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13/09/2005 | SUISSE | N°4C.422/2004

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 septembre 2005, 4C.422/2004


{T 0/2}
4C.422/2004 /fzc

Séance du 13 septembre 2005
Ire Cour civile

MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Rottenberg Liatowitsch, Nyffeler,
Favre et Kiss.
Greffier: M. Ramelet.

1. Syndicat X.________,

2. A.________,

3. B.________,

4. C.________,

5. D.________,
défendeurs et recourants principaux,
tous représentés par Me Christian Bacon, avocat,

contre

Y.________ SA,
demanderesse et recourante par voie de jonction, représentée par Me Yves
Burnand, avocat.

licéité des moyens de co

mbat dans les conflits collectifs du travail;
causalité,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal
cantonal ...

{T 0/2}
4C.422/2004 /fzc

Séance du 13 septembre 2005
Ire Cour civile

MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Rottenberg Liatowitsch, Nyffeler,
Favre et Kiss.
Greffier: M. Ramelet.

1. Syndicat X.________,

2. A.________,

3. B.________,

4. C.________,

5. D.________,
défendeurs et recourants principaux,
tous représentés par Me Christian Bacon, avocat,

contre

Y.________ SA,
demanderesse et recourante par voie de jonction, représentée par Me Yves
Burnand, avocat.

licéité des moyens de combat dans les conflits collectifs du travail;
causalité,

recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal
cantonal vaudois du 8 octobre 2004.

Faits:

A.
A.a La société Y.________ SA (la demanderesse ou Y.________), qui fait partie
du groupe de l'industrie graphique Z.________ SA (ci-après: Z.________), a
pour but l'exécution de travaux se rapportant aux arts graphiques, à
l'édition et à la publicité. Y.________ était membre de l'association
patronale de l'industrie graphique F._______.

Le Syndicat X.________ (ci-après: X.________ ou défenderesse n°1), dont le
siège est à R.________, est un syndicat géré sous la forme d'une société
coopérative, laquelle est organisée en secteurs et régions. A.________ et
B.________ (défendeurs n° 2 et n° 3) sont membres du secrétariat central de
X.________ à R.________, alors que C.________ et D.________ (défendeurs n° 4
et n°5) occupent la même fonction au secrétariat régional de Q.________. Les
défendeurs n° 2 à n° 5 sont liés à la défenderesse n° 1 par contrats de
travail.

X. ________ est signataire avec F._______ d'une convention collective de
travail (CCT), qui est entrée en vigueur le 1er avril 2000. Cette CCT était
conclue jusqu'au 30 avril 2004.

A.b Par lettre du 15 mai 2000, Y.________ a fait savoir à F._______ qu'elle
démissionnait de l'association patronale, avec effet au 31 décembre 2000. Cet
acte a suscité la réaction de X.________, qui a tenté d'amener la
demanderesse à signer un nouveau contrat collectif. La défenderesse n° 1 a
ainsi publié de nombreux articles dans son journal "G.________", distribué
des tracts au personnel de Y.________ et fait signer en octobre 2000 une
pétition de 93 signatures qui a été remise à un notaire vaudois.

En novembre 2000, la demanderesse a avisé son personnel que la direction
n'entendait pas donner suite aux démarches de X.________. Y.________ s'est en
particulier plainte que les documents émis par la défenderesse n° 1
comportaient des allégations mensongères visant à faire pression et intimider
aussi bien le personnel que la direction de l'entreprise, de sorte que cette
dernière se réservait de réagir par voie légale.

Le 20 décembre 2000, le président du conseil d'administration du groupe
Z.________ a rencontré des représentants de X.________. Aucun accord n'a pu
être trouvé.

Le 29 janvier 2001, la commission d'entreprise de Y.________ a écrit à la
défenderesse n° 1 que ses membres, "à l'unanimité, désir(aient) ne plus être
interpellés de manière personnelle ou avoir des contacts répétés avec le
syndicat, concernant (ladite) commission et les affaires considérées comme
internes aux Y.________".

Le 30 janvier 2001, le groupe Z.________ a informé X.________ qu'il ne
reviendrait pas sur sa décision de retrait de l'association F._______.

Le 27 février 2002, les quotidiens "M.________" et "N.________" ont publié
les déclarations suivantes de Y.________:

"Rien ne prouve que les signataires de la pétition, transmise anonymement par
un notaire, soient bien des employés du groupe ... ... Au syndicat du livre
et du papier, nous avions en face de nous des professionnels avec lesquels
nous pouvions dialoguer. X.________ n'est qu'un parti politique qui ne défend
pas les travailleurs. Au contraire, ils sont même intervenus auprès de
certains de nos clients pour enlever du travail".

Considérant ces propos comme une provocation intolérable de la part de
Y.________, X.________, par l'entremise des défendeurs n° 2 à 5, a décidé
d'organiser le soir du 18 mars 2001 une manifestation non autorisée devant
les locaux de la demanderesse, laquelle consistait à empêcher les employés de
celle-ci d'imprimer le numéro à tirage augmenté du quotidien S.________ du 19
mars 2001.

A.c Les événements de la soirée du dimanche 18 mars 2001 ont fait l'objet
d'un rapport de la police municipale de Q.________, établi le 28mars 2001.
Ils ont également été filmés en vidéo.

Il résulte de ce rapport, de l'enregistrement vidéo et de l'audition des
témoins que, dès 17 h 30, une quinzaine de membres et sympathisants de
X.________ - dont faisaient partie A.________, C.________ et D.________ - ont
bloqué les différents accès de Y.________. Les manifestants, qui portaient
tous des chasubles en papier portant l'inscription "Touche pas à mon contrat
collectif", ont apposé deux banderoles sur la façade sud du bâtiment. Une
première patrouille de police a été dépêchée sur les lieux.

Vers 19 h, environ 60 personnes, dont un cameraman de la Télévision Suisse
Romande, se trouvaient sur les lieux. Une tente a été dressée, où se
trouvaient à disposition de la nourriture, des boissons alcoolisées et du
café. Durant cette phase de la manifestation, l'atmosphère était
décontractée. Lorsque les premiers employés de Y.________ se sont présentés
sur leur lieu de travail, les défendeurs n° 2, n° 4 et n° 5 leur ont expliqué
la nature de l'action. Gardant une attitude neutre, les employés se sont
alors retirés dans un établissement public voisin.

Des négociations ont été entreprises vainement entre les défendeurs n° 2, n°
4 et n° 5, le directeur de Y.________ et le directeur du quotidien
S.________. Vers 20 h 45, le Syndic d'alors de la ville de Q.________,
V.________, accompagné de l'ancien Directeur de la sécurité publique et des
affaires sportives W.________, sont arrivés sur les lieux pour faire oeuvre
de médiateurs. Sans résultat, si bien que l'autorité politique, par
l'entremise de ces deux magistrats, a décidé l'évacuation forcée des
manifestants. Un détachement de 16 policiers est ainsi entré en action vers
22 h 20. Les manifestants ont tenté de résister en formant une chaîne humaine
devant la porte n° 2 de l'entreprise. Il s'en est suivi quelques
échauffourées entre forces de l'ordre et manifestants, dont plusieurs sont
tombés au sol. Dans la mêlée, un manifestant a reçu un coup au niveau de
l'abdomen. Le système de fermeture de la porte d'entrée du bâtiment a été
brisé.

Une brèche a néanmoins pu être ouverte et l'accès aux locaux de la
demanderesse a été assuré au personnel ouvrier. Aux alentours de 23h., les
manifestants se sont progressivement rassemblés devant la porte n° 2 pour
empêcher toute personne de sortir du bâtiment. Ils ont été rejoints par
plusieurs personnes du milieu alternatif lausannois, qui ont adopté un
comportement agressif.

Comme les premiers sacs de journaux étaient prêts à être livrés, une
stratégie a été mise en place par la police, désormais assistée par des
agents de la société I.________, laquelle avait été mandatée par Y.________
pendant la soirée du jour en question pour les raisons qui seront indiquées
ci-dessous. Elle consistait à créer une diversion sur l'une des entrées
extérieures sud de l'immeuble, pendant que d'autres policiers se déplaçaient
au nord pour réduire une barricade formée de containers et de pavés. Les
ouvriers de Y.________ ont pu sortir les sacs par cette issue, vers 1 h du
matin le 19 mars 2001, en les posant dans larue, où un taxi commandé par
l'entreprise devait les prendre en charge. Alertés toutefois par des
guetteurs, les manifestants, dont certains étaient sous l'influence de
l'alcool, se sont déplacés en masse. Des bagarres assez violentes ont éclaté
entre ces derniers et les forces de l'ordre. Quelques personnes se sont
retrouvées au sol. Des vitres situées au sud du bâtiment ont été brisées par
des jets d'objets.

Vers 1 h 20, les opposants du milieu autogéré, ainsi qu'une dizaine de
syndicalistes, ont quitté les lieux. Dix minutes plus tard, un camion de
livraison est arrivé à la rue H.________ pour prendre livraison d'un stock
plus important de journaux. A ce moment, les manifestants qui restaient ont
tenté d'empêcher le déroulement de cette opération, ce qui a provoqué de
vives algarades et de nombreuses bousculades. Certains des participants se
sont couchés devant le camion, alors que d'autres ont tenté de frapper le
chauffeur. Les policiers, faisant usage de la force, ont permis au véhicule
de repartir avec son chargement. Certains ouvriers de Y.________ en sont
venus aux mains avec les syndicalistes. Après que le Directeur W.________ se
fut derechef rendu sur place, les manifestants se sont finalement retirés.

