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26/07/2005 | SUISSE | N°C.57/05

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 juillet 2005, C.57/05


{T 7}
C 57/05
C 74/05

Arrêt du 26 juillet 2005
Ire Chambre

MM. et Mmes les Juges Borella, Président, Leuzinger, Widmer, Ursprung et
Frésard. Greffier : M. Beauverd

C 57/05
L.________, recourant,

et

C 74/05
Secrétariat d'Etat à l'économie, Marché du travail et assurance-chômage,
TCRV, Effingerstrasse 31, 3003 Berne, recourant,

contre

Caisse Cantonale Genevoise de Chômage, rue de Montbrillant 40, 1201 Genève,
intimée,

concernant L.________

Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève<

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(Jugement du 20 janvier 2005)

Faits:

A.
L. ________, né en 1964, de nationalité britannique, travaillait depuis le
mois de juin 199...

{T 7}
C 57/05
C 74/05

Arrêt du 26 juillet 2005
Ire Chambre

MM. et Mmes les Juges Borella, Président, Leuzinger, Widmer, Ursprung et
Frésard. Greffier : M. Beauverd

C 57/05
L.________, recourant,

et

C 74/05
Secrétariat d'Etat à l'économie, Marché du travail et assurance-chômage,
TCRV, Effingerstrasse 31, 3003 Berne, recourant,

contre

Caisse Cantonale Genevoise de Chômage, rue de Montbrillant 40, 1201 Genève,
intimée,

concernant L.________

Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève

(Jugement du 20 janvier 2005)

Faits:

A.
L. ________, né en 1964, de nationalité britannique, travaillait depuis le
mois de juin 1993 au service de X.________ (...), à Londres. Au mois de
septembre 2001, l'employeur et le salarié ont convenu d'un détachement de ce
dernier auprès de X.________ (Suisse) SA, à Genève. Le 20 décembre 2001,
l'INLAND REVENUE IN CONTRIBUTIONS OFFICE, à Newcastle, a délivré au salarié
un certificat de détachement en Suisse pour une durée maximale de
vingt-quatre mois, du 1er décembre 2001 au 30 novembre 2003, en certifiant
que, durant cette période, l'intéressé restait soumis au paiement des
cotisations sociales en Grande-Bretagne. Aussi bien L.________ a-t-il
travaillé à Genève, avant d'être licencié par X.________ (Suisse) SA, le 7
mai 2003, pour le 19 août 2003.

B.
L.________ s'est annoncé à l'assurance-chômage et à l'Office cantonal
genevois de l'emploi, en demandant à bénéficier des indemnités de chômage à
partir du 19 août 2003. X.________ (Suisse) SA a confirmé que L.________
avait été employé à son service du 1er décembre 2001 au 19 août 2003 en
qualité de directeur, en précisant qu'il n'avait jamais cotisé à l'AVS.

Par décision du 10 décembre 2003, la Caisse cantonale genevoise de chômage a
dénié au requérant le droit à l'indemnité prétendue, au motif qu'il ne
pouvait pas justifier d'une période de cotisation en Suisse de douze mois au
minimum et que les périodes de cotisation accomplies dans un Etat membre de
l'Union européenne ne pouvaient pas être prises en considération, car il
n'avait pas accompli, en dernier lieu, une période de cotisation en Suisse.
La caisse a rejeté une opposition de l'intéressé par une nouvelle décision du
29 mars 2004.

C.
Par jugement du 20 janvier 2005, le Tribunal cantonal des assurances sociales
de la République et canton de Genève a rejeté le recours formé contre cette
dernière décision par L.________.

D.
L.________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugement en
concluant au versement d'indemnités journalières pendant son chômage.

Le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco) a également formé un recours de
droit administratif dans lequel il conclut à l'annulation du jugement
cantonal et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvel examen
des droits du requérant.

La caisse cantonale de chômage a conclu au rejet des recours.

