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14/09/2005 | SUISSE | N°1S.25/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 septembre 2005, 1S.25/2005


{T 0/2}
1S.25/2005 /svc

Arrêt du 14 septembre 2005
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger,
Aeschlimann, Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Zimmermann.

X. ________, actuellement en détention,
recourant, représenté par Me Stefan Disch, avocat,

contre

Ministère public de la Confédération,
Antenne Lausanne, avenue des Bergières 42,
case postale 334, 1000 Lausanne 22,
Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes,
via dei Gaggini 3, case postale 2720, 6501 Bellinzone.

refus de mise en libert

é,

recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral,
Cour des plaintes, du 22 juin 2005.

Faits:

A.
Le 28 octobre 2002...

{T 0/2}
1S.25/2005 /svc

Arrêt du 14 septembre 2005
Ire Cour de droit public

MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger,
Aeschlimann, Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Zimmermann.

X. ________, actuellement en détention,
recourant, représenté par Me Stefan Disch, avocat,

contre

Ministère public de la Confédération,
Antenne Lausanne, avenue des Bergières 42,
case postale 334, 1000 Lausanne 22,
Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes,
via dei Gaggini 3, case postale 2720, 6501 Bellinzone.

refus de mise en liberté,

recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral,
Cour des plaintes, du 22 juin 2005.

Faits:

A.
Le 28 octobre 2002, le Ministère public de la Confédération a ouvert une
enquête préliminaire contre le ressortissant kosovar X.________ pour
infractions graves à la LStup et participation à une organisation criminelle.
Le 10 décembre 2002, la prévention a été étendue au blanchiment d'argent. Le
Ministère public soupçonne X.________ d'avoir mis sur pied, avec des membres
de sa famille et des tiers, un trafic international portant sur plusieurs
centaines de kilos d'héroïne et de cocaïne, avec des ramifications en Suisse.
Le 4 juillet 2003, le Ministère public a décerné un mandat d'arrêt
international contre X.________, sur la base duquel celui-ci a été arrêté en
Macédoine le 2 août 2003.
Le 29 octobre 2003, la République de Macédoine a extradé X.________ à la
Suisse. Le Ministère public a décerné un mandat d'arrêt contre X.________ qui
a été immédiatement placé en détention préventive.
Le 26 mars 2004, le Ministère public a rejeté la demande de libération
provisoire présentée par X.________. Celui-ci a saisi le Tribunal pénal
fédéral, en vain. Le 9 juillet 2004, le Tribunal fédéral a rejeté, dans la
mesure où il était recevable, le recours formé par X.________ contre cet
arrêt (cause 1S.1/2004).

B.
Le 21 octobre 2004, le Ministère public a refusé de remettre X.________
provisoirement en liberté. Le 10 décembre 2004, le Tribunal pénal fédéral a
rejeté le recours formé contre cette décision par X.________.
Celui-ci a présenté une nouvelle demande de libération provisoire, le 11 mai
2005. Le Ministère public a rejeté cette requête, le 24 mai 2005.
Par arrêt du 22 juin 2005, le Tribunal pénal fédéral a rejeté le recours
formé par X.________ contre cette décision.

C.
Agissant par la voie du recours au sens de l'art. 33 al. 3 let. a LTPF,
X.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 22
juin 2005 et d'ordonner sa libération immédiate, éventuellement assortie de
sûretés. A titre subsidiaire, il conclut au renvoi de la cause au Tribunal
pénal fédéral pour nouvelle décision au sens des considérants. Il invoque les
art. 19 ch. 4 LStup, 44 PPF, 31al. 3 et 32 Cst., ainsi que l'art. 5 par. 3
CEDH. Il requiert l'assistance judiciaire.
Le Tribunal pénal fédéral a renoncé à se déterminer. Le Ministère public
propose le rejet du recours.
Invité à répliquer, le recourant a maintenu ses conclusions.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
De l'avis du recourant, il serait incompatible avec les art. 5 par. 3 CEDH et
31 al. 3 Cst. que le Ministère public statue sur les demandes de mise en
liberté.