A 2h. du matin, un nouveau camion a pris le reste du chargement de journaux.
Un inconnu a toutefois crevé un pneu du véhicule. Aucun incident ne s'est
déroulé par la suite.

Il n'a été procédé à aucune interpellation au cours de cette soirée, laquelle
a nécessité l'engagement d'un effectif de 39 policiers.

A.d Il a été constaté qu'aucun des membres et sympathisants de X.________
présents lors de la manifestation précitée ne faisait partie du personnel de
Y.________.

A.e Le responsable des opérations de police a déclaré le soir du 18mars 2001
que les forces de l'ordre n'interviendraient plus en cas de nouveau conflit
du travail chez Y.________ et que celle-ci devait à l'avenir assurer sa
sécurité par le truchement d'une société privée. C'est ainsi que la
demanderesse a donné mandat à la société I.________ pour surveiller les
alentours de l'entreprise. I.________ a établi une première facture d'un
montant de 7'929 fr. 10 pour le contrôle effectué aux portes d'accès de
Y.________ entre le 18 et le 20 mars 2001.

La distribution du journal S.________ a été perturbée le 19 mars 2001, tous
les journaux n'ayant pu être livrés en temps utile. Par convention du
8novembre 2001, l'éditeur de ce journal et la demanderesse sont convenus
d'arrêter à 12'500 fr. le préjudice subi, pour solde de tout compte et
prétention.

A.f Le 19 mars 2001, X.________ a saisi l'Office cantonal de conciliation en
cas de conflit collectif. Lors d'un vote à bulletins secrets organisé en
automne 2002 sous l'égide de cet office, les employés de Y.________ ont
choisi d'adopter un contrat-cadre plutôt que d'adhérer à la CCT dont est
signataire F._______.

Par lettre du 23 mars 2001 adressée à la défenderesse n°1 ainsi qu'à
V.________ et W.________, la commission d'entreprise de la demanderesse a
expliqué que la démission de celle-ci de F._______ avait suscité la réaction
des représentants du personnel. Comme la direction garantissait l'application
des clauses du contrat collectif individuellement, le personnel, consulté à
ce sujet, avait accepté majoritairement les propositions de la direction.

A.g A la suite des événements du 18 mars 2001, le Premier Juge d'instruction
de l'arrondissement de Lausanne a ouvert d'office une enquête pénale.

Entendu le 26 avril 2001 par le magistrat instructeur, C.________ a déclaré
que les défendeurs ayant participé à l'action menée devant les portes de la
demanderesse s'étaient rendus coupables de contrainte. Il a en outre admis
que les manifestants initiaux avaient été débordés au cours de la soirée
lorsqu'ils avaient été rejoints par des squatters lausannois. Les défendeurs
n° 2 à n° 5 ont été inculpés notamment de contrainte (art. 181 CP).

A.h Dans plusieurs parutions de son journal "G.________", X.________ a fait
savoir qu'elle "n'abandonnerait pas le combat pour la CCT" ou encore que "le
combat pour la CCT et pour le respect des droits des salarié/e/s continue".

Le 17 mai 2001, X.________ a perturbé la cérémonie de remise des clés de la
capitale olympique (i.e. Lausanne) à l'ancien président du Comité
International Olympique (CIO) T.________, au motif que l'avocat E.________,
alors directeur du CIO, est président de Y.________.
Au vu des retombées de la manifestation du 18 mars 2001, I.________ a été
chargée par la demanderesse de contrôler l'accès aux portes sud et nord du
bâtiment. Cette surveillance, qui s'est exercée de moins enmoins
intensivement entre le 21 mars et le 31 juillet 2001, a donné lieu à
l'établissement de cinq factures représentant un total de 39'401fr. 40.

B.
Par demande du 13 novembre 2001 fondée sur l'art. 41 CO, Y.________ a ouvert
action contre X.________, A.________, B.________, C.________ et D.________,
concluant à ce que les défendeurs, solidairement entre eux, subsidiairement
chacun pour le montant que justice dira, soient déclarés ses débiteurs du
montant de 63'090 fr. 10, avec intérêts à 5% dès la date de la demande. La
demanderesse réclamait le remboursement de l'indemnité octroyée à l'éditeur
du journal S.________, le paiement des vitres brisées, du remplacement du
système de fermeture de la porte d'entrée et de la réparation dupneu crevé,
le coût des heures supplémentaires effectuées par 13employés de Y.________
et le règlement des factures de I.________ pour la surveillance exercée du 18
mars au 31 juillet 2001.

Les défendeurs ont conclu à libération.

Il ressort d'un arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois
du 16 janvier 2002, réformant un jugement du Tribunal de Prud'hommes de
Lausanne du 1er octobre 2001, que Y.________ a violé l'art.8 de la loi
fédérale du 17 décembre 1993 sur l'information et la consultation des
travailleurs dans les entreprises par le fait que son directeur et son
directeur adjoint avaient participé jusqu'au 2 avril 2001 à la commission
d'entreprise.

La procédure pénale diligentée contre les défendeurs n° 2 à n° 5 a été
suspendue jusqu'à droit connu sur l'action aquilienne intentée par la
demanderesse.

Par jugement du 3 avril 2003, le Tribunal civil de l'arrondissement de
Lausanne a admis partiellement les conclusions de la demanderesse en ce sens
que les défendeurs n° 1 à n° 5 ont été condamnés solidairement à payer à
cette dernière la somme de 21'858 fr. 15 plus intérêts à 5 % dès le 14
novembre 2001. Le Tribunal civil a admis que l'action entreprise par les
défendeurs le 18 mars 2001 était illicite, que ces derniers ont agi
intentionnellement et qu'ils étaient solidairement
responsables envers la
demanderesse en application des art. 50 al. 1 et 143 al. 2 CO. Les premiers
juges ont reconnu que la manifestation du 18 mars 2001 était la cause
naturelle et adéquate du paiement de l'indemnité due à S.________, par 12'500
fr., de la réparation des vitres brisées, par 512 fr. 20, du pneu crevé, par
464 fr. 85, et du système de fermeture de la porte principale, par 452 fr.
ainsi que de la facture de I.________ pour les contrôles opérés entre le 18
et 20 mars 2001, par 7'929 fr. 10. Ils ont en revanche retenu, pour les
factures subséquentes de I.________, que le rapport de causalité adéquate
avait été rompu par la déclaration émanant de la police le soir de la
manifestation de ne plus intervenir si un nouveau conflit syndical devait
survenir chez Y.________. Enfin, le tribunal a considéré que le nombre
d'heures supplémentaires effectuées pour imprimer le quotidien S.________ du
19 mars 2001 n'avait pas été prouvé.

Statuant sur les recours formés et par la demanderesse et par les défendeurs
n° 1 à n° 5, la Chambre des recours, par arrêt du 8 octobre 2004, a confirmé
le jugement précité.

C.
Les défendeurs n° 1 à n° 5 exercent un recours en réforme au Tribunal fédéral
contre l'arrêt cantonal. Ils requièrent que la demanderesse soit entièrement
déboutée de ses conclusions.

Y. ________ propose le rejet du recours. Elle forme également un recours
joint et conclut à ce que les défendeurs n° 1 à n° 5, solidairement entre
eux, subsidiairement chacun pour le montant que justice dira, soient déclarés
ses débiteurs du montant de 61'259 fr. 55 avec intérêts à 5% dès la date de
la demande. La recourante par voie de jonction agit pour se voir rembourser
par les défendeurs la totalité des factures émises par I.________, ce qui
représente un total de 47'330 fr. 50, et non pas seulement la première de ces
notes comme l'a retenu le Tribunal d'arrondissement, suivi par la Chambres
des recours.

Les recourants principaux concluent au rejet du recours joint.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté par les parties défenderesses qui ont succombé dans leurs
conclusions libératoires et dirigé contre un arrêt final rendu en dernière
instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une
contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr.
(art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a
été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art.
55 OJ), à l'instar du recours joint (art. 59 al. 3 OJ).
Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al.
1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'un
droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du
droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son
raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision
attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les
constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte
de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64
OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Dans la mesure où une
partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans
la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des
exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir
compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2, 136 consid. 1.4). Il ne peut être
présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens
de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours n'est pas ouvert
pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait
qui en découlent (ATF 130 III 102 consid. 2.2 in fine, 136 consid. 1.4;
129III 618 consid. 3).
Le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties -
qui ne peuvent en prendre de nouvelles: art. 55 al. 1 let. b OJ- , mais il
n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al.1 OJ), ni par
l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ;
ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 22 consid. 2e/cc in fine). Le Tribunal
fédéral peut notamment rejeter un recours en opérant une substitution de
motifs, c'est-à-dire en adoptant une autre argumentation juridique que celle
posée par la cour cantonale (ATF 130 III 136 consid. 1.4 in fine).

2.
Selon l'arrêt attaqué, les dispositions des Conventions n° 98 et n° 154 de
l'Organisation internationale du travail (OIT) auxquelles se sont référés les
syndicalistes ne sont pas d'application directe, de sorte que ces derniers ne
peuvent pas s'en prévaloir devant les juridictions suisses. A propos de
l'approche moniste invoquée par les défendeurs, la cour cantonale a retenu
que ceux-ci n'avaient pas indiqué les normes de l'ordre interne qui seraient
en contradiction avec les dispositions des Conventions OIT en cause.

