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19/08/2005 | SUISSE | N°K.78/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 août 2005, K.78/05


{T 7}
K 78/05

Arrêt du 19 août 2005
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Borella, Président, Leuzinger, Ursprung, Kernen et
Frésard. Greffière : Mme Gehring

La Caisse Vaudoise, Assurance maladie et accidents, Administration, rue du
Nord 5, 1920 Martigny, recourante,

contre

J.________, intimé, représenté par Me Pierre Martin-Achard, avocat, rue du
Rhône 100, 1204 Genève

Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève

(Jugement du 11 avril 2005)

Faits:

A.
J. ________, né en 1953, marié et père d

e trois enfants, est affilié auprès
de La Caisse Vaudoise (ci-après : la caisse) pour l'assurance obligatoire des
soins, une assuranc...

{T 7}
K 78/05

Arrêt du 19 août 2005
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Borella, Président, Leuzinger, Ursprung, Kernen et
Frésard. Greffière : Mme Gehring

La Caisse Vaudoise, Assurance maladie et accidents, Administration, rue du
Nord 5, 1920 Martigny, recourante,

contre

J.________, intimé, représenté par Me Pierre Martin-Achard, avocat, rue du
Rhône 100, 1204 Genève

Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève

(Jugement du 11 avril 2005)

Faits:

A.
J. ________, né en 1953, marié et père de trois enfants, est affilié auprès
de La Caisse Vaudoise (ci-après : la caisse) pour l'assurance obligatoire des
soins, une assurance combinée en cas d'hospitalisation, ainsi qu'une
assurance complémentaire pour risques spéciaux.

Souffrant d'un adénocarcinome du rectum, il a été adressé par le docteur
A.________, spécialiste FMH en chirurgie, au service de radio-oncologie de
l'Hôpital X.________ aux fins d'évaluer l'indication d'une
radio-chimiothérapie préopératoire. Les médecins de cet établissement ont
proposé au patient une radiothérapie préopératoire, soit un schéma standard
monofractionné associé à 5-FU, ou bien une participation à l'étude de
radiothérapie bifractionnée associée à Iressa (rapport du 12 septembre 2003
des docteurs L.________ et R.________ du service de radio-oncologie de
l'Hôpital X.________). Souhaitant consulter à nouveau son oncologue, il a été
examiné le 5 septembre 2003 par le docteur P.________ (spécialiste FMH en
médecine interne, oncologie-hématologie).

Par courrier du 25 novembre 2003, J.________ a informé le médecin-conseil de
la caisse qu'il avait demandé un deuxième avis à la Clinique Y.________ de
Z.________ (Etats-Unis). En raison du « staging » de la tumeur à 4, l'équipe
médicale de cet établissement lui avait proposé, au moment de l'intervention
chirurgicale, une radiothérapie intraopératoire, non disponible en Suisse.
Selon les médecins de la clinique, ce type de radiothérapie diminue les
risques de rechute considérablement si, au moment de l'intervention, il
s'avère que la tumeur infiltre en direction de la prostate. Le traitement à
la Clinique Y.________ était devisé à 35'000 $ plus 8'000 $ pour la
radiothérapie intraopératoire. L'assuré demandait en conséquence à la caisse
de prendre en charge les frais de cette intervention.

Après avoir pris l'avis de son médecin-conseil, la caisse a informé l'assuré,
par lettre du 1er décembre 2003, qu'elle ne participerait pas à la prise en
charge de l'intervention aux Etats-Unis. Elle a confirmé sa position par
décision du 12 décembre 2003 confirmée sur opposition le 3 août 2004.

Le 17 décembre 2003, l'assuré s'est fait opérer à la Clinique Y.________ par
le docteur H.________, avec traitement de radiothérapie intraopératoire. Il a
repris un traitement de chimiothérapie à Genève jusqu'au 30 juin 2004.

