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10/02/2005 | SUISSE | N°2A.501/2004

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 février 2005, 2A.501/2004


{T 0/2}
2A.501/2004 /svc

Arrêt du 10 février 2005
IIe Cour de droit public

M. et Mme les Juges Merkli, Président,
Betschart, Hungerbühler, Wurzburger et Yersin.
Greffier: M. Addy.

Office fédéral des migrations, 3003 Berne,
recourant,

contre

S.________,
intimé, représenté par Me Christian Favre, avocat,
Service de la population du canton de Vaud,
avenue de Beaulieu 19, 1014 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.

autorisation de séjour,

recours de

droit administratif contre l'arrêt
du Tribunal administratif du canton de Vaud
du 5 août 2004.

Faits:

A.
Ressortissant italie...

{T 0/2}
2A.501/2004 /svc

Arrêt du 10 février 2005
IIe Cour de droit public

M. et Mme les Juges Merkli, Président,
Betschart, Hungerbühler, Wurzburger et Yersin.
Greffier: M. Addy.

Office fédéral des migrations, 3003 Berne,
recourant,

contre

S.________,
intimé, représenté par Me Christian Favre, avocat,
Service de la population du canton de Vaud,
avenue de Beaulieu 19, 1014 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.

autorisation de séjour,

recours de droit administratif contre l'arrêt
du Tribunal administratif du canton de Vaud
du 5 août 2004.

Faits:

A.
Ressortissant italien né en 1965, S.________ a vécu en Suisse dès l'année qui
a suivi sa naissance, à l'exception de la période allant du 1er juillet 1997
au 1er mars 1999 où il a séjourné à l'étranger; à son retour, le Service de
la population du canton de Vaud (ci-après: le Service de la population) a
refusé de le réintégrer dans son permis d'établissement; il a été mis au
bénéfice d'un permis humanitaire qui a été renouvelé pour la dernière fois le
7 août 2001, avec échéance au 28 février 2002.
Placé en détention préventive dès le 1er août 2001 pour diverses infractions
qu'il était soupçonné d'avoir commises, S.________ a été condamné le 19 avril
2002 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne à une
peine de quatre ans de réclusion - soit jusqu'au 29 août 2005 -, notamment
pour infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants. Il purge
actuellement encore cette peine, l'autorité compétente ayant refusé le 6 août
2004 de lui accorder une libération conditionnelle, au motif qu'il n'avait
pas pris conscience de "l'importance de sa problématique toxico-maniaque" ni
des efforts à fournir pour lutter contre cette tendance, et qu'un risque de
récidive "très élevé" existait.

B.
Par décision du 27 mai 2004, le Service de la population a refusé de
renouveler l'autorisation de séjour de S.________, en lui impartissant un
délai immédiat pour quitter le pays dès qu'il aurait satisfait à la justice
vaudoise.

S. ________ a recouru contre cette décision, en faisant valoir que le Service
de la population n'avait pas tenu compte d'éléments importants pour apprécier
son cas, en particulier du fait qu'il n'avait pour ainsi dire jamais vécu en
Italie, qu'il était fortement attaché à son fils né en 1993 et qu'il était
gravement malade.
La décision attaquée lui semblant, au terme d'un examen sommaire du dossier,
avoir été rendue prématurément, le juge délégué à l'instruction du recours a
interpellé les parties sur ce point. Le Service de la population a répondu
que, dans la mesure où la libération de S.________ devait intervenir au plus
tard le 29 août 2005, la probabilité d'une modification des circonstances
d'ici là était "extrêmement faible", ajoutant qu'il réexaminerait de toute
façon le cas à la demande de l'intéressé si nécessaire.
Par arrêt du 5 août 2004, le Tribunal administratif du canton de Vaud
(ci-après: le Tribunal administratif) a admis le recours et annulé la
décision attaquée au motif que, même si celle-ci était "en l'état tout à fait
justifiée", elle avait cependant été rendue prématurément au regard de l'art.
14 al. 8 du règlement d'exécution du 1er mars 1949 de la loi fédérale sur le
séjour et l'établissement des étrangers (RSEE; RS 142.201).