Passant à l'examen de la licéité de l'action menée le 18 mars 2001, les
magistrats vaudois ont jugé qu'était sans pertinence sur le sort du litige la
circonstance que les défendeurs ignoraient la jurisprudence, selon laquelle
les effets normatifs d'une convention collective de durée déterminée
s'appliquent, jusqu'à son expiration, à tous les employeurs et travailleurs
liés par elle lors de sa conclusion, même s'ils quittent leur organisation
dans l'intervalle. En effet, la loi vaudoise sur la prévention et le
règlement des conflits collectifs du 15 décembre 1942, en vigueur à l'époque
déterminante, imposait aux défendeurs de saisir l'office de conciliation ou
d'arbitrage avant toute mesure coercitive. Or les codéfendeurs, en
déclenchant l'action du 18 mars 2001 avant d'avoir saisi cette instance, ont
commis un acte illicite, dès l'instant où il n'a pas été établi que cette
démarche aurait été vaine. La manifestation du jour en question ne respectait
du reste pas le principe de la proportionnalité posé par la jurisprudence en
matière de grève et de boycott.

L'autorité cantonale a adopté les considérations du Tribunal d'arrondissement
relatives à la faute commise par les défendeurs, à leur responsabilité
solidaire ainsi qu'à la relation de causalité adéquate entre l'acte illicite
et tous les postes de dommage dont l'existence a été prouvée en première
instance. Pour finir, les juges cantonaux ont admis qu'il y avait bien une
relation de causalité naturelle et adéquate entre l'acte illicite des
défendeurs et le fait que la demanderesse avait dû recourir aux services de
I.________ entre le 20 mars et le 31 juillet 2001 pour un coût total de
39'401 fr. 40, mais que le lien de causalité adéquate avait été interrompu
par la déclaration de la police, approuvée par l'autorité politique, de ne
plus intervenir manu militari dans ce conflit syndical.

3.
A l'appui de leur premier moyen, les recourants principaux soutiennent que
les magistrats vaudois ont violé le droit fédéral pour avoir méconnu la
portée de deux accords internationaux faisant partie intégrante du droit
fédéral. Ils invoquent deux Conventions de l'OIT, singulièrement l'art. 2 de
la Convention n° 98 et l'art. 3 par. 2 de la Convention n° 154. Se ralliant à
l'avis de la Chambre des recours, qui est arrivée à la conclusion que les
dispositions de ces accords ne sont pas d'application directe (non
self-executing), les défendeurs déclarent que cette instance a fait fausse
route en en déduisant qu'ils ne pouvaient pas se prévaloir de ces conventions
internationales devant les juridictions suisses. Ils prétendent que la notion
d'applicabilité directe d'une norme internationale ne doit pas être confondue
avec le respect, par l'ordre étatique suisse, des convention internationales
ratifiées. Or, dans la conception moniste qui prévaut en Suisse, la règle
internationale, dès qu'elle a acquis force obligatoire dans l'ordre juridique
interne par un acte parlementaire d'approbation, devient une règle
obligatoire pour les autorités judiciaires helvétiques. S'il y a conflit avec
une norme interne, poursuivent les recourants principaux, l'approche moniste
favorise le principe de la primauté du droit international. Dès lors, comme
les Conventions OIT précitées font partie de l'ordre juridique interne, les
défendeurs sont fondés à s'en prévaloir. Ce ne serait qu'au niveau de la
sanction de la violation de ces normes qu'existerait une différence de
traitement entre celles qui ont un effet direct et celles qui en sont
dépourvues.

Enfin, à suivre les recourants principaux, la pertinence des dispositions
conventionnelles invoquées ne ferait pas l'ombre d'un doute. Ceux-ci
dénoncent en effet l'attitude de la demanderesse, qui a commis des actes
d'ingérence à l'égard de l'organisation de travailleurs que constitue la
défenderesse n° 1, actes contre lesquels l'art. 2 de la Convention OIT n° 98
assure une protection adéquate. Quant à l'art. 3 de la Convention OIT n° 154,
qui cherche à donner corps à la négociation collective, il s'applique
manifestement in casu, du moment que la recourante par voie de jonction,
après avoir noyauté la commission d'entreprise, a oeuvré sciemment pour
affaiblir la défenderesse n° 1, tout d'abord en démissionnant de
l'association patronale, puis en faisant en sorte qu'un contrat-cadre se
substitue à la convention collective de travail en vigueur jusque-là.

3.1 L'étude de l'exposé du grief amène le Tribunal fédéral à préciser
préalablement certains concepts.

3.1.1 Deux théories s'opposent au sujet de la relation entre le droit
international public et le droit interne (cf. à ce sujet not. Nicolas Michel,
l'imprégnation du droit étatique par l'ordre juridique international, in
Daniel Thürer/Jean-François Aubert/Jörg Paul Müller, Droit constitutionnel
suisse, Zurich 2001, § 4, ch. 9 à 14, p. 66/67; Georges J. Perrin, Droit
international public, Zurich 1999, p. 809/810, qui critique plus loin, en p.
839 à 841, cette dichotomie pour son schématisme).

Selon l'approche dualiste, adoptée en particulier par le Royaume-Uni, les
pays scandinaves et l'Italie, le droit international et le droit interne sont
deux ordres juridiques séparés, qui se distinguent par leurs sources, les
rapports sociaux qu'ils régissent et les matières sur lesquelles ils portent.
Partant, pour qu'une règle conventionnelle internationale acquière force
obligatoire dans l'ordre juridique interne, il faut une procédure de
réception, de nature législative, qui transforme la norme internationale en
une règle de droit interne.

Selon la conception moniste, privilégiée notamment en France, en Belgique et
aux Etats-Unis d'Amérique, l'ordre juridique international et l'ordre
juridique interne forment un seul système cohérent. La règle internationale
est reçue dans l'ordre interne à la suite d'un acte parlementaire
d'approbation, sans qu'elle ait à subir de transformation. Aussi, le
particulier, lorsque les conditions de l'applicabilité directe sont réunies,
peut-il invoquer cette règle en tant que telle devant les organes
juridictionnels du for.

L'école moniste avec primauté du droit international - qui est désormais le
courant dominant du monisme - est suivie, entre autres Etats, par la Suisse
(ATF 130 I 312 consid. 4.1 in fine; Nicolas Michel, op. cit., §4, ch. 15/16,
p. 67; Olivier Jacot-Guillardmod, L'applicabilité directe des traités
internationaux en Suisse: histoire d'un détour inutile, Annuaire suisse de
droit international, Volume anniversaire 45 (1989), p. 131).

3.1.2 Il convient de bien distinguer la question de la validité immédiate du
traité international de celle du caractère directement applicable de ses
dispositions (cf. Benedetto Conforti, Cours général de droit international
public, in Recueil des cours/Académie de droit international de La Haye, tome
212 (1988), V, p. 40 à 48; Christophe Wilhelm, Introduction et force
obligatoire des traités internationaux dans l'ordre juridique suisse, thèse
Lausanne 1992, p. 85 à 87).

D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, les traités internationaux
(Staatsverträge) - à l'exclusion des actes qui, selon la volonté des parties,
ne déploient aucun effet contraignant en droit des gens (ATF 124 II 293
consid. 4b p. 308) - valablement conclus par les autorités fédérales lient la
Suisse dès l'échange des instruments de ratification. Ils acquièrent alors
validité immédiate dans l'ordre juridique suisse ets'incorporent au droit
fédéral (ATF 130 I 312 ibidem; 124 II 493 consid.4b p. 307 in fine; 112 Ib
183 consid. 2a et les références jurisprudentielles et doctrinales). Il suit
de là que sont immédiatement valables en droit suisse tant les dispositions
conventionnelles de ces traités qui sont directement applicables
(self-executing) que celles qui ne le sont pas (non self-executing) (Wilhelm,
op. cit., p. 86).
Le problème de l'applicabilité directe d'une norme conventionnelle
internationale, qui concerne le contenu de l'accord, apparaît lors de
l'interprétation et de l'application de ce dernier in concreto. Il convient
de se demander si l'accord ou certaines de ses dispositions sont directement
applicables par les opérateurs juridiques internes, à telle enseigne que
quiconque y a intérêt peut les invoquer à l'intérieur d'un Etat contractant
ou bien si une activité d'intégration dans le droit interne doit être
déployée de la part des organes nationaux (Conforti, op. cit., p. 40 à 41).

Les particuliers sont autorisés à invoquer en justice les dispositions d'un
traité international lorsqu'elles sont directement applicables
(self-executing), ce qui suppose qu'elles aient un contenu suffisamment clair
et précis pour servir de fondement à un jugement dans une cause déterminée.
Tel n'est pas le cas d'une disposition qui énonce un programme ou bien fixe
les lignes directrices qui s'adressent au législateur et non aux autorités
administratives et judiciaires. Il en va de même des normes qui se bornent à
esquisser la réglementation d'une matière ou qui confèrent à l'Etat
contractant un pouvoir d'appréciation considérable (ATF 126 I 240 consid. 2b;
125 III 277 consid.2d/aa; 124 II 293 consid. 4b p. 308
et les arrêts cités).