Considérant en droit:

1.
Les recours de droit administratif concernent des faits de même nature,
portent sur des questions juridiques communes et sont dirigés contre le même
jugement, de sorte qu'il se justifie de les réunir et de les liquider dans un
seul arrêt (ATF 128 V 126 consid. 1 et les références; cf. aussi ATF 128 V
194 consid. 1).

2.
2.1L'assuré a droit à l'indemnité de chômage si, entre autres conditions, il
remplit les conditions relatives à la période de cotisation (art. 8 al. 1
let. e LACI). D'après l'art. 13 al. 1 LACI (dans sa version en vigueur depuis
le 1er juillet 2003), celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet
effet (art. 9 al. 3 LACI), a exercé durant douze mois au moins une activité
soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de
cotisation. Cette disposition se rapporte à l'obligation de cotiser et
implique donc, par principe, l'exercice d'une activité soumise à cotisation
en Suisse (ATF 128 V 186 consid. 3b).

2.2 Il convient cependant d'examiner si l'intéressé peut déduire un droit à
l'indemnité de chômage de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération
suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre
part, sur la libre circulation des personnes (ALCP), entré en vigueur le 1er
juin 2002, ainsi que des règlements auxquels il est fait référence.

Selon l'art. 1er par. 1 de l'Annexe II de l'ALCP - intitulée « Coordination
des systèmes de sécurité sociale », fondée sur l'art. 8 de l'accord et
faisant partie intégrante de celui-ci (art. 15 ALCP) - en relation avec la
Section A de cette annexe, les Parties contractantes appliquent entre elles
en particulier le règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971
relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs
salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se
déplacent à l'intérieur de la Communauté (ci-après : règlement no 1408/71),
ainsi que le règlement (CEE) no 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les
modalités d'application du règlement (CEE) no 1408/71 relatif à l'application
des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs
non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de
la Communauté (ci-après : règlement no 574/72), ou des règles équivalentes.

2.3 Ratione temporis, cet accord est en l'espèce applicable. En effet, le
droit invoqué porte sur une prétention postérieure à son entrée en vigueur et
la décision sur opposition a été rendue après le 1er juin 2002 (voir ATF 130
V 262 consid. 3.10). Peu importe à cet égard qu'il faille éventuellement
tenir compte de périodes d'assurance, d'emploi ou de résidence accomplies
dans un autre Etat membre avant le 1er juin 2002 (art. 94 par. 2 du règlement
no 1408/71). La réglementation citée est aussi applicable à l'intéressé du
point de vue personnel - ressortissant d'un Etat membre, L.________ doit être
considéré comme un travailleur qui est ou a été soumis à la législation d'un
ou de plusieurs Etats membres (art. 2 par. 1 du règlement no 1408/71) - et du
point de vue matériel - le règlement no 1408/71 s'appliquant à la législation
en matière d'assurance-chômage (art. 4 par. 1 let. g dudit règlement).

3.
Il faut relever d'emblée que le présent cas ne tombe pas dans le champ
d'application du protocole à l'Annexe II de l'ALCP, qui vise, pendant une
période transitoire de sept ans dès l'entrée en vigueur de l'Accord, les
salariés au bénéfice d'un titre de séjour d'une durée inférieure à un an.

4.
4.1La situation des travailleurs détachés est réglée, en droit communautaire,
à l'art. 14 du règlement n° 1408/71. La personne qui exerce une activité
salariée sur le territoire d'un Etat membre au service d'une entreprise dont
elle relève normalement et qui est détachée par cette entreprise sur le
territoire d'un autre Etat membre afin d'y effectuer un travail pour le
compte de celle-ci, demeure soumise à la législation du premier Etat membre,
à condition que la durée prévisible de ce travail n'excède pas douze mois et
qu'elle ne soit pas envoyée en remplacement d'une autre personne parvenue au
terme de la période de son détachement (par. 1 let. a).

