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14/03/2005 | SUISSE | N°2A.279/2004

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 mars 2005, 2A.279/2004


{T 1/2}
2A.279/2004 /fzc

Arrêt du 14 mars 2005
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Hungerbühler, Wurzburger, Müller, et Yersin.
Greffier: M. Addy.

Tiziano Balmelli,
recourant,

contre

Commission de recours de l'Université de Fribourg, p.a. Tribunal Cantonal,
case postale 56, 1702 Fribourg,
Tribunal administratif du canton de Fribourg, Ière Cour administrative, route
André-Piller 21, case postale, 1762 Givisiez.

Indemnité pour refus d'embauche; mesure positive (quotas féminins).

recours de droit administratif contre la décision du Tribunal administratif
du canton de Fribourg, Ière Cour administrativ...

{T 1/2}
2A.279/2004 /fzc

Arrêt du 14 mars 2005
IIe Cour de droit public

MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Hungerbühler, Wurzburger, Müller, et Yersin.
Greffier: M. Addy.

Tiziano Balmelli,
recourant,

contre

Commission de recours de l'Université de Fribourg, p.a. Tribunal Cantonal,
case postale 56, 1702 Fribourg,
Tribunal administratif du canton de Fribourg, Ière Cour administrative, route
André-Piller 21, case postale, 1762 Givisiez.

Indemnité pour refus d'embauche; mesure positive (quotas féminins).

recours de droit administratif contre la décision du Tribunal administratif
du canton de Fribourg, Ière Cour administrative, du 31 mars 2004.

Faits:

A.
En octobre 2001, l'Université de Fribourg (ci-après: l'Université) a fait
paraître dans diverses publications l'annonce suivante:

"Dans le cadre des mesures fédérales en faveur de l'encouragement de la
relève universitaire, la Faculté de droit de l'Université met au concours un
poste de professeure associée ou de maître-assistante en droit public (droit
européen et droit international public).

(...). En raison des critères fixés par le programme de relève universitaire,
seules les candidatures féminines peuvent entrer en ligne de compte pour
l'occupation de ce poste."

Le 1er novembre 2001, Tiziano Balmelli s'est porté candidat pour le poste mis
au concours. Son dossier n'a pas été pris en considération par la commission
chargée d'évaluer les candidatures, car le poste était réservé à une femme.
Sur les trois autres candidatures, toutes féminines, reçues par l'Université,
deux n'étaient pas conformes aux exigences requises pour le poste (les
postulantes n'étaient pas titulaires d'un doctorat en droit), si bien que la
commission d'évaluation n'a finalement présenté qu'un seul dossier de
candidature au Conseil de Faculté. A 15 voix pour, 11 voix contre et une
abstention, cette autorité a "élu" la candidate qui lui était proposée par la
commission le 11 décembre 2001; cette candidate a ensuite été nommée le 18
février 2002 comme professeure associée en droit public par la Conseillère
d'Etat en charge de l'instruction publique.

Entre-temps, Tiziano Balmelli s'est inquiété du sort de sa candidature dont
il était "officiellement sans nouvelles"; il a demandé qu'une décision
formelle soit rendue à ce sujet. Le Doyen de la Faculté lui a fait savoir
(lettre du 4 janvier 2002) que son dossier n'avait pas été retenu, car le
poste mis au concours était réservé aux candidatures féminines du fait des
critères fixés par le programme fédéral d'encouragement de la relève
universitaire (ci-après également cité: le programme ou le programme de
relève).

B.
Par écriture du 2 février 2002, Tiziano Balmelli a porté l'affaire devant la
Commission de recours de l'Université de Fribourg (ci-après: la Commission).
Il a demandé à cette autorité de constater que les motifs donnés par le
Décanat pour écarter sa candidature consacraient une discrimination à raison
du sexe contraire aux art. 8 Cst. et 14 CEDH et de lui octroyer un franc
symbolique pour la discrimination subie.

Invité à prendre position, le Décanat a relevé que la discrimination dénoncée
par le plaignant découlait de "la réglementation fédérale et de la situation
au sein de l'Université".

Par décision du 20 mars 2002, le Président de la Commission a déclaré
irrecevable le recours dont il était saisi, au motif que la lettre du Doyen
du 4 janvier 2002 n'avait pas le caractère d'une décision attaquable, que le
problème soulevé n'entrait pas dans le domaine de ses compétences et que, au
surplus, l'intéressé ne pouvait pas justifier d'un intérêt à recourir dès
lors que ses conclusions ne tendaient ni à l'annulation, ni à la modification
de l'acte attaqué.

C.
Tiziano Balmelli a recouru contre cette décision au Tribunal administratif du
canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal administratif). Il s'est plaint
d'un déni de justice formel (art. 29 Cst.) et, reprenant l'argumentation et
les conclusions qu'il avait formulées devant la Commission, a soutenu que la
procédure suivie par l'Université pour l'engagement des nouveaux professeurs
équivalait à l'instauration d'un système de quotas féminins fixes contraire
aux principes constitutionnels de la légalité, de l'égalité et de la
proportionnalité, ainsi qu'à la loi fédérale du 24 mars 1995 sur l'égalité
entre femmes et hommes (Loi sur l'égalité, LEg; RS 151.1).

Le Conseil d'Etat a conclu au rejet du recours, après avoir expliqué que
l'engagement d'une femme au poste litigieux s'imposait pour maintenir la part
des femmes dans les postes de relève attribués à l'Université au-dessus du
seuil de 40 % prévu dans le programme; à défaut, la Confédération
n'accorderait pas les aides financières correspondantes.

Par arrêt du 31 mars 2004, le Tribunal administratif a rejeté le recours
"dans la mesure où il (était) recevable et dans le sens des considérants". En
bref, les juges ont estimé que la loi sur l'égalité ne permettait à la
victime d'une discrimination à l'embauche que de prétendre au versement d'une
indemnité "punitive", si bien que le recours, qui tendait à l'octroi d'une
indemnité d'un franc symbolique, était irrecevable, vu la nature
constatatoire d'une telle conclusion. Au surplus, ils ont considéré que les
quotas féminins constituaient une mesure de discrimination positive fondée
sur une base légale suffisante et conforme au principe de la
proportionnalité.

D.
Tiziano Balmelli interjette recours de droit administratif contre l'arrêt
précité du Tribunal administratif dont il requiert implicitement
l'annulation, en concluant, comme devant les instances précédentes, au
versement d'une indemnité d'un franc symbolique pour la discrimination subie.

Le Tribunal administratif et la Commission renoncent à formuler des
observations sur le recours, tandis que le Bureau fédéral de l'égalité entre
femmes et hommes (ci-après: le Bureau de l'égalité) conclut à son rejet au
terme d'une détermination circonstanciée.

E.
A la demande du juge délégué, l'Université de Fribourg a fait parvenir au
Tribunal fédéral, le 31 janvier 2005, les documents que la Conférence
universitaire suisse (ci-après également citée: CUS) lui avait remis dans le
cadre du programme de relève universitaire dont, en particulier, une lettre
du 20 septembre 2000.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis.

1.1 Selon l'art. 97 OJ en relation avec l'art. 5 PA, la voie du recours de
droit administratif est ouverte contre les décisions fondées sur le droit
public fédéral - ou qui auraient dû l'être -, à condition qu'elles émanent
des autorités énumérées à l'art. 98 OJ et pour autant qu'aucune des
exceptions prévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la législation spéciale ne
soit réalisée (cf. ATF 128 I 46 consid. 1b/aa p. 49).

La loi sur l'égalité n'est pas seulement une loi-cadre ou une loi limitée aux
principes que le législateur cantonal devrait encore concrétiser; elle pose
au contraire des règles et des principes directement déductibles en justice.
Aussi bien, même lorsqu'elles concernent des rapports de travail soumis au
droit public cantonal, les décisions de dernière instance cantonale (cf. art.
13 al. 1 LEg en relation avec l'art. 98 lettre g OJ) prises en application de
la loi sur l'égalité peuvent - comme en l'espèce - faire l'objet d'un recours
de droit administratif au Tribunal fédéral (cf. ATF 124 II 409 consid. 1 p.
411 ss).

1.2 Aux termes de l'art. 103 lettre a OJ, a qualité pour recourir quiconque
est atteint par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à ce
qu'elle soit annulée ou modifiée. Cet intérêt consiste en l'utilité pratique
que l'admission du recours apporterait au recourant en lui évitant de subir
un préjudice de nature économique, idéale ou matérielle occasionné par la
décision attaquée. L'intérêt doit être direct et concret, ce qui implique
notamment que la personne concernée doit se trouver dans un rapport étroit
avec la décision (cf. ATF 130 V 196 consid. 3 p. 202/203 et les arrêts
cités). Par ailleurs, le droit de recours suppose l'existence d'un intérêt
actuel à obtenir l'annulation ou la modification de la décision attaquée (cf.
ATF 128 II 34 consid. 1b p. 36, 156 consid. 1c p. 159 et les arrêts cités).