3.2
3.2.1Les recourants principaux se prévalent de l'art. 2 de la Convention OIT
n° 98 du 1er juillet 1949 concernant l'application des principes du droit
d'organisation et de négociation collective (RS 0.822.719.9) et de l'art. 3
par. 2 de la Convention OIT n° 154 du 19juin 1981 concernant la promotion de
la négociation collective (RS 0.822.725.4), normes qui sont entrées en
vigueur pour la Suisse respectivement les 17 août 2000 et 16 novembre 1984.
Il y a donc lieu de se prononcer sur l'applicabilité directe des deux traités
pris dans leur ensemble, puis de chacune des deux dispositions
conventionnelles invoquées (méthode suivie dans les ATF 111 V 201 et 106 Ib
182).
S'agissant de l'interprétation des accords internationaux, la Convention de
Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités (RS 0.111) pose des principes
directeurs, qui sont relativement semblables aux méthodes d'interprétation
valant pour les normes générales et abstraites que la jurisprudence fédérale
a consacrées (ATF 130 I 312 consid. 4.1 in fine; 130 II 113 consid. 6.1 in
fine et la référence doctrinale; à propos de l'interprétation des lois en
Suisse, cf. ATF 131 III 61 consid.2.2.; 128 III 113 consid. 2a). Ainsi,
l'art. 31 par. 1 de cette Convention prescrit que le traité doit être
interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du
traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. Quant à
l'art. 32 par. 1 in initio, il précise qu'il peut être fait appel à des
moyens complémentaires d'interprétation, et notamment aux travaux
préparatoires, en vue soit de confirmer le sens résultant de l'application de
l'art. 31, soit de déterminer le sens lorsque l'interprétation donnée
conformément à cette disposition laisse en particulier le sens ambigu ou
obscur.

3.2.2
3.2.2.1Les buts généraux de la Convention OIT n° 98 concernant l'application
des principes du droit d'organisation et de négociation collective sont les
suivants: il s'agit d'assurer la protection de l'exercice du droit syndical
par les travailleurs à l'égard des employeurs et de protéger les
organisations de travailleurs et les organisations d'employeurs, non contre
des mesures prises par l'Etat, mais contre les atteintes des unes dirigées
contres les autres; la Convention tend également à promouvoir la négociation
collective, dans le respect de l'autonomie des parties (Rapport du Conseil
fédéral sur la 32e session de la conférence internationale du travail, du 25
septembre 1950, FF1950 II p. 867; Message du Conseil fédéral relatif à la
Convention n°98 sur le droit d'organisation et de négociation collective, du
21septembre 1998, FF 1999 I p. 504 à 505).

Il appert d'emblée que ce traité n'énonce que des lignes directrices afin que
chaque Etat contractant donne un cadre institutionnel au dialogue social à
l'intérieur de ses frontières. L'art. 3 de ladite Convention dispose
d'ailleurs clairement que des organismes appropriés aux conditions nationales
doivent, si nécessaire, être institués pour assurer le respect du droit
d'organisation défini aux art. 1 et 2 du traité. Et l'art.4 de prescrire que
des mesures adaptées aux circonstances nationales devront être prises en vue
de promouvoir la négociation collective.

On voit donc que la Convention en cause n'est pas directement applicable (cf.
également Susanne Kuster Zürcher, Streik und Aussperrung - Vom Verbot zum
Recht, thèse Zurich 2004, p. 152 in fine).

3.2.2.2 A teneur de l'art. 2 de la Convention OIT n° 98, les organisations de
travailleurs et d'employeurs doivent bénéficier d'une protection adéquate
contre tous actes d'ingérence des unes à l'égard des autres, soit
directement, soit par leurs agents ou membres, dans leur formation, leur
fonctionnement et leur administration (par. 1). Sont notamment assimilées à
des actes d'ingérence au sens du présent article des mesures tendant à
provoquer la création d'organisations de travailleurs dominées par un
employeur ou une organisation d'employeurs, ou à soutenir des organisations
de travailleurs par des moyens financiers ou autrement, dans le dessein de
placer ces organisations sous le contrôle d'un employeur ou d'une
organisation d'employeurs (par. 2).

Il est exclu de considérer que cette norme, telle qu'elle est libellée, est
suffisamment précise pour constituer le fondement d'une décision judiciaire.
En effet, le premier paragraphe ne pose que le principe de la mise sur pied
d'une protection des partenaires sociaux contre des actes d'ingérence
réciproques, alors que le second paragraphe ne décrit que le catalogue - du
reste non exhaustif comme l'indique l'utilisation de l'adverbe "notamment" -
des actes qui sont pris en considération. A cela s'ajoute que les organes
mêmes de contrôle de l'OIT admettent que les gouvernements sont tenus
d'adopter des mesures spécifiques, notamment par voie législative, lorsque la
protection est insuffisante en droit interne ou lorsque des actes d'ingérence
sont perpétrés dans la pratique (FF 1999 I p. 508).

Il s'ensuit que l'art. 2 de la Convention susrappelée ne crée pas de droits
directement invocables par un particulier devant une autorité judiciaire ou
administrative.

3.2.3
3.2.3.1La Convention OIT n° 154 concernant la promotion de la négociation
collective vise à favoriser, dans toutes les branches de l'activité
économique, la négociation collective, volontaire et libre, entre un
employeur ou une ou plusieurs organisations d'employeurs et une ou plusieurs
organisations de travailleurs (Message du Conseil fédéral concernant la
Convention n° 154, du 24 novembre 1982, FF 1983 I p.31 et 32 ch. 221).

Cette Convention, considérée dans son ensemble, ne brosse que les
orientations générales d'un programme dont l'exécution incombe aux Etats qui
l'ont ratifiée (cf. FF 1983 I p. 33 in medio). Il est à cet égard déterminant
que l'art. 4 du traité décrit lui-même les diverses méthodes devant permettre
son application, à savoir les conventions collectives, les sentences
arbitrales ou toute autre voie conforme à la pratique nationale, à leur
défaut la législation nationale. Cela démontre avec éclat que la Convention
OIT n° 154 a besoin d'être concrétisée dans chaque Etat contractant par des
outils spécifiques, que cela soit le fait des partenaires sociaux, des
organes judiciaires, étatique ou privé, ou du législateur.

Il apparaît manifestement qu'une telle Convention n'est pas susceptible de
contenir des dispositions directement applicables dont pourraient se
prévaloir les particuliers.

3.2.3.2 D'après l'art. 3 par. 2 de la Convention OIT n° 154, lorsque,
enapplication du par. 1 de la même norme, le terme "négociation collective"
englobe également les négociations avec les représentants des travailleurs
visés dans ce paragraphe, des mesures appropriées devront être prises, chaque
fois qu'il y a lieu, pour garantir que la présence de ces représentants ne
puisse servir à affaiblir la situation des organisations de travailleurs
intéressées.

Le par. 1 de la norme se réfère, au sujet des représentants des travailleurs,
à la Convention OIT éponyme n° 135 adoptée à Genève le 23 juin 1971. Or la
Suisse n'a jamais ratifié cette convention. Il n'est donc nul besoin de
longues explications pour admettre que l'art. 3 par.2 susmentionné n'est pas
une disposition self-executing.

3.3 En conclusion, tant l'art. 2 de la Convention OIT n° 98 que l'art. 3 par.
2 de la Convention OIT n° 154 sont des dispositions qui ont été introduites
valablement dans l'ordre juridique suisse, dès l'instant où les deux
Conventions ont été ratifiées par la Suisse. Mais comme ces normes
conventionnelles internationales ne sont pas directement applicables, ainsi
qu'on vient de le voir, elles ne confèrent pas aux particuliers des droits
que ceux-ci peuvent invoquer devant les tribunaux helvétiques.
Le grief n'est pas fondé.

4.
Dans leur second moyen, les recourants principaux critiquent l'application
qui a été faite par la cour cantonale de l'art. 41 CO. Ils font valoir que
l'action syndicale qu'ils ont menée le 18 mars 2001, laquelle avait consisté
à bloquer momentanément l'accès de l'entreprise au personnel, était conforme
au droit et ne constituait pas un acte illicite engageant leur
responsabilité. Dès l'instant où la demanderesse avait remplacé le contrat
collectif alors en vigueur dans l'entreprise par un contrat-cadre qui
affaiblissait la position des travailleurs et qu'elle se refusait à reprendre
le dialogue en vue de la négociation d'une nouvelle convention collective,
les défendeurs soutiennent qu'ils étaient autorisés à recourir à un moyen
de combat.

A en croire les recourants principaux, les juges cantonaux auraient commis
une double erreur d'appréciation et violé, outre la norme précitée, l'art.
356 CO. Ces magistrats auraient dû tenir compte de la situation qui a régné
dans les mois précédant l'action litigieuse ainsi que de l'impasse dans
laquelle se trouvaient les défendeurs. De plus, ils auraient dû constater que
les manoeuvres de la demanderesse ont réellement abouti à l'affaiblissement
du syndicat et des travailleurs de l'entreprise. Les défendeurs, exposant que
l'arrêt entrepris a cautionné le démantèlement social, insistent sur le fait
qu'un contrat-cadre ne saurait remplacer valablement, en droit collectif
suisse du travail, une convention collective.

Ils allèguent encore que l'action du 18 mars 2001, dont les effets, en termes
économiques, étaient moindres que ceux d'une grève, était proportionnée dans
ses moyens, compte tenu du but visé. La manifestation serait licite au regard
des principes posés par le Tribunal fédéral quant à l'exercice du droit de
grève, si bien que la principale condition requise pour l'application de
l'art. 41 CO ferait défaut. Sous cet angle, le fait que les défendeurs
n'aient pas saisi l'office cantonal de conciliation avant de mener une action
de combat serait privé de toute pertinence.

In fine, les défendeurs soutiennent que les "menées" de la demanderesse ont
porté atteinte à leur personnalité, les prévisions de l'art. 28 CC étant
ainsi réunies.