Si la durée du travail à effectuer se prolonge en raison de circonstances
imprévisibles au-delà de la durée primitivement prévue et vient à excéder
douze mois, la législation du premier Etat membre demeure applicable jusqu'à
l'achèvement de ce travail, à condition que l'autorité compétente de l'Etat
membre, sur le territoire duquel l'intéressé est détaché ou l'organisme
désigné par cette autorité ait donné son accord; cet accord doit être
sollicité avant la fin de la période initiale de douze mois. Toutefois, il ne
peut être donné que pour une période n'excédant pas douze mois (par. 1 let.
b).

4.2 Dans le cas particulier, comme cela ressort des pièces, le détachement de
L.________, décidé antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ALCP, reposait
sur l'art. 5 par. 3 de la Convention de sécurité sociale entre la Suisse et
le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord du 21 février 1968.
Cette disposition permettait un détachement de vingt-quatre mois au plus ou
pour d'autres périodes plus longues consenties par les autorités compétentes
des deux Parties dans un cas particulier; aucune cotisation ne pouvait être
exigée en application de la législation de l'Etat dans lequel le travailleur
était détaché.

Les détachements acceptés (ou prolongés) avant l'entrée en vigueur de l'ALCP
sur la base de conventions conclues entre la Suisse et l'un des Etats membres
de la Communauté européenne demeurent valables jusqu'à leur échéance (cf.
Bettina Kahil-Wolff/Corinne Pacifico, Sécurité sociale, droit du travail et
fiscalité : le droit applicable en cas de situations transfrontalières, in :
Assujettissement, cotisations et questions connexes selon l'Accord sur la
libre circulation des personnes CH-CE, Berne 2004, p. 36, avec un renvoi à un
mémento de l'Office fédéral des assurances sociales intitulé : « Sécurité
sociale pour les travailleurs détachés dans la Communauté européenne et en
Suisse »). Il en résulte donc, dans le cas particulier, que l'intéressé a
conservé son statut de travailleur détaché après l'entrée en vigueur de
l'ALCP.

5.
En matière de prestations de chômage, l'art. 67 du règlement n° 1408/71 pose
le principe de la totalisation des périodes d'assurance ou d'emploi.

A cet effet, l'institution compétente d'un Etat membre dont la législation
subordonne, notamment, l'acquisition du droit aux prestations à
l'accomplissement de périodes d'assurance tient compte, dans la mesure
nécessaire, des périodes d'assurance ou d'emploi accomplies en qualité de
travailleur salarié sous la législation de tout Etat membre, comme s'il
s'agissait de périodes d'assurance accomplies sous la législation qu'elle
applique, à condition toutefois que les périodes d'emploi eussent été
considérées comme périodes d'assurance si elles avaient été accomplies sous
cette législation (par. 1).

Si l'acquisition du droit est subordonnée à l'accomplissement de périodes
d'emploi, il sera tenu compte, dans la mesure nécessaire, des périodes
d'assurance ou d'emploi accomplies en qualité de travailleur salarié sous la
législation de tout Etat membre, comme s'il s'agissait de périodes d'emploi
accomplies sous la législation de l'institution compétente (par. 2).

Toutefois, selon que, d'après la législation applicable, le droit aux
prestations ou leur durée est subordonné à la réalisation de périodes
d'assurance ou d'emploi, le chômeur doit avoir accompli, en dernier lieu,
suivant l'éventualité considérée, soit des périodes d'assurance, soit des
périodes d'emploi selon les dispositions de la législation au titre de
laquelle les prestations sont demandées (par. 3). Cette règle consacre le
principe du dernier pays d'emploi en ce sens qu'elle requiert, pour son
application, que l'intéressé ait accompli des périodes d'assurance (par. 1)
ou d'emploi (par. 2) en dernier lieu dans l'Etat membre prestataire.
Autrement dit, le ressortissant d'un Etat membre qui prétend des indemnités
de chômage en Suisse, devra préalablement avoir occupé un emploi assujetti à
cotisations en Suisse avant de pouvoir, au besoin, se prévaloir des périodes
d'assurance accomplies à l'étranger pour le calcul de la période de
cotisation selon l'art. 13 LACI (Bettina Kahil-Wolff, L'assurance-chômage et
l'Accord sur la libre circulation des personnes CH-CE, in: RSAS 1999, p.
439).