Par la présente procédure, le recourant cherche essentiellement à faire
constater que la décision par laquelle l'Université a écarté sans même
l'examiner sa candidature constitue une discrimination à raison du sexe
prohibée par la loi sur l'égalité (sur l'admissibilité d'une telle action
constatatoire, cf. infra consid. 4). Comme l'Université a justifié sa
décision par le système de quotas féminins prévu dans le programme fédéral de
relève universitaire, le recours revient, en fin de compte, à remettre en
cause, sinon le système de quotas lui-même, du moins la manière dont il a été
appliqué au cas particulier. Se disant encore intéressé par la perspective
d'entamer une carrière académique, le recourant souligne que, le concernant,
l'utilité du recours tient surtout dans la possibilité de pouvoir mettre fin
au système qu'il dénonce afin, le cas échéant, d'augmenter ses chances d'être
engagé lors d'une éventuelle future postulation pour une place dans
l'enseignement universitaire.

Dans la mesure où le programme de relève a été abandonné quelques mois après
le prononcé de l'arrêt attaqué, à fin septembre 2004 (cf. infra consid. 6.2
in fine), on peut certes se demander si le recours n'est pas devenu sans
objet, faute d'intérêt pratique actuel pour le recourant à faire constater
l'invalidité d'un système qui n'a plus cours. La forte sous-représentation
des femmes dans l'enseignement universitaire est toutefois toujours
d'actualité, tout comme les moyens d'y remédier qui font l'objet de
constantes discussions, ainsi que l'attestent les diverses mesures positives
prises à différents échelons en vue de promouvoir l'égalité entre femmes et
hommes en matière de formation et d'accès à l'enseignement supérieur (cf.
Patricia Schulz, Droit de l'égalité en Suisse, Point de la situation et
perspectives, in: L'égalité entre femmes et hommes en Suisse et dans l'UE,
Zurich 2004, p. 117 ss, 125/126). Au-delà de la question ici litigieuse, le
recourant a donc un intérêt (actuel) à voir tracer un cadre à la
constitutionnalité de telles mesures positives qui sont susceptibles de le
toucher à nouveau à l'avenir. Au demeurant, on peut admettre qu'un intérêt à
faire constater une discrimination à raison du sexe subsiste même si
l'atteinte à la personnalité qui en découle a cessé et si le risque qu'une
nouvelle atteinte se produise est quasi inexistant (cf. Kathrin
Arioli/Felicitas Furrer Iseli, L'application de la loi sur l'égalité aux
rapports de droit public, Bâle 2000, n. 119).

Par conséquent, Tiziano Balmelli, qui est directement touché par la décision
attaquée, a la qualité pour recourir au sens de l'art. 103 lettre a OJ.

1.3 Pour le surplus, déposé en temps utile et dans les formes requises, le
recours de droit administratif est recevable à l'encontre de l'arrêt attaqué
dans la mesure où, comme on l'a vu (supra consid. 1.1), celui-ci porte sur
l'application de la loi sur l'égalité.

2.
Conformément à l'art. 104 lettre a OJ, le recours de droit administratif peut
être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du
pouvoir d'appréciation. Le Tribunal fédéral revoit d'office l'application du
droit fédéral qui englobe notamment les droits constitutionnels du citoyen
(ATF 129 II 183 consid. 3.4 p. 188; 128 II 56 consid. 2b p. 60 et les arrêts
cités). Comme il n'est pas lié par les motifs que les parties invoquent, il
peut admettre le recours pour d'autres raisons que celles avancées par le
recourant ou, au contraire, confirmer l'arrêt attaqué pour d'autres motifs
que ceux retenus par l'autorité intimée (art. 114 al. 1 in fine OJ; ATF 129
II 183 consid. 3.4 p. 188; 127 II 8 consid. 1b p. 12 et les arrêts cités).

En revanche, lorsque le recours est dirigé, comme en l'occurrence, contre la
décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits
constatés dans la décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou
incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 104 lettre b et 105 al. 2 OJ; ATF 130 II 149 consid. 1.2 p.
154; 128 II 145 consid. 1.2.1 p. 150 et les arrêts cités). En outre, le
Tribunal fédéral ne peut pas revoir l'opportunité de la décision entreprise,
le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen en la matière (art. 104
lettre c ch. 3 OJ).

3.
La loi sur l'égalité a pour but de promouvoir dans les faits l'égalité entre
femmes et hommes (art. 1er LEg). S'appliquant aux rapports de travail régis
par le code des obligations et par le droit public fédéral, cantonal ou
communal (art. 2 LEg), elle interdit de discriminer les travailleurs à raison
du sexe, soit directement, soit indirectement, notamment à l'embauche (art. 3
al. 1 et 2 LEg). Ne constituent pas une discrimination les mesures
appropriées visant à promouvoir dans les faits l'égalité entre femmes et
hommes (art. 3 al. 3 LEg).

Aux termes de l'art. 5 al. 1 LEg, quiconque subit ou risque de subir une
discrimination au sens des art. 3 et 4 LEg peut requérir du tribunal
compétent d'interdire la discrimination ou d'y renoncer si elle est imminente
(lettre a), de la faire cesser si elle persiste (lettre b), d'en constater
l'existence si le trouble qu'elle a créé subsiste (lettre c), ou d'ordonner
le paiement du salaire dû (lettre d). Lorsque la discrimination porte sur un
refus d'embauche, la personne lésée ne peut prétendre qu'au versement d'une
indemnité par l'employeur. Celle-ci est fixée compte tenu de toutes les
circonstances et calculée sur la base du salaire auquel la personne
discriminée aurait vraisemblablement eu droit (art. 5 al. 2 LEg). Elle
n'excédera pas le montant correspondant à trois mois de salaire. Lorsque
plusieurs personnes prétendent au versement d'une indemnité pour refus
d'embauche à un même poste, la somme totale des indemnités versées n'excédera
pas non plus ce montant (art. 5 al. 4 LEg). Sont réservés les droits en
dommages-intérêts et
en réparation du tort moral, de même que les prétentions
découlant de dispositions contractuelles plus favorables aux travailleurs
(art. 5 al. 5 LEg).

4.
4.1Après avoir relevé que la Commission de recours aurait dû transmettre
l'affaire aux "autorités d'engagement du corps professoral", le Tribunal
administratif a néanmoins admis sa compétence pour des motifs d'économie de
procédure (il connaissait la position des autorités en question) et afin de
tenir compte du "flou juridique" qui régnait à l'époque des faits. Il a
cependant déclaré irrecevable le recours dont il était saisi, au motif que,
selon la volonté du législateur, la victime d'une discrimination à l'embauche
ne pourrait prétendre qu'au versement d'une indemnité "punitive", par
opposition à une indemnité d'un franc à titre symbolique qui ne revêtirait
qu'un caractère constatatoire.
Le recourant considère que les premiers juges ont appliqué et interprété de
manière arbitraire et "excessivement formaliste" la loi sur l'égalité et
commis un déni de justice formel au sens des art. 29 Cst. et 6 CEDH.

4.2 Selon la jurisprudence, la loi s'interprète en premier lieu selon sa
lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si
plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de
rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de
tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires
(interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des
valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé
(interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres
dispositions légales (interprétation systématique). Le sens que prend la
disposition dans son contexte est également important (ATF 130 II 65 consid.
4.2 p. 71; 129 II 114 consid. 3.1 p. 118; 129 III 55 consid. 3.1.1 p. 56/57;
128 II 56 consid. 4 p. 62 et la jurisprudence citée).

4.3 D'après le Tribunal administratif, la formulation de l'art. 5 al. 2 LEg
("la personne lésée ne peut prétendre qu'au versement d'une indemnité"; "die
betroffene Person hat lediglich Anspruch auf eine Entschädigung"; "la persona
lesa può pretendere soltanto un'indennità") vise à exclure toute prétention
autre que celle tendant au versement d'une indemnité et, en particulier, à
fermer au lésé les autres droits énumérés à l'art. 5 al. 1 LEg. Or, en
requérant l'octroi d'une indemnité d'un franc symbolique, le recourant
chercherait, en réalité, seulement à faire constater, au sens de l'art. 5 al.
1 lettre c LEg, la discrimination dont il s'estime victime; toujours selon le
Tribunal administratif, qui se réfère sur ce point à la volonté du
législateur, l'indemnité prévue à l'art. 5 al. 2 LEg doit être de nature
"punitive".

4.4 Il ressort des travaux préparatoires et, en particulier, du Message du 24
février 1993 concernant la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes
(FF 1993 I 1163) que l'indemnité de l'art. 5 al. 2 LEg n'est pas subordonnée
à la condition que le candidat à l'emploi discriminé ait subi un dommage ou
que l'employeur ait commis une faute: elle se justifie dès que le refus
d'embauche est discriminatoire; elle n'a donc le caractère ni de
dommage-intérêts, ni d'une sanction pénale (message précité, p. 1214;
Margrith Bigler-Eggenberger, Commentaire de la loi sur l'égalité, Lausanne
2000, n. 24 ad art. 5; Monique Cossali Sauvain, La loi fédérale sur l'égalité
entre femmes et hommes, in: Journée 1995 du droit du travail et de la
sécurité sociale, Zurich 1999, p. 57 ss, 72/73; Kathrin Arioli/Felicitas
Furrer Iseli, op. cit., n. 138). Il s'agit plutôt d'une indemnité sui
generis, proche d'une peine conventionnelle ou d'une "amende civile", qui
revêt une double fonction, à la fois punitive et réparatrice (cf. ATF 123 III
391 consid. 3c p. 394; Cossali Sauvain, ibidem).