4.1 Il convient d'examiner si la Chambre des recours a jugé à bon droit que
les défendeurs ont engagé leur responsabilité aquilienne en organisant, puis
conduisant, par l'entremise des défendeurs n° 2, n° 4 et n° 5, l'action du 18
mars 2001.

La responsabilité délictuelle instituée par l'art. 41 CO suppose que soient
réalisées cumulativement les quatre conditions suivantes: un acte illicite,
une faute de l'auteur, un dommage et un rapport de causalité (naturelle et
adéquate) entre l'acte fautif et le dommage (cf. not. Karl Oftinger/Emil W.
Stark, Schweizerisches Haftpflichtrecht, Allgemeiner Teil, vol. I, 5e éd., n.
102 ss, p. 44/45).

En l'espèce, les recourants principaux ne contestent plus avoir agi
intentionnellement en étant conscients d'exercer une contrainte sur la
demanderesse, ni que la manifestation du 18 mars 2001 est la cause naturelle
et adéquate du préjudice calculé par la cour cantonale. Il reste donc à
déterminer si l'action menée le jour en question était ou non illicite.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un acte est illicite s'il
enfreint un devoir légal général en portant atteinte soit à un droit absolu
du lésé (Erfolgsunrecht), soit à son patrimoine; dans ce dernier cas, la
norme violée doit avoir pour but de protéger le lésé dans les droits atteints
par l'acte incriminé (Verhaltensunrecht) (ATF 129 IV 322 consid. 2.2.2; 124
III 297 consid. 5b).

4.2 Il résulte de l'état de fait déterminant que les défendeurs n° 2 à n°5
ont été inculpés de contrainte au sens de l'art. 181 CP après les événements
du 18 mars 2001.

La procédure pénale ayant été toutefois suspendue jusqu'à droit connu sur la
présente action civile de la demanderesse, on ne peut rien tirerde cet
élément quant à l'illicéité de l'action entreprise par les défendeurs.

De toute manière, l'emploi d'un moyen de contrainte prévu par l'art.181 CP
ne signifie pas déjà que le recours à la contrainte soit illicite;
l'illicéité doit résulter de l'inadéquation entre les moyens employés et le
but poursuivi (ATF 122 IV 322 consid. 2a; Vera Delnon/Bernhard Rüdy,
Commentaire bâlois, 2003, n. 49 ad art. 181 CP; Bernard Corboz, Les
infractions en droit suisse, vol. I, n. 19 ss ad art. 181 CP).

4.3Avant toute chose, il y a lieu de définir l'action qui a été organisée par
tous les codéfendeurs, puis réalisée en particulier par les défendeurs n° 2,
n° 4 et n° 5 le soir du dimanche 18 mars 2001.

Il a été retenu définitivement (art. 63 al. 2 OJ) qu'aucun employé lié par
contrat de travail à la demanderesse n'a participé à la manifestation du jour
en question. Partant, cette action ne saurait être qualifiée de grève,
laquelle est définie par la jurisprudence comme le refus collectif de la
prestation de travail due dans le but d'obtenir des conditions de travail
déterminées de la part d'un ou de plusieurs employeurs (ATF 125 III 277
consid. 3a). Autrement dit, des personnes extérieures à une entreprise, quand
bien même elles représentent des travailleurs syndiqués de celle-ci, ne
sauraient être considérées comme des grévistes, puisqu'elles n'ont aucune
obligation de fournir un travail à l'égard de ladite entreprise.

Il a cependant été établi que la manifestation du 18 mars 2001, qui avait
pour but d'empêcher les employés de la demanderesse d'imprimer un numéro du
quotidien S.________, a été conduite par les membres d'un syndicat, qui est
signataire d'une convention collective conclue avec l'association patronale
dont était membre la demanderesse; partant, il s'agissait bien d'une action
collective. En outre, elle portait clairement sur les relations de travail au
sein de la recourante par voie de jonction et était dirigée contre cet
employeur, de sorte qu'elle n'avait pas un caractère politique. Enfin, elle
s'est déroulée après l'échec des pourparlers entre la défenderesse n° 1 et la
demanderesse concernant la signature avec celle-ci d'une nouvelle convention
collective de travail, ce qui est caractéristique d'une "Pattsituation" entre
partenaires sociaux, comme l'entend la doctrine alémanique. Il se justifie en
conséquence d'admettre que l'action du 18 mars 2001 entre dans la catégorie
des moyens de combat relevant du droit collectif du
travail (Arbeitskampf), à
l'instar de la grève et du lock-out (cf. sur tous ces points, Jean-Fritz
Stöckli, Commentaire bernois, n. 19 ad art. 357a CO; Frank Vischer,
Commentaire zurichois, n. 26 à 29 et n.41 ad art. 357a CO; Hans-Peter
Tschudi, Der Arbeitsfrieden, Ziel des Arbeitsrechts, in Mélanges en l'honneur
de Jean-Louis Duc, Lausanne 2001, p. 387/388; Manfred Rehbinder, Formen des
Arbeitskampfes, in Recht und Arbeitskampf, Berne 1980, p. 15 ss).

4.4
4.4.1Jusqu'à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2000, de la nouvelle
Constitution fédérale du 18 avril 1999, le droit des mesures collectives de
combat avait été laissé en jachère par le législateur (Stöckli, op. cit., n.
20 ad art. 357a CO, avec les références doctrinales). Le moyen de combat en
tant que tel n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucune disposition du code des
obligations (Manfred Rehbinder/Wolfgang Portmann, Commentaire bâlois, n. 9 ad
art. 357a CO).

S'agissant du droit de grève, le Tribunal fédéral avait laissé indécise la
question de savoir si le droit de grève était fondé sur un droit
constitutionnel non écrit. Il avait toutefois soumis la licéité d'une grève à
quatre conditions cumulatives: elle doit être appuyée par une organisation
ayant la capacité de négocier une convention collective de travail; elle doit
poursuivre des buts susceptibles d'être réglementés par une convention
collective; elle ne doit pas violer l'obligation de maintenir la paix du
travail; elle doit respecter le principe de la proportionnalité (ATF 111 II
245 consid. 4c). Puis, dans un arrêt rendu deux mois après l'adoption de la
nouvelle Constitution, soit six mois avant son entrée en vigueur, le Tribunal
fédéral, constatant que le droit suisse ne contenait aucune réglementation
explicite du droit de grève, a affirmé l'existence d'une lacune du droit
privé et conféré un effet horizontal au droit de grève, reconnaissant
formellement l'existence d'un tel droit dans l'ordre juridique suisse (ATF
125 III 277 consid. 2). Dans ce même arrêt, le Tribunal fédéral a consacré à
nouveau les quatre conditions cumulatives précitées dont dépendait la licéité
d'une grève, en en déduisant qu'étaient interdites les grèves "sauvages" de
travailleurs individuels, les grèves "politiques" n'ayant aucun rapport avec
la relation de travail ainsi que les mesures de combat portant sur des objets
qui sont déjà réglés dans une convention collective (ATF 125 III 277 consid.
3b

La situation s'est quelque peu décantée après l'adoption de l'art. 28 Cst.
relatif à la liberté syndicale, qui reconnaît le caractère licite de la grève
et du lock-out. Cette garantie constitutionnelle déploie en effet un effet
horizontal indirect (indirekte Drittwirkung) sur les relations de travail
dans le secteur privé (Klaus A. Vallender, Die schweizerische
Bundesverfassung, Commentaire st-gallois, n. 13 et n. 23 ad art. 28 Cst.;
Pascal Mahon, n. 15 ad art. 28 Cst., in Jean-François Aubert/Pascal Mahon,
Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du
18 avril 1999; Pierre Garrone, La liberté syndicale, § 50, n. 35, in Daniel
Thürer/Jean-François Aubert, Jörg Paul Müller, Droit constitutionnel suisse,
Zurich 2001; Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit
constitutionnel suisse, vol. II., ch.1604, p. 728/729). Dès lors, le juge,
qui est appelé, dans le cadre d'une action aquilienne, à se prononcer sur la
licéité d'un moyen de
combat en droit collectif du travail, est tenu de prendre en compte les
garanties constitutionnelles en cause.

4.4.2 Le premier alinéa de cette norme constitutionnelle garantit la liberté
syndicale ou liberté de coalition (Koalitionsfreiheit), qui est un cas
spécial de la liberté générale d'association instaurée par l'art. 23 Cst.

L'art. 28 al. 2 Cst. dispose que les conflits sont, autant que possible,
réglés par la négociation ou la médiation. Il appert ainsi que le recours à
un moyen collectif de lutte ne doit survenir qu'en dernier ressort,
c'est-à-dire au titre d'ultima ratio (cf. Message du Conseil fédéral relatif
à une nouvelle constitution fédérale, du 20 novembre 1996, FF 1997 I 180;
Pascal Mahon, op. cit., n. 9 ad art. 28 Cst.; Pierre Garrone, op. cit., § 50,
n. 21).

Selon l'art. 28 al. 3 Cst., la grève et le lock-out sont licites quand ils se
rapportent aux relations de travail et sont conformes aux obligations de
préserver la paix du travail ou de recourir à une conciliation.