Dans une attestation du 7 janvier 2004, le docteur G.________ (spécialiste en
radiothérapie-oncologie à la Clinique Y.________) a indiqué que, sur la base
de l'examen histolopathologique final, le risque de récidive locale sans
radiothérapie intraopératoire aurait été de 50 pour cent ou plus élevé.
L'adjonction de la radiothérapie intraopératoire diminue le risque de
récidive locale de façon significative du niveau de plus ou moins 50 pour
cent au niveau de 7 à 12 pour cent. Selon ce médecin, ce résultat a des
implications sur l'espérance de vie et la qualité de vie et justifiait la
décision de l'assuré de se faire opérer à la Clinique Y.________.

B.
J.________ a recouru contre la décision sur opposition du 3 août 2004 devant
le Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et Canton de
Genève.

Le tribunal a d'une part considéré l'écriture de l'assuré comme une demande
en paiement visant à la prise en charge des frais litigieux au titre de
l'assurance complémentaire souscrite par l'intéressé. Par jugement du 11
avril 2005, il a rejeté cette demande, au motif que les conditions générales
d'assurance ne prévoyaient pas la prise en charge de traitements à l'étranger
dans le cas d'un assuré qui s'y rend dans le but de se faire soigner (ch. 2
du dispositif).

Le tribunal a d'autre part considéré cette écriture comme un recours visant
le remboursement des frais au titre de l'assurance obligatoire des soins.
Après avoir procédé à l'audition notamment des docteurs P.________ et
L.________, il a, par ce même jugement, partiellement admis le recours,
annulé la décision sur opposition et renvoyé la cause à la caisse pour
nouvelle décision au sens des motifs. Il a en outre alloué une indemnité de
dépens de 2'000 fr. à l'assuré (ch. 3 à 6 du dispositif). Selon les
considérants de ce jugement, la caisse est condamnée à prendre en charge les
frais de traitement arrêtés (après conversion) à 59'969 fr. en vertu de
l'assurance obligatoire des soins, charge à elle d'examiner s'il convient de
déduire une participation aux coûts, en fonction du contrat du recourant.

C.
La caisse interjette un recours de droit administratif dans lequel elle
conclut à la réforme du jugement cantonal en ce sens qu'elle n'est pas tenue
de prendre en charge les frais du traitement subi par l'assuré aux
Etats-Unis.

L'intimé conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et,
subsidiairement, à son rejet. L'Office fédéral de la santé publique ne s'est
pas déterminé.

Considérant en droit:

1.
L'intimé soutient que le recours de droit administratif ne satisfait pas aux
exigences de l'art. 108 al. 2 OJ. Il ne reprendrait que les écritures
antérieures de la recourante et n'articulerait pas de griefs précis à
l'encontre du jugement attaqué. Aussi bien devrait-il être déclaré
irrecevable.

1.1 Selon l'art. 108 al. 2 OJ, le recours de droit administratif doit
indiquer notamment les conclusions et les motifs du recourant. Cette exigence
a pour but de fixer le juge sur la nature et l'objet du litige. La
jurisprudence admet que les conclusions et les motifs résultent implicitement
du mémoire de recours; il faut cependant pouvoir déduire de ce dernier,
considéré dans son ensemble, à tout le moins ce que le recourant demande
d'une part, et quels sont les faits sur lesquels il se fonde d'autre part. Il
n'est pas nécessaire que la motivation soit pertinente, mais elle doit se
rapporter au litige en question. Le simple renvoi à des écritures antérieures
ou à l'acte attaqué ne suffit pas. S'il manque soit des conclusions soit des
motifs, même implicites, le recours de droit administratif est irrecevable
d'entrée de cause, sans que le recourant ait la faculté de remédier à cette
irrégularité (ATF 123 V 336 consid. 1a et les références).