4.5 Lors des débats aux Chambres fédérales, le principe d'une indemnité en
cas de discrimination à l'embauche a été fortement contesté. En première
lecture, le Conseil national l'a même carrément refusé, en estimant que la
lutte contre les discriminations devait se limiter aux situations dans
lesquelles les parties étaient déjà liées par un contrat de travail; il
fallait en effet éviter d'imposer aux employeurs, lors du recrutement de
nouveaux collaborateurs, des contraintes dont l'efficacité n'était pas
démontrée ou, du moins, n'était pas en rapport avec l'importance des
possibles désagréments (tracasseries administratives, limitation de la
liberté de choix des employeurs, risque de procès onéreux, ...) (cf. BO CN
1994 I p. 257 ss, Ducret). En dépit de ces critiques, le Conseil des Etats a
néanmoins estimé nécessaire d'interdire les discriminations à l'embauche,
sous peine de vider la loi d'une bonne partie de son efficacité. En réponse
aux craintes exprimées par le Conseil national, il a notamment souligné que
l'interdiction de la discrimination à l'embauche n'enlevait rien à la liberté
contractuelle des employeurs, en ce sens qu'un juge ne pouvait en aucun cas
ordonner ou imposer l'engagement d'un employé contre la volonté d'un
employeur. En revanche, contrairement au projet du Conseil fédéral, le
Conseil des Etats a jugé que pareille interdiction ne devait pas s'appliquer
aux offres d'emploi et qu'il fallait limiter à six mois de salaire le montant
maximal de l'indemnité due par l'employeur en cas de discrimination à
l'embauche, y compris lorsque plusieurs personnes faisaient valoir
simultanément leurs droits dans le cadre d'une même procédure d'embauche (cf.
BO CE 1994 II p. 817 ss, 823). En seconde lecture, le Conseil national s'est
finalement rallié, non sans hésitation, à cette proposition, après avoir
cependant ramené la limite maximale de l'indemnité de six à trois mois de
salaire (BO CN 1995 I p. 185 ss), concession que le Conseil des Etats a jugée
politiquement acceptable (BO CE 1995 I p. 317 ss; cf. Claudia Kaufmann,
Commentaire de la loi sur l'égalité, Lausanne 2000, Genèse de la loi, n. 55
ss, 97).

Par rapport au projet qui leur était soumis, les Chambres fédérales ont donc
réduit à double titre l'importance de l'indemnité due en cas de
discrimination à l'embauche: d'une part, en plafonnant son montant à trois
mois de salaire (contre six mois dans le projet du Conseil fédéral) et,
d'autre part, en prévoyant que ce plafond vaut également en cas de pluralité
de demandes d'indemnisation. Indépendamment de ses conclusions, une victime
peut ainsi, selon les circonstances, n'être indemnisée que d'un montant
relativement faible, notamment en cas de pluralité de demandes
d'indemnisation et/ou lorsque le poste mis au concours porte sur une activité
peu rémunérée (par exemple une place de stage); sur ce point, il est
d'ailleurs douteux que le système d'indemnisation voulu par le législateur
suisse soit compatible avec la jurisprudence communautaire, comme la doctrine
n'a pas manqué de le souligner (cf. Franz Werro/Marjolaine Viret, Egalité
entre femmes et hommes: la responsabilité civile de l'employeur, in Egalité
entre femmes et hommes en Suisse et dans l'UE, Zurich 2004, p. 89 ss,
113-115; Bigler-Eggenberger, op. cit., n. 31 ad art. 5 et n. 17 ss ad art. 8;
Patricia Schulz, Die Anstellung, insbesondere Schutz vor Diskriminierung, in:
Das Bundesgesetz über die Gleichstellung von Frau und Mann, Saint-Gall 1996,
p. 45 ss, 52/53; Luzius Mader, Das Gleichstellungsgesetz - Entstehung, Ziele
und Instrumente, in: Das Bundesgesetz über die Gleichstellung von Frau und
Mann, Saint-Gall 1996, p. 9 ss, 29;).

Cela étant, les discussions aux Chambres fédérales ont clairement mis en
évidence que le législateur était davantage animé par le volonté de fixer un
plafond au montant de l'indemnité en cas de discrimination à l'embauche que
par le souci de lui assurer une certaine importance comme gage d'efficacité.
Il ressort également de ces débats que c'est principalement en vue d'éviter
qu'une victime ne puisse demander d'être engagée par la voie judiciaire et de
préserver ainsi intacte la liberté contractuelle de l'employeur que le
législateur a limité au versement d'une indemnité les prétentions du lésé en
cas de discrimination à l'embauche (cf. aussi le Message concernant la loi
fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes, op. cit., p. 1214; Patricia
Schulz, Die Anstellung, insbesondere Schutz vor Diskriminierung, in: Das
Bundesgesetz über die Gleichstellung von Frau und Mann, Saint-Gall 1996, p.
45 ss, 51; Arioli/Furrer Iseli, op. cit., n. 138). Contrairement à l'opinion
du Tribunal administratif, l'interprétation historique de l'art. 5 LEg ne
s'oppose donc pas à ce qu'une indemnité symbolique soit demandée en cas de
discrimination à l'embauche, nonobstant le caractère davantage constatatoire
que condamnatoire d'une telle prétention.

4.6 L'interprétation téléologique de la norme en cause ne vient pas davantage
accréditer la thèse des premiers juges.
Conformément à l'art. 1er LEg, les droits des travailleurs énumérés à l'art.
5 LEg visent, d'une manière générale, à promouvoir dans les faits l'égalité
entre femmes et hommes. L'indemnité prévue à l'art. 5 al. 2 LEg a plus
spécifiquement pour but de prévenir les discriminations entre femmes et
hommes à l'embauche, aussi bien par l'effet dissuasif qu'elle est censée
exercer sur les employeurs qui seraient tentés de se livrer à des pratiques
discriminatoires, que par l'effet éducatif qu'elle doit avoir sur ceux qui
useraient de telles pratiques, en les dissuadant de recommencer (fonction
punitive et préventive). Elle tend également à apporter une certaine forme de
compensation aux victimes d'une discrimination à l'embauche (fonction
réparatrice; cf. supra consid. 4.4). Afin de présenter quelque efficacité,
l'indemnité doit donc, en principe, pouvoir aller au-delà d'un montant
purement symbolique, suivant le voeu - dont on a cependant vu qu'il avait été
mis à mal par le Parlement (supra consid. 4.5) - exprimé par le Conseil
fédéral en prenant l'exemple du droit communautaire (cf. Message concernant
la la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes, op. cit., p. 1214).
Pour autant, l'octroi d'une indemnité symbolique dans un cas particulier
n'est pas forcément incompatible avec la ratio legis de l'art. 5 al. 2 LEg.

D'une part, l'effet dissuasif de l'indemnité doit s'apprécier ex ante,
c'est-à-dire avant que l'employeur ne se rende responsable d'une pratique
discriminatoire: ce qui va dicter ou influencer son comportement, c'est en
effet le montant maximal (ou abstrait) de l'indemnité qu'il s'expose à payer
en cas d'infraction, étant entendu qu'il ne peut pas connaître par avance et
qu'il n'a pas de prise sur le montant effectif (ou concret) qu'il pourrait
être tenu de payer en cas de condamnation. L'effet dissuasif de la sanction
dépend donc davantage de sa gravité abstraite que concrète. D'autre part,
même symbolique, une éventuelle sanction n'est pas dépourvue d'effet
éducatif: la seule constatation d'une discrimination est, en effet, de nature
à amener un employeur raisonnable à prendre conscience du manquement et à
changer de comportement à l'avenir, ne serait-ce que dans le but de préserver
son image et sa réputation. Dans le cas particulier, l'effet dissuasif d'une
éventuelle sanction tient d'ailleurs moins, comme le souligne justement le
recourant, dans le montant de l'indemnité qui pourrait être mis à la charge
de l'Université en cas de condamnation, que dans la constatation de la
discrimination alléguée: en effet, quel qu'il puisse être, le montant alloué
sera forcément relativement modeste par rapport à la taille et aux moyens de
l'Université; en revanche, on peut partir de l'idée que, comme employeur
public, cette institution est attachée au respect des règles communes et
qu'une simple condamnation à payer une indemnité - fût-elle symbolique -
aurait, le cas échéant, l'effet éducatif escompté.

Quant à la fonction réparatrice de l'indemnité, on peut concéder au recourant
que la simple constatation d'une discrimination constitue pour lui une forme
de réparation appropriée (cf. ATF 129 V 411 consid. 3.4 p. 421). En effet,
bien que le système qu'il dénonce, appliqué à l'échelle de l'ensemble des
universités suisses jusqu'au 30 septembre 2004 (cf. infra consid. 6.2 in
fine), ait depuis lors été abandonné, d'autres mesures positives destinées à
augmenter la part des femmes dans l'enseignement universitaire ont été et
doivent encore être prises (cf. Schulz, Droit de l'égalité en Suisse, op.
cit., p. 125/126; pour des exemples de mesures, cf. infra consid. 6.5 in
fine); or, de telles mesures requièrent elles aussi un cadre constitutionnel
dont la définition représente davantage d'intérêt et d'utilité pratique pour
l'intéressé, qui n'exclut pas une carrière académique, que l'éventuelle
compensation financière de quelques milliers de francs à laquelle il pourrait
prétendre (cf. supra consid. 1.2). Au demeurant, il serait contraire au bon
sens voire choquant de refuser à la victime d'une discrimination à l'embauche
l'accès à la justice au motif qu'elle ne réclame pas assez d'argent à
l'employeur mis en cause.

