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17/07/2005 | SUISSE | N°6S.184/2005

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 juillet 2005, 6S.184/2005


{T 0/2}
6S.184/2005 /rod

Arrêt du 17 juillet 2005
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger, Kolly, Karlen et Zünd.
Greffière: Mme Bendani.

Ministère public du canton de Fribourg, 1700 Fribourg,
recourant,

contre

X.________,
intimé, représenté par Me Bruno de Weck, avocat,

Rixe (art. 133 al. 2 CP),

pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour d'appel du Tribunal cantonal de
l'Etat de Fribourg du 5 avril 2005.

Faits:

A.
Le samedi 12 octobre 2002, dès 3 h.

20, six patrouilles de la gendarmerie
sont intervenues devant une discothèque de Bulle pour disperser une centaine
de personnes qui prenai...

{T 0/2}
6S.184/2005 /rod

Arrêt du 17 juillet 2005
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger, Kolly, Karlen et Zünd.
Greffière: Mme Bendani.

Ministère public du canton de Fribourg, 1700 Fribourg,
recourant,

contre

X.________,
intimé, représenté par Me Bruno de Weck, avocat,

Rixe (art. 133 al. 2 CP),

pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour d'appel du Tribunal cantonal de
l'Etat de Fribourg du 5 avril 2005.

Faits:

A.
Le samedi 12 octobre 2002, dès 3 h. 20, six patrouilles de la gendarmerie
sont intervenues devant une discothèque de Bulle pour disperser une centaine
de personnes qui prenaient part à une altercation. Elles ont interpellé un
meneur qui lançait des pierres dans leur direction. Après une heure et demie,
elles ont pu rétablir le calme et disperser les trublions.

Sur ordre du Juge d'instruction du 24 octobre 2002, la police a convoqué pour
audition les personnes qu'elle se souvenait avoir vues sur les lieux de son
intervention. Le 8 décembre 2002, elle a entendu X.________ en qualité de
prévenu de rixe et l'a dénoncé au juge d'instruction aux côtés de 32 autres
intervenants.

B.
Par ordonnance du 27 octobre 2003, le Juge d'instruction du canton de
Fribourg a condamné X.________, pour rixe et trouble à l'ordre public, à 15
jours d'emprisonnement avec sursis pendant 3 ans et à une amende de 500
francs.

Statuant suite à l'opposition formée par X.________, le Juge de police de la
Gruyère, par jugement du 11 février 2004, a mis à néant l'ordonnance précitée
et a acquitté l'intéressé des chefs de prévention de rixe et de trouble à
l'ordre public.

C.
Par arrêt du 5 avril 2005, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal
fribourgeois a rejeté le recours du Ministère public contre le jugement du 11
février 2004. En bref, elle a jugé que X.________ avait effectivement
participé à la rixe, mais qu'il n'était pas punissable en application de
l'art. 133 al. 2 CP, puisque son comportement, certes actif, n'avait été que
défensif.

D.
Le Ministère public du canton de Fribourg se pourvoit en nullité au Tribunal
fédéral. Invoquant une violation de l'art. 133 al. 2 CP, il conclut à
l'annulation de l'arrêt attaqué.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Saisie d'un pourvoi en nullité, la Cour de cassation contrôle l'application
du droit fédéral sur la base d'un état de fait définitivement arrêté par
l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1 let. b PPF). Le
raisonnement juridique doit donc être mené sur la base de l'état de fait
retenu dans la décision attaquée, dont le recourant n'est pas recevable à
s'écarter (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66 s.).

2.
Se plaignant d'une violation de l'art. 133 al. 2 CP, le recourant soutient
que la jurisprudence n'admet l'application de cette disposition que dans
l'hypothèse où la personne provoquée n'adopte pas un comportement actif.

2.1 Selon l'art. 133 CP, celui qui aura pris part à une rixe ayant entraîné
la mort d'une personne ou une lésion corporelle sera puni de l'emprisonnement
ou de l'amende (al. 1). N'est pas punissable celui qui se sera borné à
repousser une attaque, à défendre autrui ou à séparer les combattants (al.
2).