1.1 Le Ministère public de la Confédération (représenté par le Procureur
général de la Confédération, son suppléant et les Procureurs fédéraux) est
partie au procès dans la procédure régie par la PPF (art. 34 PPF). Il dirige
les recherches de la police judiciaire fédérale (art. 15 et 104 al. 1 PPF).
L'inculpé peut être placé en détention préventive s'il existe contre lui des
charges suffisantes, ainsi qu'un risque de fuite ou de collusion (art. 44
PPF). Le Ministère public est notamment compétent pour décerner le mandat
d'arrêt avant l'ouverture de l'instruction préparatoire; après celle-ci,
c'est le Juge d'instruction fédéral qui décide (art. 45 ch. 1 et 2 PPF).
Lorsque, comme en l'espèce, le mandat d'arrêt a été décerné par le Ministère
public, sa décision doit être confirmée par le Juge d'instruction fédéral
(art. 47 al. 2 PPF). L'inculpé peut demander en tout temps d'être mis en
liberté (art. 52 al. 1 PPF). Le refus du Procureur général ou du Juge
d'instruction peut être déféré à la Cour des plaintes du Tribunal pénal
fédéral (art. 52 al. 2 PPF). Lorsqu'il n'y a pas de motifs d'ouvrir
l'instruction préparatoire, le Ministère public suspend les recherches (art.
106 al. 1 PPF). Dans le cas contraire, il requiert le Juge d'instruction
fédéral d'ouvrir l'instruction préparatoire (art. 108 al. 1 PPF). Au terme de
celle-ci, il communique son dossier au Ministère public (art. 119 PPF).
Celui-ci dresse l'acte d'accusation s'il existe des présomptions de
culpabilité suffisantes (art. 125 PPF). L'acte d'accusation est transmis à la
Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral (art. 127 al. 1 ch. 4
PPF). Le Ministère public soutient l'accusation devant les tribunaux fédéraux
(art. 15 PPF). Pour ses réquisitions, il s'inspire de sa propre conviction
(art. 14 al. 2 PPF) et accomplit ses tâches sans instructions (art. 16 al. 4
PPF).

1.2 Toute personne placée en détention préventive a le droit d'être traduite
devant un juge; celui-ci ordonne le maintien de la détention ou la libération
(art. 31 al. 3 Cst.). Le juge qui ordonne la détention doit être indépendant
du pouvoir exécutif et des parties; il ne doit pas recevoir d'instructions.
Il lui appartient de statuer au sujet de la détention dans le cadre d'une
procédure judiciaire, après avoir entendu la personne détenue. Le juge
examine si la détention est justifiée; au besoin, il la lève (ATF 131 I 66
consid. 4.3 p. 68/69, et les références citées).
Sous l'angle des art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH, il est prohibé que
l'autorité ordonnant la détention soit celle qui soutienne l'accusation dans
la même affaire (ATF 131 I 36 consid. 2.3 p. 40, 66 consid. 4.3 p.69,
consid. 4.6.1 p. 71, consid. 4.8 p. 73/74, et les références citées). La Cour
européenne des droits de l'homme a, dans une affaire concernant le Procureur
de district zurichois, jugé que l'art. 5 par. 3 CEDH était respecté dès lors
que la séparation personnelle des fonctions d'autorité ordonnant la
détention, d'une part, et de celle d'autorité de poursuite ou d'accusation,
d'autre part, était garantie (arrêt Schiesser c. Suisse, Série A, vol. 34,
par. 31, reproduit in: EuGRZ 1980 p. 201). Dans un cas concernant également
le Procureur de district zurichois, la Cour a constaté une violation de
l'art. 5 par. 3 CEDH, les deux fonctions ayant été cumulées en l'occurrence
(arrêt Jutta Huber c. Suisse, du 23 octobre 1990, Série A, vol. 188,
par.42ss, reproduit in: EuGRZ 1990 p. 502). L'élément déterminant pour
apprécier l'indépendance du magistrat qui ordonne la détention est
l'apparence, telle qu'elle peut être considérée objectivement au moment de la
mise en détention; l'autorité ne peut plus être tenue pour indépendante dès
qu'il existe la possibilité, sur le vu des dispositions de procédure
applicables, que le juge appelé à statuer sur la détention puisse être appelé
ultérieurement à soutenir l'accusation (arrêt Brincat c. Italie, du 26
novembre 1992, Série A, vol. 249-A, reproduit in: EuGRZ 1993, p. 389; H.B. c.
Suisse, du 5 avril 2001, par. 55, 57, 62, reproduit in: JAAC 65/2001 n° 120
p. 1292; Huber c. Suisse, précité, par. 40; cf.également ATF 118 Ia 95
consid. 3a p. 97; 117 Ia 199 consid. 4b p.201).
La portée de cette jurisprudence, développée initialement à propos du cumul
de fonctions exercées par le Ministère public cantonal (ATF 124I 274; 118 Ia
95; 117 Ia 199), a été étendue au cas où le juge d'instruction ordonne la
détention et que sa décision de clôture de la procédure peut, le cas échéant,
servir d'acte d'accusation (ATF 131I36, 66 consid. 4.6.2, se référant à
l'arrêt H. B. c. Suisse, précité). A cet égard, le Juge d'instruction fédéral
remplit les exigences d'indépendance requises par la Constitution et la
Convention (ATF 131I 66).