Par conséquent, l'interprétation téléologique de la norme en cause incline
plutôt à considérer comme admissible la possibilité de limiter les
conclusions à une indemnité symbolique, du moins dans des circonstances
telles qu'en l'espèce.

4.7 Enfin, comme l'ont relevé les auteurs qui ont examiné le problème, une
interprétation systématique (ou logique) de l'art. 5 al. 2 LEg postule
également d'admettre, dans son principe, la voie de l'action en constatation
de droit en cas de discrimination à l'embauche. En effet, quel qu'en soit le
montant, une indemnité fondée sur cette disposition suppose logiquement que
l'on puisse constater l'existence d'une discrimination, du moins à titre
préjudiciel (cf. Bigler-Eggenberger, op. cit., n. 15 et 16 ad art. 8; Pierre
Decoppet, Indications concernant l'application et l'interprétation de la loi
fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes, éd. par l'Union syndicale
suisse, 1996, note 66 ad p. 26). De plus, il est possible que, dans certaines
situations particulières, seule une action en constatation de droit soit
envisageable, par exemple si le montant maximal de l'indemnité pouvant être
mis à la charge de l'employeur est atteint après qu'un grand nombre de lésés
ont demandé et obtenu une indemnisation (cf.
Thomas Geiser, Die Regeln über
die Anstellungsdiskriminierung und die Beförderungsdiskriminierung im
Gleichstellungsgesetz, in: RJB 1996, p. 555 ss, 565/567).

4.8 En résumé, aucune des différentes méthodes d'interprétation ne vient
confirmer la thèse du Tribunal administratif. Au contraire, le but et la
systématique de la loi conduisent à reconnaître à la victime d'une
discrimination à l'embauche le droit de demander une indemnisation symbolique
dans certaines circonstances, notamment lorsque la constatation de
l'infraction représente en elle-même déjà une sanction appropriée pour
l'employeur et un mode de réparation adéquat pour le lésé. Or, tel est bien
le cas en l'espèce, compte tenu du contexte particulier de l'affaire (utilité
pratique de la question à trancher pour le recourant en raison du risque
qu'une discrimination du genre de celle qu'il dénonce se reproduise; mise en
cause d'une institution publique, ...).

Par conséquent, l'arrêt attaqué se révèle mal fondé dans la mesure où les
premiers juges ont déclaré irrecevable le recours dont ils étaient saisis.
Comme ils sont néanmoins entrés en matière sur le fond de la cause, il
convient d'examiner la pertinence des motifs ayant conduit au rejet du
recours.

5.
5.1Le litige pose le délicat problème de la constitutionnalité des mesures
positives qui peuvent être prises en vue d'augmenter la part des femmes dans
le domaine de l'enseignement universitaire. Il s'agit plus précisément de
déterminer si, et à quelles conditions, des règles de quotas sont admissibles
à cette fin.

5.2 Jusqu'ici, le Tribunal fédéral n'a pas été confronté à la question des
quotas féminins en matière d'accès à l'emploi. En revanche, il a dû se
pencher, il y a quelques années, sur la constitutionnalité de deux
initiatives cantonales, l'une soleuroise (ATF 123 I 152), l'autre uranaise
(ATF 125 I 21), qui visaient à introduire des quotas destinés à garantir une
meilleure représentation des femmes au sein des autorités cantonales. A ces
occasions, il a rappelé que la première phrase de l'art. 4 al. 2 aCst.
("l'homme et la femme sont égaux en droit") consacrait un droit
constitutionnel subjectif directement applicable, interdisant toute
différenciation juridique à raison du sexe, sous réserve de distinctions
justifiées par des différences biologiques ou fonctionnelles excluant de
manière absolue un traitement identique (égalité de droit ou formelle). Il a
également réaffirmé que la deuxième phrase de la disposition en cause ("la
loi pourvoit à l'égalité, en particulier dans les domaines de la famille, de
l'instruction et du travail") donnait simplement mandat au législateur de
concrétiser dans la réalité sociale le principe d'égalité (égalité de fait ou
matérielle), sans toutefois conférer des droits, comme tels, aux
particuliers.

Ces arrêts confirmaient la distinction établie depuis plusieurs années déjà
par la jurisprudence (cf. ATF 116 Ib 270 consid. 7 p. 282 ss) entre, d'une
part, l'interdiction de discriminer en raison du sexe
("Diskriminierungsverbot"), conçue comme un droit constitutionnel subjectif à
l'égalité juridique et, d'autre part, le mandat donné au législateur de
traduire dans les faits le principe d'égalité ("Egalisierungsgebot"), non
seulement dans les domaines explicitement énumérés (famille, formation et
travail), mais dans tous les domaines de l'existence et à tous les échelons
de l'Etat, le cas échéant par des mesures positives en faveur des femmes (ATF
123 I 152 consid. 3 p. 155 ss).

5.3 Dans l'arrêt uranais, le Tribunal fédéral a précisé que, conformément à
l'avis de la doctrine majoritaire, les mesures positives pouvant être prises
par le législateur en vertu de l'art. 4 al. 2 2ème phrase aCst. (art. 8 al. 3
2ème phrase Cst.) ne concernent pas seulement celles qui visent à créer les
conditions de base nécessaires à l'égalité des chances entre les sexes
("Gleichheit der Startbedingungen"), mais aussi celles qui tendent à obtenir
une égalité de résultat ("Ergebnisgleichheit") (ATF 125 I 21 consid. 3d/aa p.
29 s.). Ainsi, cet arrêt n'excluait pas a priori des règles de quotas, comme
mesure de promotion des femmes, même si elles pouvaient entrer en collision
avec l'interdiction, en principe absolue, de discriminer à raison du critère
du sexe. La tension ("Spannungsfeld") pouvant naître entre, d'une part,
l'exigence d'égalité formelle et, d'autre part, les mesures législatives
destinées à concrétiser l'égalité matérielle entre les sexes, devait être
résolue selon le principe de la concordance pratique, qui implique de
conférer à ces deux aspects du principe d'égalité la même valeur
constitutionnelle, et de les départager, dans une situation donnée, au moyen
d'une pesée des intérêts tenant compte de toutes les circonstances concrètes
du cas (situation des femmes et des hommes dans le domaine considéré; intérêt
et urgence à prendre des mesures; nature, intensité, efficacité, durée des
mesures envisagées; possibilité de les remplacer par d'autres mesures moins
incisives et tout aussi efficaces; ...). Ainsi envisagée, la
constitutionnalité de mesures positives était étroitement liée à l'examen du
principe de la proportionnalité considéré sous ses trois volets (aptitude,
nécessité, et proportionnalité au sens étroit de la mesure en cause) (cf. ATF
125 I 21 consid. 3d/cc p. 32). Le Tribunal fédéral a également précisé que la
pesée des intérêts opérée dans ce cadre ne devait pas se limiter au rapport
existant entre la première et la deuxième phrase de l'art. 4 al. 2 aCst.,
mais qu'il fallait aussi tenir compte, si nécessaire, des autres droits
fondamentaux susceptibles d'être lésés par la mesure envisagée, comme par
exemple, en matière de quotas politiques, les garanties attachées au droit de
vote des citoyens (cf. ATF 125 I 21 consid. 3d/dd p. 32 ss).

Dans l'examen de la proportionnalité qu'il a été amené à effectuer dans les
affaires soleuroises et uranaises, le Tribunal fédéral a pris soin de
distinguer les quotas flexibles ou souples, qui donnent la préférence aux
femmes à qualifications égales ou équivalentes à celles des hommes, des
quotas fixes ou rigides, qui accordent la préférence aux femmes
indépendamment de leurs qualifications, en raison du seul critère du sexe
(cf. ATF 123 I 152 consid. 4b p. 160 ss). L'initiative populaire mise en
cause dans l'arrêt soleurois visait à assurer une représentation des femmes
au sein des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire correspondant à leur
proportion dans la population; elle établissait donc des quotas rigides qui
ont été jugés contraires au principe de la proportionnalité (au sens étroit),
notamment parce que les postes concernés requéraient des capacités et des
qualifications importantes, soit des exigences qu'un système de quotas
rigides tel que celui envisagé ne prenait, par définition, pas en compte (cf.
ATF 123 I 152 consid. 7b p. 169/170). Dans l'arrêt uranais, le Tribunal
fédéral a admis la constitutionnalité de l'initiative populaire attaquée dans
la mesure où elle imposait aux partis politiques de présenter autant de
femmes que d'hommes sur les listes soumises au suffrage direct du peuple, en
particulier parce qu'un tel quota ne portait pas gravement atteinte à la
liberté de vote des citoyens et qu'il n'empêchait pas de tenir compte des
qualités des candidats. L'initiative a également été jugée constitutionnelle
s'agissant de l'obligation de réserver, dans les différentes autorités
cantonales élues au suffrage indirect, au moins un tiers des sièges au sexe
le moins bien représenté; le Tribunal fédéral a en effet notamment estimé
qu'un tel quota n'était fixe que dans une mesure moindre et qu'il n'excluait
pas de prendre en considération, au moins dans une certaine mesure, les
compétences des candidats présentés (cf. ATF 125 I 21 consid. 5b-c p. 37 ss).

