procédure de modification unilatérale de l'art. 113 al. 2 OLAA. Admettre
que cet élément contractuel ne puisse intervenir qu'au moment de la
conclusion du contrat et reconnaître ensuite le droit de l'assureur de
l'augmenter unilatéralement après un exercice comptable, fausserait le jeu de
la concurrence, pourtant voulue par le législateur. Compte tenu de la liberté
laissée aux parties dans ce domaine, du reste, la Commission fédérale de
recours en matière d'assurance-accidents n'a pas la compétence de se
prononcer sur le supplément de primes pour les frais administratifs à la
suite d'un recours fondé sur l'art. 109 al. 1 let. b LAA; saisie d'un tel
recours, elle n'entre pas en matière, à juste titre, sur un grief relatif à
ce supplément (cf. décision non-publiée du 15 septembre 2003 de la Commission
de recours en matière d'assurance-accidents [REKU 517/02], consid. 9).

7.
Compte tenu de ce qui précède, il n'y pas lieu de soumettre les suppléments
pour frais administratifs à la réglementation de l'art. 113 al. 3 OLAA.
L'intimée ne pouvait fonder sur cette disposition sa décision du 24 septembre
2003 de modifier le supplément pour les frais administratifs. En l'absence
d'une réglementation spéciale en la matière dans la LAA ou l'OLAA, elle était
en principe liée par le contrat conclu avec la recourante.

8.
8.1Selon les conditions générales applicables à cet accord, les contrats dont
la durée est limitée à une ou à plusieurs années sont reconduits d'un an,
tant qu'aucune des parties n'a reçu de résiliation au plus tard trois mois
avant l'expiration (art. 1.1 des conditions d'assurance émises par la
Winterthur, édition 08.1997). Ces conditions ne prévoient pas que l'assureur
serait autorisé à modifier par une déclaration unilatérale le taux de
supplément de primes pour les frais administratifs. Une telle modification
n'est pas davantage prévue par les clauses particulières du contrat conclu
entre les parties. Certes, la police d'assurance réserve «les modifications
de tarif conformément aux conditions d'assurance ainsi que les modifications
des suppléments légaux». On ne peut toutefois pas en déduire que les parties
auraient convenu d'un droit de modification unilatérale du taux de supplément
de primes pour les frais administratifs. L'intimée ne l'a d'ailleurs jamais
prétendu en procédure. Cette clause relative aux suppléments légaux concerne
bien plutôt les adaptations nécessaires du supplément pour les frais de
prévention des accidents professionnels et non-professionnels, dont le taux
est fixé par décision du Conseil fédéral conformément aux art. 87 et 88 LAA
et ne dépend donc pas de la volonté des parties au contrat.

Il s'ensuit que la décision notifiée à l'association X.________ constitue
tout au plus une proposition de modification du contrat par
l'assureur-accidents, soumise à l'acceptation du preneur d'assurance.

8.2 Le contrat liant la Winterthur à l'association X.________ était conclu
pour une durée de trois ans et arrivait à échéance le 31 décembre 2003. Par
lettre du 20 octobre 2003, l'association X.________ a expressément manifesté
son désaccord avec toute modification du supplément de primes pour frais
administratifs, dans un délai raisonnable après avoir reçu la décision du 24
septembre 2003. Une acceptation tacite (art. 6 CO par analogie) de la
modification exigée par la Winterthur n'entre donc pas en considération,
indépendamment du point de savoir si l'assureur aurait été ou non en droit de
conclure à une telle acceptation, en l'absence de réponse (cf. Maurer,
Schweizerisches Privatversicherungsrecht, 3ème éd., p. 237). Par ailleurs,
l'art. 2 LCA, d'après lequel la proposition de prolonger ou de modifier un
contrat ou de remettre en vigueur un contrat suspendu est considérée comme
acceptée si l'assureur ne la refuse pas dans les quatorze jours après qu'elle
lui est parvenue, ne s'applique qu'aux propositions émanant du preneur
d'assurance. Cette disposition ne concerne pas l'acceptation, par le preneur,
d'une offre de modification émise par l'assureur (cf. ATF 120 II 136 consid.
4b; Gerhard Stoessel, in : Honsell/Vogt/Schnyder (éd.), Kommentar zum
schweizerischen Privatrecht, Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag
[VGG], n. 4 ad art. 2).

8.3 Compte tenu de l'opposition de l'association X.________ à la modification
du supplément de primes pour frais administratifs, la Winterthur s'est
déclarée prête à accepter une résiliation du contrat présentée dans un délai
courant jusqu'au 30 novembre 2003. L'association X.________ n'a pas donné
suite à cette proposition. Par conséquent, aucune des parties n'a résilié le
contrat, que ce soit dans le délai de trois mois avant l'échéance du 31
décembre 2003 ou dans le nouveau délai fixé par l'assureur-accidents. A
défaut d'une telle résiliation, et en l'absence d'accord des parties sur une
modification du contrat, celui-ci a été reconduit tacitement, sans
changement, pour une durée d'une année. Le taux du supplément de primes pour
les frais administratifs, qui était de 7 % du taux de la prime nette, selon
les conditions contractuelles convenues pour la période du 1er janvier 2001
au 31 décembre 2003, est donc également applicable pour l'année 2004.

9.
Vu ce qui précède, la recourante obtient gain de cause et peut prétendre une
indemnité de dépens à la charge de l'intimée (art. 159 al. 1 OJ). Cette
dernière supportera également les frais de la procédure (art. 134 OJ a
contrario et art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal des assurances du canton de
Vaud du 23 décembre 2004 ainsi que la décision sur opposition de "Winterthur"
Société suisse d'assurances, du 31 octobre 2003, sont annulés.

2.
Il est constaté que le taux du supplément de prime pour les frais
administratifs applicable au contrat liant "Winterthur" Société Suisse
d'assurances et l'association X.________, pour l'année 2004, est de 7 % du
taux de la prime nette.

3.
Les frais de justice, d'un
montant de 3'000 fr., sont mis à la charge de
l'intimée. L'avance de frais d'un même montant versée par la recourante lui
est restituée.

4.
L'intimée versera à la recourante la somme de 2'500 fr. (y compris la taxe à
la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

5.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud est invité à statuer sur les
dépens de la procédure cantonale, compte tenu de l'issue définitive du
litige.

6.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 24 octobre 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre: p. le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.196/05
Date de la décision : 24/10/2005
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 92 al. 5 et 7 LAA; art. 113 al. 3 OLAA: Modification du supplément deprime pour les frais administratifs. La LAA ne confère pas à un assureur privé pratiquant l'assurance-accidentsobligatoire la compétence de modifier unilatéralement une clausecontractuelle relative au supplément de prime pour les frais administratifs.En particulier, la compétence de modifier le tarif des primes ou leclassement d'une entreprise dans ce tarif, par une décision communiquée aumoins deux mois avant la fin de l'exercice comptable en cours (art. 92 al. 5et 7 LAA; art. 113 al. 3 OLAA), ne comporte pas celle de modifier lesupplément pour les frais administratifs. (consid. 6-8)


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2005-10-24;u.196.05 ?
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