Il résulte du libellé de l'art. 28 Cst. que la grève n'est licite qu'aux
conditions suivantes:
a) elle doit se rapporter aux relations de travail. Sont ainsi exclues
lesgrèves politiques qui tendent à faire pression sur les autorités
(Garrone, op. cit., § 50, n. 25; Mahon, op. cit., n. 12 ad art. 28 Cst.);
b) elle doit être conforme aux obligations de préserver la paix du travail ou
de recourir à une conciliation. L'obligation de maintenir la paix du travail
résulte de l'art. 357a al. 2 CO, qui prévoit que les parties à une convention
collective de travail sont tenues en particulier de s'abstenir de tout moyen
de combat quant aux matières réglées dans la convention. Il s'agit là de
l'obligation de paix relative (cf. sur cette notion Vischer, op. cit., n. 33
ss ad art. 357a CO; Rémy Wyler, Droit du travail, p. 494, ch. 4; Stöckli, op.
cit., n. 30/31 ad art. 357a CO), laquelle doit être distinguée de
l'obligation de paix absolue, qui étend l'obligation aux matières qui ne sont
pas réglées dans la convention et qui n'existe que si la convention
collective l'impose expressément (cf. Wyler, op. cit., ibidem; Stöckli, op.
cit., n. 32 ad art. 357a CO);
c) la grève doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. not.
Vallender, op. cit., n. 26 ad art. 28 Cst.; Garrone, op. cit., § 50, n. 27;
Wolfgang Portmann, Der Einfluss der neuen Bundesverfassung auf das
schweizerische Arbeitsrecht - Insbesondere ein Beitrag zu Art. 28 BV, p. 65,
in Mitteilungen des Instituts für Schweizerisches Arbeitsrecht, Berne 2002).
Ce principe découle de l'invitation adressée aux parties à l'art. 28 al. 2
Cst. de régler les conflits "autant que possible" par la négociation ou la
médiation (ATF 125 III 277 consid. 3b). Il faut comprendre que la grève ne
doit pas être plus incisive qu'il n'est nécessaire pour atteindre le but visé
(critère de la nécessité) (Mahon, op. cit., n. 13 in fine ad art. 28 Cst.).

Le texte de l'art. 28 al. 2 Cst. n'a pas repris la quatrième des conditions
posées par la jurisprudence, laquelle voulait que la grève soit appuyée par
une organisation de travailleurs, un syndicat. Le législateur fédéral n'a
toutefois renoncé à inscrire cette exigence dans la norme en question que
pour des questions rédactionnelles, sans avoir l'intention de procéder à un
changement juridique (cf. Vallender, op. cit., n. 27 ad art. 28 Cst. et les
références aux débats parlementaires). Il convient donc d'admettre que cette
condition est toujours valable (Garrone, op. cit., § 50, n. 28;
Auer/Malinverni/Hottelier, op. cit., ch. 1595, p. 724/725).

4.5 C'est à la lumière de ces quatre conditions qu'il faut vérifier si le
moyen de combat mis en action par les défendeurs contre la demanderesse le
soir du 18 mars 2001 était licite.

4.5.1 Il ne fait aucun doute que la mesure de combat en cause était soutenue
par une organisation de travailleurs, puisqu'elle a été organisée et menée
par un syndicat, partie à la convention collective signée par l'association
patronale à laquelle appartenait la demanderesse.

4.5.2 La mesure collective de lutte avait évidemment trait aux relations de
travail, puisqu'elle avait pour fin de contraindre la demanderesse à signer
une nouvelle convention collective, dont les clauses normatives
s'appliqueraient directement aux contrats individuels de travail conclus par
celle-ci (cf. Gabriel Aubert, Commentaire romand, n. 2 ss ad art.357 CO).

4.5.3 L'arrêt déféré retient souverainement que la défenderesse n° 1 est
signataire avec l'association patronale F._______ d'une convention collective
de travail, entrée en vigueur le 1er avril 2000, dont la durée de validité
s'étendait jusqu'au 30 avril 2004. Le 15 mai 2000, la demanderesse a informé
F._______ qu'elle démissionnait de l'association patronale pour le 31
décembre 2000. Mais comme la convention collective était de durée déterminée,
l'effet normatif de celle-ci a continué de s'appliquer, jusqu'à son
expiration, à la recourante par voie de jonction. En effet, il est de
jurisprudence que même si les travailleurs ou les employeurs quittent leur
organisation avant la fin de la durée de validité de la convention
collective, les clauses normatives de l'accord persistent à régir les
relations de travail nouées entre les employeurs et les travailleurs qui
étaient liés par cedernier lors de sa conclusion (arrêt 4C.7/1999 du 13 juin
2000 consid.4, in SJ 2001 I p. 49 ss).

En d'autres termes, la défenderesse n° 1 et la demanderesse étaient toujours
soumises à la convention collective en mars 2001. La première devait ainsi
veiller à l'observation de l'accord (art. 357a al. 1 CO in principio) et
maintenir la paix du travail, en s'abstenant de tout moyen de combat quant
aux matières réglées dans l'accord (art. 357a al. 2 CO). L'obligation de
maintenir la paix relative du travail l'obligeait notamment à saisir l'office
de conciliation institué par la législation cantonale avant d'engager une
mesure de lutte (cf. art. 356 al. 3 CO; Manfred Rehbinder, schweizerisches
Arbeitsrecht, 15e éd., ch. 528, p.245).

En droit vaudois, l'art. 27 de la loi du 15 décembre 1942 sur la prévention
et le règlement des conflits collectifs, en vigueur à l'époque déterminante,
disposait qu'il est interdit aux parties (intéressées à un conflit collectif)
de prendre des mesures de coercition quelconques (lock-out, mise à l'index,
grève, cessation de travail, etc.) aussi longtemps qu'elles n'auront pas
saisi l'office du conflit et que, saisi de celui-ci, l'office de conciliation
ou d'arbitrage n'aura pas terminé ses opérations ou rendu sa sentence.

En l'espèce, il a été établi que la défenderesse n° 1 n'a saisi l'Office
cantonal de conciliation que le 19 mars 2001, soit le lendemain de l'action
de combat qu'elle a menée contre la demanderesse. Il appert donc que le
syndicat pourrait avoir enfreint l'obligation qui lui incombait de préserver
la paix du travail.
Mais les circonstances sont tout à fait particulières.

L'arrêt critiqué a retenu que les recourants principaux ignoraient la
nouvelle jurisprudence relative aux effets normatifs d'une convention
collective de durée déterminée après que l'employeur, avant le terme de
l'accord, a démissionné de l'association patronale signataire. Cette
constatation, qui a trait au niveau de connaissance des défendeurs à un
moment donné, relève du fait et lie le Tribunal fédéral en instance de
réforme (ATF 124 III 182 consid. 3).
Or, le fait pour les intéressés de ne pas connaître l'arrêt 4C. 7/1999 du 13
juin 2000 n'est pas décisif. Ce précédent, qui constituait pourtant un
changement complet par rapport à la jurisprudence rendue en 1938 (ATF 64 I 16
consid. 8 p. 32), n'a étrangement pas été publié aux ATF, mais uniquement à
la Semaine judiciaire, éditée à Genève. De plus, cet arrêt, prononcé moins
d'une année avant les faits litigieux, après avoir rappelé que la question
tranchée a fait de tout temps l'objet de vives controverses doctrinales (cf.
consid. 4 in initio), s'est fondé essentiellement sur l'opinion récente de
Frank Vischer (cf. Wirkungen des Verbandsaustritts des Arbeitgebers auf die
Geltung des Gesamtarbeitsvertrages, in Zivilprozessrecht, Arbeitsrecht:
Kolloquium zu Ehren von Professor Adrian Staehelin, Zurich 1997, p. 95 ss),
auteur qui est lui-même revenu sur son opinion antérieure.

Dans un tel contexte, l'erreur des défendeurs est excusable. D'une part, ils
pouvaient légitimement admettre - comme on vient de le voir - qu'ils
n'avaient pas à saisir l'office de conciliation avant de passer à l'action du
18 mars 2001. D'autre part, le groupe industriel dont faisait partie la
demanderesse avait clairement annoncé, dès le 30 janvier 2001, qu'il ne
reviendrait pas sur sa décision de se retirer de l'association patronale, ce
qui coupait court à toute possibilité de trouver un compromis (Vischer,
Commentaire zurichois, n. 40 ad art. 357a CO; Kuster Zürcher, op. cit., p.
283/284).

Il s'ensuit que les défendeurs ne sauraient encourir une responsabilité
délictuelle pour avoir enfreint leur devoir de se conformer à la paix
relative du travail (Rehbinder, Schweizerisches Arbeitsrecht, 15e éd.,
ch.613, p. 280; Béatrice Aubert-Piguet, L'exercice du droit de grève, in
AJP/PJA 12/96, p. 1499/1500; Wyler, op. cit., p. 499).

4.5.4 Le sort de la querelle repose sur le respect par les défendeurs du
principe de la proportionnalité.

4.5.4.1 Il découle de ce principe que les mesures collectives de combat ne
sont licites qu'au titre d'ultima ratio (Frank Vischer, Streik und
Aussperrung in der Schweiz, in Wirtschaft und Recht, 33/1981, fasc. 2, p. 15;
Wyler, op. cit., p. 495). Elles ne sont admissibles que si elles sont
nécessaires pour atteindre le but auquel tend la lutte. La doctrine moderne
écrit à ce propos que vaut en la matière le principe de la conduite du combat
loyal (faire Kampfführung) (Stöckli, op. cit., n. 46 ad art. 357a CO;
Portmann, op. cit., p. 65 in fine). Sont donc par exemple disproportionnés
les moyens de combat faisant usage de la violence ou ceux qui portent
atteinte aux biens de l'entreprise (Portmann, op. cit., p. 66; Stöckli, op.
cit., n. 46 ad art. 357a CO; Vischer, Streik und Aussperrung in der Schweiz,
p. 16). En revanche, il est licite d'organiser des piquets de grève afin
d'empêcher pacifiquement l'accès de l'entreprise à des travailleurs, par
exemple en les persuadant de ne pas occuper leur place de travail (peaceful
picketing); mais dès que les piquets de grève usent de la violence pour
contraindre des personnes à ne pas se présenter au travail, ils sortent du
cadre de l'exercice licite d'un moyen de combat (cf. Stöckli, op. cit., n.
46 ad art. 357a CO; Vischer, Streik und Aussperrung in der Schweiz, p. 16;
Aubert-Piguet, op. cit., p. 1503).