La rixe est une altercation physique réciproque entre au moins trois
personnes qui y participent activement. Le comportement punissable consiste à
participer à la bagarre. La notion de participation doit être comprise dans
un sens large. Il faut ainsi considérer comme un participant celui qui frappe
un autre protagoniste, soit toute personne qui prend une part active à la
bagarre en se livrant elle-même à un acte de violence (cf. ATF 106 IV 246
consid. 3e p. 252; B. Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, ad
art. 133, n° 5 p. 194).

La loi prévoit un fait justificatif spécial en ce sens que n'est pas
punissable l'adversaire qui n'accepte pas le combat et se borne ainsi à
repousser une attaque, à défendre autrui ou à séparer les combattants.

2.1.1 Dans l'ATF 94 IV 105, le Tribunal fédéral a admis que les éléments
constitutifs de la rixe au sens de l'ancien art. 133 CP étaient réalisés,
lorsque l'un des trois participants ne donnait qu'un seul coup pour se
défendre contre une attaque inattendue. Il a jugé que la rixe n'était exclue
que si l'un des adversaires n'acceptait pas le combat, restait passif ou se
bornait à repousser une attaque, précisant qu'il ne pouvait y avoir un
comportement passif qu'en cas de simple résistance ne dégénérant pas en
horions ou bourrades, c'est-à-dire quand celui qui était assailli cherchait
seulement à se protéger sans se livrer en aucune manière à des voies de fait.
Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a admis le recours du Ministère public
qui contestait la condamnation des deux assaillants pour voies de fait et
demandait leur condamnation pour participation à une rixe. Il a donc
uniquement examiné s'il y avait eu rixe ou non et n'a pas tranché la question
de la punissabilité de celui qui s'était défendu en portant un seul coup à
ses adversaires. Dans l'ATF 104 IV 53, le Tribunal fédéral a admis
qu'agissait en état de légitime défense, celui qui, se faisant appréhender
sans droit par deux individus, tentait de mettre fin à cette intervention et
s'opposait activement à cette agression en se débattant puis en distribuant
des coups. Retenu sans droit, il avait le droit de repousser, par des moyens
appropriés, l'atteinte portée à sa liberté de mouvement.

Dans son message du 26 juin 1985 concernant la modification du code pénal, le
Conseil fédéral a relevé que la disposition afférente à la non-punissabilité
(art. 133 al. 2 CP) pouvait paraître superflue au regard de l'art. 33 CP
concernant la légitime défense, mais qu'elle avait le mérite de montrer
clairement qu'un tel comportement ne réunissait pas les éléments constitutifs
de l'infraction et n'était de ce seul fait pas punissable, sans qu'il fût
nécessaire d'invoquer un fait justificatif (FF 1985 II 1054).

La doctrine a souvent déduit de la jurisprudence précitée que la
non-punissabilité de l'art. 133 al. 2 CP ne visait que la légitime défense
passive, soit celui qui cherchait uniquement à se protéger, sans participer
lui-même activement à l'altercation, ni donner de coups (C. Favre/M.
Pellet/P. Stoudmann, Code pénal annoté, 2ème éd., 2004, ad art. 133, n° 2.1
p. 329; G. Stratenwerth/G. Jenny, Schweizerisches Strafrecht, BT I, 6ème éd.,
ad art. 133, n° 23 p. 80). Certains auteurs ont relevé que cet alinéa était
alors inutile, puisqu'un tel comportement ne constituait pas une
participation à la rixe (G. Stratenwerth/G. Jenny, op.cit., ad art. 133, n°
23 p. 80; P. Aebersold, Basler Kommentar, Strafgesetzbuch II, ad art. 133, n°
9 p. 182). D'autres ont constaté que cette jurisprudence était trop
restrictive et que l'art. 133 al. 2 CP s'appliquait également à celui qui se
défendait activement, soit en distribuant des coups (S. Trechsel,
Schweizerisches Strafgesetzbuch, Kurzkommentar, 2ème éd., ad art. 133, n° 4
p. 473; cf. B. Corboz, op. cit., ad art. 133, n° 15 p. 196; J. Rehberg /N.
Schmid /A. Donatsch, Strafrecht III, Delikte gegen den Einzelnen, 2003, ad
art. 133, p. 60; J. Hurtado Pozo, Droit pénal, Partie spéciale, 3ème éd., ad
art. 133 n° 591).