1.2 Il est vrai que le recours reprend quasi intégralement l'argumentation
soumise au tribunal des assurances dans la réponse de l'intimée du 4 octobre
2004. La reprise pure et simple de moyens déjà rejetés ne répond pas aux
exigences susmentionnées. On peut toutefois voir une motivation topique à la
fin du mémoire de recours. En procédure cantonale, la recourante a fait
valoir que le traitement litigieux ne répondait pas aux critères d'efficacité
et d'économicité. Dans son recours de droit administratif, elle fait valoir
que même si les critères d'efficacité, d'économicité et d'adéquation étaient
remplis en l'espèce - comme l'ont retenu les premiers juges - on doit encore
se demander si un traitement adéquat, efficace et économique était également
proposé en Suisse. Elle fait également grief aux premiers juges de n'avoir
pas tenu compte des témoignages recueillis en procédure cantonale et dont il
résulte, selon elle, qu'un traitement en Suisse ne représentait pas un risque
sensiblement plus élevé pour l'assuré. Dès lors, même si cette motivation est
fort sommaire - et à la limite de la recevabilité - on peut admettre que le
recours, dans son ensemble, satisfait aux conditions fixées par l'art. 108
al. 2 OJ.

2.
La LAMal régit l'assurance-maladie sociale, qui comprend l'assurance
obligatoire des soins et une assurance facultative d'indemnités journalières
(art. 1a al. 1 LAMal; avant l'entrée en vigueur de la LPGA, le 1er janvier
2003, voir l'ancien art. 1 al. 1 LAMal [RO 1995 p. 1328]). En revanche, les
assurances complémentaires pratiquées par les assureurs-maladie sont soumises
au droit privé et régies par la LCA (art. 12 al. 2 et 3 LAMal). Les litiges
qui pourraient survenir dans ce domaine entre assureurs et assurés sont donc
du ressort du juge civil et ne peuvent pas faire l'objet d'un recours de
droit administratif au Tribunal fédéral des assurances (cf. art. 47 LSA; ATF
124 III 232 consid. 2b, 124 V 135 consid. 3, 123 V 328 consid. 3a). Le fait
que certains cantons - dont celui de Genève - ont désigné, pour trancher les
litiges relatifs aux assurances complémentaires, la même autorité que le
tribunal des assurances qui est compétent pour connaître des contestations
entre assurés et assureurs dans l'assurance sociale ne suffit pas pour ouvrir
la voie du recours de droit administratif pour ce type de litiges. Il n'y a
donc pas lieu d'examiner le cas sous l'angle de l'assurance complémentaire
d'hospitalisation souscrite par l'intimé.

3.
3.1Selon l'art. 34 al. 2 LAMal, le Conseil fédéral peut décider de la prise
en charge, par l'assurance obligatoire des soins, des coûts des prestations
prévus aux art. 25 al. 2 ou 29 LAMal fournies à l'étranger pour des raisons
médicales (première phrase). Se fondant sur cette délégation de compétence,
l'autorité exécutive a édicté l'art. 36 OAMal, intitulé « Prestations à
l'étranger ». Selon l'alinéa 1er de cette disposition, le Département fédéral
de l'intérieur (DFI) désigne, après avoir consulté la commission compétente,
les prestations prévues aux art. 25 al. 2 et 29 de la loi dont les coûts
occasionnés à l'étranger sont pris en charge par l'assurance obligatoire des
soins lorsqu'elles ne peuvent être fournies en Suisse. Dans ce cas, les
prestations sont prises en charge jusqu'à concurrence du double du montant
qui aurait été payé si le traitement avait eu lieu en Suisse (al. 4). Le DFI,
suivant en cela des recommandations de la Commission fédérale des prestations
générales, s'est abstenu d'établir une liste, opération qui n'était pas
réalisable en pratique (voir ATF 128 V 76 sous let. D).