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, l'Office fédéral de
l'immigration, de l'intégration et de l'émigration (devenu entre-temps
l'Office fédéral des migrations; ci-après cité: l'Office fédéral) demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt précité du Tribunal administratif, sous
suite de frais et dépens, et de confirmer la décision du Service de la
population refusant de renouveler l'autorisation de séjour de S.________. En
bref, il soutient que l'art. 14 al. 8 RSEE ne précise pas le moment auquel
doit être prise la décision destinée à régler les conditions de résidence
d'un étranger remis en liberté après avoir purgé une peine de prison; or, ce
moment doit pouvoir intervenir avant l'accomplissement de la peine, dans
l'intérêt même du condamné, afin que ce dernier puisse prendre en temps utile
les dispositions pour préparer son retour à la vie libre.
Se référant aux considérants de son arrêt, le Tribunal administratif conclut
au rejet du recours. Il souligne que le comportement en prison d'un étranger
qui a accompli une peine de longue durée est un élément important à prendre
en compte pour apprécier sa dangerosité dans le cadre de la pesée des
intérêts qui doit être faite lors de son renvoi, surtout s'agissant d'un
ressortissant communautaire, puisque l'Accord du 21 juin 1999 entre la
Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats
membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS
0.142.112.681), subordonne une telle mesure d'éloignement à la condition que
l'intéressé représente une menace qui soit, non seulement réelle et d'une
certaine gravité pour l'ordre public suisse, mais encore actuelle.

S. ________ conclut également au rejet du recours, sous suite de frais et
dépens, en reprenant, pour l'essentiel, l'argumentation du Tribunal
administratif. Il ajoute qu'en cas d'admission du recours, seule l'annulation
de l'arrêt attaqué doit être prononcée, à l'exclusion de sa réforme, car le
Tribunal administratif n'a pas examiné les arguments qu'il avait opposés à la
mesure d'éloignement prise à son encontre. Il sollicite également le bénéfice
de l'assistance judiciaire gratuite.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis.

1.1 Fondée sur le droit public fédéral (art. 97 al. 1 OJ en relation avec
l'art. 5 PA), la décision attaquée a été rendue par une autorité judiciaire
statuant en dernière instance cantonale (art. 98 lettre g et 98a al. 1 OJ).
Elle peut donc, en principe, faire l'objet d'un recours de droit
administratif.

1.2 Selon l'art. 103 lettre b OJ, a qualité pour former un recours de droit
administratif le département compétent ou, lorsque le droit fédéral le
prévoit, la division compétente de l'administration fédérale. En vertu de
l'art. 14 al. 2 de l'ordonnance du 17 novembre 1999 sur l'organisation du
Département fédéral de justice et police (Org DFJP; RS 172.213.1), l'Office
fédéral est habilité à former des recours de droit administratif, dans les
domaines du droit des étrangers et de la nationalité, contre des décisions
cantonales de dernière instance. Cette faculté vise à garantir une exécution
correcte et uniforme du droit public fédéral; l'Office fédéral n'est donc, en
principe, pas tenu de démontrer un intérêt public particulier à l'annulation
de la décision attaquée. II suffit que les questions soumises au Tribunal
fédéral soient concrètes et non pas simplement théoriques (ATF 130 II 137
consid. 1.1 p. 140; 129 II 11 consid. 1.1 p. 13; 125 II 633 consid. 1a et b
p. 635 et les arrêts cités).

1.3 Pour le surplus, déposé en temps utile (art. 106 OJ) et dans les formes
requises (art. 108 OJ), le présent recours est recevable.

2.
2.1Le litige porte sur l'interprétation de l'art. 14 al. 8 RSEE dont la
teneur est la suivante:

"Si l'étranger est en détention préventive, ou placé dans un établissement
pénitentiaire, une maison d'internement, une maison d'éducation au travail,
un asile pour buveurs ou encore s'il doit être interné dans une maison de
santé, sis dans le canton qui a réglé ses conditions de résidence ou dans un
autre canton, l'autorisation qu'il a possédée jusqu'alors est considérée sans
autre formalité comme restant en vigueur au moins jusqu'à sa libération
(première phrase). Le canton qui a réglé les conditions de résidence doit
veiller à ce que le renouvellement des papiers de légitimation de l'étranger
soit demandé à temps (deuxième phrase). Il lui incombe également, le cas
échéant, de régler à nouveau les conditions de résidence de l'étranger après
sa libération (troisième phrase). Sont réservées les décisions d'expulsion et
de rapatriement; elles ne deviennent toutefois exécutoires qu'au moment de la
libération (quatrième phrase)."
Selon le Tribunal administratif, cette disposition fait clairement une
différence entre, d'une part, les décisions d'expulsion et de rapatriement,
qui peuvent déjà être prises lorsque l'étranger subit sa peine, même si elles
ne deviennent exécutoires qu'à sa libération et, d'autre part, les conditions
de résidence de l'étranger qui sont réglées comme suit: pendant la durée de
sa détention, l'intéressé est automatiquement maintenu dans son autorisation
de séjour, tandis que son statut après sa libération doit faire l'objet d'une
nouvelle décision qui ne peut pas intervenir avant sa sortie de prison.

2.2 Il est certain que l'autorisation de séjour d'un étranger qui purge une
peine de prison est considérée comme valable au moins jusqu'à sa libération
en vertu de l'art. 14 al. 8, première phrase RSEE. Cette fiction est destinée
à prévenir toute difficulté qui pourrait découler du fait que l'autorisation
de séjour de l'étranger prend fin durant l'exécution de sa peine, ainsi qu'à
simplifier la tâche de l'autorité de police des étrangers qui se voit ainsi
dispensée de statuer sur les conditions de résidence de l'intéressé pendant
cette période. Elle vaut pour tous les étrangers incarcérés à la suite d'une
condamnation, y compris ceux qui sont frappés d'une décision d'expulsion ou
de rapatriement. On ne voit en effet pas que ces derniers devraient faire
l'objet d'une décision portant sur leur autorisation de séjour pendant la
durée de leur détention: d'une part, la lettre de l'art. 14 al. 8 première
phrase RSEE ne fait pas de distinction entre les étrangers selon qu'ils font,
ou non, l'objet d'une décision d'expulsion ou de rapatriement; une telle
solution se heurterait, d'autre part, au but de la norme en cause qui vise
justement, ainsi qu'on l'a vu, à clarifier la situation administrative et à
simplifier la tâche des autorités concernées à l'égard des étrangers se
trouvant dans l'une des différentes situations qu'elle décrit (détention
préventive ou fondée sur un jugement exécutoire, internement pénal ou
administratif, ...).
Il est vrai qu'aux termes de l'art. 14 al. 8 quatrième phrase RSEE, les
décisions d'expulsion ou de rapatriement sont réservées. Cette réserve ne se
rapporte toutefois pas à la fiction prévue à la première phrase de la
disposition précitée; elle vise au contraire les mesures décrites dans les
deux phrases qui la précèdent immédiatement et qui doivent se lire ensemble,
comme l'indique l'utilisation de l'adverbe "également", placé en début de
troisième phrase, et le fait que ces deux phrases n'en font qu'une dans la
version allemande de la disposition; ces mesures sont celles que doivent
prendre les cantons qui ont réglé les conditions de résidence de l'étranger
en vue de régulariser son statut post-carcéral (renouvellement des papiers de
légitimation; nouveau règlement des conditions de résidence). La réserve en
cause tend ainsi simplement à faire l'économie de ces mesures pour les
étrangers qui devront de toute façon être expulsés ou rapatriés après
l'accomplissement de leur peine.