2.1.2 Lorsqu'une personne a une attitude purement passive, ne cherche qu'à
se protéger et ne donne aucun coup, on ne peut soutenir qu'elle participe à
la rixe. En effet, celle-ci exige une certaine forme de participation, soit
un combat actif, effectif et réciproque entre au moins trois personnes. Si
l'une des trois ne se bat pas et n'use pas de violence pour repousser
l'attaque, il n'y a pas de rixe. Dans un tel cas, on retiendra l'agression,
les voies de fait, les lésions corporelles ou l'homicide (cf. ATF 106 IV 246
consid. 3e p. 252; 94 IV 105; 70 IV 126).

En revanche, quand une personne a une attitude active mais purement défensive
ou de séparation, c'est-à-dire distribue des coups, mais exclusivement pour
se protéger, défendre autrui ou séparer les combattants, on a alors affaire à
une rixe (cf. ATF 94 IV 105). Dans ce sens, la jurisprudence a précisé que du
moment où la loi accorde l'impunité à celui qui s'est borné à se défendre,
elle admet qu'il est aussi un participant au sens de l'art. 133 CP (ATF 106
IV 246 consid. 3e p. 252). Cette personne peut toutefois bénéficier de
l'impunité prévue par l'art. 133 al. 2 CP, puisque, par son comportement,
elle s'est bornée à défendre sa personne ou autrui ou à séparer les
combattants. Cette interprétation est conforme à la jurisprudence (cf. ATF
106 IV 246 consid. 3e p. 252), à la volonté du législateur et à l'avis de la
doctrine (cf. supra consid. 2.1.1). Au demeurant, on conçoit difficilement
qu'un individu, pris dans une bagarre, puisse repousser une attaque en
restant passif.

En conclusion, se borne à repousser une attaque, à défendre autrui ou à
séparer les combattants au sens de l'art. 133 al. 2 CP, celui qui participe
effectivement à la rixe par son engagement physique, mais qui a pour but
exclusif de se protéger, protéger un tiers ou séparer les protagonistes. Il
agit alors seulement pour défendre sa personne ou d'autres individus ou pour
séparer les adversaires. Par son comportement, il ne provoque ni n'alimente
le combat d'une quelconque manière. Il n'augmente pas les risques propres à
la rixe, voire cherche à les éliminer.

2.2 En l'espèce, la cour cantonale a correctement interprété l'art. 133 al.
2 CP tel que défini ci-dessus. Dans les faits, elle a constaté que le
comportement de l'intimé, certes actif, n'avait été que défensif. Dans ces
conditions, il convient d'admettre que ce dernier s'est borné à repousser une
attaque et qu'il n'est par conséquent pas punissable. Partant, le grief du
recourant doit être rejeté.

3.
Vu le rejet du pourvoi formé par l'accusateur public, il n'est pas perçu de
frais (art. 278 al. 2 PPF). Il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité à
l'intimé, qui n'a pas été amené à se déterminer (art. 278 al. 3 PPF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le pourvoi est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais ni alloué d'indemnité.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Cour d'appel du
Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.

Lausanne, le 17 juillet 2005

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.184/2005
Date de la décision : 17/07/2005
Cour de cassation pénale

Analyses

Art. 133 al. 2 CP; impunité d'un participant à une rixe. Celui qui, impliqué dans une rixe, donne des coups dans le but exclusif dese protéger, de défendre un tiers ou de séparer les protagonistes, n'est paspunissable (consid. 2).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2005-07-17;6s.184.2005 ?
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