5.4 La distinction entre quotas fixes et quotas souples est donc décisive,
selon la jurisprudence, pour apprécier la proportionnalité de telles mesures
(cf. Samantha Besson, L'égalité horizontale: l'égalité de traitement entre
particuliers, thèse Fribourg 1999, n. 1717). Des règles de quotas fondées sur
le critère du sexe sont admissibles, comme mesures de promotion des femmes au
sens de l'art. 8 al. 3 2ème phrase, pour autant qu'elles soient de nature à
atteindre le but qu'elles visent, soit traduire dans les faits le principe
d'égalité (règle d'adéquation ou d'aptitude), qu'elles constituent le moyen
le moins incisif pour atteindre ce but, en particulier par rapport à la
situation des hommes ou d'autres personnes également touchées dans leurs
droits fondamentaux (règle de nécessité), et qu'elles se présentent comme un
moyen raisonnable d'atteindre le but visé au vu des intérêts en jeu
(proportionnalité au sens étroit) (cf. ATF 130 II 425 consid. 5.2 p.
438/439). Des règles de quotas fixes apparaissent difficilement admissibles,
vu la gravité de l'atteinte qu'elles causent au regard de l'interdiction
formelle de discriminer à raison du sexe.

6.
6.1Dans le cas d'espèce, l'Université a justifié sa décision de ne pas entrer
en matière sur l'offre de services du recourant par le système de quotas mis
en place par le programme fédéral d'encouragement de la relève. Elle a en
effet expliqué que, pour obtenir une aide financière de la Confédération,
elle devait attribuer au moins 40 % des postes mis au concours dans le cadre
du programme à des femmes; or, elle ne pouvait atteindre ce taux qu'en
nommant une femme au poste de relève à repourvoir (professeur assistant ou
maître associé en droit public).

6.2 Prévu dans l'ordonnance du Département fédéral de l'intérieur du 12 avril
2000 sur les contributions liées à des projets visant à encourager la relève
dans les universités cantonales pendant les années 2001/02 à 2003/04
(ordonnance sur le programme d'encouragement de la relève, 3ème phase,
ci-après: ordonnance réglant la 3ème phase du programme; RO 2000 II 2097), le
programme de relève permet à la Confédération de financer des postes
temporaires supplémentaires dans le corps intermédiaire supérieur des
universités (maîtres assistants et professeurs assistants) au titre des
contributions liées à des projets au sens des art. 13 al. 1 lettre c de la
loi fédérale du 8 octobre 1999 sur l'aide aux universités et la coopération
dans le domaine des hautes écoles (Loi sur l'aide aux universités, LAU; RS
414.20) et 45 à 47 de l'ordonnance du 13 mars 2000 relative à la loi sur
l'aide aux universités (OAU; RS 414.201). Il vise à encourager la relève
académique dans les universités suisses, à augmenter durablement la part des
femmes dans le corps enseignant universitaire et à améliorer l'encadrement
des étudiants (cf. art. 1er al. 1 de l'ordonnance réglant la 3ème phase du
programme).

Sous le titre de la promotion de l'égalité des chances entre les femmes et
les hommes, l'art. 7 de l'ordonnance réglant la 3ème phase du programme
prévoit que chaque université doit, en principe, attribuer au moins 40 % des
postes relevant du programme à des femmes (al. 1) et que la Conférence
universitaire suisse veille à ce que la proportion soit atteinte en tout cas
au niveau national (al. 2).

D'abord initié en 1992 avec l'objectif d'attribuer au moins 33 % des postes
de relève à des femmes (RO 1992 II 1182, 1184), puis reconduit en 1995 avec
le même objectif (RO 1995 III 2610, IV 4316), le programme a été reconduit
une seconde fois en 2000 avec l'objectif d'attribuer 40 % des postes de
relève à des femmes (RO 2000 II 2097); il devait être poursuivi en 2004 avec
ce même objectif jusqu'en 2007 (cf. Message relatif à l'encouragement de la
formation, de la recherche et de la technologie pendant les années 2004 à
2007, du 29 novembre 2002, in: FF 2003 II 2067, 2205; ci-après cité: Message
2002 relatif à l'encouragement de la formation); il a cependant été abandonné
au 30 septembre 2004 (cf. RO 2005 I 1041) avec l'adoption du programme
d'allégement budgétaire 2003 et du programme d'abandon des tâches mis au
point conjointement par la Confédération et le Comité de la Conférence suisse
des directeurs cantonaux de l'instruction publique (Masterplan 2003) (cf.
rapport annuel de la CUS 2003, p. 16).

6.3 Selon le Message 2002 relatif à l'encouragement de la formation (op.
cit., p. 2112/2113 et 2205) et les directives remises par la Conférence
universitaire suisse aux établissements concernés, le programme de relève
consacrait, sous couvert de l'art. 7 précité de l'ordonnance en réglant la
3ème phase, un système impartissant aux universités d'attribuer un quota de
40 % des postes de relève à des femmes (33 % jusqu'en 2000), sous peine d'un
refus des aides financières correspondantes. Les établissements qui, de
manière provisoire, n'atteignaient pas ce taux, pouvaient néanmoins continuer
à bénéficier des aides en cours si le quota de 40 % était atteint en moyenne
nationale, c'est-à-dire sur l'ensemble des universités concernées; à défaut,
ils devaient prendre à leur charge les postes de relève attribués à des
hommes sur le quota réservé aux femmes, et ils ne pouvaient plus solliciter
de financement pour de nouveaux postes de relève pour des hommes aussi
longtemps que le quota de femmes prescrit n'était pas atteint (cf. lettre de
la CUS à l'Université de Fribourg du 20 septembre 2000). L'application de
cette règle a été stricte (cf. Schulz, Droit de l'égalité en Suisse, op.
cit., p. 125). A fin 2003, 78 % des postes de relève mis à disposition par la
Confédération avaient été attribués, à raison de 38 postes de professeurs
assistants et de 100 postes de maîtres assistants; ils étaient occupés dans
une proportion de 52 % par des femmes en équivalents plein-temps, contre 53 %
une année plus tôt (rapport annuel de la CUS 2003, p. 15).

6.4 Destiné à augmenter la part des femmes dans le corps enseignant
universitaire, le système de quotas prévu dans le programme de relève ne
trouve pas de justification dans des différences biologiques ou
fonctionnelles; il relève typiquement de la catégorie des mesures positives
que peut prendre le législateur en vertu du mandat, autrefois déduit de
l'art. 4 al. 2 2ème phrase aCst. et aujourd'hui repris à l'art. 8 al. 3 2ème
phrase Cst., que lui confie la Constitution.

La manière dont les quotas ont été appliqués par la Conférence universitaire
suisse et par l'Université équivaut à l'instauration d'un système de quotas
fixes
ou rigides. La candidature du recourant a en effet été d'emblée
écartée, sans être examinée, en raison de la prise en compte du seul critère
du sexe. Que la candidate choisie remplît les conditions requises pour le
poste ne change rien à la qualification de la mesure, contrairement à
l'opinion du Tribunal administratif; seul est décisif à cet égard le fait que
le dossier du recourant n'ait à aucun moment été examiné et comparé à celui
de sa rivale.

6.5 Afin de pouvoir porter un jugement sur la proportionnalité du système de
quotas mis en place, il est utile de prendre connaissance de certaines
conclusions d'un rapport d'évaluation du programme de relève (Thomas
Meyer/Bettina Nyffeler, L'encouragement de la relève universitaire: entre la
vocation et la chaire, rapport sur l'enquête qualitative 2000, Office fédéral
de l'éducation et de la science, Berne, 2001). Ce rapport a été effectué en
2000 sur la base notamment de réponses fournies par différents acteurs du
programme, à savoir: les universités qui y ont pris part, 13 professeurs qui
étaient responsables de l'encadrement des participants, et un échantillon
composé de 24 personnes (12 femmes et 12 hommes) qui ont bénéficié du
programme entre 1993 et 1998. Il ressort de cette évaluation que les
objectifs visés par le programme de relève semblent n'avoir joué qu'un rôle
secondaire dans les demandes de postes adressées par les universités, au
moins dans la phase initiale du programme. Les établissements sondés ont en
effet indiqué qu'ils avaient prioritairement recouru à ces postes pour
compenser des manques de moyens et de ressources en personnel. Ainsi, entre
1993 et 1998, seul un poste de relève a été demandé par une université en vue
d'assurer la succession d'un professeur proche de la retraite. Quant à la
promotion des femmes, en tant que justification prioritaire pour les demandes
de postes, elle n'a qu'à peine été mentionnée de manière explicite par les
universités (rapport précité, p. 21/22).