2.3 En résumé, l'art. 14 al. 8 RSEE règle le statut des étrangers pendant
leur détention - y compris pour ceux qui font l'objet d'une décision
d'expulsion ou de rapatriement -, en posant la fiction selon laquelle
l'autorisation qu'ils ont possédée jusqu'alors est considérée comme valable
au moins jusqu'à leur libération. Par ailleurs, il fait obligation aux
cantons compétents de prendre certaines dispositions en vue de régler le
statut des étrangers - à l'exception de ceux qui font l'objet d'une décision
d'expulsion ou de rapatriement - après l'accomplissement de leur peine
(renouvellement des papiers de légitimation et règlement des conditions de
résidence). En revanche, l'art. 14 al. 8 RSEE ne dit rien du moment
déterminant pour prendre ces dispositions, si ce n'est que la demande de
renouvellement des papiers de légitimation doit se faire "à temps". Certes,
la norme précitée prévoit qu'il incombe également aux cantons concernés, le
cas échéant, de régler à nouveau les conditions de résidence de l'étranger
"après sa libération"; cette précision de nature temporelle ne concerne
toutefois pas le moment auquel il convient de statuer, mais bien la période
sur laquelle doit porter la décision à prendre.
A défaut, c'est-à-dire si, comme le soutient le Tribunal administratif,
l'autorité administrative compétente était forcée d'attendre la libération de
l'étranger pour régler sa situation, il en résulterait que la poursuite de
son séjour en Suisse se ferait en dehors de toute autorisation pendant un
certain temps - nécessaire au règlement de sa situation - et, chose plus
grave, que ni les autorités concernées ni l'intéressé lui-même ne pourraient
utilement préparer son retour à la vie libre pendant la détention, faute
d'être renseignés suffisamment tôt sur son statut post-carcéral du point de
vue de la police des étrangers. Aussi bien, de la même manière et pour les
mêmes raisons qu'elle n'oblige pas d'attendre que l'étranger ait purgé sa
peine pour décider de son expulsion (cf. arrêt non publié du 30 novembre
1999, 2A.212/1998, consid. 2d), la loi permet aux autorités, le cas échéant,
de statuer sur ses conditions de résidence (futures) avant sa sortie de
prison.

2.4 Cela étant, le moment à partir duquel une décision réglant le séjour de
l'étranger après l'accomplissement de sa peine peut, au plus tôt, être prise,
dépend des circonstances du cas, singulièrement de la nature et de la gravité
des infractions commises ainsi que, plus généralement, des autres
informations dont les autorités disposent pour apprécier de manière
prospective la situation de l'intéressé au moment déterminant, soit lors de
sa libération (conditionnelle ou définitive). Autant que possible, les
autorités veilleront, néanmoins, à ne pas statuer en-deçà d'un certain délai
raisonnable qui peut varier en fonction des cas; en règle générale, il ne
dépassera toutefois pas le temps correspondant à la durée normale et
prévisible d'une éventuelle procédure de recours, le but étant que le sort de
l'étranger puisse être scellé dans
une décision exécutoire (administrative ou
judiciaire) avant sa remise en liberté.

Il s'ensuit que, contrairement à l'opinion des premiers juges, la décision du
Service de la population ne peut, dans le cas d'espèce, être tenue pour
contraire au droit pour le seul motif qu'elle a été prononcée avant la
libération de S.________. Il apparaît au contraire que l'autorité
administrative pouvait déjà apprécier la situation du prénommé avant ce
terme, compte tenu des nombreux éléments qu'elle avait en mains, notamment
pour formuler un pronostic sur sa dangerosité une fois sorti de prison
(gravité des infractions commises, persistance de sa toxicomanie pendant la
détention, ...). Que la décision en question ait été rendue environ quinze
mois avant l'accomplissement de la peine (prévu en août prochain) ne permet
en tout cas pas de la qualifier de prématurée, un tel délai pouvant encore,
nonobstant sa longueur, être considéré comme approprié pour venir à bout
d'une éventuelle procédure de recours. Par ailleurs, dans la mesure où
l'intimé avait alors déjà subi les 2/3 de sa peine, il n'était pas exclu que
l'autorité d'exécution des peines pût être amenée - comme elle peut du reste
encore le faire -, d'office ou sur demande, à réexaminer les conditions d'une
libération conditionnelle avant l'accomplissement de la peine dans son
entier; il est en effet d'usage qu'un tel réexamen se fasse périodiquement, à
des intervalles variables selon les circonstances du cas (cf. arrêt du 10
juillet 1998, 6A.38/1998, consid. 2 et les arrêt cités concernant les
"matières voisines" de la détention proprement dite que sont la détention en
vue de renvoi, la détention préventive et la détention en vue d'extradition).

2.5 C'est dès lors de manière erronée que les premiers juges ont interprété
l'art. 14 al. 8 RSEE; cette disposition n'empêchait en effet pas le Service
de la population de rendre sa décision au moment où il l'a jugé nécessaire,
sans égard à la pertinence sur le fond d'une telle décision.