En l'espèce, cette dernière condition n'est pas réalisée, l'intéressé n'ayant
pas été soumis aux assurances sociales suisses avant la survenance de son
chômage.

6.
6.1L'exigence susmentionnée d'une période d'emploi ou d'assurance accomplie
en dernier lieu au titre de la législation en vertu de laquelle les
prestations sont demandées n'est cependant pas requise, notamment, dans le
cas visé à l'art. 71 par. 1 let. b point ii du règlement no 1408/71 (art. 67
par. 3 in initio).

6.2 L'art. 71 par. 1 let. b du règlement n° 1408/71 est ainsi libellé :

i) Un travailleur salarié autre qu'un travailleur frontalier, qui est en
chômage partiel, accidentel ou complet et qui demeure à la disposition de son
employeur, ou des services de l'emploi sur le territoire de l'Etat compétent
bénéficie des prestations selon la législation de cet Etat, comme s'il
résidait sur son territoire; ces prestations sont servies par l'institution
compétente.

ii) Un travailleur salarié autre qu'un travailleur frontalier, qui est en
chômage complet et qui se met à la disposition des services de l'emploi sur
le territoire de l'Etat membre où il réside ou qui retourne sur ce
territoire, bénéficie des prestations selon les dispositions de la
législation de cet Etat, comme s'il y avait exercé son dernier emploi; ces
prestations sont servies par l'institution du lieu de résidence et à sa
charge (...).

Les travailleurs au chômage complet autres que les frontaliers disposent donc
en vertu de l'art. 71 par. 1 let. b d'une option entre les prestations de
l'Etat d'emploi et celles de l'Etat de résidence. Ils exercent cette faculté
en se mettant à la disposition soit des services de l'emploi de l'Etat du
dernier emploi (art. 71 par. 1 let. b point i), soit des services de l'emploi
du lieu de résidence (art. 71 par. 1 let. b point ii). A cet effet, le
travailleur peut se placer sous le régime des prestations de chômage de
l'Etat de son dernier emploi ou réclamer les prestations de l'Etat de sa
résidence. En revanche, le travailleur ne peut ni cumuler les montants des
allocations de chômage des deux Etats ni, lorsqu'il est mis uniquement à la
disposition des services de l'emploi sur le territoire de l'Etat membre où il
réside, réclamer le bénéfice des prestations de chômage de l'Etat de son
dernier emploi. L'art. 71 par. 1 let. b permet certes à un travailleur de
recevoir des prestations de chômage d'un Etat membre où il n'a pas versé des
cotisations pendant son dernier emploi. Toutefois, il s'agit là d'une
conséquence voulue par le législateur communautaire, qui a entendu faire
bénéficier le travailleur des meilleures chances de réinsertion
professionnelle. Par ailleurs, l'élément déterminant pour l'application de
l'art. 71 par. 1 let. b est le fait que l'intéressé résidait au cours de son
dernier
emploi dans un Etat membre autre que celui à la législation duquel il
était assujetti, qui ne correspond pas nécessairement à celui sur le
territoire duquel il était occupé (sur ces divers points : arrêt du 29 juin
1995, Van Gestel, C-454/93, Rec. p. I-1707; arrêt du 27 janvier 1994,
Maitland Toosey, C-287/92, Rec. p. I-279, point 13; arrêt du 12 juin 1986,
Miethe, 1/85, Rec. p. 1837; arrêt du 27 mai 1982, Aubin, 227/81, Rec. p.
1991, point 19; Kahil-Wolff, loc. cit., p. 440; Edgar Imhof, Eine Anleitung
zum Gebrauch des Personenfreizügigkeitsabkommens und der VO 1408/71,
insbesondere eine Darstellung der besonderen Vorschriften der VO 1408/71 über
die einzelnen Leistungszweige, in: Aktuelles im Sozialversicherungsrecht,
Zurich 2001, p. 56 ss; Patricia Usinger-Egger, Die soziale Sicherheit der
Arbeitslosen in der Verordnung [EWG] Nr. 1408/71 und in den bilateralen
Abkommen zwischen der Schweiz und ihren Nachbarstaaten, thèse Fribourg,
Zurich 2000, p. 85 ss).