Dans l'arrêt cité aux ATF 128 V 75, le Tribunal fédéral des assurances a jugé
que le non-établissement de cette liste ne faisait pas obstacle, d'une
manière générale et absolue, à la prise en charge de traitements à l'étranger
qui ne peuvent être fournis en Suisse. En effet, la règle légale est
suffisamment précise pour être appliquée. Il convient toutefois de s'assurer
d'une part que la prestation - au sens des art. 25 al. 2 et 29 LAMal -
répondant aux critères d'adéquation ne puisse réellement pas être fournie en
Suisse et d'autre part que les critères d'efficacité et d'économicité soient
également pris en compte (ATF 128 V 80 consid. 4).

3.2 L'efficacité, l'adéquation et l'économicité de traitements fournis en
Suisse par des médecins sont présumées (cf. art. 33 al. 1 LAMal a contrario;
RAMA 2000 n° KV 132 p. 283 sv. consid. 3). Une exception au principe de la
territorialité selon l'art. 36 al. 1 OAMal en corrélation avec l'art. 34 al.
2 LAMal n'est admissible que dans deux éventualités du point de vue de la
LAMal. Ou bien il n'existe aucune possibilité de traitement de la maladie en
Suisse; ou bien il est établi, dans un cas particulier, qu'une mesure
thérapeutique en Suisse, par rapport à une alternative de traitement à
l'étranger, comporte pour le patient des risques importants et notablement
plus élevés (RAMA 2003 n° KV 253 p. 231 consid. 2). Il s'agira, en règle
ordinaire, de traitements qui requièrent une technique hautement spécialisée
ou de traitements complexes de maladies rares pour lesquelles, en raison
précisément de cette rareté, on ne dispose pas en Suisse d'une expérience
diagnostique ou thérapeutique suffisante (Gebhard Eugster,
Krankenversicherung, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR],
Soziale Sicherheit, ch. 180). En revanche, quand des traitements appropriés
sont couramment pratiqués en Suisse et qu'ils correspondent à des protocoles
largement reconnus, l'assuré n'a pas droit à la prise en charge d'un
traitement à l'étranger en vertu de l'art. 34 al. 2 LAMal. C'est pourquoi les
avantages minimes, difficiles à estimer ou encore contestés d'une prestation
fournie à l'étranger, ne constituent pas des raisons médicales au sens de
cette disposition; il en va de même du fait qu'une clinique à l'étranger
dispose d'une plus grande expérience dans le domaine considéré (RAMA 2003 n°
KV 253 p. 231 consid. 2).
Une interprétation stricte des raisons médicales doit être de mise (cf. Guy
Longchamp, Conditions et étendue du droit aux prestations de
l'assurance-maladie sociale, thèse, Lausanne 2004, p. 262; dans le même sens
Eugster, op. cit., ch. 180). Il convient en effet d'éviter que les patients
ne recourent à grande échelle à une forme de "tourisme médical" à la charge
de l'assurance-maladie obligatoire. A cet égard, il ne faut pas perdre de vue
que le système de la LAMal est fondé sur le régime des conventions tarifaires
avec les établissements hospitaliers. Une partie du financement des hôpitaux
repose sur ces conventions (art. 49 LAMal). Ce serait remettre en cause ce
financement - et la planification hospitalière qui lui est intrinsèquement
liée - que de reconnaître aux assurés le droit de se faire soigner aux frais
de l'assurance obligatoire dans un établissement très spécialisé à l'étranger
afin d'obtenir les meilleures chances de guérison possibles ou de se faire
traiter par les meilleurs spécialistes à l'étranger pour le traitement d'une
affection en particulier. A terme, cela pourrait compromettre le maintien
d'une capacité de soins ou d'une compétence médicale en Suisse, essentiel
pour la santé publique (cf. par analogie, s'agissant des impératifs
susceptibles d'être invoqués pour justifier une entrave à la libre prestation
des services dans l'Union Européenne en matière de soins hospitaliers: arrêts
de la Cour de Justice des Communautés Européennes [CJCE] du 13 mai 2003,
Müller-Fauré et Van Riet, rec. I p. 4509, points 72 ss et du 12 juillet 2001,
Smits et Peerbooms, rec. I p. 5473, points 72 ss). C'est une des raisons
d'ailleurs pour lesquelles
l'assuré n'a pas droit, en l'absence de raisons
médicales, au remboursement d'un montant équivalent aux frais qui auraient
été occasionnés si le traitement avait eu lieu en Suisse. En ce sens l'assuré
ne peut pas se prévaloir du droit à la substitution de la prestation (voir
ATF 126 V 332 consid. 1b).