Il apparaît également qu'entre 1993 et 2000, environ 20 % des bénéficiaires
du programme - ou plutôt des personnes interrogées - ont été nommés à une
chaire de professeur en Suisse ou à l'étranger. Les autres bénéficiaires se
répartissaient comme suit: un tiers des personnes conservaient des chances de
nomination intactes, un autre tiers avaient abandonné la carrière académique,
tandis que le dernier tiers continuaient à occuper des postes "de corps
intermédiaire à durée déterminée avec des perspectives de carrière peu
claires" (rapport précité, p. 37).

Par ailleurs, l'évaluation a révélé que la politique des quotas avait été
appréciée de manière diverse, autant par les bénéficiaires du programme -
hommes et femmes confondus - que par les professeurs chargés de l'appliquer
(rapport précité, p. 24/27). Selon les auteurs de l'évaluation, même si la
règle des quotas a favorisé l'engagement d'un "pourcentage de femmes beaucoup
plus élevé que leur proportion dans les catégories correspondantes du
personnel universitaire n'ayant pas bénéficié de mesures spéciales", elle a
aussi montré des limites, en ce sens qu'elle n'a pas permis d'éliminer
certaines "barrières structurelles liées à l'appartenance au sexe (dans
certains cas accompagnées de discrimination objective)" (rapport précité, p.
48). Il semble que les rapporteurs fassent ici référence aux difficultés que
les femmes doivent surmonter pour concilier leur carrière professionnelle et
leur vie familiale, faute notamment de pouvoir disposer de structures
adéquates dans les universités, telles des crèches (rapport précité, p. 16 ss
et 24 ss). Sur ce dernier point, les auteurs du rapport sont d'avis qu'un
autre programme fédéral mis en place au titre des contributions liées à des
projets, baptisé "Egalité des chances", devrait être plus prometteur que le
programme de relève s'il pouvait être renforcé d'un certain nombre de mesures
d'accompagnements, comme par exemple la création de plus de postes à temps
partiel pour augmenter la compatibilité entre la carrière universitaire et la
fondation d'une famille (rapport précité, p. 48). Lancé en 2000, le programme
"Egalité des chances" était doté d'une enveloppe budgétaire de 16 millions de
francs pour la période 2000-2003 qui a été renouvelée pour la période
2004-2007. Il s'articule autour de trois axes: un système incitatif (module
1), qui consiste à répartir un crédit annuel de 1,35 million de francs entre
les différentes universités parties au programme en proportion du nombre de
femmes engagées par chacun des établissements; une action de "mentoring"
(module 2), qui comprend la mise en place d'une structure destinée à soutenir
et à mettre en réseau les femmes préparant un diplôme, un doctorat ou une
habilitation (service de conseils; offre de possibilités de formation;
dispense d'une partie des obligations d'enseignement; ...); et, enfin, des
structures d'encadrement pour les enfants (module 3) qui sont destinées à
aider les enseignants et les étudiants à concilier vie professionnelle et
obligations familiales (pour des détails sur ce programme, cf. les
informations disponibles sur le site internet de la CUS [www.cus.ch]; pour
une approche critique de la constitutionnalité de ce programme, cf. les
différents auteurs qui se sont exprimés in: Kopfprämien für Professorinnen?
Über Verfassungsmässigkeit, Opportunität und Nützlichkeit von Anreizsystem,
éd. par Barbara Lischetti/Maya Widmer, Zurich 2004 [ci-après cité:
Kopfprämien für Professorinnen?]).

6.6 Comme on l'a vu, plus de 50 % des postes de relève ont été attribués à
des femmes, tandis qu'environ 20 % des bénéficiaires du programme de relève
ont pu accéder à une chaire de professeur. Dans la mesure où l'on ignore
quelle est la part des femmes dans ce dernier chiffre, il est difficile de se
prononcer sur l'adéquation de la mesure. De durée limitée et faisant partie
du "corps intermédiaire supérieur" des universités, les postes de relève ne
répondent en effet à l'objectif visé, soit l'augmentation "durable" de la
part des femmes dans le corps enseignant universitaire, que s'ils débouchent
réellement sur un engagement définitif. De plus, il semble que le programme
de relève n'a pas permis de lever les obstacles "structurels" qui freinent
l'accession des femmes à l'enseignement universitaire. Sur ce point
également, on peut donc s'interroger sur l'efficacité du système de quotas
mis en place au vu de l'objectif visé.

Par ailleurs, les auteurs du rapport d'évaluation ont souligné que le
programme "Egalité des chances" leur apparaissait plus "prometteur" que le
programme de relève pour augmenter la part des femmes dans l'enseignement
universitaire. Or, il ne fait pas de doute que les mesures mises en place
dans le cadre de cet autre programme sont beaucoup moins incisives que le
système de quotas litigieux, puisqu'elles ne portent qu'une atteinte limitée
au principe d'égalité formelle: les structures d'encadrement pour les enfants
bénéficient en effet indistinctement aux femmes et aux hommes (module 3),
tandis que les actions de mentoring (module 2), bien que réservées aux
femmes, ne les avantagent que très indirectement dans la perspective
d'accéder à une chaire de professeur; quant aux primes d'incitation (module
1), à supposer que leur efficacité soit démontrée, elles sont en toute
hypothèse moins discriminatoires à l'égard des hommes qu'un système de quotas
fixes, dans la mesure où, en particulier, elles n'ont pas pour effet de les
exclure d'emblée d'un poste mis au concours, sans tenir compte de leurs
qualifications et de leurs compétences. La nécessité de la mesure attaquée
prête donc à discussion.

Mais c'est assurément sous l'angle de la proportionnalité au sens étroit que
le système de quotas rigides mis en place pèche le plus. Certes, le Bureau de
l'égalité objecte que la mesure était limitée dans le temps. Cet élément est
assurément important pour juger de la proportionnalité d'une mesure positive,
notamment si l'on veut pouvoir en tester l'aptitude ou l'adéquation par
rapport au but visé. L'argument ne tient toutefois pas dans le cas d'espèce:
introduit en 1992, le programme de relève a été régulièrement reconduit et
devait être poursuivi jusqu'en 2007. On ne saurait donc sérieusement soutenir
qu'il était de courte durée. Par ailleurs, même si le programme ne concernait
pas des postes de professeur ordinaire, mais simplement des postes
"temporaires dans le corps intermédiaire supérieur", il n'en reste pas moins
que de tels postes représentaient un avantage comparatif non négligeable dans
la perspective d'une carrière académique, puisque 20 % des bénéficiaires du
programme ont pu accéder à une chaire de professeur. Enfin, il n'est pas non
plus décisif, pour apprécier la gravité de l'atteinte, que 60 % des postes
disponibles fussent laissés à des hommes (70 % jusqu'en 2000). Il est en
effet inhérent à tout système de quotas fixes qu'une part significative -
souvent proche de la parité - reste acquise au groupe dont on veut faire
diminuer la représentation. Quoi qu'il en soit, cette proportion de 40 % n'a
de sens que si elle peut être rapportée aux nombres respectifs des femmes et
des hommes intéressés par la carrière académique et disposant des
qualifications nécessaires pour les postes de relève proposés. A défaut,
c'est-à-dire si, au moment où le quota est appliqué, un nombre bien plus
important d'hommes que de femmes aspirent à la carrière académique et sont en
position de se porter candidats aux postes de relève, la mesure leur cause
alors une atteinte certaine. L'atteinte est d'autant plus grande en l'espèce
que les postes disponibles dans l'enseignement universitaire sont
relativement limités et que, selon la faculté ou la spécialisation
considérées, il n'est pas rare de devoir attendre plusieurs années avant
qu'une chaire ne se libère. Enfin et surtout, il n'est guère défendable, sous
l'angle du simple bon sens et de l'intérêt public, de faire abstraction des
compétences et des qualifications des candidats pour des postes aussi
qualifiés que ceux de l'enseignement universitaire. En l'occurrence, une
seule femme bénéficiant des compétences requises s'est portée candidate pour
le poste litigieux.

6.7 Dans ces conditions, il est pour le moins douteux que le système de
quotas fixes litigieux soit conforme au principe de la proportionnalité. Les
arrêts les plus récents de la Cour de justice des communautés européennes ne
semblent pas conduire à une autre solution (cf., pour une comparaison des
droits suisse et communautaire, Astrid Epiney, Das Recht der Gleichstellung
von Mann und Frau im europäischen Gemeinschaftsrecht und schweizerischem
Recht - Konvergenzen und Divergenzen, in SZS 2005, p. 37 ss). La question
peut néanmoins rester ouverte, car le recours doit de toute façon être admis
pour un autre motif.