7.
7.1A partir de là, il convient d'examiner si l'intéressé, qui s'est mis à la
disposition des services de l'emploi en Suisse, peut se prévaloir de l'art.
71 par. 1 let. b point ii et bénéficier de prestations à raison d'une
résidence éventuelle en Suisse.

7.2 Cette disposition du règlement a été explicitée par une décision n° 160
du 28 novembre 1995 de la Commission administrative des Communautés
européennes pour la sécurité sociale des travailleurs migrants (Journal
officiel n° L 049 du 28 février 1996, p. 31 ss). Selon cette décision, les
travailleurs visés, notamment, à l'art. 14 par. 1 du règlement n° 1408/71, à
savoir les travailleurs détachés, sont présumés, jusqu'à preuve du contraire,
résider sur le territoire de l'Etat compétent. Par Etat compétent, il faut
entendre l'Etat d'envoi, à la législation duquel est soumis le travailleur,
en l'occurrence la Grande-Bretagne.

Ladite décision fait partie des actes que la Suisse prend en considération
(cf. art. 2 al. 1 de l'Annexe II de l'ALCP), conformément au point 4.45 de la
section B de l'Annexe II à l'ALCP (voir aussi Imhof, op. cit., p. 57, note de
bas de page 98). A l'instar des autres décisions de la Commission
administrative, elle est de nature interprétative et ne lie ni le juge ni les
institutions nationales de sécurité sociale. Elle est susceptible néanmoins
de fournir une aide d'interprétation aux institutions concernées (arrêt du 10
février 2000, Fitzwilliam, C-202/97, Rec. p. I-883 point 18 et la
jurisprudence constante citée). S'agissant de la question discutée ici, il
n'y a pas lieu de s'en écarter. Elle pose, en accord avec la réglementation
en matière de détachement, la présomption que l'intéressé a conservé sa
résidence dans le pays de provenance. En prévoyant que cette présomption
(réfragable) peut être renversée, elle s'inscrit en même temps dans le fil de
la jurisprudence citée plus haut relative à l'art. 71 du règlement n°
1408/71.

7.3 Comme on l'a vu, le détachement de L.________ est antérieur à l'entrée en
vigueur de l'ALCP et demeurait valable jusqu'à son expiration. Aussi bien se
justifie-t-il, pour une application cohérente de la réglementation
communautaire, de traiter l'intéressé, sous l'angle de son droit éventuel à
des prestations d'assurance-chômage, comme un travailleur détaché au sens de
la décision interprétative citée.

7.4 Un renversement de la présomption posée par cette décision ne doit
cependant être admis que de manière restrictive afin de ne pas charger
financièrement un Etat dans lequel l'intéressé n'a pas payé de cotisations.
Pendant son détachement, le travailleur séjourne temporairement dans l'Etat
hôte. Il est donc nécessaire que le travailleur acquière sa résidence
habituelle dans ce pays de telle manière qu'il ne soit plus possible de le
considérer comme résidant habituellement dans le pays de provenance (voir sur
les notions de séjour et de résidence, l'art. 1er let. h et i du règlement no
1408/71). Est décisif, le point de savoir si l'intéressé a déplacé dans
l'Etat en question le centre de ses intérêts. Le fait que le travailleur a
emmené sa famille avec lui constitue un indice important, mais pas suffisant
à lui seul. Il faut en particulier tenir compte du caractère de l'occupation
exercée, du but de l'absence du pays d'origine, ainsi que de l'intention de
l'intéressé telle qu'elle ressort de l'ensemble des circonstances (cf.
Eichenhofer Eberhard, in: Maximilan Fuchs [éd.], Kommentar zum Europäischen
Sozialrecht, 3e éd., Baden-Baden 2002, p. 473; Usinger-Egger, op. cit., p.
87; arrêt du 17 février 1977, Di Paolo, 76/76, Rec. p. 315).