3.
3.1Se fondant sur l'art. 5 annexe I ALCP, le Tribunal administratif soutient
également que la police des étrangers ne pouvait pas statuer sur
l'éloignement de l'intimé avant sa sortie de prison, car une telle manière de
faire ne permettait pas d'apprécier si l'intéressé constituait une menace
actuelle et suffisamment grave pour l'ordre public suisse au sens de la
jurisprudence rendue en application de la disposition précitée.
Indépendamment de sa pertinence, une telle objection présuppose que l'intimé
puisse se prévaloir de l'Accord sur la libre circulation des personnes. Les
premiers juges n'ont toutefois pas précisé d'autre critère de rattachement à
cet accord que la nationalité italienne de l'intéressé. Or, si un tel critère
est, en principe, suffisant pour présumer l'existence d'un droit à une
autorisation de séjour et fonder la qualité pour recourir au sens de l'art.
100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ (cf. ATF 130 II 493 consid. 1.1 p. 496/497 et
l'arrêt cité), il ne dit encore rien de l'existence effective d'un tel droit
qui suppose que la personne visée entre bien dans l'une des différentes
situations de libre circulation prévues par l'Accord et qu'elle remplisse les
conditions afférentes à son statut (travailleur salarié, indépendant,
chercheur d'emploi, membre de la famille, bénéficiaire d'un droit de
demeurer, ...). A défaut, l'Accord et son annexe ne s'appliquent pas (cf.
arrêt du 31 août 2004, 2A.169/2004, consid. 6).
En l'espèce, on peut sérieusement se demander à quel titre l'intimé peut
invoquer le bénéfice de l'Accord, du moment qu'il perçoit une rente entière
de l'assurance-invalidité depuis 1996 et que rien n'indique qu'il ait le
"droit de demeurer" au sens de l'art. 4 annexe I ALCP (cela supposerait qu'il
ait cessé d'occuper un emploi à la suite d'une incapacité permanente de
travail; cf. art. 2 du règlement (CEE) 1251/70) ou qu'il disposera de moyens
financiers suffisants pour ne pas devoir faire appel à l'aide sociale une
fois libéré (cf. art. 24 annexe I ALCP), vu son absence de perspective
professionnelle et sa situation financière obérée (cf. décision rendue le 6
avril 2004 par la Commission de libération, p. 5). La question de
l'applicabilité de l'Accord peut cependant rester indécise, car elle est sans
conséquence sur la question juridique soumise à la Cour de céans (caractère
prématuré, ou non, de la décision rendue par le Service de la population).

3.2 Comme l'ont justement fait observer les premiers juges, une mesure
d'éloignement prise sur la base de l'art. 5 par. 1 annexe I ALCP suppose que
le ressortissant communautaire visé représente non seulement une menace
réelle et d'une certaine gravité pour l'ordre public suisse, mais aussi
actuelle; cette exigence découle de la jurisprudence pertinente que la Cour
de justice des communautés européennes (ci-après: la Cour de justice) a
déduite de l'art. 3 de la directive 64/221/CEE, dont il faut tenir compte en
vertu de l'art. 16 ALCP et du renvoi de l'art. 5 par. 2 annexe I ALCP (cf.
ATF 130 II 493 consid. 3 p. 497 ss et les arrêts cités).
En l'espèce, l'intimé a contesté la mesure de renvoi prise à son encontre
devant le Tribunal administratif. Douée d'un plein pouvoir d'examen en fait
et en droit, cette juridiction peut également, si nécessaire, compléter les
faits pertinents qui n'auraient pas été constatés par l'autorité
administrative (cf. art. 36 lettre b de la loi cantonale sur la juridiction
et la procédure administratives (LJPA) du 18 décembre 1989). Dès lors, rien
ne s'oppose à ce que la dangerosité de l'intéressé soit appréciée au vu de
l'état de fait existant au moment de la décision sur recours. Certes, on peut
se demander si des faits nouveaux postérieurs à la décision administrative
peuvent être soulevés devant le Tribunal administratif sans limitation. Quoi
qu'il en soit, s'ils sont déterminants, c'est-à-dire suffisamment importants
pour conduire à une nouvelle appréciation de la situation, de tels faits
peuvent en tout état de cause motiver le dépôt d'une demande de réexamen
auprès du Service de la population, conformément aux règles relatives à la
reconsidération des décisions administratives. En cas de non-entrée en
matière ou de rejet d'une telle demande, l'intimé peut ensuite derechef
saisir le Tribunal administratif, dont la décision se fondera alors sur
l'ensemble des circonstances du cas, y compris les éventuels faits nouveaux
importants invoqués dans la demande de réexamen.
Par conséquent, même si le Service de la population a déjà prononcé son
renvoi plusieurs mois avant qu'il ne sorte de prison, l'intimé est assuré que
sa situation, notamment sa dangerosité, pourra effectivement être appréciée
en fonction des circonstances régnant lors de sa libération, si des faits
nouveaux importants devaient survenir d'ici là. L'exigence qu'une mesure
d'éloignement ne soit prise qu'en présence d'une menace actuelle pour l'ordre
public est donc, en toute hypothèse, satisfaite. A supposer qu'il soit
applicable au cas d'espèce, l'Accord sur la libre circulation des personnes
ne permet ainsi pas de confirmer l'arrêt attaqué par substitution de motifs,
comme le voudrait le Tribunal administratif dans sa détermination.