3.3 En l'espèce, il ressort des déclarations des docteurs P.________ et
L.________ que le traitement de la tumeur dont était porteur l'intimé est
pratiqué en Suisse sous la forme d'une radiothérapie destinée à détruire une
partie de la tumeur avant l'intervention chirurgicale. Cette radiothérapie
est dosée de telle manière que les tissus ne soient pas trop endommagés au
moment de l'acte chirurgical. L'intervention chirurgicale est généralement
suivie d'une chimiothérapie.

Le traitement prodigué à l'intimé comportait en plus une radiothérapie
intraopératoire, qui permet, pendant l'intervention, d'ajouter de manière
plus ciblée une dose de radiothérapie et d'obtenir un meilleur effet sans
augmenter la toxicité. Ce traitement combiné n'est pas pratiqué en Suisse. Il
n'a pas été introduit à l'Hôpital X.________ pour des raisons essentiellement
logistiques et financières. En effet, il est nécessaire de disposer en salle
opératoire d'un appareil spécialement conçu dans ce but thérapeutique et
stérilisé. La particularité technique de l'appareil est d'approcher la région
concernée directement sans irradier les organes de voisinage sensibles.

Toujours selon les déclarations de ces spécialistes, il existe un traitement
standard en Suisse. S'agissant de la radiothérapie intraopératoire, elle
diminue, dans certaines circonstances, le risque local de récidive. Il n'est
guère possible de quantifier cette diminution. A cet égard, les deux médecins
entendus en procédure cantonale se montrent plutôt circonspects. Selon le
docteur P.________, plus la tumeur est avancée et plus le risque de rechute
est important. Un bénéfice de 40 pour cent (selon les indications fournies
par le docteur G.________) paraît élevé. Il semble néanmoins logique qu'il y
ait une diminution du risque avec la radiologie intraopératoire. La tumeur de
l'intimé a été classée T3 (c'est-à-dire l'infiltration en profondeur sur une
échelle maximum de 4) et N1 (correspondant à une tumeur qui infiltre les
ganglions). Le risque de rechute locale pour une tumeur classée T3 N1 est de
l'ordre de 20 à 30 pour cent à la suite d'un traitement pratiqué en Suisse.
Selon le docteur P.________, le traitement tel que décrit par la Clinique
Y.________ « semble amener un plus » dans le traitement du genre de tumeur
dont a souffert le patient. Ce médecin ajoute qu'il s'agit d'une maladie
grave, affectant un patient jeune. Il conclut en ces termes : « Il me semble
que la démarche de J.________ se défend dans le but d'améliorer les chances
de succès du traitement; mon expérience personnelle ne me permet pas de
déconseiller une telle démarche ».

Pour le docteur L.________, il existait un doute au sujet de l'infiltration
de la prostate, de telle sorte que le patient a choisi « un traitement
maximaliste ». D'après la littérature médicale, le risque de récidive locale
est diminué par le traitement de radiothérapie intraopératoire, lequel
s'applique d'ailleurs à plusieurs genres de cancers. C'est un traitement
efficace dans des situations particulières. Sans invasion de la prostate, les
risques de récidive de la tumeur sont inférieurs à 10 pour cent. Avec
invasion, les risques sont de 15 à 25 pour cent. On espère gagner au moins 5
pour cent avec un traitement de radiothérapie intraopératoire. Le médecin
qualifie de « trop optimistes » les taux de réduction du risque de récidive
indiqués par le docteur G.________. La radiothérapie en général divise le
risque de récidive avec un facteur 2. Ce médecin conclut que, dès l'instant
où il subsistait un doute au sujet de l'infiltration de la prostate, le choix
du patient « était peut-être justifié par rapport à un but visant à diminuer
les risques de récidive ».