4.5.4.2 D'après l'arrêt attaqué, l'action du 18 mars 2001 a débuté aux
alentours de 17 h 30. A ce moment, une quinzaine de membres et sympathisants
de la défenderesse n° 1
ont bloqué les accès de la demanderesse. Lorsque les
premiers employés de celle-ci sont arrivés devant l'entreprise pour occuper
leur poste de travail, les défendeurs n° 2, n° 4 et n° 5 leur ont expliqué
les raisons de la manifestation. Adoptant une attitude neutre, ces
travailleurs se sont alors rendus dans un établissement public des environs.

Il appert que cette phase de l'action était parfaitement licite. Sans
utiliser ni violence ni contrainte, les défendeurs précités sont parvenus à
dissuader quelques employés d'aller travailler. Cette situation est celle du
"peaceful picketing" envisagée par la doctrine (cf. consid. 4.5.4.1
ci-dessus).

La suite des événements a été tout autre.

Sitôt que le détachement de policiers envoyé par l'autorité politique vers 22
h 30 a tenté d'évacuer par la force les manifestants, ceux-ci ont formé une
chaîne humaine devant une des entrées de l'entreprise, ce qui a provoqué
quelques échauffourées avec les forces de l'ordre. Le système de fermeture de
la porte en question a été brisé. Puis, alors que le personnel ouvrier avait
pu entrer dans les locaux de la demanderesse, les manifestants se sont
rassemblés devant l'entrée pour empêcher toute sortie du bâtiment, en
particulier la diffusion du quotidien S.________.

Un tel modus operandi, qui consistait, par l'usage de la force physique d'un
groupe compact de personnes, à entraver les travailleurs dans leur liberté
d'action et qui a de plus entraîné le bris d'un système de fermeture, était
déjà disproportionné.

C'est alors que les premiers manifestants ont été rejoints par des membres du
milieu alternatif lausannois. Afin d'assurer la livraison des sacs de
journaux, la police a mis en place, vers 1 h du matin le 19mars 2001, une
manoeuvre de diversion pour les faire sortir par une autre issue. Avertis par
des guetteurs, les manifestants sont toutefois parvenus à se déplacer en
masse. Des affrontements relativement violents sont survenus entre ces
derniers et les forces de l'ordre. Des vitres du bâtiment ont été brisées.
Une vingtaine de minutes plus tard, les manifestants, qui n'étaient plus
appuyés par les opposants du milieu autogéré lausannois, ont encore tenté
d'empêcher un camion de prendre livraison d'un nouveau stock de journaux.
Certains d'entre eux se sont couchés devant le véhicule; d'autres ont cherché
à frapper le chauffeur. Des ouvriers de la demanderesse en sont venus aux
mains avec des syndicalistes. Le pneu d'un autre camion a enfin été crevé une
demi-heure plus tard.

A considérer le déroulement des faits pendant la soirée en question, il
apparaît que, pendant plus de trois heures, les défendeurs ont entravé les
travailleurs de la demanderesse dans l'accomplissement de leurs tâches, qui
consistaient à imprimer un numéro du quotidien S.________ puis à en permettre
la diffusion. Pour ce faire, ils ont usé de la force physique, s'opposant
véhémentement aux forces de l'ordre, et ont eu des altercations avec des
ouvriers de la demanderesse, sans doute excédés par la tournure des
événements. Des dommages matériels ont en outre été commis au préjudice de la
recourante par voie de jonction.

Il est vrai que le défendeur n° 4 a admis devant le juge d'instruction que
les premiers manifestants avaient été débordés quand ils avaient été rejoints
par des membres du milieu alternatif lausannois. Cela ne change pourtant rien
à l'affaire. Il incombe en effet à une organisation de travailleurs, qui
souhaite mener une action de combat loyale, de mettre en place un service
d'ordre efficace pour écarter la participation à l'action d'individus enclins
à la violence et désireux d'en découdre.

En conclusion, l'action entreprise le soir du 18 mars 2001 violait le
principe de la proportionnalité, ce qui la rendait clairement illicite au
sens de l'art. 41 CO.

4.6 La branche du grief relative à la violation de l'art. 28 CC est privée de
tout fondement. On cherche vainement les atteintes que la demanderesse aurait
portées sans droit contre les intérêts personnels des défendeurs. Il est
exclu de voir une telle atteinte dans la démission de la recourante par voie
de jonction de l'association patronale partie à la convention collective
entrée en vigueur le 1er avril 2000. L'employeur peut en effet se libérer des
obligations d'une convention collective de durée déterminée en démissionnant
de l'association patronale en question, avec la réserve - on l'a dit plus
haut - que les effets normatifs de l'accord s'appliquent jusqu'à son
expiration notamment aux travailleurs liés par celui-ci lors de sa conclusion
(cf. arrêt 4C.7/1999 du 13 juin 2000 consid. 4, in SJ 2001 I p. 49 ss).

En résumé, le recours principal doit être entièrement rejeté avec des motifs
substitués.

5.
5.1La recourante par voie de jonction, invoquant l'art. 41 CO, soutient que
les défendeurs lui doivent remboursement des factures de I.________ pour ses
interventions entre le 21 mars 2001 et le 31 juillet 2001, notes qui se
montent en tout à 39'401 fr. 40. Elle fait valoir que la déclaration de la
police lausannoise de ne plus intervenir en cas de nouveau conflit syndical
dans l'entreprise n'était pas propre à interrompre la relation de causalité
adéquate entre l'acte illicite des défendeurs et l'engagement de I.________
au cours de la période en question, contrairement à ce qu'a retenu la cour
cantonale. La déclaration de la police constituerait tout au plus une cause
concurrente du dommage subi par la demanderesse, ce qui induirait une
responsabilité plurale, laquelle ne dégagerait pas les défendeurs de leur
obligation de réparer entièrement le préjudice causé à la recourante par voie
de jonction.

5.2 C'est le lieu d'examiner successivement si l'acte illicite imputable aux
recourants principaux est bien la cause de la surveillance qu'a exercée
I.________ devant les locaux de la recourante par voie de jonction tout au
long de la période précitée (causalité naturelle), si la cause en question
était objectivement propre à entraîner ces conséquences-là (causalité
adéquate) et, enfin, si un facteur interruptif de causalité doit être pris en
compte.

5.2.1 La question de savoir si un fait est la condition sine qua non d'un
certain résultat (relation de cause à effet ou causalité naturelle) est une
question de fait, qui lie le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme
(art. 63 al. 2 OJ; ATF 128 III 174 consid. 2b, 180 consid. 2d).

La cour cantonale n'a pas constaté en fait l'existence d'un rapport de cause
à effet entre la manifestation du 18 mars 2001 et l'engagement des agents de
I.________ après le 20 mars 2001.

Il y a pourtant lieu d'admettre que la relation de causalité naturelle est
réalisée dans le cas présent. Il ressort en effet de l'état de fait définitif
que s'il n'y avait pas eu la manifestation du 18 mars 2001 suivie des
déclarations formulées par la défenderesse n°1 dans son journal "G.________"
qu'elle n'abandonnait pas le combat, la demanderesse n'aurait pas recouru aux
services de I.________. Il est significatif à cet égard que la recourante par
voie de jonction a mandaté I.________ immédiatement après le début des
échauffourées du jour dit, alors qu'elle n'avait pas requis les services de
celle-ci précédemment. Et elle a cessé de faire appel à cette société
lorsqu'elle a été convaincue que les syndicalistes et leurs sympathisants ne
reviendraient plus manifester devant l'entreprise. Ce rapport chronologique
étroit démontre la causalité naturelle.

5.2.2
5.2.2.1Le rapport de causalité est adéquat lorsque l'acte incriminé est
propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la
vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (consid. 4.1
non publié de l'ATF 131 III 61; 123 III 110 consid. 3a p.112 s.). Pour
savoir si un fait est la cause adéquate d'un préjudice, le juge procède à un
pronostic rétrospectif objectif: il se place au terme de la chaîne des causes
et remonte du dommage dont la réparation est demandée au chef de
responsabilité invoqué afin de déterminer si, dans le cours normal des choses
et selon l'expérience générale de la vie, une telle conséquence demeure dans
le champ raisonnable des possibilités objectivement prévisibles.

La jurisprudence a précisé que, pour qu'une cause soit adéquate, il n'est pas
nécessaire que le résultat se produise régulièrement ou fréquemment. Si un
événement est en soi propre à provoquer un effet du genre de celui qui est
survenu, même des conséquences singulières, c'est-à-dire extraordinaires,
peuvent constituer des conséquences adéquates de cet événement (consid. 4.1
non publié de l'ATF 131 III 61; 119 Ib 334 consid. 5b p. 344 s.; 112 V 30
consid. 4b p. 38; 107 V 173 consid. 4b p. 176).