4.
4.1En conclusion, ni le droit interne, ni l'Accord sur la libre circulation
des personnes, ne sont de nature à faire apparaître la décision du Service de
la population comme prématurée ou contraire au droit. Le recours se révèle
donc bien fondé sur ce point.

4.2 Il reste à examiner si, comme le demande l'Office fédéral, l'arrêt
attaqué doit être réformé; cela supposerait que l'affaire soit en état d'être
jugée.
Avant de l'annuler, en raison de son caractère prématuré, le Tribunal
administratif avait préalablement constaté que la décision du Service de la
population était "en l'état tout à fait justifiée", au motif que l'intimé
avait été condamné à une lourde peine, qu'il n'était pas un délinquant
primaire et qu'il apparaissait comme un "toxicomane endurci et de surcroît
pas véritablement désireux de s'affranchir de sa toxicomanie". On ne saurait
s'en remettre, sans autre examen, à cette appréciation, car celle-ci procède
d'une pesée des intérêts en présence sommaire voire lacunaire, et elle
repose, au surplus, sur des prémisses juridiques peu sûres, sinon inexactes.

4.3 Comme on l'a vu (supra consid. 3.1), on ne sait pas si l'Accord sur la
libre circulation des personnes trouve application dans le cas d'espèce et,
le cas échéant, à quel titre. Or, cette question est décisive, car de sa
réponse dépend le droit de l'intimé de séjourner en Suisse: depuis que son
permis d'établissement a pris fin et que le permis humanitaire qui lui a été
délivré par la suite est venu à échéance le 28 février 2002, il ne bénéficie
en effet plus d'aucune autorisation de séjour (sous réserve de la fiction
prévue à l'art. 14 al. 8 RSEE) ou de droit à une telle autorisation. En
outre, même si l'Accord sur la libre circulation des personnes ne consacre
pas, comme tels, des critères nouveaux par rapport à ceux utilisés jusqu'ici
par le Tribunal fédéral pour peser les intérêts en présence dans le cadre
d'une procédure de renvoi, il n'en demeure pas moins que la jurisprudence de
la Cour de justice met davantage d'accent que le droit suisse sur la question
du risque de récidive (exigence d'une menace réelle, actuelle, et d'une
certaine gravité pour l'ordre public; cf. ATF 130 II 176 consid. 4.2 p. 185).
L'applicabilité de l'Accord mérite donc d'être soigneusement examinée, si
nécessaire en complétant l'instruction du cas (par exemple sur les
perspectives de gain de l'intimé ou sur les circonstances de son invalidité).