7.5 En l'espèce, l'intéressé est au bénéfice d'un permis B valable jusqu'en
novembre 2007. Il a allégué qu'il a déménagé à Genève avec sa femme, après
avoir vendu tous ses biens en Angleterre. Pendant la durée de son engagement
au service de Y.________ (Suisse) SA, il n'a jamais été question d'un retour
en Angleterre. Les rapports de travail ont été résiliés à cause de la chute
des marchés financiers, qui ont entraîné une nouvelle réorganisation de la
société qui l'employait en Suisse. Il a également indiqué qu'il avait
retrouvé un emploi en Suisse, après sa période de chômage.

Les premiers juges n'ont pas examiné le bien-fondé de ces allégués,
considérant erronément que la décision n° 160 n'était applicable qu'aux
travailleurs frontaliers. Des mesures d'instruction complémentaires sont donc
nécessaires afin d'en vérifier l'exactitude et de déterminer s'il existe
suffisamment d'éléments pour admettre un renversement de la présomption d'une
résidence en Grande-Bretagne. L.________ doit en tout cas être admis à
rapporter la preuve de ses allégués par tous moyens utiles. Il convient donc,
comme le propose le seco, de renvoyer à cette fin la cause à
l'administration; au besoin, elle examinera si toutes les conditions - non
abordées ici - du droit à l'indemnité sont réalisées.

8.
De ce qui précède, il résulte que le recours est partiellement fondé.

Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Les causes C 57/05 et C 74/05 sont jointes.

2.
Les recours sont admis et le jugement du Tribunal cantonal des assurances
sociales du canton de Genève du 20 janvier 2005, ainsi que la décision sur
opposition du 29 mars 2004, sont annulés.

3.
La cause est renvoyée à la Caisse cantonale genevoise de chômage pour
complément d'instruction et nouvelle décision au sens des motifs.

4.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales du canton de Genève et à l'Office cantonal de l'emploi,
groupe réclamations.

Lucerne, le 26 juillet 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre: Le Greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.57/05
Date de la décision : 26/07/2005
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 8 al. 1 let. e et art. 13 al. 1 LACI; art. 1er par. 1 et art. 2 par.1 de l'Annexe II de l'ALCP; art. 14 par. 1, art. 67, art. 71 par. 1 let. bdu règlement n° 1408/71 : Droit à une indemnité de l'assurance-chômagesuisse d'un ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne quiexerce une activité sur le territoire suisse en qualité de salarié détaché. L'art. 67 par. 3 du règlement n° 1408/71 consacre le principe du dernierpays d'emploi. Aussi, le ressortissant d'un Etat membre, qui prétend desindemnités de chômage en Suisse, devra-t-il préalablement avoir occupé unemploi assujetti à cotisations en Suisse avant de pouvoir, au besoin, seprévaloir des périodes d'assurance accomplies à l'étranger pour le calcul dela période de cotisation selon l'art. 13 LACI. (consid. 5) Toutefois, en vertu de l'art. 71 par. 1 let. b du règlement n° 1408/71,les travailleurs au chômage complet autres que les frontaliers disposentd'une option entre les prestations de l'Etat d'emploi et celles de l'Etat derésidence (consid. 6.2). A cet égard, il existe une présomption réfragableque le salarié détaché a conservé sa résidence dans le pays de provenance.(consid. 7.2)


Références :

10.02.2000 C-202/97; 29.06.1995 C-454/93; 27.01.1994 C-287/92; 12.06.1986 C -1/85; 27.05.1982 C-227/81; 17.02.1977 C-76/76


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2005-07-26;c.57.05 ?
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