L'existence d'un rapport de causalité adéquate doit être appréciée de cas en
cas par le juge selon les règles du droit et de l'équité, conformément à
l'art. 4 CC. Il s'agit de déterminer si un dommage peut encore être
équitablement imputé à l'auteur, eu égard au but de la norme de
responsabilité applicable (ATF 123 III 110 consid. 3a p. 112 s. et les
références).

5.2.2.2 En l'occurrence, ainsi qu'on l'a vu au considérant 4 ci-dessus, la
manifestation mise sur pied le soir du 18 mars 2001 ne respectait pas le
principe de la proportionnalité, ce qui la rendait illicite. Et il a été
retenu que les défendeurs ne se sont pas distanciés par la suite des
débordements violents apparemment dus à la présence sur les lieux de membres
du milieu alternatif lausannois et qu'ils n'ont pas manifesté la volonté de
faire régner un tant soi peu de discipline dans leur rang par le recours à un
service d'ordre. Au contraire, la défenderesse n°1, dans son journal, a fait
part de son intention de poursuivre le combat.

Il est vrai que le rôle d'un syndicat est d'être combatif, pour autant que
des moyens légaux soient mis en oeuvre. En outre, la proclamation dans un
journal syndical de l'intention de "continuer le combat" relève pour partie
d'une forme de rhétorique syndicale.

Toutefois, le contexte de l'affaire présente des singularités. Ainsi les
menaces proférées par la défenderesse n° 1 pouvaient objectivement être
prises au sérieux par la demanderesse, du moment que les défendeurs n'avaient
pas condamné les actes de violences commis le 18 mars 2001, lesquels avaient
occasionné à cette dernière des préjudices matériels non négligeables.
D'ailleurs, X.________ a une nouvelle fois passé à l'action moins de deux
mois plus tard en perturbant une cérémonie organisée en l'honneur du
président du CIO d'alors. Or, il est du domaine du cours ordinaire des choses
et de l'expérience de la vie que la conduite d'une manifestation violente
devant les portes d'une entreprise assortie de la menace de persévérer dans
cette voie amène ladite entreprise à prendre des mesures de protection afin
d'empêcher la commission de nouveaux dommages.

Il faut donc considérer qu'il existe en l'espèce un lien de causalité
adéquate entre l'action incriminée et le fait de mandater un service privé de
surveillance.

5.2.3
5.2.3.1La causalité adéquate peut être exclue, c'est-à-interrompue,
l'enchaînement des faits perdant alors sa portée juridique, lorsqu'une autre
cause concomitante - la force majeure, la faute ou le fait d'un tiers, la
faute ou le fait de la victime - constitue une circonstance tout à fait
exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y
attendre. L'imprévisibilité de l'acte concurrent ne suffit pas en soi à
interrompre le rapport de causalité adéquate; il faut encore que cet acte ait
une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la
plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les
autres facteurs qui ont contribué à l'amener, en particulier le comportement
de l'auteur (ATF 130 III 182 consid. 5.4; 122 IV 17 consid. 2c/bb et les
arrêts cités; 116 II 519 consid. 4b p.524).
Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale a totalement libéré les défendeurs de
l'obligation de payer les factures de I.________ pour le gardiennage effectué
aux portes de l'entreprise entre le 21 mars et le 31 juillet 2001 au motif
que la déclaration du responsable de la police - qui a fait savoir au soir du
18 mars 2001 que les forces de l'ordre ne seraient pas en mesure d'intervenir
une nouvelle fois et que la demanderesse devait assurer sa sécurité par
l'entremise d'une société privée - avait interrompu le rapport de causalité
adéquate.

La conformité de cette décision au droit fédéral, mise en doute par la
recourante par voie de jonction, doit maintenant être vérifiée.

5.2.3.2 Pour qu'il y ait rupture de la relation de causalité adéquate, il ne
suffit pas que la déclaration du policier responsable des opérations
apparaisse comme une cause concurrente de l'appel qui a été fait aux services
de I.________ (principe de la solidarité imparfaite ou concours d'actions,
art. 51 CO). Il faut qu'elle soit la cause prépondérante du mandat conféré
par la demanderesse à I.________ au point qu'elle rejette à l'arrière-plan le
rôle causal attribué à la manifestation et aux menaces subséquentes de
poursuivre la lutte.

In casu, la demanderesse ne pouvait pas s'attendre à ce que la police, dont
ce n'est pas la mission, assure intensément et durablement le gardiennage de
ses biens; il n'apparaît donc pas que la déclaration du policier puisse avoir
exercé une influence déterminante sur la décision de poursuivre la
surveillance par l'agence privée. Dans ces circonstances, la déclaration
critiquée ne relègue pas à l'arrière-plan le rôle causal joué par la
manifestation violente avec menace de continuer le combat. On ne se trouve
dès lors pas en présence d'une rupture du rapport de causalité adéquate.

La manière dont a été conduite la manifestation du 18 mars 2001 comportait le
risque que des actes de violence soient commis contre la demanderesse -
lesquels se sont bel et bien matérialisés -, si bien que la proclamation
syndicale de poursuivre la lutte, sans qu'ait été condamnée la présence sur
les lieux d'individus prônant la confrontation physique, ne pouvait
raisonnablement apparaître comme une mesure appartenant au domaine des moyens
de combat licites. Il suit de là que la déclaration policière de ne plus
intervenir à l'avenir dans ce litige était impropre à briser le rapport de
causalité
adéquate, c'est-à-dire à enlever toute portée juridique au rôle
causal des défendeurs, qui ont organisé et mené la manifestation litigieuse
et proféré par la suite leur intention de persévérer dans cette forme de
lutte.

5.2.3.3
5.2.4La cour cantonale, vu la solution qu'elle a adoptée, n'a pas examiné si
l'engagement de I.________ était nécessaire pour toute la période courant du
21 mars au 31 juillet 2001. Le fait que l'ensemble des factures relatives à
l'intervention des agents de la société en cause n'aient pas été contestées
quant à leur quotité ne signifie pas que l'on doive accepter, sans autre
élément, que le recours à cette société pendant plus de quatre mois entrait
dans un rapport de causalité adéquate avec les actes reprochés aux
défendeurs.

La causalité adéquate doit être admise tant que subsistait une menace
concrète de manifestation violente. Or les constatations de la cour cantonale
ne permettent pas de résoudre la question. Il a seulement été retenu que la
défenderesse n° 1, "dans plusieurs parutions de son journal", a fait savoir
qu'elle entendait continuer le combat. On ne sait précisément dans quelles
éditions du journal "G.________" ont été publiées les menaces de poursuivre
la lutte.

Selon l'arrêt cantonal, la dernière action des défendeurs est survenue le 17
mai 2001. Il est impossible de déterminer si, après cette date, l'appel à
I.________ se justifiait encore, d'autant que, entre mars et la fin juillet
2001, la surveillance opérée par la société privée s'est exercée de moins en
moins intensivement.

En conséquence, il y a lieu d'admettre partiellement le recours joint,
d'annuler l'arrêt critiqué et de retourner la cause à la cour cantonale, en
application de l'art. 64 al. 1 OJ, pour qu'elle examine la question sous cet
angle.

Il appartiendra également à la Chambre des recours de rendre une nouvelle
décision sur les frais et dépens de l'instance cantonale.

6.
Les défendeurs, qui succombent entièrement dans la procédure principale,
paieront solidairement l'émolument de justice qu'elle a généré et verseront
solidairement à leur adverse partie une indemnité à titre de dépens (art. 156
al. 1 et 159 al. 1 OJ).

En ce qui concerne la procédure de recours joint, l'issue est incertaine.
L'émolument judiciaire lié à cette instance doit donc être réparti par moitié
entre la demanderesse et les défendeurs, débiteurs solidaires, les dépens
devant être compensés (art. 156 al. 3 et 159 al. 3 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours principal est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis solidairement à la charge des
défendeurs pour la procédure de recours principal.

3.
Les défendeurs verseront solidairement à la demanderesse une indemnité de
2'500 fr. à titre de dépens pour la procédure de recours principal.

4.
Le recours joint est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé et la
cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens
des considérants.

5.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis par 1'000 fr. à la charge des
défendeurs, solidairement entre eux, et par 1'000 fr. à la charge de la
demanderesse pour la procédure de recours joint.

6.
Les dépens sont compensés pour la procédure de recours joint.

7.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois.

Lausanne, le 13 septembre 2005

Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.422/2004
Date de la décision : 13/09/2005
1re cour civile

Analyses

Licéité des moyens de combat dans les conflits collectifs du travail (art.28 Cst.; art. 41 et 357a CO). Critères pour qu'un moyen de combat relève du droit collectif du travail(consid. 4.3). Comme l'art. 28 Cst. relatif à la liberté syndicale déploieun effet horizontal indirect sur les relations de travail dans le secteurprivé, le juge, qui est appelé à examiner la licéité d'un moyen de combaten droit collectif du travail, doit prendre en compte cette garantieconstitutionnelle. Pour qu'un moyen de combat soit licite, il doit serapporter aux relations de travail, être conforme à l'obligation de paixrelative du travail, être appuyé par une organisation de travailleurs etrespecter le principe de la proportionnalité (consid. 4.4). Sous l'angle dece principe, s'il est disproportionné de mettre en oeuvre des moyens decombat faisant usage de la violence ou portant atteinte aux biens del'entreprise, il est licite d'organiser des piquets de grève pour autantqu'ils n'usent pas de la force (consid. 4.5).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2005-09-13;4c.422.2004 ?
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