Par ailleurs, contrairement à l'opinion des premiers juges, la situation de
l'intimé ne doit pas s'analyser d'après la jurisprudence selon laquelle une
condamnation à deux ans de privation de liberté constitue la limite à partir
de laquelle il y a lieu, en règle générale, de refuser une autorisation de
séjour. Cette limite - dont la valeur est, au demeurant, purement indicative
- s'applique en effet aux seuls étrangers mariés à des personnes bénéficiant
d'un droit de présence assuré en Suisse (soit les ressortissants suisses ou
les étrangers au bénéfice d'un permis d'établissement), afin de tenir compte
de la situation de ces derniers et des conséquences d'un éventuel renvoi de
leur conjoint; en l'espèce, l'intimé est toutefois célibataire. Au surplus,
une telle limite ne peut être appliquée dans toute sa rigueur que lorsque la
contestation porte sur une demande d'autorisation initiale ou sur une requête
de prolongation d'autorisation déposée après un séjour de courte durée (cf.
ATF 120 Ib 6 consid. 4b p. 14 se référant à l'arrêt Reneja, ATF 110 Ib 201).
Or, il apparaît que l'intimé vit en Suisse depuis l'âge d'une année. Sa
situation doit donc être assimilée à celle d'un étranger dit de la deuxième
génération, pour lequel une expulsion n'est pas en soi d'emblée inadmissible,
mais n'entre en ligne de compte que si l'intéressé a commis des infractions
très graves ou en état de récidive; par ailleurs, la proportionnalité de la
mesure doit s'examiner, s'agissant d'un étranger de la deuxième génération,
en tenant particulièrement compte de l'intensité de ses liens avec la Suisse
(notamment familiaux et sociaux) ainsi que des difficultés de réintégration
dans son pays d'origine (cf. ATF 130 II 176 consid. 4.4 p. 189 ss).

4.4 Par conséquent, il se justifie d'admettre le recours au sens des
considérants, d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause au Tribunal
administratif afin qu'il procède à une nouvelle pesée des intérêts en
présence après avoir mis en oeuvre les mesures d'instruction utiles; devront,
en particulier, faire l'objet d'un soin spécial, l'examen des relations de
l'intimé avec son enfant ainsi que ses possibilités concrètes de refaire sa
vie en Italie, compte tenu notamment de sa situation familiale et personnelle
(il est atteint du SIDA et prétend n'avoir aucune famille en Italie et ne pas
parler l'italien).

4.5 Bien que succombant partiellement, la Confédération n'a pas à supporter
de frais de justice, car ses intérêts pécuniaires ne sont pas en cause (art.
156 al. 2 OJ). L'Office fédéral des migrations doit en revanche verser à
l'intimé une indemnité à titre de dépens réduits (art. 159 OJ). Pour le
surplus, il y a lieu d'admettre la requête d'assistance judiciaire dont les
conditions sont réunies (art. 152 al. 1 et 2 OJ). En conséquence, Me
Christian Favre, avocat, est désigné comme avocat d'office de l'intimé et une
indemnité lui est versée à titre d'honoraires pour la part non couverte par
les dépens réduits. Par ailleurs, il est renoncé à prélever la part de
l'émolument judiciaire qui aurait dû être supportée par l'intimé s'il ne
plaidait pas au bénéfice de l'assistance judiciaire.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis et l'arrêt attaqué est annulé, la cause
étant renvoyée au Tribunal administratif du canton de Vaud pour instruction
complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

2.
Il n'est pas prélevé d'émolument judiciaire.

3.
L'Office fédéral des migrations versera à l'intimé une indemnité de 1'000 fr.
à titre de dépens réduits.

4.
La demande d'assistance judiciaire est admise.

5.
Me Christian Favre, avocat, est désigné comme avocat d'office de l'intimé et
une indemnité de 1'000 fr. lui est versée à titre d'honoraires par la Caisse
du Tribunal fédéral.

6.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Service de la
population du canton de Vaud et au Tribunal administratif du canton de Vaud.

Lausanne, le 10 février 2005

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier:


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.501/2004
Date de la décision : 10/02/2005
2e cour de droit public

Analyses

Art. 14 al. 8 RSEE; art. 5 par. 1 et 2 annexe I ALCP. Moment auquel lesconditions de séjour d'un ressortissant communautaire détenu en prisonpeuvent - au plus tôt - être réglées pour la période postérieure àl'accomplissement de sa peine. L'art. 14 al. 8 RSEE ne précise pas ce moment qui peut intervenir avant lafin de la période de détention afin que l'étranger puisse préparer sonretour à la vie libre en temps utile (consid. 2.1-2.3), mais pas en-deçàd'un délai raisonnable qui peut varier en fonction des circonstances maisqui ne dépassera pas, en règle générale, la durée normale et prévisibled'une éventuelle procédure de recours (consid. 2.4). Cela est compatibleavec l'Accord sur la libre circulation des personnes (consid. 3), dontl'applicabilité en l'espèce doit encore être examinée (consid. 4).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2005-02-10;2a.501.2004 ?
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