7.
7.1Dans les affaires précitées soleuroise et uranaise, le Tribunal fédéral a
examiné la constitutionnalité des quotas féminins uniquement sous l'angle du
principe de la proportionnalité ainsi qu'au regard de leur compatibilité avec
les garanties attachées aux droits politiques. Saisi, dans les deux cas, d'un
recours de droit public portant sur le contrôle abstrait des initiatives
cantonales mises en cause - la première de rang législatif, la seconde de
rang constitutionnel -, il n'avait en effet pas à s'exprimer spécifiquement
sur les exigences requises en matière de base légale pour instaurer les
quotas litigieux (cf. Vincent Martenet, Géométrie de l'égalité,
Zurich/Bâle/Genève 2003, n. 773, n. 776). Il n'en demeure pas moins que des
mesures positives - empiétant sur le principe de l'égalité, au sens formel -
doivent être prévues dans une loi; cette exigence est en effet une
conséquence directe du rattachement constitutionnel de telles mesures à la
deuxième phrase de l'art. 8 al. 3 Cst. (cf. Andreas Auer, «Combien de
chameaux pour une professeure?»: La constitutionnalité plus que douteuse du
système des primes à la nomination, in: Kopfprämien für Professorinnen?, op.
cit., p. 13ss, 17).

7.2 Le Bureau de l'égalité conteste cette interprétation, en renvoyant à
l'opinion de Christa Tobler (notamment exposée à l'ATF 125 I 21 consid. 3d/bb
p. 30/31). Selon cet auteur, un traitement juridique différencié des femmes
et des hommes peut également tirer sa justification de la première phrase de
l'art. 4 al. 2 aCst. (art. 8 al. 3 première phrase Cst.), non seulement pour
les motifs, admis par le Tribunal fédéral, tirés des différences biologiques
ou fonctionnelles entre les sexes, mais encore en présence d'autres
disparités - par exemple d'ordre structurel - qui ont notamment pour effet de
discriminer les femmes dans la vie professionnelle, en particulier en matière
d'accès à l'emploi (allant sensiblement dans le même sens, en plaidant pour
une interprétation large des différences fonctionnelles, cf. Margrith
Bigler-Eggenberger, Et si la justice ôtait son bandeau?, La jurisprudence du
Tribunal fédéral sur l'égalité entre femmes et hommes, Bâle 2003, n. 674 ss).
Dans le cas présent, la forte sous-représentation des femmes dans
l'enseignement universitaire suffirait, selon le Bureau de l'égalité, à
attester l'existence de telles discriminations à leur égard en ce domaine et,
partant, à justifier le traitement juridique différencié que leur assure la
règle de quotas litigieuse: comprise comme une mesure qui traite de manière
différente ce qui est dissemblable, une telle règle ne constituerait en effet
pas une violation du principe de l'égalité formelle garanti à l'art. 8 al. 3
première phrase Cst., mais en serait au contraire la concrétisation; elle ne
saurait donc être soumise à des conditions spécifiques, notamment en ce qui
concerne l'exigence de la base légale.

Dans l'affaire précitée uranaise, le Tribunal fédéral a déjà précisé que
cette argumentation achoppait à la volonté du constituant, selon laquelle le
principe d'égalité formelle, ancré à l'art. 4 al. 2 première phrase aCst., ne
souffrait pas d'autres exceptions que celles tirées des causes biologiques ou
fonctionnelles (cf. ATF 125 I 21 consid. 3d/bb p. 30/31 et les renvois aux
travaux préparatoires relatifs à l'art. 4 al. 2 aCst. ainsi qu'à l'ATF 108 Ia
22 consid. 5a p. 29). Or, la nouvelle Constitution fédérale ne remet pas en
cause cette conception, comme la jurisprudence a déjà - du moins
implicitement - eu l'occasion de le
préciser (cf. 126 II 217 consid. 4a p.
219). L'art. 8 al. 3 Cst. reprend en effet pratiquement mot pour mot le texte
de l'art. 4 al. 2 aCst., si ce n'est qu'il précise que la loi pourvoit à
l'égalité "de droit et de fait". Cette précision apparaît toutefois comme une
simple formalisation de la conception dominante qui prévalait déjà au sujet
de l'art. 4 al. 2 aCst. dans la jurisprudence et la doctrine (cf. Message du
20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, tiré à part,
p. 144/145; Beatrice Weber-Dürler, in: Droit constitutionnel suisse, Zurich
2001, éd. par Thürer/Aubert/Müller, n. 31 ad § 41; Julianne Kokott/Patricia
Egli, Rechtsfragen zu positiven Massnahmen in Staat und Unternehmen, in: PJA
2000, p. 1485 ss, 1487; Etienne Grisel, Egalité, les garanties de la
Constitution fédérale du 18 avril 1999, Berne 2000, n. 237), même si elle a
donné lieu à des débats nourris et passionnés aux Chambres fédérales (cf.
Pascal Mahon, Petit commentaire de la Constitution fédérale de la
Confédération suisse du 18 avril 1999, Zurich 2003, n. 18 ad art. 8; Grisel,
op. cit., n. 236). La jurisprudence rendue à propos de l'art. 4 al. 2 aCst.
garde donc toute sa valeur sous l'empire de l'art. 8 al. 3 Cst. (cf. ATF 126
II 217 consid. 4a p. 219) et les quotas litigieux, comme toute mesure
positive, ne peuvent tirer leur fondement que de la deuxième phrase de la
disposition constitutionnelle précitée (cf. Elisabeth Freivogel, Commentaire
de la loi sur l'égalité, Lausanne 2000, n. 9 et 10 ad art. 2).

7.3 Pour l'essentiel, le Tribunal administratif a considéré que le système de
quotas litigieux reposait sur une base légale suffisante, car il était prévu
dans une loi et une ordonnance fédérales (la loi sur l'aide aux universités
et l'ordonnance réglant la 3ème phase du programme). Il a également laissé
entendre que des mesures positives pouvaient de toute façon être prises sur
la base de l'art. 3 al. 3 LEg.

Le recourant reproche au Tribunal administratif d'avoir méconnu la portée de
l'art. 3 al. 3 LEg, en ce sens que le législateur a exclu la possibilité de
fonder des mesures positives sur cette disposition.

Pour sa part, le Bureau de l'égalité soutient qu'en adoptant la loi sur
l'aide aux universités, l'Assemblée fédérale a donné son aval au système de
quotas litigieux, car le message relatif à cette loi y fait référence de
manière explicite. Au demeurant, cet office estime qu'il ne faut pas poser
"des exigences démesurées" concernant la base légale pour de telles mesures,
limitées dans le temps, qui sont destinées à réaliser l'égalité matérielle
entre femmes et hommes.

7.4 La doctrine s'accorde à reconnaître que les mesures positives nécessitent
une base légale formelle lorsqu'elles revêtent une certaine intensité et
qu'elles se traduisent par l'octroi d'avantages à un certain groupe de
personnes, éventuellement au détriment d'un autre groupe (cf. Martenet, op.
cit., n. 702 et les références citées). D'une manière générale, cette
exigence est d'autant plus élevée que les mesures sont contraignantes,
qu'elles sont susceptibles d'affecter de manière importante les droits
fondamentaux de tiers (cf. Katharina Simone Arioli,
Frauenförderungsmassnahmen im Erwerbsleben, thèse Zurich 2002, p. 240/241;
Yvo Hangartner, Geschlechtergleichheit und Frauenquoten in der öffentlichen
Verwaltung, in: PJA 1992, p. 835 ss, 838; Jacqueline Zwicker,
Geschlechterquoten, in: Personalrecht des öffentlichen Dienstes, éd. par
Peter Helbling/Thomas Poldena, Berne 1999, p. 308) et qu'elles sont
controversées dans l'opinion publique; en ce dernier cas, leur adoption ne
peut en effet que procéder d'un choix politique clair émanant du législateur
formel, au risque de violer le principe de la séparation des pouvoirs (cf.
Auer, op. cit., p. 17/18; Georg Müller, Quotenregelungen, Rechtssetzung im
Spannungsfeld von Gleichheit und Verhältnismässigkeit, in: ZBl 7/1990, p. 306
ss, 309).

Etant certainement, parmi les différentes mesures positives envisageables, le
moyen le plus direct et le plus radical pour établir une égalité de résultat
entre les sexes, les quotas, surtout lorsqu'ils sont fixes, suscitent des
débats de société souvent passionnés; ils n'ont jusqu'ici pas trouvé grâce en
Suisse, les différents textes et initiatives proposant leur introduction dans
des domaines aussi variés que la politique, la formation ou l'emploi, ayant
tous été rejetés de manière assez nette par les urnes, que ce soit à
l'occasion de scrutins fédéraux ou cantonaux (cf. Auer, op. cit., p. 17;
Regula Mader, Die Verfassungsmässigkeit von Quoten in der Politik anhand
konkreter Modelle, in: Frauenförderung durch Quoten, éd. par Kathrin Arioli,
Bâle 1997, p. 279 ss, 290 ss). Certes, en matière d'accès à l'emploi dans le
secteur public, des quotas souples ou flexibles peuvent être mis en place par
une simple voie réglementaire ou administrative; ils mettent en effet en
premier lieu l'accent sur les compétences des candidats et n'écartent pas
d'entrée de jeu et de manière automatique les candidatures masculines (dans
ce sens, cf. Simone Arioli et Zwicker, loc. cit.; Arioli/Furrer Iseli, op.
cit., n. 134; Claudia Kaufmann, Das Anreizsystem im Bundesprogramm
Chancengleichheit, in: Kopfprämien für Professorinnen?, op. cit., p. 31 ss,
39). C'est d'ailleurs cette voie qu'a notamment choisie le Conseil fédéral
pour réaliser dans les faits l'égalité des chances et l'égalité de traitement
entre les femmes et les hommes au sein du personnel de l'administration
fédérale (cf. art. 6 de l'ordonnance sur le personnel de la Confédération du
3 juillet 2001 [OPers, RS 172.220.111.3]; voir aussi les instructions du
Conseil fédéral du 22 janvier 2003 pour la réalisation de l'égalité des
chances entre femmes et hommes dans l'administration fédérale [FF 2003 I
1332]). Mais il en va tout autrement lorsque des procédures d'engagement du
personnel sont soumises, dans le secteur public, à des quotas fixes ou
rigides; vu l'importance de l'atteinte que de telles mesures sont
susceptibles de causer aux candidats à l'emploi de l'autre sexe, elles
apparaissent en effet difficilement concevables hors le cadre d'une loi
formelle (cf. Hangartner, loc. cit.; Martenet, op. cit., n. 776; Simone
Arioli, op. cit., p. 243; Regula Mader, op. cit., p. 306), si c'est n'est
dans tous leurs détails, au moins quant à leur principe (cf. Marianne
Schwander Claus, Verfassungsmässigkeit von Frauenquoten, thèse, Berne 1995,
p. 174/175).