3.4 On peut déduire de ces déclarations qu'il n'existait pas de raison
médicale impérieuse pour que le patient se fît traiter aux Etats Unis. C'est
d'ailleurs de sa propre initiative et non sur prescription ou recommandation
de ses médecins traitants suisses que l'intimé s'est rendu aux Etats-Unis
(ressortissant américain dont la mère vit à Z.________, il s'est enquis
personnellement d'un avis à la Clinique Y.________ de cette ville). On peut
certes admettre que, de manière générale, la radiothérapie intraopératoire
était de nature à réduire les risques de récidive, sans que l'on puisse
véritablement quantifier cet avantage. En réalité, comme l'ont souligné les
médecins, le patient, par mesure de précaution, a voulu s'assurer du meilleur
traitement qui soit disponible. Mais il n'est pas possible de retenir qu'un
traitement en Suisse - dont le caractère approprié n'est pas discutable -
comportait des risques notablement plus élevés que le traitement litigieux.
Le fait que la radiothérapie intraopératoire est un élément positif
supplémentaire dans le traitement considéré dans son ensemble n'est pas
suffisant au regard de la jurisprudence susmentionnée pour justifier sa prise
en charge par l'assurance obligatoire des soins.

4.
Tant l'intimé que les médecins qui l'ont soigné en Suisse ont mis l'accent
sur le fait que l'assuré voulait mettre le maximum de chances de son côté,
étant donné son âge et le fait qu'il est père de trois jeunes enfants.
Cependant, en matière de droit aux prestations, la LAMal ne fait aucune
distinction en fonction de la situation familiale. La loi est en effet
orientée sur la maladie du patient et les soins nécessaires pour traiter
cette maladie. Une différenciation du droit aux prestations en fonction de la
charge de famille serait non seulement contraire à la loi mais procéderait
d'une discrimination inadmissible (voir à ce sujet Gabrielle Steffen, Droit
aux soins et rationnement, Approche d'une définition des soins nécessaires,
thèse Neuchâtel, 2002, p. 294 sv.). Quant à l'âge, il peut entrer en ligne de
compte par le biais de l'art. 32 LAMal, sous l'angle de l'efficacité des
traitements (voir ATF 125 V 95). Certaines dispositions de l'annexe à l'OPAS
font référence à l'âge du patient (voir par exemple le ch. 1.1). Mais, de
manière plus générale, l'âge ne justifie pas de distinction quant à la prise
en charge de prestations (Steffen, op. cit., p. 277).

5.
Il suit de là que le recours est bien fondé. Vu la nature du litige, la
procédure est gratuite (art. 134 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et les chiffres 3 à 6 du jugement du Tribunal cantonal
des assurances sociales du 11 avril 2005 sont annulés.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 19 août 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre: La Greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : K.78/05
Date de la décision : 19/08/2005
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 34 al. 2 LAMal; art. 36 al. 1 OAMal: Assurance maladie, prestationobligatoire, traitement à l'étranger. Lorsqu'une mesure thérapeutique disponible en Suisse n'entraîne pas derisque important et notablement plus élevé pour le patient par rapport àl'alternative de traitement à l'étranger, la prise en charge, parl'assurance obligatoire des soins, des coûts d'une opération fournie àl'étranger doit être niée. Le fait que le traitement proposé à l'étranger etnon disponible en Suisse diminue les risques de récidive dans une mesuredifficile à évaluer n'est pas suffisant pour justifier sa prise en chargepar l'assurance obligatoire des soins.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2005-08-19;k.78.05 ?
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