1.3 Sur le vu de cette jurisprudence - dont il n'y a pas de motifs de se
départir - le système de la PPF crée une difficulté au regard des art.31 al.
3 Cst. et 5 par. 3 CEDH, dès lors qu'il est possible que le même Procureur
fédéral, dans la même affaire, rejette la demande de libération provisoire,
puis soutienne l'accusation devant le juge du fond.
Le Tribunal pénal fédéral estime pour sa part que le contrôle judiciaire du
refus de mise en liberté, prévu par l'art. 52 al. 2 PPF, satisferait aux
exigences de l'art. 5 par. 4 CEDH (cf. ATF 120 IV 342). Quoi qu'il en soit,
cela ne signifie pas pour autant que la procédure suivie en l'espèce soit
conforme aux art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH, qui visent l'autorité qui
ordonne la détention. En second lieu - mais sans que ses motifs soient
limpides sur ce point - l'arrêt attaqué semble distinguer le contrôle initial
de la détention préventive selon l'art. 47 al. 2 PPF et le rejet de la
demande de mise en liberté ultérieure, selon l'art. 52 al. 2 PPF. Or, cette
différence porte uniquement sur l'aménagement du contrôle judiciaire de la
mise en détention et non pas - comme en l'occurrence - sur les garanties
d'indépendance de l'autorité compétente pour ordonner la détention. De ce
point de vue, il est indifférent que cette autorité statue sur
l'incarcération initiale (art. 47 PPF) ou sur la levée de celle-ci (art. 52
PPF). Ni la Constitution, ni la CEDH ne font de distinction à cet égard,
s'agissant des garanties qu'elles offrent au détenu.

1.4 Pour que le système de la PPF se concilie avec le droit supérieur,
l'autorité qui statue sur la demande de libération provisoire dans la phase
des recherches préliminaires ne doit pas être la même que celle qui dresse
l'acte d'accusation et remplit le rôle de l'accusateur public dans le procès
au fond. Une première solution pourrait consister à désigner, au sein du
Ministère public, un Procureur fédéral exclusivement chargé de la détention.
La séparation personnelle de cette fonction avec celle de l'investigation et
de l'accusation serait ainsi garantie. Cette solution présente toutefois
l'inconvénient que si les deux fonctions sont cumulées au sein du Ministère
public, l'apparence d'indépendance n'est pas garantie dans la mesure où les
Procureurs fédéraux sont soumis à l'autorité du Procureur général de la
Confédération, dont ils reçoivent les instructions. Une deuxième solution dès
lors s'impose, consistant à ce que le Procureur fédéral, lorsqu'il envisage
de rejeter la demande de libération provisoire selon l'art. 52 al. 1 PPF,
transmette la cause pour décision, avec son préavis, au Juge d'instruction
fédéral. Ce magistrat présente en effet toutes les garanties d'indépendance
requises par les art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH pour statuer sur ce
point. Sa compétence dans la matière, déjà acquise pour ce qui est de
l'instruction préparatoire (art.47 al. 2 PPF), doit ainsi être étendue à la
phase de l'enquête préliminaire.

1.5 Les garanties offertes par la Constitution et la Convention n'ont pas été
respectées en l'occurrence et le défaut constaté n'est pas remédiable devant
le Tribunal fédéral. Le recours doit être admis sur ce point, sans qu'il soit
nécessaire de statuer sur les autres griefs soulevés par le recourant. Il se
justifie dès lors, dans le sens d'une interprétation des dispositions de la
PPF conforme au droit supérieur, d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la
cause au Juge d'instruction fédéral, comme objet de sa compétence, afin qu'il
statue dans le meilleur délai sur la demande de mise en liberté présentée par
le recourant. Dans l'intervalle, la détention préventive du recourant sera
maintenue. Le présent arrêt se substituera, comme titre provisoire de
détention, à la décision du 24 mai 2005, et cela jusqu'à ce que le Juge
d'instruction fédéral statue.

2.
Il est statué sans frais. Le Ministère public de la Confédération versera au
recourant une indemnité à titre de dépens (art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis partiellement et l'arrêt attaqué annulé.

2.
La demande de libération immédiate est rejetée.

3.
La cause est transmise au Juge d'instruction fédéral comme objet de sa
compétence.

4.
Il est statué sans frais.

5.
Le Ministère public de la Confédération versera au recourant une indemnité de
2'000 fr. à titre de dépens.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Ministère public de la Confédération et au Tribunal pénal fédéral, Cour des
plaintes.

Lausanne, le 14 septembre 2005

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1S.25/2005
Date de la décision : 14/09/2005
1re cour de droit public

Analyses

Art. 31 al. 3 Cst.; art. 5 par. 3 CEDH; art. 47 et 52 PPF; cumul, par leMinistère public fédéral, des fonctions d'autorité qui statue sur la demandede libération provisoire et soutient l'accusation au fond. Système de la PPF quant à la répartition des compétences pour décider dela détention préventive et de la levée de celle-ci (consid. 1.1). Droit du détenu à ce que la décision relative à la détention et à la levéede celle-ci soit prise par une autorité indépendante, notamment del'accusation (rappel de la jurisprudence; consid. 1.2). L'art. 52 al. 1 PPF peut être interprété dans un sens conforme aux art. 31al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH. Il faut pour cela que l'autorité statuant surla demande de libération provisoire ne soit pas la même que celle quisoutient l'accusation au fond. Lorsque le Ministère public entend s'opposerà la demande de libération provisoire, il doit transmettre l'affaire au Juged'instruction fédéral pour décision (consid. 1.3 et 1.4). Dans l'intervalle, la détention est maintenue par l'effet de l'arrêt duTribunal fédéral (consid. 1.5).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2005-09-14;1s.25.2005 ?
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