7.5 Comme on l'a vu (supra consid. 3), l'art. 3 al. 3 LEg prévoit que les
mesures appropriées visant à promouvoir dans les faits l'égalité entre les
femmes et les hommes ne constituent pas une discrimination. Selon le Message
concernant la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes (op. cit.),
cette disposition doit se comprendre comme une réserve; elle ne préjuge pas
de la constitutionnalité d'éventuelles mesures adoptées par voie législative,
ni ne constitue une base légale permettant d'adopter de telles mesures; elle
tend surtout à éviter que les mesures prises par un employeur en vue
d'améliorer la représentation des femmes dans son entreprise ne soient
qualifiées de discriminatoires (message précité, p. 1212). Lors des débats
aux Chambres fédérales, des députés se sont inquiétés de la portée de l'art.
3 al. 3 LEg; ils craignaient en effet que cette disposition ne soit la porte
ouverte à une politique des quotas (cf. BO CN 1994 III p. 258, Eggli; BO CE
1994 V 819, Danioth). Le conseiller fédéral en charge du dossier a répondu à
cette préoccupation en indiquant que la disposition en cause ne s'appliquait
pas aux rapports de travail soumis au droit public, mais visait uniquement à
rendre licites des mesures de promotion des femmes décidées par des
employeurs privés (BO CN 1994 III p. 261, Koller; BO CE 1994 V p. 821,
Koller). Au vu du champ d'application de la loi sur l'égalité (cf. art. 2
LEg), il est douteux que cette réponse soit exacte (cf. Kokott/Egli, op.
cit., p. 1488; Kaufmann, Das Anreizsystem im Bundesprogramm
Chancengleichheit, op. cit., note 19, p. 37). Peu importe cependant. Les
députés ont en effet clairement manifesté que l'art. 3 al. 3 LEg ne devait en
aucun cas constituer une base légale pour la mise en oeuvre de mesures
positives, telles des règles de quotas fixes (cf. BO CN 1994 III p. 259 s.,
Bär, Nabholz, Comby, Stamm; BO CE 1994 V p. 818, Meier). Il s'ensuit que,
conformément à la volonté du législateur, de telles mesures requièrent une
base légale spécifique (cf. Besson, op. cit., n. 1702; Zwicker, op. cit., p.
310; Luzius Mader, op. cit., p. 26; Freivogel, op. cit., n. 154 ad art. 3;
Kathrin Arioli, Sind Quoten wirksame Mittel zur Frauenförderung?, in: Frauen
im Recht, Berne 2000, 61 ss, 69).

7.6 L'art. 7 précité de l'ordonnance réglant la 3ème phase du programme ne
prévoit pas de manière claire l'instauration d'un système de quotas: la part
de 40 % des postes devant revenir à des femmes y est davantage présentée
comme un objectif à atteindre que comme une règle de quotas, dans la mesure,
notamment, où il n'est pas fait mention de sanction en cas de défaillance; de
surcroît, rien ne permet d'interpréter la disposition en cause comme
autorisant un système de quotas fixes ou rigides; la précision que les
universités doivent "en principe" attribuer 40 % des postes de relève à des
femmes incite même plutôt à penser le contraire; enfin, fût-il prévu avec
suffisamment de précision dans l'ordonnance précitée, un tel système de
quotas ne trouve de toute façon pas d'appui dans une loi formelle.

Certes, la loi sur l'aide aux universités indique, au titre des objectifs
particuliers de la Confédération, que celle-ci encourage des mesures propres
à réaliser l'égalité entre femmes et hommes à tous les échelons
universitaires (art. 2 al. 1 lettre b LAU); un objectif aussi vague ne
saurait toutefois constituer une base légale suffisante pour déléguer à
l'exécutif ou à une autorité administrative la compétence d'instaurer des
quotas fixes. Pour comparaison, le quota de 33 % de femmes appliqué dans le
cadre du programme de relève jusqu'en 2000 découlait d'un texte approuvé par
l'Assemblée fédérale (cf. art. 3 de l'arrêté fédéral instituant des mesures
spéciales visant à encourager la relève universitaire durant les années 1992
à 1995; RO 1992 II p. 1182) que certains auteurs ont considéré comme pouvant
constituer une base légale suffisante pour des quotas, sans toutefois que
l'on sache s'ils étaient pleinement conscients du fait qu'il s'agissait de
quotas fixes (cf. Zwicker, op. cit., p. 312; Yvo Hangartner, Gleicher Zugang
von Männern und Frauen zu öffentlichen Ämtern: Bemerkungen zum Urteil des
Gerichtshofs der Europäischen Gemeinschaften im Fall Kalanke, PJA 1995, p.
1554 ss, 1558).

Quant aux indications concernant le programme de relève contenues dans le
Message du Conseil fédéral accompagnant la révision totale de la loi sur
l'aide aux université (FF 1999 I 271, 303), elles ne sauraient non plus
pallier l'absence de base légale formelle: d'une part, c'est d'abord le texte
de la loi qui fait foi quand il s'agit d'en déterminer le contenu; or, comme
on l'a vu, la loi ne prévoit pas de mesure aussi incisive qu'un système de
quotas fixes; d'autre part, le message lui-même n'est pas suffisamment
précis, en ce sens que, s'il évoque la politique de quotas suivie, il
n'indique pas que l'on a affaire, en réalité, au système de quotas fixes tel
qu'il a été appliqué par les autorités compétentes (soit la Conférence
universitaire suisse et l'Université).

7.7 Dans ces conditions, force est d'admettre que, telle que comprise et
appliquée, la règle de quotas prévue dans le programme de relève ne repose
pas sur une base légale suffisante; elle ne saurait dès lors être admise au
titre d'une "mesure appropriée" visant à promouvoir dans les faits l'égalité
entre femmes et hommes au sens de l'art. 3 al. 3 LEg. La décision de
l'Université de ne pas entrer en matière sur la candidature du recourant doit
donc être considérée comme contraire à l'interdiction de discriminer prévue à
l'art. 3 al. 1 et 2 LEg.

8.
Il suit de ce qui précède qu'il convient d'annuler l'arrêt attaqué et de
condamner l'Université à payer au recourant une indemnité d'un franc à titre
symbolique.

La procédure est gratuite (art. 13 al. 5 LEg). Le recourant, qui s'est
défendu lui-même, n'a pas droit à une indemnité à titre de dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé.

2.
L'Université de Fribourg est condamnée à verser au recourant un montant d'un
franc (1 fr.) à titre d'indemnité symbolique pour discrimination à
l'embauche.

3.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, à la Commission de
recours de l'Université de Fribourg, au Tribunal administratif du canton de
Fribourg, Ière Cour administrative, ainsi qu'au Bureau fédéral de l'égalité
entre femmes et hommes.

Lausanne, le 14 mars 2005

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.279/2004
Date de la décision : 14/03/2005
2e cour de droit public

Analyses

Art. 8 al. 3 Cst., art. 4 al. 2 aCst., art. 3 et 5 al. 2 LEg; égalité dessexes; interdiction de discriminer à l'embauche; quotas féminins en matièred'accès à l'enseignement universitaire; légalité et proportionnalité d'unetelle mesure. Recevabilité du recours de droit administratif: intérêt actuel et pratiqueà faire constater l'inconstitutionnalité d'un système de quotas qui n'a pluscours (consid. 1); malgré son caractère essentiellement constatatoire, laconclusion tendant au versement d'une indemnité symbolique est admissible(interprétation historique de l'art. 5 al. 2 LEg; consid. 4). Importance du principe de la proportionnalité et de la distinction entrequotas fixes et souples pour apprécier la constitutionnalité d'une règle dequotas (rappel de jurisprudence; consid. 5). Quotas féminins fixes prévusdans le programme fédéral d'encouragement de la relève universitaire:proportionnalité douteuse de cette mesure (consid. 6) qui ne repose pas ausurplus sur une base légale suffisante (consid. 7).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2005-03-14;2a.279.2004 ?
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